Cass. 3e civ., 24 septembre 2020, n° 19-15.561
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Rapporteur :
M. Béghin
Avocats :
SARL Corlay, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 17 janvier 2019), M. et Mme O..., propriétaires d'une maison d'habitation et d'un terrain attenant avec piscine, ont assigné M. et Mme H... aux fins d'arrachage ou, à tout le moins, d'élagage des sapins bordant leur parcelle voisine. Mme K... H... et MM. J..., D..., T... et U... H... sont intervenus à l'instance en leur qualité d'ayants droit de L... H..., décédé. Un arrêt du 8 février 2018 a désigné un médiateur.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
2. M. et Mme O... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'homologation de l'accord conclu le 25 avril 2018 à l'occasion de la médiation, alors :
« 1°/ que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et se contredire au détriment d'autrui ; que lorsqu'une médiation a été ordonnée par le juge, les parties ont le devoir de s'y présenter et doivent procéder de bonne foi ; qu'en l'espèce il est constant que selon le constat de fin de mission, Mme F..., médiateur, a convoqué l'ensemble des consorts H..., y compris Mme V... H... ; qu'elle a constaté que l'ensemble des « parties sont présentes ou représentées » ; qu'au cours de la médiation, les consorts H... n'ont pas argué de l'absence de leur mère et ont accepté les termes de l'accord proposé ; qu'en refusant de faire application de cet accord, aux motifs que Mme V... H... ne s'était pas présentée et que dès lors les consorts H... n'étaient pas liés par l'accord, la cour d'appel a violé les articles 131-7 du code de procédure civile, 1103 et 1104 du code civil ensemble le principe de bonne foi et le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ;
2°/ que l'acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté ; qu'en l'espèce il est constant que alors que l'ensemble des consorts H... avaient été convoqués, Mme K... H... a signé l'acte, assistée de son avocat « représentant la Famille H... », mentionnant que « toutes les parties sont présentes et représentées » et qu'aucune partie n'était absente ; qu'elle était ainsi censée avoir reçu mandat tacite si bien que la famille H... ne pouvait pas ultérieurement exciper de son défaut de pouvoir ; qu'en refusant de faire appliquer l'accord au motif que Mme V... H... ne s'était pas présentée, la cour d'appel a violé l'article 1156 du code civil ;
3°/ que si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration ; qu'en l'espèce il est constant que alors que l'ensemble des consorts H... avaient été convoqués, Mme K... H... a conclu seule, au nom de ses frères, l'accord proposé, étant acté que « toutes les parties sont présentes et représentées » ; que vis-à-vis des tiers à l'indivision, elle était ainsi censée avoir reçu mandat tacite ; qu'en refusant de faire appliquer l'accord au motif que Mme V... H... ne s'était pas présentée, la cour d'appel a violé l'article 815-3, dernier alinéa du code civil. »
Réponse de la Cour
3. Il résulte de l'article 131-12 du code de procédure civile que le constat d'accord établi par le médiateur de justice et soumis à l'homologation du juge suppose que toutes les parties intéressées y aient consenti.
4. La cour d'appel a constaté que Mme K... H... avait reçu de ses seuls frères un pouvoir de représentation devant le médiateur désigné et que Mme V... H... n'avait pas acquiescé à l'accord signé en son absence.
5. Sans être tenue de rechercher l'existence d'un mandat apparent ou tacite de représentation, ni d'apprécier la loyauté des consorts H..., elle en a déduit, à bon droit, qu'en l'absence d'accord de toutes les parties, il n'y avait pas lieu à homologation.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. M. et Mme O... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors :
« 1°/ que celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper ; que ce droit est imprescriptible ; qu'en refusant de faire droit à l'ensemble des demandes des époux O..., en ce compris quant à l'élagage des arbres, aux motifs que les arbres litigieux auraient plus de trente ans, la cour d'appel a violé l'article 673 du code civil ;
2°/ que le juge doit respecter et faire respecter le principe de contradiction ; qu'en se fondant sur le rapport non contradictoire de M. Y... X..., expert forestier, pour considérer que l'ensemble des arbres litigieux avaient plus de trente ans, unilatéralement établi par les consorts H..., quand les exposants faisaient valoir que ce rapport leur était inopposable et n'était corroboré par aucune autre pièce, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge ne peut dénaturer les pièces versées aux dossiers ; qu'en l'espèce il ressort en particulier du dernier constat d'huissier du 29 mars 2016 que l'ensemble des sapins n'ont pas été élagués, et que des branches dépassent encore sur la propriété des époux O... (« le troisième sapin, situé devant la maison O..., n'a en revanche pas été élagué, tout comme les autres arbres » et notant un « sapin avec une hauteur bien supérieure à quinze mètres au-dessus de la maison O... » ; qu'en considérant, pour débouter les exposants de leur demande concernant le trouble de voisinage, qu'il résultait des constats que l'ensemble des branches surplombant la parcelle des époux O... auraient été élaguées entre 2014 et 2015, sans prendre en compte le dernier constat établissant que des arbres continuaient à surplomber la propriété des exposants, la cour d'appel a dénaturé ledit constat ;
4°/ que le juge ne peut dénaturer les pièces versées aux dossiers ; qu'en l'espèce il était fait valoir, photographies à l'appui, avec les heures de prise des photographies, que s'agissant de l'ensoleillement, les arbres litigieux « obstruent pendant la moitié de la journée l'ensoleillement du bien des concluants (P. 22-1 et 22.2 », le plan versé démontrant en outre que les arbres litigieux (parcelle [...]) étaient situés à l'est de la parcelle des époux O... ([...] et [...]) dont il s'évince qu'ils privent d'ensoleillement cette parcelle pendant toute la matinée ; qu'en considérant que les exposants « En ce qui concerne la perte d'ensoleillement (
) ne versent aux débats aucun élément au soutien de leurs dires », la cour d'appel a violé le principe selon lequel les pièces du dossier ne peuvent être dénaturées ;
5°/ que nul ne peut causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage ; qu'il était fait valoir par les exposants que les arbres en question étaient les seuls résineux dans le voisinage, et étaient d'une hauteur particulièrement élevée, conduisant à une production élevée d'épines qui venaient boucher les canalisations et une perte d'ensoleillement toute l'année ; qu'en considérant que le trouble n'était pas anormal au motif inopérant que l'environnement était boisé, sans rechercher si l'espèce des arbres en cause, isolés dans le voisinage, ayant pour caractéristique d'être à feuilles persistantes et perdant leurs épines tout au long de l'année, conduisant à boucher les canalisations, envahir leurs piscine et terrasse et privant les exposants d'ensoleillement la moitié de la journée tous les jours de l'année, la cour d'appel a manqué de base légale au regard du principe susvisé. »
Réponse de la Cour
8. D'une part, il résulte des article 671 et 672 du code civil qu'un propriétaire peut exiger que les arbres de son voisin plantés à moins de deux mètres de la limite de leurs propriétés respectives soient arrachés ou réduits en hauteur et de l'article 673 du même code que celui-ci peut contraindre son voisin à couper les branches des arbres qui avancent sur sa propriété, ces deux droits étant distincts.
9. Ayant relevé que M. et Mme O... avaient demandé la condamnation des consorts H... à arracher les arbres bordant leur propriété et, à tout le moins, à les élaguer à quinze mètres de hauteur, la cour d'appel, qui n'était pas saisie par M. et Mme O... d'une demande de condamnation des consorts H... à couper les branches des arbres avançant sur leur propriété, a retenu que M. et Mme O... ne démontraient pas que les arbres étaient plantés à une distance inférieure à deux mètres de la limite séparative des propriétés.
10. D'autre part, ayant retenu souverainement, sans dénaturation, que les constats d'huissier de justice produits rendaient compte de nuisances normales dans un environnement boisé, la cour d'appel n'était pas tenue de s'expliquer sur des photographies sur lesquelles les conclusions de M. et Mme O... étaient dépourvues d'argumentation ni sur des caractéristiques spécifiques aux résineux qu'elles n'invoquaient pas.
11. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.