Cass. com., 9 février 1999, n° 96-18.267
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. BEZARD
Rapporteur :
M. Huglo
Avocat général :
M. Lafortune
Avocat :
Me Choucroy
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 14 mai 1996), que la société Somestra industries, ayant son siège à Hoenheim (Alsace), a passé commande de tôles d'auge en acier coulé à la société de droit italien Faser, ayant son siège à Rogeno Como (Italie), les tôles devant être revendues à la société de droit belge Econoler pour être insérées dans un extracteur à chaux destiné à la société Cockerill Sambre ; que cette dernère s'est plainte de la qualité des tôles ; qu'informée des difficultés par Econoler, la société Somestra a proposé une expertise amiable à la société Faser et, devant le refus de celle-ci, l'a assignée devant le président de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg, statuant en référé, pour obtenir la nomination d'un expert sur le fondement de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ; que la société Faser a soulevé l'incompétence des juridictions françaises ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Faser fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son exception d'incompétence, alors, selon le pourvoi, qu'il se déduit de l'article 17 de la Convention de Bruxelles qu'une clause attributive de compétence ne peut faire la loi des parties que si elle s'intègre de manière certaine, effective et sans équivoque dans ce qui a été "convenu" entre elles ; que tel n'est pas le cas pour une clause de compétence figurant dans les conditions générales ou assimilées, établies par l'une des parties au regard du contrat cosigné sur son papier d'affaires et ne comportant aucun renvoi exprès à cette clause ; qu'en l'espèce, le bon de commande établi sur papier commercial de Somestrat ne contenait aucun renvoi exprès à la clause attributive de compétence figurant au recto en petits caractère sous la signature des parties dans une rubrique de renseignements généraux sur la société Somestra, pour être reprise seulement au verso à la fin des conditions générales, si bien qu'il n'était pas certain que la société Faser l'ait connue et approuvée ;
que l'arrêt a donc violé le texte susvisé ; et alors, d'autre part, que, dans ces conditions, le problème de compétence territoriale ne pouvait être tranché qu'au regard de la loi italienne, en vertu de la Convention de Rome du 19 juin 1980, ratifiée par la France le 10 novembre 1983 et par l'Italie le 25 juin 1985, laquelle stipule : "La loi du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits, est présumé être celui où réside habituellement, lors de la conclusion du contrat, la partie qui doit fournir la prestation la plus caractéristique" ; que l'arrêt a donc violé ce texte ;
Mais attendu que l'arrêt constate que la clause attributive de compétence aux tribunaux de Strasbourg figure non seulement au recto mais également au verso du bon de commande signé par la société Faser, qu'elle est rédigée en caractères d'imprimerie et figure en bas du recto du bon de commande de manière apparente ; que c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel en a déduit, en application des dispositions de l'article 17 de la Convention de Bruxelles, seules applicables à la cause, que la société Faser avait eu connaissance de la clause litigieuse ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Sur les deuxième et troisième moyens, pris en ses deux branches, réunis :
Attendu que la société Faser fait encore grief à l'arrêt d'avoir ordonné une expertise sur le fondement de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'arrêt n'a pas ainsi recherché, comme l'y invitaient ses conclusions, si la société Somestra n'était pas radicalement privée de qualité et d'intérêt pour agir du seul fait qu'elle avait revendu les tôles dont s'agit aux fins d'intégration dans un extracteur à chaux fabriqué par la société Ecoloner et livré à la société Cockerill Sambre -ce qui la dépossédait de la garantie à elle due éventuellement par la société Faser-, pas plus qu'elle n'était menacée de poursuites par les sociétés Econoler et Cockerill Sambre qui n'étaient pas attraites en la cause actuelle ; que l'arrêt est donc entaché d'un défaut de base légale au regard des articles 30 et suivants et 145 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que l'arrêt a présumé une situation litigieuse entre les parties, sans relever le moindre fondement actuel d'un litige susceptible d'opposer la société Somestra au fabricant et à l'utilisateur de l'extracteur où les tôles avaient été intégrées après leur revente par cette société qui était du reste privée du droit d'agir en garantie à l'encontre de la société Faser, comme en ayant été dépossédée lors de cette revente après réception sans réserve du lot de tôles conçues par la société Somestra, si bien que la mesure d'instruction ordonnée n'était pas légalement admissible ; que l'arrêt a donc violé l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, qu'au prétexte d'un risque de dépérissement des preuves pour caractériser le motif légitime, l'arrêt a détourné ce texte d'exception de sa finalité en permettant à la société Somestra, qui ne disposait d'aucun élément de preuve et qui n'était menacée d'aucune poursuite judiciaire de la part des sociétés Econoler et Cockerill Sambre, la possibilité de prévenir un éventuel procès engagé à son encontre par ces sociétés à l'aide d'une expertise à laquelle celles-ci n'ont pas été sollicitées de prendre part et qui donc leur sera inopposable, aux fins hypothétiques d'une garantie légale a posteriori par la société Faser ; que l'arrêt a donc violé derechef l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient que la société Somestra a passé commande à la société Faser des tôles litigieuses, qu'elle a récupéré les tôles affectées d'un défaut en procédant à leur remplacement en raison de l'urgence et pour diminuer le préjudice de la société Econoler, laquelle s'est plainte auprès d'elle de la qualité des tôles ; que la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision reconnaissant qualité et intérêt à la société Somestrapour solliciter une expertise sur le fondement de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt constate qu'en janvier 1995, la société Econoler s'est plainte des désordres affectant l'extracteur, dus selon elle à la qualité des tôles, que la société Somestra se plaint auprès de la société Faser de la qualité des tôles et que celle-ci estime qu'elles sont conformes au bon de commande, que, les tôles ayant été démontées et se trouvant dans les ateliers de la société Somestra à Strasbourg-Hoenheim, il existe des risques de dégradation par voie d'oxydation ; qu'ainsi, la cour d'appel a constaté l'existence d'un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pouvait dépendre la solution d'un litige ;
Que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.