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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 16 janvier 2018, n° 15/02717

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

AGS IMMOBILIER (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme COMBES

Conseillers :

Mme JACOB, Mme BLATRY

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Le 23 mars 2011, monsieur Didier D. et Madame Valérie B. ont donné, à la société AGS Immobilier exerçant sous l'enseigne Solvimo (AGS) mandat, sans exclusivité, de vendre leur maison d'habitation située sur la commune de Tulette (26) au prix de 265.000,00€, honoraires de l'agent immobilier d'un montant de 15.000,00€ inclus.

Le 11 avril 2011, la société AGS Immobilier a fait connaître à ses mandants l'offre d'achat de Madame Paulette G. au prix de 265.000,00€.

Par courrier du 13 avril 2011, Madame B. a informé la société AGS Immobilier que la maison était retirée de la vente à la suite d'un accord avec monsieur D. concernant la liquidation de la communauté ayant existé entre eux par l'attribution de la maison.

Par lettre du 8 juin 2011, Madame B. a fait part à la société AGS Immobilier de leur volonté de ne pas renouveler le mandat de vente initial.

Suivant exploit d'huissier en date du 12 juillet 2012,la société AGS Immobilier a fait citer Monsieur D. et Madame B., devant le tribunal de grande instance de Valence, à l'effet d'obtenir leur condamnation à lui payer diverses sommes en application du mandat du 23 mars 2011.

Par jugement du 13 novembre 2014, cette juridiction a débouté, tant la société AGS Immobilier que les consorts D./B., de leurs demandes et a condamné la société AGS Immobilier à payer à ses adversaires une indemnité de procédure de 2.500,00€, ainsi que les dépens.

Suivant déclaration du 25 juin 2015, la société AGS Immobilier a relevé appel de cette décision.

Au dernier état de ses écritures en date du 9 septembre 2015, la société AGS Immobilier demande de condamner solidairement Monsieur D. et Madame B. à lui payer des dommages et intérêts d'un montant de 15.000,00€ correspondant à sa rémunération avec intérêts à compter du 11 avril 2011, outre la somme de 3.000,00€ pour résistance abusive, ainsi qu'une indemnité de procédure de 3.000,00€.

Elle fait valoir que :

* les consorts D./ B. ont rompu le mandat au mépris de la force obligatoire du contrat et du principe d'intangibilité des conventions,

* le mandat était irrévocable pour une durée de trois mois,

* elle n'avait pas été informée de la situation de divorce des consorts D./ B., ni du souhait de Madame B. de racheter le bien,

* les consorts D./ B. ont refusé de respecter le mandat liant les parties,

* elle démontre avoir informé les consorts D./ B. de l'offre d'achat de Madame G.,

* en ayant mis fin de façon fautive au mandat avant son expiration, les consorts D./B. engagent leur responsabilité,

* les consorts D./ B. ont commis une faute en retirant la maison de la vente, seulement 21 jours après la signature du mandat, alors qu'elle avait rempli sa mission,

* son préjudice équivaut à la perte de sa rémunération,

* elle a rempli son obligation de conseil comme l'a retenu le premier juge.

Par conclusions récapitulatives du 4 novembre 2015, les consorts D./B. sollicitent la confirmation du jugement déféré et, y ajoutant, la condamnation de la société AGS Immobilier à leur payer la somme de 3.000,00€ au titre de leurs frais irrépétibles.

Ils exposent que :

* dans le cadre de la liquidation de la communauté ayant existé entre eux, ils ont fait estimer leur maison d'habitation,

* informée de cet état de fait, la société AGS Immobilier les a démarchés pour la mise en vente du bien, ce qu'ils ont accepté,

* conformément à leur obligation d'informer le mandataire de toutes modifications juridiques concernant le bien, ils ont avisé la société AGS Immobilier, le 13 avril 2011, de ce que la maison était retirée de la vente au regard de l'accord trouvé entre eux,

* la lettre de Madame G. ne peut être qualifiée de promesse de vente ou de compromis de vente ouvrant droit à la société AGS Immobilier le bénéfice de la clause pénale,

* il n'est pas davantage démontré de comportement fautif de leur part.

La clôture de la procédure est intervenue le 24 octobre 2017.

SUR CE

1/ sur les demandes de la société AGS Immobilier

La question de l'obligation de conseil de l'agent immobilier n'est plus dans la cause.

Aux termes de l'article 6 de la loi Hoguet du 2 janvier 2010, dans sa version applicable en 2011, les honoraires de l'agent immobilier ne sont dus que dans l'hypothèse de la réalisation de la vente.

La société AGS sollicite la condamnation de ses adversaires à lui payer la somme de 15.000,00€ correspondant à sa rémunération et prétend à l'application de la clause pénale inserrée au mandat selon laquelle, notamment, « le mandant s'engage à signer aux prix, charges et conditions convenues toute promesse de vente ou tout compromis de vente, éventuellement assorti d'une demande de prêt immobilier, avec tout acquéreur présenté par le mandataire et, en cas de non respect de cette obligation, s'engage expressément à verser au mandataire une indemnité compensatrice égale au montant de la rémunération prévue au recto ».

En l'espèce, le contrat litigieux ne dispose pas de clause expresse autorisant le mandataire à engager le mandant en le représentant pour conclure la vente, le point B5 concernant les pouvoirs du mandataire pour « établir tous actes sous seing privés aux prix, charges et conditions des présentes et recueillir la signature de l'acquéreur » n'étant pas une clause de représentation expresse.

Par ailleurs, l'offre de Madame G. du 6 avril 2011, ainsi qu'elle le stipule elle-même, est, uniquement, une invitation à régulariser ultérieurement un avant contrat.

Dans ces conditions, aucune vente n'a été conclue et l'agent immobilier ne peut se prévaloir de la clause pénale, alors que l'article 6 susvisé ne permet la perception d'aucune somme d'argent représentative de commissions, de frais de recherches, de démarches, de publicité ou d'entremise quelconque en dehors de la conclusion effective de l'opération.

Les dispositions des articles 1984 et suivants du code civil sur le mandat sont applicables au mandat de l'agent immobilier.

Conformément aux dispositions de l'article 2004 de ce code, le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble.

Dès lors, le mandat donné à un agent immobilier, n'étant pas un mandat d'intérêt commun, permet au mandant de le révoquer unilatéralement, sauf au mandataire de prouver que son co-contractant a abusé du droit de révocation et lui a causé un préjudice, dont il lui doit réparation.

Ainsi, il appartient à la société AGS Immobilier, pour obtenir la condamnation des mandats à lui payer des dommages-intérêts, de démontrer que ceux-ci ont abusé du droit de révocation et lui ont causé un préjudice.

En l'espèce,la société AGS Immobilier reproche à Monsieur D. et à Madame B. le retrait de la maison de la vente alors qu'elle avait rempli sa mission.

A l'appui de ses prétentions, elle produit aux débats le mandat, son télégramme du 11 avril 2011, le courrier de Madame B. du 13 avril 2011 sur le retrait du bien à la vente, le courrier de son conseil à ses mandants les mettant en demeure de lui payer la somme de 15.000,00€ et l'offre d'achat de Madame G..

Cette simple reprise chronologique des relations des parties est insuffisante à caractériser, tant une faute des intimés, qu'un préjudice pour l'appelante.

Par ailleurs,la société AGS Immobilier, succombant, échoue à démontrer la résistance abusive à paiement qu'elle allègue à l'encontre de ses contradicteurs.

Par voie de conséquence, c'est à bon droit que le tribunal a débouté la société AGS Immobilier de l'ensemble de ses prétentions.

2/ sur les mesures accessoires

La cour estime devoir faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice de Monsieur D. et Madame B..

Enfin, la société AGS Immobilier supportera les dépens de la procédure d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société AGS Immobilier à payer à Monsieur Didier D. et Madame Valérie B. la somme de 2.500,00€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société AGS Immobilier aux dépens de la procédure d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.