Cass. com., 1 décembre 2015, n° 13-28.315
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Foussard et Froger
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 24 octobre 2013), que le 20 décembre 2005, la caisse régionale de Crédit agricole Nord de France (la Caisse) a consenti à M. X..., négociant en véhicules d'occasion, un crédit professionnel à court terme de 20 000 euros, qui a donné lieu à l'émission d'un billet de trésorerie du même montant, remboursable en une échéance ; que les 20 juin 2006 et 22 octobre 2007, M. X... a signé deux autres billets portant déblocage de cette somme ; que le 4 février 2008, la Caisse a dénoncé le crédit consenti, puis assigné M. X... en paiement ; que ce dernier, faisant valoir qu'il avait cessé son activité professionnelle et été radié du registre du commerce et des sociétés le 31 juillet 2006, a décliné la compétence du tribunal de commerce et a opposé la prescription de l'action en paiement, ainsi que la nullité du billet de trésorerie ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de retenir la compétence du tribunal de commerce, d'écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription et de le condamner au paiement de la somme de 20 000 euros au titre du billet de trésorerie impayé alors, selon le moyen :
1°/ que dès lors que l'action en paiement était fondée sur le billet émis le 22 octobre 2007, c'est à cette date que les juges du fond devaient se placer pour déterminer si M. X... avait la qualité de commerçant ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 721-3 du code de commerce ;
2°/ que la nature et la légalité d'un acte s'apprécient en se plaçant à la date à laquelle il est conclu ou souscrit ; qu'en se plaçant à une date antérieure au 22 octobre 2007 quand le billet de trésorerie émis à cette date servait de base à l'action, les juges du fond ont violé les articles L. 110-4 du code de commerce et L. 137-2 du code de la consommation et L. 311-1 à L. 311-37 du code de la consommation ;
3°/ que les billets émis antérieurement devaient être regardés comme ayant été remboursés et ne pouvant plus donner lieu à aucune action en justice à partir du moment où un billet de trésorerie avait été émis ultérieurement ; qu'étant tenus de ne considérer que le billet du 22 octobre 2007, les billets antérieurs ayant été remboursés, les juges du fond, en faisant état des billets antérieurs, ont violé les articles L. 721-3 du code de commerce ;
4°/ que dès lors qu'un billet de trésorerie est émis, pour se substituer aux engagements précédents ou à raison du non remboursement des billets de trésorerie antérieurs, ces derniers doivent être considérés comme éteints ; qu'en décidant le contraire, pour retenir la prescription applicable entre commerçants et non la prescription du code de la consommation, les juges du fond ont violé les articles L. 110-4 du code de commerce et L. 137-2 du code de la consommation ;
5°/ que la compétence et la détermination de la prescription ne pouvant se déduire que de faits objectifs, les juges du fond ne pouvaient opposer, pour retenir la compétence du tribunal de commerce, que M. X... n'avait pas informé la Caisse de ce qu'il n'exerçait plus d'activité depuis le 31 juillet 2006 ; que de ce point de vue également, l'arrêt a été rendu en violation des articles L. 721-3 du code de commerce, 110-4 du code de commerce et L. 137-2 du code de la consommation et L. 311-1 à L. 311-37 du code de la consommation ;
6°/ que la souscription d'un billet de trésorerie n'entre pas, à la différence de la souscription d'une lettre de change, au nombre des actes qui, entre toutes personnes, constituent un acte de commerce ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué doit être censuré pour violation des articles L. 721-3 du code de commerce, 110-4 du code de commerce et L. 137-2 du code de la consommation et L. 311-1 à L. 311-37 du code de la consommation ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'à supposer que la cour d'appel, accueillant l'exception d'incompétence soulevée par M. X... et infirmant de ce chef le jugement du tribunal de commerce de Valenciennes, eût retenu la compétence du tribunal de grande instance de Valenciennes, elle n'en était pas moins tenue, en application de l'article 79 du code de procédure civile, de statuer sur le fond du litige dès lors qu'elle était juridiction d'appel relativement à cette juridiction ;
Attendu, en second lieu, que la nature commerciale d'un acte s'apprécie à la date à laquelle il a été passé, peu important que son auteur ait perdu depuis lors la qualité de commerçant ; qu'après avoir constaté que le premier billet de trésorerie avait été remboursé et relevé, d'un côté, que le deuxième billet de trésorerie ne l'avait pas été à l'échéance initiale, fixée au 20 juin 2007, puisqu'à cette date, le compte était insuffisamment créditeur, et que s'il avait été débité d'une somme correspondant au montant du billet, il avait toutefois été immédiatement recrédité de la même somme et, de l'autre, que ce procédé avait été réitéré le 22 octobre 2007, date du troisième billet de trésorerie, avec inscription, le même jour, de la même somme au débit et au crédit, l'arrêt retient que l'intention de la caisse n'était nullement de faire produire un effet novatoire à ces écritures en compte et au billet du 22 octobre 2007, mais de proroger, à plusieurs reprises, l'échéance du billet du 20 juin 2006, impayé à son échéance d'origine, en raison de l'insuffisance de la provision sur le compte bancaire professionnel de M. X... à la date de présentation du billet au paiement ; que de ces seuls motifs, dont il résulte que l'action en paiement était fondée sur le deuxième billet de trésorerie souscrit par M. X..., quand il avait la qualité de commerçant, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deux dernières branches, a déduit, à bon droit, que n'étaient pas applicables les dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation, et, dès lors que le crédit avait été consenti pour les besoins de son activité professionnelle, celles des articles L. 311-1 et suivants du même code ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable faute d'intérêt et pour partie mal fondé, ne peut être accueilli pour le surplus ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier, deuxième et troisième moyens, pris en leur quatrième branche, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.