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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 15 novembre 2024, n° 24/05313

PARIS

Ordonnance

Autre

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

L. 552-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU 15 novembre 2024

(1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 24/05313 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKJ7L

Décision déférée : ordonnance rendue le 13 novembre 2024, à 15h03, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux

Nous, Stéphanie Gargoullaud, présidente de chambre à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Nolwenn Hutinet, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT

LE PREFET DE LA SEINE SAINT DENIS

représenté par Me Sophie Schwilden du cabinet Schwilden-Gabet, avocat au barreau de la Seine-Saint-Denis

INTIMÉ

M. [L] [C] alias [J] [R] né le 11 novembre 1995 à [Localité 2] de nationalité algérienne se disant [Y] [R], de nationalité algérienne

né le 11 Novembre 2003 à [Localité 1]

de nationalité algérienne

Ayant pour conseil choisi par Me Ruben Garcia, avocat au barreau de Paris,

LIBRE,

non comparant, convoqué au centre de rétention du [Localité 3], faute d'adresse déclarée,

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience,

ORDONNANCE :

- réputée contradictoire,

- prononcée en audience publique,

- Vu l'ordonnance du 13 novembre 2024 du magistrat du siège du tribunal de grande instance de meaux déclarant la procédure irrégulière, rejetant la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis et rappelant à M. [L] [C] alias [J] [R] se disant [Y] [R] qu'il devra se conformer à l'interdiction du territoire français ;

- Vu l'appel motivé interjeté le 14 novembre 2024, à 12h54, par le conseil du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

- Vu l'avis d'audience, donné par courriel le 14 novembre 2024 à 14h31 à Me Ruben Garcia, avocat au barreau de Paris, conseil choisi de M. [L] [C] alias [J] [R] présent en salle d'audience au centre de rétention administrative du [Localité 3], plaidant par visioconférence ;

- Après avoir entendu les observations du conseil du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'infirmation de l'ordonnance ;

- Vu les observations du conseil de M. [L] [C] alias [J] [R] né le 11 novembre 1995 à [Localité 2] de nationalité algérienne se disant [Y] [R], de nationalité algérienne, qui demande la confirmation de l'ordonnance ;

SUR QUOI,

Sur la régularité de la procédure préalable au placement en rétention

Il appartient au juge judiciaire, en sa qualité de gardien de la liberté individuelle, de se prononcer sur les irrégularités, invoquées par l'étranger, affectant les procédures préalables à la notification de la décision de placement en rétention. (2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.002, Bull. 1995, II, n° 221, 2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.006, Bull. 1995, II, n° 212, 2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.005, Bull., 1995, II, n° 211).

Sur l'irrégularité alléguée du contrôle et de la consultation du fichier FOVES

L'article 78-2 prévoit que : " Les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :

- qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;

- ou qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit ;

- ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit;

- ou qu'elle a violé les obligations ou interdictions auxquelles elle est soumise dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'une mesure d'assignation à résidence avec surveillance électronique, d'une peine ou d'une mesure suivie par le juge de l'application des peines ;

- ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire. (') ".

Il est constant que les raisons plausibles de soupçonner une personne, de même que les circonstances du contrôle doivent résulter des pièces de la procédure. De même, les conditions dans lesquelles une personne est reconnue doivent-elles permette au juge d'exercer ce contrôle. Enfin le fait pour un fonctionnaire de police de reconnaître une personne sur la voie publique dont il connaissait la situation irrégulière suffit à établir qu'il existait des raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis l'infraction de maintien irrégulier sur le territoire français (1re Civ., 5 octobre 2022, pourvoi n°21-50.064).

En l'espèce, le procès-verbal initial du 7 novembre 2024 mentionne que le fonctionnaire de police en patrouille a constaté qu'un cycliste circulait en zig-zag en en faisant usage de son téléphone portable. Il n'est pas contesté que ces infractions, au regard des principes généraux de circulation (articles R412-6 à R412-16 du code de la route) pouvaient justifier un contrôle routier.

La question se pose de savoir si, lors d'un tel contrôle, les fonctionnaires de police peuvent consulter le fichier des objets et véhicules signalés.

L'accès de ce fichier est notamment ouvert, selon l'article 4 de l'arrêté du 17 mars 2024, aux " agents des services de la police nationale individuellement désignés et spécialement habilités soit par les chefs des services territoriaux de la police nationale, soit par les chefs de services actifs à la préfecture de police ou, le cas échéant, le préfet de police, soit par les chefs des services centraux de la police nationale ou, le cas échéant, la directeur général de la police nationale "

Dès lors que l'arrêté du 17 mars 2014 prévoit que la finalité du fichier, au sens de la loi CNIL, inclut la " surveillance des véhicules et objets signalés dans le cadre de missions répressives ou préventives ", rien ne s'opposait à la consultation de ce fichier dans le cas d'espèce.

Il est relevé que l'avis publié de la CNIL sur ce fichier ( Délibération n° 2013-357 du 14 novembre 2013 portant avis sur un projet d'arrêté portant autorisation à titre expérimental d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " Fichier des objets et des véhicules signalés " (FOVeS) (demande d'avis n° 1301197) précise que " la commission considère que les finalités assignées au traitement aux termes de l'article 1er du projet d'arrêté sont déterminées, explicites et légitimes.

Le dossier laisse enfin apparaître que le FOVeS sera mis en relation avec plusieurs traitements relatifs aux procédures judiciaires (LRP, TAJ), des traitements relatifs à la coopération internationale (N-SIS et deux fichiers gérés par Interpol) et avec divers traitements du ministère de l'intérieur (FAETON, AGRIPPA, SIV, LAPI, SCA, etc.). La commission considère que s'il s'agit de l'un des objectifs du traitement, le projet d'arrêté devrait être modifié afin que cette finalité apparaisse explicitement. "

Le contrôle d'identité n'est donc pas contraire aux dispositions précitées, de sorte qu'il y a lieu d'infirmer l'ordonnance critiquée.

Il se déduit de ce qui précède que procédure mise en 'uvre à la suite du contrôle d'identité puis, dans le cas présent, le placement en garde à vue, n'est affectée d'aucune déloyauté, les procès-verbaux permettant d'établir, comme l'indique l'intéressé lui-même (" j'ai paniqué et j'ai pris la fuite en courant "). que l'interpellation est intervenue après sa fuite à l'annonce du constat que le vélo était volé. Le moyen pris du détournement de la procédure sera également écarté.

Enfin, le moyen pris du défaut de perquisition, alors même que les pièces du dossier établissent qu'il n'y a pas eu de perquisition et que le moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, n'est pas fondé.

En l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions, découlant du droit de l'Union, de légalité de la rétention, et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance critiquée et de prolonger le maintien en rétention de l'intéressé pour une durée de 26 jours.

PAR CES MOTIFS

INFIRMONS l'ordonnance,

STATUANT À NOUVEAU,

REJETONS les moyens de nullité,

DÉCLARONS la requête du préfet de Police recevable,

ORDONNONS la prolongation de la rétention de M. [L] [C] alias [J] [R] né le 11 novembre 1995 à [Localité 2] de nationalité algérienne se disant [Y] [R], de nationalité algérienne, dans les locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de vingt-six jours,

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.

Fait à Paris le 15 novembre 2024 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS:

Pour information:

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L'avocat de l'intéressé