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Décisions

CA Grenoble, 2e ch. civ., 24 mai 2016, n° 12/04817

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Syndicat des copropriétaires Résidence Les Domaines de l’Arselle (Sté)

Défendeur :

Nexity Lamy (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Clozel-Truche

Conseillers :

M. Fournier, Mme Lamoine

Avocats :

Me Roguet, Me Quaglino, Me Manzoni

TGI Grenoble, du 10 juill. 2012, n° 10/0…

10 juillet 2012

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La SA LAMY, aux droits de laquelle est venue la société NEXITY LAMY, a exercé pendant trois ans les fonctions de syndic de la copropriété LES DOMAINES DE L'ARSELLE à CHAMROUSSE, qui est composé de 38 bâtiments.

L'assemblée générale des copropriétaires du 16 mai 2009 n'a pas renouvelé le mandat de la société LAMY et choisi la société SYGESTIM en qualité de nouveau syndic.

Par exploit du 23 septembre 2010 la SA LAMY a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble RÉSIDENCE LES DOMAINES DE L'ARSELLE (le syndicat des copropriétaires) sur le fondement des dispositions de l'article 29 du décret du 7 mars 1967 pour obtenir paiement de la somme de 45.246,27 euros représentant des honoraires de syndic lui restant dus, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure adressée le 30 décembre 2009, outre une indemnité de procédure.

Le syndicat des copropriétaires s'est opposé à cette demande aux motifs que le fait de ne pas avoir prélevé ses honoraires constituait une avance illégale de trésorerie et une faute du syndic, que la société LAMY n'avait pas engagé des actions en recouvrement de charges et qu'il était fondé à soulever l'exception d'inexécution.

Par jugement en date du 10 juillet 2012 le Tribunal a :

- donné acte à la SAS NEXITY LAMY de son intervention volontaire aux droits de la SA LAMY

- condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble RÉSIDENCE LES DOMAINES DE L'ARSELLE à payer à la SAS NEXITY LAMY

* la somme de 45.246,27 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2009,

* une indemnité de procédure de 1.500 euros

- condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble RÉSIDENCE LES DOMAINES DE L'ARSELLE aux dépens distraits au profit de Maître MANZONI, Avocat.

Par déclaration reçue au greffe le 23 octobre 2012 le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de ce jugement dans toutes ses dispositions.

Par conclusions d'appelant N°2 notifiées le 19 mars 2013 le syndicat des copropriétaires demande à la cour:

A titre principal de

- dire et juger que la société NEXITY LAMY a consenti des avances de trésorerie illicites, faussant la réalité des comptes

- constater que la société NEXITY LAMY a été négligente dans le recouvrement des charges dues par certains copropriétaires, accentuant ainsi le déficit de trésorerie, masqué par les avances illicites

- dire et juger que la société NEXITY LAMY a engagé sa responsabilité eu égard à ces actes anormaux de gestion

- dire et juger que ces fautes privent la société NEXITY LAMY de toute restitution de l'avance comptable qu'elle a consentie en ne prélevant pas ses honoraires

- débouter par conséquent la société NEXITY LAMY de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- réformer par conséquent le jugement entrepris

A titre subsidiaire de

- dire et juger que les sommes facturées au titre des états datés, mises en demeure aux fins de recouvrement de charges adressées aux copropriétaires, renseignements notaire, informations légales, administratives et juridiques sur la copropriété et frais administratifs, sont compris dans le forfait annuel payé par les copropriétaires pour la gestion courante de l'immeuble

- réduire par conséquent les demandes de la société NEXITY LAMY à la somme de 36.709,51 euros

En tout état de cause de

- condamner la société NEXITY LAMY à lui payer une indemnité de procédure de 2.000 euros.

D'abord le syndicat des copropriétaires, qui invoque les dispositions des articles 18-1 et 18-2 de la loi du 10 juillet 1965 et de l'article 31 du décret du 17 mars 1967, soutient que le syndic n'a pas le pouvoir de faire des avances de fonds pour le compte du syndicat et que le fait pour le syndic de ne pas prélever ses honoraires constitue une avance de trésorerie illicite, qui est sanctionnée par la non restitution de cette avance.

Il ajoute que la société LAMY n'a jamais averti le syndicat des copropriétaires de ces avances et qu'il s'est abstenu d'engager les actions en recouvrement de créances qui s'imposaient.

Il observe sur ce point que selon l'ordonnance rendue en la forme des référés le 25 février 2009 par le Président du Tribunal de GRENOBLE, seulement saisi par exploit du 10 décembre 2008, la SARL

SFCI copropriétaire restait devoir la somme de 144.377,58 euros au titre des exercices 2007/2008 et du 1er trimestre 2009, .

Il ajoute qu'en comptabilisant ses honoraires au titre des charges, la société LAMY avait 'faussé la comptabilité' laissant penser aux copropriétaires profanes en matière de copropriété qu'elle avait prélevé sa rémunération qu'elle bénéficiait 'd'une trésorerie bien meilleure que la réalité'.

Il fait valoir que si l'annexe 1 de la convocation à l'assemblée générale du 16 mai 2009 comporte une ligne indiquant 'syndic produit à reverser à l'agence' cette mention 'passe totalement inaperçue' faute pour le syndic de 'pointer du doigt de façon précise cet élément'.

Il reproche à la société LAMY d'avoir attendu un an pour engager des actions en recouvrement de charges notamment contre la société SFCI déjà débitrice de la somme de 59.523,59 euros à la fin de l'exercice 2007 et encore d'avoir laissé se constituer un solde débiteur de 22.090,25 euros sur le compte bancaire de la copropriété.

Enfin il expose que les quatre derniers postes des sommes réclamées par la SAS NEXITY LAMY sont déjà inclus dans le forfait annuel pour la gestion courante de l'immeuble.

Par conclusions notifiées le 18 février 2013 la SAS NEXITY LAMY demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer une indemnité de procédure complémentaire de 2.000 euros et aux dépens de la procédure d'appel, distraits au profit de Maître MANZONI, Avocat.

Elle se prévaut :

- des dispositions de l'article 29 du décret du 17 mars 1967

- du contrat de mandat de syndic approuvé le 21 juin 2008 par l'assemblée générale des copropriétaires

- des délibérations ayant approuvé les budgets prévisionnels des exercices 2008 et 2009, comportant le montant des honoraires dus au syndic pour un montant de 57.090 euros pour l'exercice 2008 et de 58.800 euros pour l'exercice 2009.

Elle considère que le syndicat des copropriétaires n'est pas de bonne foi et rappelle que l'assemblée générale de copropriétaires appelée à délibérer sur les comptes de l'exercice 2008, a disposé de l'intégralité des documents financiers parmi les lesquels un document intitulé état financier au 31/12/2008 qui faisait clairement état des dettes et des honoraires de syndic à recouvrer pour un montant qui s'élevait alors à 113.931,12 euros TTC. Elle souligne que la rémunération du syndic n'était pas comptabilisée parmi les charges réglées.

Elle ajoute que les rémunérations dues au syndic ne peuvent être assimilées à des avances puisqu'aucune valeur n'est sortie du patrimoine du syndic.

Si l'absence de prélèvements des honoraires du syndic devait être considérée comme une avance de trésorerie , elle conteste le caractère illicite d'une telle avance alors qu'elle n'a rien dissimulé , que l'avance consentie au titre des honoraires de gestion à compter du 3ème trimestre 2008 est limitée dans sa durée, et alors qu'elle ne les a pas prélevés au regard des problèmes de trésorerie rencontrés préférant acquitter les factures d'eau et EDF de la copropriété.

Elle développe que l'ensemble LES DOMAINES DE L'ARSELLE, qui réunit 395 propriétaires dont certains demeurant à l'étranger, a fait l'objet d'importants travaux de réhabilitation par la SFCI; que les appartements destinés à l'usage de résidence de tourisme ont été livrés en 2006; que les copropriétaires ont conclu des baux commerciaux de locaux de meublés à usage d'habitation avec la société TRANSMONTAGNE déclarée en redressement judiciaire le 10 juillet 2007 puis en liquidation judiciaire le 16 octobre 2007; que certains des copropriétaires auxquels les loyers n'étaient plus payés ont alors cessé de payer les charges; que la copropriété a du supporter les consommations d'eau et d'électricité dont précédemment le gestionnaire faisait l'avance de sorte qu'elle a connu de graves difficultés financières.

Elle ajoute avoir fait toute diligence pour le recouvrement des arriérés de charges par la notification de mises en demeure et l'engagement d'une procédure contre la SFCI saisissant le Président du Tribunal en la forme des référés , la procédure à jour fixe ensuite mise en oeuvre ayant fait l'objet d'un retrait du rôle à l'initiative du nouveau syndic SYGESTIM, qui avait souhaiter en terminer amiablement avec la SFCI.

Elle détaille l'origine de la somme principale de 45.540,84 euros qui est ainsi calculée :

- honoraires de gestion 3ème trimestre 2008 17.121,01 - honoraires de gestion 4ème trimestre 2008 17.121,01 - honoraires de gestion 1er janvier au 17 mai 2009 2.455,49 - état daté 155,00

-mises en demeure aux fins de recouvrement de charges aux copropriétaires 1.620,00

- état daté, renseignements notaire, informations légales administratives et juridiques sur la copropriété 1.065,00

- solde frais administratifs 2008 5.745,98

- coût de la sommation de payer du 20 janvier 2010 294,57

Enfin elle observe que le syndicat des copropriétaires a sollicité seulement en cause d'appel la réduction des sommes réclamées .

Une ordonnance en date du 2 février 2016 clôture la procédure *

SUR CE

Attendu que les dispositions des articles 18, 18-1 et 18-2 de la loi du 10 juillet 1965 et 32 du décret du 17 mars 1967 qui définissent de façon précise les pouvoirs (et obligations) du syndic ne lui confèrent pas celui de faire des avances de fonds pour le compte du syndicat, sauf circonstances particulières pouvant justifier l'application de l'article 1999 du Code civil qui impose au mandant de rembourser au mandataire les avances et frais que celui-ci a fait pour l'exécution de son mandat;

Attendu qu'en l'espèce il ne résulte pas des documents versés aux débats que la société LAMY qui a exercé jusqu'en mai 2009 les fonctions de syndic de la copropriété LES DOMAINES DE L'ARSELLE à CHAMROUSSE, avait averti les copropriétaires des avances qu'elles avait consenties à la copropriété en ne prélevant pas ses honoraires;

Qu'en effet la convocation à l'assemblée générale de la copropriété du 21 juin 2008 ni le procès verbal de cette assemblée générale (pièces 1 et 2 de l'intimée) ne consignent aucune difficulté financière particulière de la copropriété ;

Que si les documents comptables, qui accompagnaient la convocation à l'assemblée générale du 16 mai 2009 au cours de laquelle les copropriétaires étaient appelés à délibérer sur l'approbation des comptes et la désignation du syndic, portaient notamment des honoraires du syndic pour l'exercice clos au 31 décembre 2008 pour un montant de 57.090,02 euros (rémunération) , de 4.908,08 euros (frais postaux ) et 12.456 euros (frais administratifs) , force est de constater à l'examen de l'état financier au 31 décembre 2008 annexé à cette convocation que ce tableau de 19 lignes est libellé en termes particulièrement abscons pour des profanes en matière de comptabilité; que la situation de trésorerie de la copropriété y est mentionnée de la manière suivante ' 512 BQ PALATINE : 22.909,25 €DB' tandis que sont portés sous le poste 'créances nettes de dépréciation 622 honoraires de syndic frais administratifs à 0,44€ DB' et sous le poste 'DETTES' notamment : ''401 TRANSMONTAGNE RÉSIDENCE 41.674,61€ CR' et '462 Syndic: produits à reverser à l'agence ; 113.931,12 € CR', ce poste correspondant aux honoraires non perçus par le syndic s'étant élevé selon ce tableau à 47.377,23€CR au 31 décembre 2007';

Attendu que la société NEXITY, qui est venue aux droits de la société LAMY, ne justifie pas de l'existence de circonstances particulières seules de nature à autoriser l'application des dispositions de l'article 1999 du Code civil ; qu'elle n'établit nullement s'être abstenue de percevoir ses honoraires pendant plusieurs mois sous l'empire de la nécessité;

Q u e s e s a l l é g a t i o n s r e l a t i v e s a u x d i f f i c u l t é s i m p u t a b l e s à l a s i t u a t i o n l a s o c i é t é TRANSMONTAGNE ne sont établies par aucun document, alors qu'au demeurant selon ses écritures la société TRANSMONTAGNE a déclarée en redressement judiciaire le 10 juillet 2007 puis en liquidation judiciaire le 16 octobre 2007 soit antérieurement au commencement de l'exercice 2008;

Qu'il résulte des documents versés aux débats que la société LAMY n'a pas engagé de procédure contre un copropriétaire (la SFCI) de procédure avant le 10 décembre 2008 suite à une mise en demeure délivrée le 24 juillet 2008 de lui payer une somme de 123.338,35 euros, alors que le compte de ce copropriétaire présentait un solde débiteur très important de 144.377,58 euros pour la période du 1er janvier 2007 au 31 mars 2008 selon l'ordonnance rendue le 25 février 2009 par le Président du Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE qui a déclaré cette demande irrecevable comme tardivement exercée sur le fondement de l'article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965;

Attendu en conséquence qu'il convient d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et statuant à nouveau de débouter la société NEXITY de toutes ses demandes;

Qu'au regard aux circonstances de la cause il convient de faire masse des dépens des première instance et d'appel et de les partager par moitié entre les parties;

Qu'aucune considération d'équité ne conduit à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 juillet 2012

Statuant à nouveau

Déboute la société NEXITY LAMY de toutes ses demandes

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit des parties;

Fait masse des dépens des première instance et d'appel et les partage par moitié entre les parties, avec distraction au profit de Maître MANZONI avocat.