Cass. com., 8 novembre 2016, n° 14-21.481
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
Me Le Prado, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Rousseau et Tapie
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 mai 2014), rendu en matière de référé, que la société CLV, qui est une holding regroupant quatorze filiales, a pour associés Mme X..., épouse Y..., présidente de la société, M. Y... et la société Sim Investments ; que les statuts de la société, qui ont été modifiés le 15 février 2012, ont créé la nouvelle fonction de directeur général, confiée à M. Y... avec des pouvoirs identiques à ceux de la présidente, et stipulé que plusieurs décisions relatives à l'administration de la société requerraient l'accord unanime de la présidente et du directeur général ; que soutenant que la stratégie de blocage financier mise en place par le directeur général avait entraîné la paralysie du fonctionnement de la société CLV, Mme X... a assigné M. Y... et la société Sim Investments aux fins de désignation d'un administrateur provisoire ; que M. Y... et la société Sim Investments ont soulevé une fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d'agir de Mme X... ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... et la société Sim Investments font grief à l'arrêt de déclarer Mme X... recevable à agir alors, selon le moyen, que la clause des statuts d'une société imposant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent ; qu'il ressort des propres constatations que l'article 16-1 des statuts, en cas de situation de conflit, institue une procédure de sortie, prévoyant, en cas de désaccord des associés, l'envoi d'un courrier, la mise en place d'un préavis de quinze jours à l'intérieur duquel un rapprochement pourra être tenté, soit directement, entre les associés, soit par le truchement de leurs conseils respectifs et, à défaut de rapprochement amiable, la désignation, du commun accord des associés, d'un administrateur provisoire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, pour écarter la fin de non-recevoir tirée du non-respect de la procédure de sortie, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile, ensemble l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que la procédure de sortie instituée par l'article 16-1 des statuts avait vocation à s'appliquer en cas de désaccord entre les associés sur l'administration de la société et de perte de l'affectio societatis, la cour d'appel, qui a relevé que l'instance introduite par Mme X... n'avait pas pour objet de mettre en oeuvre cette clause statutaire mais tendait à obtenir la désignation d'un administrateur provisoire afin de sauvegarder les intérêts de la personne morale, compromis par la mésentente entre les organes de direction, en a déduit à bon droit que la clause litigieuse n'était pas applicable et que Mme X..., en tant que présidente de la société CLV, avait intérêt et qualité pour agir ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. Y... et la société Sim Investments font grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance ayant désigné un administrateur provisoire alors, selon le moyen :
1°/ que la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire de la société est une mesure exceptionnelle qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs impropres à caractériser que les circonstances qu'elle a relevées, à savoir une mésentente entre M. Y... et son épouse, l'interruption des flux financiers entre la holding et ses filiales, et l'absence d'organes de direction depuis le 15 février 2014, rendaient impossible le fonctionnement de la société et qu'elle encourait un péril imminent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 872 et 873 du code de procédure civile ;
2°/ que la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire de la société est une mesure exceptionnelle qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent ; que, dans leurs écritures d'appel, la société Sim Investments et M. Y... ont soutenu que les mouvements de fonds avaient recueilli l'accord des deux associés et que le compte courant de M. Y... n'était pas débiteur, qu'ils s'expliquaient sur le refus de voter de M. Y... et qu'ils faisaient état de divers points d'accord entre M. Y... et son épouse dans la gestion de la société, pour en conclure à l'absence de blocage et dommage imminent et durable ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces éléments de nature à établir l'absence de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 872 et 873 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt constate que la grave mésentente existant entre les organes de direction a, en l'absence d'accord unanime de ces derniers, entraîné la paralysie de la société CLV en empêchant la prise des décisions nécessitées par l'intérêt de cette dernière et de ses filiales ; qu'il relève que cette paralysie a affecté le fonctionnement des filiales du fait de l'interruption des flux financiers existant entre celles-ci et la société holding ; qu'il ajoute que la société CLV est sans organe de direction depuis le 15 février 2014, date à laquelle les fonctions de la présidente et du directeur général ont pris fin ; qu'en l'état de ces constatations, desquelles elle a pu déduire que la société CLV et ses filiales étaient menacées d'un péril imminent, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre M. Y... et la société Sim Investments dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que M. Y... et la société Sim Investments font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que dans leurs écritures d'appel, la société Sim Investments et M. Y... ont fait valoir que le juge des référés ne pouvait donner à l'administrateur judiciaire le pouvoir de passer des actes de disposition, pour demander à la cour d'appel de limiter sa mission à l'administration générale de la société CLV et, par voie de conséquence, de réformer l'ordonnance du 17 octobre 2013 en ce qu'elle lui a donné mission de procéder à la réalisation nécessaire des actifs de la société CLV en vue « d'assainir sa situation financière » ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chefs de conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en retenant que la mission donnée à l'administrateur provisoire de procéder à la réalisation nécessaire des actifs de la société CLV en vue d'assainir la situation financière du groupe CLV était conforme à l'intérêt de cette société, la cour d'appel a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.