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Décisions

CA Rennes, 4e ch., 6 avril 2017, n° 13/08466

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Carpe Diem (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Hubert

Conseillers :

Mme Rauline, Mme Gros

Avocats :

Me Millon, Me Couetmeur, Me Gauvain

CA Rennes n° 13/08466

5 avril 2017

Suivant acte sous seing privé en date du 20 juin 2012, monsieur et madame L. ont vendu aux époux B., par l'intermédiaire de la société CARPE DIEM, un ensemble immobilier sis à FROSSAY, avec création d'une servitude de puisage et de canalisation au profit des époux B.. Il était prévu une commission de 10 000 € au profit de la SARL CARPE DIEM.

La vente était assujettie à l'obtention d'un prêt par les acquéreurs et à la division parcellaire, faisant apparaître une superficie d'au moins 2 250m² pour le bien objet de la vente. Un plan était annexé à la convention faisant apparaître la parcelle vendue à découper dans la parcelle YP n°57. Le prêt était obtenu par les époux B. et la division parcellaire était enregistrée au centre des impôts fonciers.

L'avant veille de la signature de l'acte réitératif, les époux L. ont refusé de vendre au motifs que la mairie de FROSSAY leur avait refusé l'acquisition d'une parcelle communale se trouvant en bordure de la parcelle vendue aux époux B., pour constituer un accès à la partie de parcelle restant enclavée.

Par acte sous seing privé en date du 12 septembre 2012, les époux L. ont consenti aux époux B. une occupation précaire en raison du défaut de preuve de dépôt des courriers relatifs à la loi SRU purgeant le délai de rétractation de monsieur et madame B., de l'état d'enclave du terrain restant la propriété des époux L. et en raison de la non réalisation des travaux d'assainissement. Cette convention d'occupation précaire met à disposition des époux B. l'immeuble vendu avec création d'une servitude de passage au profits des vendeurs.

La réitération de la vente par acte authentique est intervenue le 20 septembre 2012 avec création des servitudes de puisage et de canalisations au profit des acquéreurs et de passage au profit des vendeurs.

Par courrier du 21 septembre 2012, la société CARPE DIEM a mis en demeure les époux B. de payer la commission de 10 000 €.

Par courrier du 24 septembre 2012 les époux B. ont adressé un chèque de 5 000 €.

La société CARPE DIEM a saisi le tribunal d'instance de SAINT NAZAIRE d'une requête en injonction de payer.

Suivant ordonnance en date du 28 mars 2013, il a été fait droit à la demande de la société CARPE DIEM et il a été enjoint aux époux B. de payer la somme de 5 000 €.

Monsieur et madame B. ont fait opposition à cette ordonnance.

Par jugement du 16 octobre 2013, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a:

- déclaré recevable l'opposition formée par Monsieur et Madame B. à l'ordonnance d'injonction de payer;

- mis à néant l'ordonnance rendue le 28 mars 2013 en faveur de la S. A.R. L. CARPE DIEM;

Y substituant,

- débouté la S. A.R. L. CARPE DIEM de sa demande;

- condamné la S. A.R. L. CARPE DIEM à payer à Monsieur et Madame B. la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts;

- condamné la S A R L CARPE DIEM à payer à Monsieur et Madame B. la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamné la S. A.R. L. CARPE DIEM aux entiers dépens.

La société CARPE DIEM a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 28 novembre 2013.

Vu les conclusions du 27 avril 2015 de la SARL CARPE DIEM qui demande à la cour de :

- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par CARPE DIEM;

Y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

* déclaré recevable l'opposition formée par Monsieur et Madame B. à l'ordonnance d'injonction de payer;

* mis à néant l'ordonnance rendue le 28 mars 2013 en faveur de la SARL CARPE DIEM;

* débouté la SARL CARPE DIEM de sa demande;

* condamné la SARL CARPE DIEM à payer à Monsieur et Madame B. la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts;

* condamné la SARL CARPE DIEM à payer à Monsieur B. la somme de 1 500€ en application de l'article 700 du CPC outre les entiers dépens;

Et statuant à nouveau :

- condamner Monsieur et Madame B. à :

* restituer les fonds versés par la SARL CARPE DIEM en exécution du jugement contesté, outre les frais d'exécution forcée réglés par la SARL CARPE DIEM;

* verser à la SARL CARPE DIEM :

- la somme de 5 000 € à titre de solde de commission,

- la somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts,

- la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du CPC outre les entiers dépens.

La société CARPE DIEM soutient que :

* la commission est due à l'agence dès lors que la vente a été régularisée par acte authentique ;

* elle n'a pas manqué à son devoir de conseil, les époux B. connaissaient l'état d'enclave qui résultait de la division de la parcelle, le défaut de notification du délai de rétractation ne génère aucune sanction ;

* les époux B. n'ont subi aucun préjudice puisqu'ils ont pu occuper le logement acquis dès la vente de leur précédent bien ;

* ils n'ont pas perdu de jouissance d'une partie de leur terrain par la servitude de passage puisque le propriétaire du fonds dominant a acquis une autre parcelle qui lui donne un accès à la voie publique et propose de renoncer à sa servitude par acte authentique.

Vu les conclusions du 23 octobre 2014 de monsieur et madame B. qui demandent à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 16 octobre 2013 par le tribunal d'instance de Saint Nazaire en toutes ses dispositions;

- débouter la société CARPE DIEM de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

- condamner la société CARPE DIEM à payer à madame et monsieur B. une somme de 5 000 € au titre des frais d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamner la société CARPE DIEM aux entiers dépens d'appel conformément aux dispositions des articles 699 et suivants du code de procédure civile.

Monsieur et Madame B. soutiennent que :

* l'agent immobilier a engagé sa responsabilité pour défaut de conseil, elle a vendu un terrain enclavé sans s'assurer de la réalité d'une desserte pour la partie de terrain demeurée enclavée ;

* Ils ont été contraints d'acquérir du fait du caractère parfait de la vente et de ce qu'ils avaient quitté leur ancien logement .

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément à la décision critiquée et aux dernières écritures des parties.

L'ordonnance de clôture était rendue le 6 décembre 2016.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la recevabilité de l'opposition à l'ordonnance portant injonction de payer:

La société CARPE DIEM ne présente aucun moyen au soutient de sa demande de réformation du jugement qui a déclaré recevable l'opposition des époux B. à l'ordonnance du 28 mars 2013, après avoir constaté que l'ordonnance avait été signifiée le 10 avril 2013 et l'opposition formée le 11 avril 2013.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la commission de l'agent immobilier:

L'intermédiaire professionnel, qui prête son concours à la rédaction d'un acte, après avoir été mandaté par l'une des parties, est tenu de s'assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l'efficacité juridique de la convention, même à l'égard de l'autre partie.

Dans l'hypothèse où, l'agent immobilier a commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle à l'égard de l'acquéreur tenu, par les termes du compromis, au paiement de la commission, le droit à rémunération prévu par les dispositions de l'article 6 de la loi 70-9 du 2 janvier 1970, ne fait pas obstacle à l'application de l'article 1999 du code civil qui permettent au juge de réduire le montant de cette rémunération.

Le compromis du 20 juin 2012 prévoyait une commission de 10 000 € au bénéfice de la société CARPE DIEM, due par les acquéreurs et payable le jour de l'acte authentique.

Cette commission d'agence est reprise dans l'acte authentique du 20 septembre 2012.

Le compromis du 20 juin 2012 prévoyait la condition suspensive d'une division parcellaire demandée par la SCP MILLET/LAUENT géomètre expert à REZE, les frais de cette division restant à la charge exclusive de l'agence CARPE DIEM.

Le plan joint au compromis faisait apparaître l'état d'enclave de la parcelle demeurant au vendeur à l'issue de la division. Dès lors, il appartenait à l'agence immobilière à laquelle les vendeurs avaient transmis tous les éléments utiles à sa mission, de s'assurer préalablement à la rédaction de l'acte que la situation de division des parcelles n'aurait pas pour conséquence de réduire les droits des acquéreurs au regard du bien acquis.

Le géomètre qui a établi le document d'arpentage du 11 juillet 2012 est intervenu postérieurement au compromis et sous l'autorité de l'agence CARPE DIEM. Dans un mail du 12 septembre 2012, adressé au notaire chargé de la rédaction de l'acte authentique, il écrit qu'il a réalisé son document avec l'assurance de la part de l'agence immobilière que Monsieur et Madame L. avaient l'accord de la commune de FROSSAY pour acquérir la parcelle qui aurait permis l'accès à celle qu'ils conservaient.

A supposer que le géomètre ait agi avec légèreté en ne vérifiant pas ce renseignement auprès de la mairie, ceci n'exonère pas l'agent immobilier de sa responsabilité, dès lors qu'il avait l'obligation de vérifier personnellement cette information, ou de prévoir toute autre solution, avant la rédaction du compromis.

En ne procédant pas à ces vérifications il a commis une faute qui a mis la vente en péril, alors que les acquéreurs avaient obtenu le prêt qu'ils avaient sollicité, et quitté leur précédent logement.

Il est résulté de cette faute un préjudice pour les époux B. qui ont acquis en concédant à leur vendeur une servitude de passage, qui n'avait pas été prévue lors de l'échange des consentement, nonobstant la double circonstance que les époux B. ont été indemnisés par les vendeurs à hauteur de 10 000 € de la servitude passage intervenue entre le compromis et l'acte de vente, et que Monsieur S., propriétaire actuel de la parcelle enclavée déclare dans un écrit du 2 février 2015, qu'il renonce de manière définitive et irréversible à son droit de passage sur la propriété des époux B. et que cette renonciation pourra être officialisée, à leurs frais sur les titres de propriété.

Cette faute justifie que la commission de la société CARPE DIEM soit réduite de moitié, et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté l'agent immobilier de sa demande.

Par voie de conséquence la société CARPE DIEM sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par les époux B.:

L'obstination de la société CARPE DIEM a obtenir la totalité de sa commission, nonobstant sa faute lors de la rédaction du compromis, a causé aux époux B. un préjudice moral qui sera justement indemnisé à hauteur de 3 000 €.

Le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile:

Il apparaît équitable de condamner la société CARPE DIEM à payer à Monsieur et Madame B. une somme de 2 000 € au titre de leurs frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

Y ajoutant,

Déboute la société CARPE DIEM de sa demande de dommages et intérêts;

Condamne la société CARPE DIEM au paiement d'une somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel;

Condamne la société CARPE DIEM aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.