Cass. 2e civ., 24 février 2005, n° 03-10.657
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dintilhac
Rapporteur :
M. Vigneau
Avocat général :
M. Domingo
Avocat :
SCP Thouin-Palat et Urtin-Petit
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société André Huyghues Despointes a assigné devant un tribunal de grande instance M. X... au paiement d'une certaine somme ; que le Tribunal a accueilli partiellement la demande ; que saisie par M. X..., la cour d'appel a ordonné une médiation et désigné en qualité de médiateur l'Association nationale de médiation ; que faisant valoir que la personne physique désignée par cette association pour conduire la médiation faisait preuve de partialité, M. X... a déposé une requête en changement de médiateur ; qu'il a ensuite déposé une "requête en dépaysement" et une demande de renvoi pour cause de suspicion légitime ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de changement de médiateur et mis fin à la tentative de médiation alors, selon le moyen :
1 / que lorsque la médiation est confiée à une association, il appartient au représentant légal de cette association de soumettre à l'agrément du juge le nom de la ou des personnes physiques qui assureront, au sein de celle-ci et en son nom, l'exécution de la mesure ;
que le changement de médiateur est soumis aux mêmes règles ; qu'en l'espèce, la cour d'appel était simplement saisie par M. X... d'une requête en changement de médiateur, M. Y... Z... entendant se contenter des seuls éléments fournis par la société AHD et étant un ami de M. A..., avocat de ladite société ; qu'il appartenait donc aux juges d'appel, non pas de s'en tenir aux observations faites par M. B... C... prônant la fin de la médiation, mais de solliciter de l'Association nationale de médiation en Martinique, désignée comme médiateur, qu'elle lui soumette le nom d'une autre personne ; qu'en optant d'emblée pour la fin de la médiation et en passant ainsi outre à la difficulté, nonobstant l'accord toujours valable des parties pour une médiation, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 131-4 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 4 dudit Code ;
2 / que lorsque le juge entend mettre fin à la médiation, l'affaire doit être préalablement rappelée à une audience à laquelle les parties sont convoquées à la diligence du greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; qu'en se bornant en l'espèce à constater que "par courrier du 28 juin 2002, le président de la chambre avait informé les parties de ce qu'il n'y avait plus lieu à poursuivre la mesure et avait renvoyé d'office le dossier à l'audience de plaidoiries du 13 septembre 2002", pour "mettre fin à la tentative de médiation et renvoyer l'affaire à une prochaine audience pour être plaidée au fond", quand la décision de mettre fin à la médiation ne pouvait être prise qu'au terme d'une audience à laquelle les parties devaient être convoquées par le greffe de la juridiction, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les dispositions de l'article 131-10 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant relevé que le bon déroulement de la médiation apparaissait compromis, n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article 131-10, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile en mettant fin à la médiation ;
Et attendu que M. X..., qui avait été convoqué à l'audience au cours de laquelle fut débattu de la fin de la médiation par une correspondance adressée par le président de chambre qui l'informait de l'intention de la cour d'appel de mettre fin à la médiation, ne justifie pas du grief que lui aurait causé le fait que cette convocation ne lui ait pas été adressée par le greffe sous la forme d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa "requête en dépaysement" alors, selon le moyen, que tout justiciable a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial ; que M. X... dénonçait notamment, à l'appui de sa requête en dépaysement, le fait que l'examen de son dossier avait été retenu à l'audience du 13 septembre 2002, date fixée par le président B... C... avant son désistement et après que son avocat, M. D..., eut régulièrement reçu convocation à l'audience du 26 septembre 2002 à 8 h 00 ; qu'en éludant cette difficulté au prétexte que le président B... C... avait depuis lors décidé de s'abstenir, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que la "requête en dépaysement" déposée par M. X... qui demandait à la cour d'appel de désigner une autre juridiction n'étant prévue par aucun texte, la cour d'appel n'avait pas à y répondre ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu les articles 357, 358 et 359 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que si le président de la juridiction estime la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime fondée, il distribue l'affaire à une autre formation de la même juridiction ; que s'il s'oppose à la demande, il transmet l'affaire, avec les motifs de son refus, au président de la juridiction immédiatement supérieure ;
Attendu qu'en rejetant, par arrêt, la requête en suspicion légitime présentée par M. X... qui sollicitait du premier président de la cour d'appel la désignation d'une autre juridiction, alors qu'il appartenait au premier président seul de prendre une décision et de transmettre, le cas échéant, l'affaire, avec les motifs de son refus, au Premier Président de la Cour de Cassation, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la requête en suspicion légitime présentée par M. X..., l'arrêt rendu le 20 décembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;
Renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Fort-de-France pour qu'il soit procédé conformément aux dispositions des articles 358 et 359 du nouveau Code de procédure civile.