CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 5 novembre 2015, n° 14/20503
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
H8 INVEST (SAS)
Défendeur :
EMAS DIGITAL (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme PICARD
Conseillers :
Mme ROSSI, M. BOYER
Le 13 novembre 2011, la société Emas, aux droits de laquelle est venue la Sas Emas Digital a acquis de Monsieur C. et de la Sas H 8 Invest 83% du capital de la Sas AR Technology (ci-aprèsART), qui elle-même détenait les sociétés Autoreflex.comet Etoilecasting.com, ces trois dernières sociétés étant désignées sous l'appellation « Groupe Autoreflex ».
Le contrat d'acquisition prévoyait que Monsieur C., fondateur du groupe, et la Sas H8 Invest, société contrôlée par Monsieur C., conservaient une participation minoritaire au capital.
Le même jour un pacte d'associés a été signé ainsi qu'une promesse d'achat et de vente aux termes de laquelle Emas, d'une part, et Monsieur C. et la Sas H8 Invest, d'autre part, se consentaient mutuellement des promesses d'achat et de vente croisées sur le solde des actions détenues par ces derniers.
Un contrat de management a également été signé le même jour, prévoyant la poursuite de l'exercice par Monsieur C. de ses fonctions au sein du groupe et une convention de services avec la Sas H8 Invest.
Enfin, le 16 novembre 2011, la Sas H8 Invest, en garantie de ses obligations de garantie, a accepté de nantir au profit de la société Emas les actions de ART qu'elle continuait à détenir.
Le 18 septembre 2012, à effet du 30 novembre 2012, Monsieur C. a démissionné de ses mandats au sein du groupe au motif que compte tenu des divergences stratégiques avec le nouvel actionnaire, il ne disposait plus des moyens nécessaires pour mettre en place sa propre stratégie. Puis par lettre RAR du 31 octobre 2012, notifiée le 5 novembre, Monsieur C. a informé EMAS et ART qu'il démissionnait de ses fonctons d'administrateur avec effet immédiat et non au 30 novembre, compte tenu de l'impossibilité alléguée d'exercer ses mandats.
Le 12 novembre 2012, suite à cette démission, Monsieur C. et la Sas H8 Invest ont exercé l'option de vente sur les actions de ART qu'ils détenaient conformément aux accords signés avec la société Emas, en chiffrant à 2.222.359,75 euros la valeur de ces actions, calculée selon la formule stipulée à la promesse en cas de démission avant le 31 décembre 2012, en fonction de l'EBITDA de ART pour l'exercice 2010.
La société Emas a alors invoqué le fait que Monsieur C. n'avait pas respecté le préavis de 4 mois convenu dans le contrat de management en cas de démission de sa part, et a contesté de ce fait la validité de l'exercice de l'option de vente par Monsieur C. et la Sas H8 Invest.
Par acte du 7 mars 2013 , la Sas H8 Invest et Monsieur C. ont assigné la Sas Emas Digital en demandant au tribunal de commerce de Paris de dire qu'ils ont valablement exercé l'option de vente en date du 12 novembre 2012.
Par un jugement contradictoire du 19 septembre 2014 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a débouté Monsieur C. et la Sas H8 Invest de leurs demandes, a dit que la vente à la Sas Emas Digital des 83.558 actions de la société AR Technology détenues par Monsieur C. et la Sas H8 Invest pour le prix global d'un euro était parfaite, a dit qu'en conséquence ces cessions devaient être inscrites dans les registres des mouvements de titres et les comptes d'actionnaires de la société AR Technology, a donné acte à la Sas Emas Digital de son affirmation selon laquelle elle notifiera la mainlevée du nantissement consenti le 16 novembre 2011 et portant sur le compte d'instruments financiers ouvert au nom de la société H8 Invest dans les livres de la société AR Technology et sur lesquels figurent 83.557 actions détenues par la Sas H8 Invest, a débouté la société Emas de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, a condamné Monsieur C. et la Sas H8 Invest, ensemble, à payer 20.000 euros à la Sas Emas Digital au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
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Monsieur C. et la Sas H8 Invest ont interjeté appel de cette décision le 13 octobre 2014.
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L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 juin 2015.
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Dans des conclusions notifiées par voie électronique le 24 juin 2015, Monsieur C. et la Sas H8 Invest demandent à la cour, au visa des articles 1134 et 1650 du Code Civil et des dispositions statutaires de :
A titre principal
- Déclarer Monsieur C. et la Sas H8 Invest recevables et bien fondés en leur appel,
- Constater que Monsieur C. et la Sas H8 Invest ont valablement exercé le 12 novembre 2012, par lettre recommandée adressée à la société Emas Digital, l'option de vente dont ils bénéficiaient aux termes de l'article 3.2(a) du Contrat d'Option de Vente et d'Achat (Put and Call Option Agreement) du 13 novembre 2011.
En conséquence,
- Infirmer le jugement rendu le 19 septembre 2015,
Statuant à nouveau,
- Juger parfaite en date du 12 novembre 2012 la vente des 83.558 actions de la société AR Technology détenues par Monsieur C. et la Sas H8 Invest au profit de la société Emas Digital pour un prix de 2.222.359,75 euro,
- Ordonner la mainlevée du nantissement consenti par la société H8 Invest au profit de la société Emas Digital en date du 16 novembre 2011 et portant sur le compte d'instruments financiers ouvert au nom de la société H8 Invest dans les livres de la société AR Technology et sur lesquels figurent 83.557 actions détenues par la Sas H8 Invest,
- Juger que le contrat de nantissement de comptes de titres financiers conclu entre la Sas H8 Invest et Emas Digital en date du 16 novembre 2011 est caduc pour défaut d'objet,
- Ordonner l'exécution forcée du paiement par la société Emas Digital du prix de cession d'une action de la société AR Technology dû à Monsieur C. en application du Contrat d'Option de Vente et d'Achat du 13 septembre 2011, soit la somme de 26,60 euros sous astreinte de 10,000 euros par jour de retard,
- Ordonner l'exécution forcée du paiement par la société Emas Digital du prix de cession d'une action de la société AR Technology dû à la Sas H8 Invest en application du Contrat d'Option de Vente et d'Achat du 13 septembre 2011, soit la somme de 26,60 euros sous astreinte de 10,000 euros par jour de retard,
- Juger que les prix de cession des actions objet de l'option de vente revenant respectivement à Monsieur C. et à la Sas H8 Invest porteront, à compter du 27 décembre 2012 et jusqu'à la date du parfait paiement de ces prix de cession, intérêt au taux directeur de la Banque Centrale Européenne augmenté de 300 points de base,
Sur la demande subsidiaire et reconventionnelle de l'intimée
- Juger que Monsieur C. et la Sas H8 Invest n'ont pas engagé leur responsabilité contractuelle en levant l'option de vente dont ils bénéficiaient aux termes de l'article 3.2(a) du Contrat d'Option de Vente et d'Achat du 13 septembre 2011,
- Débouter Emas Digital de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à titre subsidiaire et reconventionnel,
Sur la demande à titre reconventionnel de l'intimée
- Juger que la levée par Emas Digital en date du 24 janvier 2013 de l'option d'achat dont elle bénéficiait aux termes de la promesse d'achat et de vente du 13 septembre 2011 est nulle et non avenue pour défaut d'objet,
- Débouter Emas Digital de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à titre reconventionnel,
En tout état de cause,
- Condamner la société Emas Digital à payer à Monsieur C. et à la Sas H8 Invest la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
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Dans des conclusions notifiées par voie électronique le 10 juin 2015, la Sas Emas Digital demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 du Code Civil de
A titre principal
- Confirmer le jugement du 19 septembre 2014 dans l'intégralité de ses dispositions,
En conséquence,
- Débouter Monsieur C. et la Sas H8 Invest de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire dans l'hypothèse où la levée de l'option de vente du 12 novembre 2012 par Monsieur C. et la société H8 Invest serait jugée régulière,
- Juger que Monsieur C. et la Sas H8 Invest ont violé leur obligation d'exécuter, de bonne foi, la Promesse d'Achat et de vente en violant leur obligation respective de respect d'un préavis de 4 mois consacré aux articles 6 du Contrat de Management et 2 de la Convention de Services,
- Juger que cette violation de leur obligation a causé un préjudice de 2.222.358,75 euros à la société Emas Digital,
En conséquence,
- Condamner solidairement Monsieur C. et la Sas H8 Invest à indemniser la société Emas Digital de l'intégralité de son éventuel préjudice,
- Ordonner la compensation des condamnations qui seraient prononcées entre les parties,
En tout état de cause
- Condamner Monsieur C. et la société H8 Invest à verser, chacun, à la société Emas Digital la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
SUR CE,
Sur la régularité de la mise en 'uvre de l'article 3.2 de la Promesse d'Achat et de Vente par Monsieur C. et la SAS H8 Invest
Les appelants font valoir que, la démission de Monsieur C. de ses fonctions au sein du groupe constitue un cas de Mauvais Sortant (bad leaver), obligeant de ce fait la Sas Emas Digital à exécuter son engagement d'achat résultant de l'exercice par Monsieur C. et la Sas H8 Invest de l'Option de Vente dont ils bénéficiaient aux termes du Contrat d'Option de Vente et d'Achat.
Ils rappellent qu'aux termes de l'article 3.2 dudit Contrat d'Option de Vente et d'Achat chaque partie pouvait exercer son option sur l'ensemble des actions dans un délai de trois mois suivant la cessation du mandat de Monsieur C. intervenant avant le 1er janvier 2015 à la suite de la démission par Monsieur C. de son mandat. Or la démission de Monsieur C. du mandat au sein du groupe Autoreflex constitue un cas de 'Mauvais sortant' ouvrant droit à l'exercice de l'option de Vente portant sur l'intégralité des actions AR Technology qu'ils détiennent. Les appelants soulignent que ce point n'a jamais été contesté par l'intimée et qu'il a été confirmé par le tribunal de commerce de Paris dans son jugement du 19 septembre 2014. Par ailleurs, les appelants contestent l'argument adverse en ce qu'il faudrait concomittamment à la démission, une résiliation de la Convention de Services pour qu'il y ait « cas de mauvais sortant » au motif que la survenance de l'un ou l'autre de ces évènements constitue à elle seule un cas d'exercice de l'Option de Vente, la résiliation ayant un caractère alternatif et non cumulatif.
Les appelants avancent que dès lors qu'il y avait cas de Mauvais Sortant, l'Option de Vente pouvait être exercée. Ils prétendent qu'il ressort des termes du Contrat d'Option de Vente et d'Achat que cet exercice pouvait intervenir dès la date de cessation du mandat, et par conséquent à la date d'effet de démission de Monsieur C. et non pas comme l'affirment l'intimée et le jugement de première instance après expiration d'un préavis de quatre mois.
Les appelants considèrent que le mandat de Monsieur C. a pris fin le 5 novembre 2012, date à laquelle l'option a été exercée par eux, et non à l'expiration d'un préavis de quatre mois. A l'appui de cette affirmation, ils font valoir que les articles L227-5 et L227-6 du Code de Commerce laissent aux statuts des sociétés par actions simplifiées le soin de prévoir les conditions dans lesquelles les mandats des dirigeants sociaux seront exercés, or en vertu des articles 12.1 et 12. 3 des stipulations statutaires de la Sas AR Technology, les fonctions de membre du Conseil d'administration et de Président prendront automatiquement fin par la démission, laquelle n'a pas à être acceptée par le mandant en vertu de l'article 2007 du Code Civil.
Ils estiment que c'est à tort que le tribunal de commerce de Paris a cru bon de constater que le Contrat de Management et le Contrat d'Option d'Achat et de Vente formaient un tout indivisible conduisant à ce que ce dernier soit exécuté sous les conditions du premier. Ils avancent que ce serait une interprétation erronée de la volonté des parties, les termes de l'article 13.1 du Contrat d'Option d'Achat et de Vente précisant que ce contrat « constitue le seul accord existant entre les parties eu égard à l'objet des présentes » et que donc il est autonome et indépendant. De plus, l'article 3.2 dudit Contrat démontre également que la volonté des parties n'était en aucun cas de lier lesdits contrats puisqu'il précise que le non respect de ce dernier ne saurait impacter le premier.
Les appelants font également valoir que l'exercice valide de l'option de vente en date du 12 novembre 2012, suite à un cas de Mauvais Sortant, aurait pour conséquence l'application des modalités et conditions prévues par le Contrat d'option d'Achat et de Vente en cas de Mauvais Sortant. Ils justifient du prix, contesté par l'intimée a priori sans justification, en avançant que la somme de 2.222.359,75 euros pour l'intégralité des 83.558 actions résulte de la formule S x [ (m x E) + N ] où, aux termes de l'article 5 du Contrat d'option d'Achat et de Vente, S vaut 83.558/ 617.513, m vaut 7, E vaut 2.700.000 euros correspondant à l'EBITDA sur la base des comptes certifiés du groupe Autoreflex pour l'exercice clos du 31 janvier 2010, et N vaut (- 2.476.246 euros), correspondant à la situation financière nette consolidée sur la base des comptes certifiés du groupe Autoreflex pour l'exercice clos du 31 décembre 2011.
Par ailleurs, les appelants affirment que dès lors que l'option de Vente serait parfaite, le Contrat de nantissement serait devenu sans objet, ce qui justifierait la mainlevée du nantissement par la Cour.
La société Emas Digital soutient qu'un délai de préavis de quatre mois est opposable à Monsieur C. en raison du Contrat de management. Elle prétend que toutes les conventions conclues entre les appelants et elle dans le cadre de l'acquisition constituent un ensemble contractuellement indivisible au motif que l'identité des parties et la signature des contrats le même jour sont des éléments qui permettent à eux seuls de constater l'indivisibilité. Elle conteste l'argument selon lequel l'article 13.1 de la Promesse d'Achat et de Vente écarte cette indivisibilité en précisant que les appelants occultent délibérément l'article 13.2 de ladite promesse qui stipulerait expressément que le Préambule de la promesse d'Achat et de vente fait partie intégrante du contrat qui est opposable aux parties, ce dernier faisant référence à l'ensemble des contrats conclus entre les parties. Dès lors, le préavis de quatre mois prévu par l'article 6 du Contrat de management devait trouver à s'appliquer s'agissant de l'exercice de l'Option de Vente, en vertu de l'article 1134 du Code civil qui dispose que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
De plus, la société Emas conteste le fait que les statuts donneraient un effet immédiat aux démissions et que donc le préavis de quatre mois y serait contraire : elle rappelle que les articles des statuts du groupe prévoient uniquement que le cessation des fonctions de membre au Conseil d'administration et de Président intervient immédiatement à la démission, or cela ne signifie pas pour autant que la démission est immédiatement effective sans délai de prévenance.
Elle fait donc valoir que la démission était subordonnée au préavis de quatre mois et ne pouvait prendre effet que le 18 janvier 2013, ainsi toute levée d'option avant cette date ne pouvait avoir d'effet juridique, cette dernière n'étant pas conforme aux conventions passées entre les parties le 13 novembre 2011.
Par ailleurs, l'intimée fait remarquer que le fait que la démission soit un acte unilatéral n'exonère pas l'individu de respecter les obligations qui lui sont opposables comme le délai de prévenance.
La cour relève que le 13 novembre 2011 quatre contrats ont été conclus entre les parties, à savoir la société H8 Invest et Monsieur Jean-Philippe C. d'une part et la société Emas d'autre part.
Le premier contrat était un contrat d'achat (Share Puchase Agreement) des actions de la société AR Technology, le second contrat un contrat d'option de vente et d'achat (Put and Call Option Agreement) sur le solde des actions non inclues dans le premier contrat, le troisième contrat un contrat de gestion (contrat de service avec H8 Invest et contrat bde management avec M. C.) et enfin un pacte d'associés (ART Shareholder's Agreement).
Le pacte d'associés précise dans ses dispositions finales que l'ensemble des contrats signés le même jour constituent la commune intention des parties concernant la transaction.
De même, le contrat d'option vise dans son préambule les autres contrats dont le contrat de gestion.
L'économie de ces contrats était notamment de confier à Monsieur C. un rôle opérationnel dans le groupe Autoreflex en lui laissant conserver personnellement et à travers la holding H8 Invest un pourcentage du capital de ART. C'est aini qu'il lui était consenti des mandats sociaux aux conseils d'administration d'ART et d'Autoreflex. Par ailleurs les associés se consentaient mutuellement des promesses d'achat et de vente sur les actions conservées par Monsieur C. et H8 Invest.
Il ressort de la nature et de l'objet de ces conventions que ces dernières sont incontestablement liées, ce qui n'est contesté par aucune des parties.
L'article 3-2 du Contrat d'option prévoit l'exercice accéléré des options de vente et d'achat en cas de cessation du mandat du vendeur ou du contrat de services. Aux termes de cette stipulation '...il est expressément convenu par les présentes qu'une condition substantielle des Contrats Juridiquement Contraignants (y compris notamment le Contrat d'Achat d'Actions et la présente Option de Vente et d'Achat), à défaut de laquelle l'Acquéreur n'aurait pas conclu lesdits contrats est la continuation, si l'Acquéreur le demande, de la coopération de H8 Invest et de M. C. avec le Groupe Autoreflex respectivement en vertu du Contrat de Services et en qualité de membre du conseil d'administration des société du Groupe Autoreflex et de Président d'Autoreflex, selon les conditions énoncées dans les statuts de la /des société (s) concernées, le Pacte d'Actionnaires.
(...) Chaque Partie pourra exercer son option pour l'ensemble des Actions dans un délai de 3 mois suivant la cessation du Mandat de M. C. (ou la résliation du Contrat de Services) dans chaque cas intervenant avant le 1er janvier 2015 à la suite de :
a) (...) Ou la démission de M. C. de son Mandat pour tout motif autre qu'une Violation Matérielle du Contrat de Service par la société concernée du Groupe Autoreflex ( clause de mauvais sortant).'
Il ressort de ces dispositions que la démission de Monsieur C. de ses mandats sociaux au sein d'Autoreflex et d'ART avant le 1er janvier 2015 constitue un cas de mauvais sortant et permet à Monsieur C. et à H8 Invest d'exercer leur option de vente sur les actions d'ART qu'ils détiennent encore.
Aux termes du paragraphe 6 du contrat de management, la démission de Monsieur C. de ses mandats sociaux et la résiliation anticipée du contrat de services par H8 Invest pour quelque motif que ce soit seront soumises à un préavis de quatre mois.
Selon les dispositions de l'article 2007 du code civil la démission d'un dirigeant social constitue un acte juridique unilatéral et produit ses effets dès qu'il a été porté à la connaissance de la société. Il peut être dérogé à cette règle par la commune intention des parties de lier la date d'effet de la démission avec la fin du préavis.
Dans le cas contraire la méconnaissance de l'obligation de respecter un préavis peut seulement ouvrir droit à des dommages et intérêts si certaines conditions sont réunies.
En l'espèce, la disposition relative au préavis de démission est incluse dans le contrat de management signé par Monsieur C., la société H8 Invest et la société Emas, lequel mentionne certes les autres contrats signés le même jour mais ne précise ni que la démission ne prendra effet qu'à l'expiration du préavis ni plus clairement que l'option ne pourra se faire qu'à l'expiration du préavis. Il est à noter que les sociétés dans lesquelles Monsieur C. détient un mandat et dans lesquelles H8 Invest intervient au titre du contrat de services ne sont pas parties à ce contrat de management.
Il en est de même du contrat d'option qui ne précise pas que la démission de Monsieur C. ne peut prendre effet qu'à l'expiration du préavis stipulé dans le contrat de management.
Ainsi, la cour considère qu'aucun élément n'existe qui établirait que la commune intention des parties était de lier la date de levée de l'option de vente en cas de mauvais sortant à la fin du préavis de démission.
Il en résulte que la démission de Monsieur C. a produit ses effets le 5 novembre 2012, jour où la société Emas a reçu la lettre de démission.
C'est donc à tort que la société Emas considère que la démission litigieuse ne pouvait prendre effet qu'à l'expiration du délai de préavis de quatre mois.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement attaqué.
Sur l'exercice de l'option de vente
Aux termes de l'article 3-2 du contrat d'option Monsieur C. et la société H8 Invest disposaient d'un délai de trois mois à compter de la survenance du cas de mauvais sortant pour notifier à Emas leur volonté d'exercer l'option de vente Ils ont notifié leur volonté le 12 novembre 2012, soit dans le délai imparti.
Il en résulte que la vente des actions restantes de la société ART à Emas est devenue parfaite le 12 novembre 2012.
L'article 5 du contrat d'option de vente et d'achat détermine le calcul du montant du prix d'acquisition.
La cour constate que la société Emas Digital ne conteste pas utilement le calcul du prix des actions selon la formule de l'article 5 du contrat d'option. Il est à noter qu'elle aurait pu saisir un expert si elle l'avait souhaité en application de l'article 5.3.2 du contrat d'option.
Il convient en conséquence de condamner la société Emas Digital à payer à Monsieur C. la somme de 26, 60 euros pour l'action qu'il détient dans AR Technology et à la société H8 Invest la somme de 2.222.333, 15 euros pour les 83.557 actions de la société Art Technology qu'elle détient.
La demande tendant à voir prononcer une astreinte sera rejetée.
Ces sommes porteront intérêt à un taux égal au taux directeur de la Banque Centrale Européenne augmenté de 300 points de base à compter du 27 décembre 2012 en vertu des stipulations contractuelles de l'article 9.2 du contrat d'option.
Il convient également d'ordonner la mainlevée du nantissement des actions de H8 Invest et de constater la caducité du contrat de nantissement.
Sur la demande subsidiaire de la société Emas
La société Emas fait valoir en premier lieu que Monsieur C. et la société H8 Invest ont commis une faute dans l'exercice déloyal de leur prérogative contractuelle en démissionnant à un moment où ils pouvaient valoriser le prix de leurs actions.
En effet si la cour devait considérer que les délais de préavis contractuels étaient inopposables à Monsieur C. et à la SAS H8 Invest au titre de leur option de vente le 12 novembre 2012, les appelants ne pourraient avoir obtenu la somme de 2.222.359,75 euros de ladite vente qu'en ayant violé délibérément leur obligation de préavis au titre du Contrat de Management. Elle sollicite donc la condamnation de Monsieur C. et de la société H8 Invest à lui payer des dommages et intérêts à hauteur du prix des actions qu'elle devrait payer.
Elle ajoute que les appelants ne peuvent pas pour justifier leur non exécution du Contrat de Management et de la Convention de Services invoquer la responsabilité de la Sas Emas Digital en avançant que les préavis n'ont pas été respectés en raison de l'empêchement de Monsieur C. suite à des divergences stratégiques avec l'intimée. Et ce, sans démonstration faite des divergences stratégiques alléguées et de l'empêchement prétendu de Monsieur C..
Il résulte de cette faute d'exécution qu'elle a subi un véritable préjudice puisque les actions de Monsieur C. et de la Sas H8 Invest ont profité d'une meilleure valorisation. Elle relève que les appelants pourraient suite à la violation délibérée de leurs propres obligations contractuelles obtenir un prix de cession supérieur de 2.222.358,75 euros à celui qui serait résulté d'une application régulière et de bonne foi du Contrat d'Option. L'intimée écarte l'argument adverse selon lequel l'aléa afférent au Contrat d'Option empêcherait l'indemnisation de son préjudice en avançant que la Sas Emas Digital n'a jamais déchargé les appelants de leurs obligations de préavis, ni accepté l'exercice de leur option de vente alors même qu'elle considérait que les conditions d'exercice n'étaient pas réunies : dans la jurisprudence citée par les parties adverses, cela avait été le cas.
Enfin elle fait valoir que la clause exonératoire de responsabilité invoqué par les appelants n'est pas applicable en l'espèce puisqu'elle cherche uniquement à faire sanctionner la violation de l'obligation de préavis de quatre mois par Monsieur C. et la Sas H8 Invest.
Les appelants contestent la mise en jeu de leur responsabilité contractuelle en faisant valoir que le seul préjudice dont l'intimée se prévaut est l'exécution de mauvaise foi de ses cocontractants. Les appelants avancent que le montant de ce préjudice correspondant à la valeur des 83.558 actions déductions faite de l'euro symbolique que la SAS était prête à payer, ce qui tend à montrer la seule volonté de l'intimée d'échapper à ses obligations contractuelles en cas d'infirmation du jugement litigieux quant à la régularité de l'option de vente du 12 novembre 2012.
De plus, la mauvaise foi alléguée ne saurait être démontrée puisque les cocontractants étaient persuadés de ne pas avoir à respecter un quelconque préavis en application des termes du Contrat d'Option. D'autant que si le respect d'un préavis n'a pas été rendu possible, ce serait surtout la faute de l'intimée qui est à l'origine de l'impossibilité pour Monsieur C. d'agir, ce dernier ne pouvant pas exécuter sa stratégie en raison de l'opposition de la Sas Emas Digital. On ne saurait donc lui reprocher d'être parti précipitamment.
Les appelants font valoir que si la cour devait reconnaître qu'il y avait exécution de mauvaise foi fautive constituant un préjudice indemnisable, elle ne pourrait pour autant faire droit à la demande de l'intimée. Ils avancent que si l'intimée se prévaut d'une jurisprudence de la Cour de Cassation du 21 mars 2012, pour fonder son action en responsabilité, elle en dénature le contenu et la portée : certes le juge peut sanctionner l'usage déloyal d'une prérogative contractuelle, mais il ne peut à aucun moment porter atteinte, par ce biais, à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties.
Ils affirment que si la cour venait faire droit à la demande de l'intimée, elle irait à l'encontre de ce principe en vidant le contrat de sa substance, et ce du fait de la correspondance de la somme demandée par l'intimée sus mentionnée.
De surcroît, la cour ne pourrait faire droit à ladite demande car le préjudice ne serait pas réparable du fait de l'aléa qui s'attache au Contrat d'Option d'Achat et de vente, l'espérance de gain n'étant qu'éventuelle du fait de l'incidence des circonstances sur le prix d'exercice de l'Option de Vente.
Si la cour devait reconnaître un exécution fautive de mauvaise foi, les appelants affirment que l'absence de lien de causalité entre la prétendue faute et le dommage, le dommage ne résultant non pas de la faute mais des termes même du Contrat d'Option, s'oppose à toute indemnisation du préjudice allégué.
Enfin, les appelants rappellent qu'en vertu de l'article 3.2 du Contrat d'Option de Vente et d'Achat, le non respect du Contrat de gestion n'a pas d'incidence sur le Contrat d'Option, ils prétendent que cet article est une clause exonératoire de responsabilité de telle sorte qu'on ne peut engager leur responsabilité pour défaut d'exécution du Contrat de management au titre du Contrat d'Option de Vente et d'Achat.
La cour rappelle qu'elle a considéré que la société H8 Invest et Monsieur C. ont régulièrement exercé leur option de vente des actions d'ART et qu'en le faisant avant le 31 décembre 2014 ils ont été pénalisés par la clause de mauvais sortant. Aucune faute supplémentaire ne peut donc leur être reprochée sur ce point.
En revanche l'obligation conventionnelle de respecter un préavis peut ouvrir droit à des dommages-intérêts sauf pour le dirigeant démissionnaire à établir qu'il était dans l'impossibilité de continuer le mandat.
Il est à noter sur cette faute alléguée que la clause exonératoire de responsabilité de l'article 3.2 du contrat d'option n'est pas applicable à la faute résultant du non respect du préavis de démission figurant dans le contrat de management, cette clause ne visant que la cessation anticipé des fonctions de Monsieur C. avant le 31 décembre 2014.
En l'espèce Monsieur C. ne produit aucune pièce probante susceptible d'établir qu'il était dans l'impossibilité de continuer son mandat.
Il produit sa lettre de démission du 18 septembre 2012 qui fait état de tensions et des reproches qui lui sont faits sur sa gestion ne mentionne aucun fait précis qui montrerait qu'il n'a pu exercer son mandat. Les autres courriers produits, qu'ils émanent de lui ou d'Emas sont postérieurs à sa démission et ne peuvent donc la motiver. Ils ne mentionnent d'ailleurs aucun fait précis antérieur à la démission. Il en est de même de la réunion du conseil d'administration de la société Autoreflex du 29 octobre 2012 pour laquelle Monsieur C. se plaint d'avoir été marginalisé et qui étant postérieur à sa démission ne peut en être même partiellement la cause.
Il convient en conséquence de retenir que Monsieur C. en n'effectuant pas son préavis de quatre mois prévu par le contrat de management le liant à la société Emas Digital a commis une faute engageant sa responsabilité. Il en est de même pour la société H8 Invest qui a interrompu son contrat de service avant l'expiration du délai de préavis.
Le préjudice qui en est résulté pour la société Emas Digital est constitué par la nécessité de faire face soudainement à la démission de Monsieur C. qui était fondateur des sociétés cédées et qui y exerçait des fonctions de responsabilité importantes.
Emas Digital s'est trouvée du fait du non respect du préavis dans l'impossibilité d'organiser sereinement la succession de Monsieur C. et de H8 Invest et a été affectée par une certaine désorganisation alors que sa situation financière des sociétés cédées était mauvaise.
Compte tenu de ces éléments il convient d'évaluer le préjudice subi par la société Emas à la somme de 250.000 euros.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Monsieur C. et la société H8 Invest sollicitent le paiement de la somme de 50.000 euros à ce titre.
Il ne serait pas équitable de laisser à leur charge les sommes qu'ils ont exposées et qui ne sont pas comprises dans les dépens.
Il leur sera en conséquence alloué la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 19 septembre 2014,
Statuant à nouveau,
Dit que la vente des 83.558 actions de la société Art Technology est intervenu le 12 novembre 2012,
Condamne la société Emas Digital à payer à Monsieur Jean-Philippe C. la somme de 26, 60 euros en paiement du prix d'une action de la société Art Technology,
Condamne la société Emas Digital à payer à la société H8 Invest la somme de 2.222.333, 15 euros en paiement du prix de 83.557 actions de la société Art Technology,
Dit que ces sommes porteront intérêt à un taux égal au taux directeur de la Banque Centrale Européenne augmenté de 300 points de base à compter du 27 décembre 2012,
Ordonne la mainlevée du nantissement consenti par la société H8 Invest au profit de la société Emas Digital en date du 16 novembre 2011 et portant sur le compte d'instruments financiers ouvert au nom de la société H8 Invest dans les livres de la société AR Technology et sur lesquels figurent 83.557 actions détenues par la Sas H8 Invest,
Dit que le contrat de nantissement de comptes de titres financiers conclu entre la Sas H8 Invest et Emas Digital en date du 16 novembre 2011 est caduc pour défaut d'objet,
Condamne in solidum Monsieur Jean-Philippe C. et la société H8 Invest à payer à la société Emas Digital la somme de 250.000 euros à titre de dommages et intérêts,
Ordonne la compensation,
Condamne la société Emas Digital à payer à Monsieur Jean-Philippe C. et à la société H8 Invest la somme totale de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la société Emas Digital aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.