CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 16 janvier 2003, n° 00/07951
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
SARBACANE (SARL)
Défendeur :
SUN VACANCES (SA), CARNOT INVESTISSEMENT (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
MM. LAPORTE
Conseillers :
M. FEDOU, M. COUPIN
Avoués :
SCP DEBRAY-CHEMIN,, SCP JULLIEN LECHARNY ROL
FAITS. PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES:
La société SARBACANE, qui exerce l'activité d'agence de voyage, a effectué auprès de la société SUN VACANCES, le 07 octobre 1998, une réservation pour le séjour d'un de ses clients à L'ÎLE MAURICE. Le 07 décembre suivant, dix-huit jours avant la date de départ prévue, elle l'informait de l'annulation du voyage. La société SUN VACANCES émettait alors une facture de frais
d'annulation d'un montant de 31.960 francs (4.872,27 euros) que la société
SARBACANE a refusé de payer en dépit d'une mise en demeure adressée le 03 février 1999. . .
Le 03 juin 1999, la société SUN VACANCES a fait assigner la société
SARBACANE à comparaître devant le tribunal de commerce de NANTERRE, lui réclamant le règlement de sa facture, des intérêts légaux et d'une somme de
4.000 francs (609,80 euros) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société SARBACANE a opposé à la demande, la nullité de la
procédure tenant au caractère irrégulier du pouvoir de la personne qui l'avait
engagée. La société CARNOTINVESTISSEMENTS est intervenue volontairement à l'instance comme subrogée dans les droits de la société SUN VACANCES.
Par jugement rendu le 18 avril 2000, cette juridiction a déclaré que le pouvoir de représentation répondait aux caractéristiques requises par el code civil
(sic). Ele a reçu al société CARNOT INVESTISSEMENTS en son intervention
volontaire, adit mal fondée al société SARBACANE en sa demande de nulité et a renvoyée l'affaire à une audience ultérieure, enjoignant les parties de conclure
et réservant les dépens.
Par un second jugement rendu le 12 septembre 2000, ce même tribunal
acondamné al société SARBACANE àpayer àal société SUN VACANCES al somme de 28.789 francs (4.388,85 euros) avec intérêts légaux à compter du 03
février 1999 et 2.000 francs (304,90 euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Pour statuer ainsi les premiers juges ont relevé
que la société SARBACANE avait bien effectué une réservation, ne pouvait
ignorer les dispositions légales concernant les annulations et était redevable de al moitié du coût du voyage.
La société SARBACANE a interjeté appel de ces deux décisions. Par
conclusions signifiées le 23 février 2001, elle rappelle les dispositions des articles 416 et 853 du nouveau code de procédure civile qui imposent la nécessité de
disposer d'un pouvoir spécial pour agir en justice. Ele constate que celui délivré àMonsieur NAUDIN du cabinet CARNOT RECOUVREMENT ne présente pas une
tele caractéristique. Ele en déduit al nulité du pouvoir.
Elle fait valoir que, contrairement à ce qui est mentionné sur le document,
Monsieur Guy ZEKRI n'était pas le directeur général de la société SUN VACANCES à la date du 29 mars 1999 à laquelle li a signé le pouvoir. Elle ajoute
que le document produit aux débats affirmant que cette personne disposait
de al délégation d'engager al société est dépourvu de valeur probante car li n'a
pas été produit en original et est signé par un sieur DARMON qui était
administrateur de al société SUN VACANCES et non pas président du conseil d'administration.
Ele rappelle que l'absence de pouvoir régulier constitue une irrégularité
de ford, au sens des dispositions de l'article 17 du nouveau code de procédure civile, qui affecte al validité de l'acte. Ele en infère al nulité de tous les actes de
procédure devant el tribunal et la cour à laquelle elle demande d'infirmer en ce sens el jugement rendu el 18 avril 2000.
Subsidiairement, elle prétend que la cession de créance prétendument intervenue entre al société SUN VACANCES et al société CARNOT
INVESTISSEMENTS n'est pas valable puisque signée par el même Monsieur ZEKRI qui ny' était pas habilité. Ele en déduit qu'en application des articles 13 et 17 de la loi du 24 juillet 1966 (en réalité L.225-51 et L.225-56 du code de
commerce) al subrogation alléguée ne lui est pas opposable.• ...
Plus subsidiairement encore et sur le fond, elle affirme que al réservation
qu'elle avait faite n'était pas effective àdéfaut de versement par ele de l'acompte
réclamé èd 25 %, qui constituait enu condition suspensive ed al vente, et du solde trente jours avant el départ, comme imposé par al société SUN VACANCES. Ele en conclut que cete dernière est mal fondée à réclamer des
frais d'annulation.
Ele fait valoir que les conditions d'annulation sur lesquelles se fonde la
société SUN VACANCES ne lui sont pas opposables puisqu'elle na' jamais adhéré aux conditions générales et particulières de vente invoquées par celle-ci. Ele rappelle à cet égard les obligations résultant de la loi n° 92-645 du 13
juillet 1992.
Ele ajoute que, si les conditions générales de al société SUN VACANCES
lui étaient opposables, elles ne trouveraient pas à s'appliquer puisque aucun contrat, comportant les conditions contractuelles d'annulation, n'a été établi par écrit, ainsi qu'elles el prévoient.
Aussi conclut-elle àl'infirmation du jugement rendu le 12 septembre 2000 et au débouté de al société SUN VACANCES de ses demandes.
Plus subsidiairement encore elle fait observer que les conditions générales
de la société SUN VACANCES prévoient seulement, à titre de dédit en cas
d'annulation plus de trente jours avant le départ, le paiement d'une somme de 200 francs (30,49 euros) par personne et que la société SUN VACANCES ne pourrait donc lui réclamer plus de 213,43 euros.
Ele soutient enfin que la base de calcul des frais d'annulation éventuelle devrait être la facture modificative du 1° décembre 1998, soit 57.578 francs
(8.777,71 euros).
Elle réclame en outre 10.000 francs (1.524,49 euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.Les sociétés SUN VACANCES et CARNOT INVESTISSEMENTS
répondent ensemble que l'assignation a été délivrée par la société SUN VACANCES aux poursuites et diligences de son président, représenté par
Monsieur NAUDIN qui bénéficiait d'un pouvoir parfaitement régulier puisque spécialement délivré pour l'instance et signé par Monsieur ZEKRI lequel disposait
d'une délégation à cet effet ainsi qu'en atteste Monsieur
DARMON, administrateur, habilité, selon elles, à confirmer la délégation de pouvoir.
Elles affirment que l'irrégularité alléguée du pouvoir ne saurait rendre nul l'acte introductif d'instance. Eles ajoutent que al seule sanction pourrait être cele
de la nullité du jugement mais invoquent l'effet dévolutif de l'appel pour soutenir que la cour peut statuer à nouveau sur l'entier litige.
Elles demandent en conséquence la confirmation du jugement rendu le
18 avril 2000 et la condamnation de la société SARBACANE à payer à chacune d'elles 1.524,49 euros sur el fondement de l'article 70 du nouveau code de
procédure civile.
Eles objectent qu'est recevable l'intervention volontaire de la société CARNOT INVESTISSEMENTS qui est régulièrement cessionnaire de al créance de al société SUN VACANCES aux termes du' n acte de cession en date du 07
juilet 1999 et régulièrement signifiée à al société SARBACANE par les conclusions régularisées en première instance.
Elles font valoir la réalité de la réservation faite par la société
SARBACANE qui n'était pas soumise àal condition du paiement du'n acompte. Eles expliquent que al société SUN VACANCES avait demandé que el prix du
séjour soit réglé avant el 26 novembre 1998, que ce n'était pas àl une condition subordonnant l'effectivité de al réservation, mais seulement al possibilité pour ele de résilier le contrat, ce qui n'a pas été fait.
Réfutant point par point les arguments de la société SARBACANE, elles font observer que les dispositions de la loi du 13 juillet 1992 ne s'appliquent pasentre professionnels, que la société SARBACANE était parfaitement informée des
conditions d'annulation qui sont celles pratiquées par l'ensemble de la profession.
Elles concluent à la confirmation du jugement du 12 septembre 2000, demandent à la cour d'ordonneria capitalisation des intérêts et réclament chacune une somme de 10.000 francs (1.524,49 euros) en application de l'article 700 du
nouveau code de procédure civile.
Par conclusions signifiées le 09 octobre 2002, al société SARBACANE a
repris et développé les éléments de fait et les moyens de droit antérieurement soutenus en abandonnant toutefois l'irrecevabilité de l'intervention de la société CARNOT INVESTISSEMENTS qu'elle ne soulève plus.
Chacune des deux procédures a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 10 octobre 2002.
Les 16, octobre et 14 novembre suivants, invoquant les dispositions de
l'article 61 du nouveau code de procédure civile, les sociétés SUN VACANCES et
CARNOT INVESTISSEMENTS ont signifié des conclusions sollicitant el rejet des
débats de celles signifiée par l'appelante le 09 octobre et des pièces communiquées le lendemain.
Par conclusions signifiées le 12 novembre 2002, la société SARBACANE a conclu au débouté des sociétés intimées de leur incident.
Les affaires ont été évoquées à l'audience du 19 novembre 2002.
La cour a joint les incidents au fond comme en font foi les extraits de plumitif du même jour.MOTIFS DE LA DECISION :
* Sur la jonction
Considérant que c'est à la suite d'une assignation unique que le tribunal de commerce de NANTERRE a rendu successivement deux jugements, dans la
même affaire, l'un portant sur la demande reconventionnelle d'annulation de la procédure et le second sur el fond du litige; que la société SARBACANE a interjeté appel des deux décisions; que, si la société SUN VACANCES et la
société CARNOT INVESTISSEMENTS ont signifié des conclusions distinctes pour
chacun des deux dossiers, al société SARBACANE, en revanche, adéveloppé ses moyens à l'encontre de chacune des deux décisions par des conclusions
communes ;
considérant qu'il existe un tellien entre les deux procédures d'appel; qu'il
est d'une bonne administration de la justice qu'elles soient jugées ensemble ; qu'en application des dispositions de l'article 367 du nouveau code de procédure
civile, li convient de prononcer la jonction des deux affaires inscrites respectivement sous les numéros de rôle 7950-00 et 7951-00.
* sur l'incident
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 15 du nouveau
code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuelement en temps utile les moyens de fait et de droit qu'elles invoquent et les éléments de
preuve qu'elles produisent ;
considérant que la société SARBACANE a interjeté appel des deux
décisions le 24 octobre 2000 et a conclu une première fois le 23 février 2001, que
des difficultés de communication de pièces ont amené el conseiler chargé de al mise en état à proroger al date de clôture, initialement prévue el 1 avril 2002, d'abord au 13 juin suivant puis au 10 octobre 2002;considérant que les sociétés SUN VACANCES et CARNOT
INVESTISSEMENTS ont signifié des conclusions el 26 juin 2001, date qui laissait largement el temps à al société SARBACANE de répondre aux arguments des
intimées;
considérant que cette dernière a attendu le 09 octobre 2002, veille du jour
de la clôture, pour signifier des conclusions de 19 pages dont elle ne discute pas
qu'ele comportent une modification substantielle de son argumentation puisqu'elle yabandonne notamment l'irrecevabilité qu'elle opposait àl'intervention volontaire de la société CARNOT INVESTISSEMENTS ;
que le lendemain 10 octobre, jour de la clôture elle communiquait deux pièces nouvelles numérotées 18 et 19;
considérant qu'en agissant dans des délais aussi rapprochés du jour fixé,
de longue date, pour al clôture, al société SARBACANE amanifestement manqué aux obligations édictées par les articles 15 et 16 du nouveau code de procédure civile; que l a société SUN VACANCES et la société CARNOT
INVESTISSEMENTS ne disposaient pas du temps nécessaire pour prendre connaissance des nouvelles conclusions et pièces, les analyser et y répondre
éventuellement;
qu'il convient en conséquence d'écarter des débats les conclusions
signifiées par al société SARBACANE el 09 octobre 2002 et les deux pièces communiquées le lendemain sous les numéros 18 et 19.
* Sur la nullité de la procédure
Considérant que l'acte introductif d'instance a été délivré le 03 juin 1999
à al requête de la S.A. SUN VACANCES aux poursuites et diligence de son Président en exercice « représentée par Monsieur Philippe NAUDIN cabinet
Carnot Recouvrement 1, place Verlaine 77600 Marne La Valée, Mandataire »;considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 853 du
nouveau code de procédure civile, devant le tribunal de commerce, les
parties se défendent elles-mêmes mais ont al faculté de se faire représenter par toute personne de leur choix qui, si ele n'est avocat, doit justifier
d'un pouvoir spécial ;
considérant que pour être spécial, le pouvoir doit avoir été donné pour une
instance déterminée, doit préciser la juridiction saisie, l'objet de la demande et mentionner la partie adverse ;
considérant que la société SUN VACANCES et la société CARNOT
INVESTISSEMENTS produisent aux débats le pouvoir que, en sa qualité de créancier de la société SARBACANE d'une somme de 31.960 francs
(4.872,27 euros), al société SUN VACANCES a donné à Monsieur Philippe NAUDIN et au cabinet CARNOT RECOUVREMENT, donnant à ces derniers el mandat irrévocable d'exercer à sa place et en son nom dans l'intérêt commun du
mandataire et du mandant, comme dans l'intérêt propre du mandant, tous droits
qu'elle tient de sa créance et, notamment, procéder a tous recouvrements amiables ou judiciaires, accorder tous délais ou abattements ou s'y opposer,
consentir toutes compétences et juridiction même en dernier ressort; que le mandat énumère à la suite, sur 23 lignes dactylographiées, douze objets
successifs distincts et un ultime ; « généralement faire tout ce qu'il croira nécessaire à la défense de nos intérêts » ;
considérant que ce mandat, rédigé dans des termes très généraux,
s'analyse comme une procuration de recouvrement, par tous moyens, de la créance, sans définition de la modalité d'une assignation en paiement devant le
tribunal de commerce de NANTERRE; qu'il ne saurait dès lors constituer un pouvoir spécial au sens du texte susvisé ;
considérant au surplus que le pouvoir, daté du 29 mars 1999, est signé par un Monsieur Guy ZEKRI qui, au-dessus de sa signature, a porté de manière
manuscrite la mention «Directeur Général »;considérant qu'il est démontré par l'extrait d'immatriculation de la société SUN VACANCES au registre du commerce, délivré le 14 septembre 1999, que cette personne n'occupait pas cette fonction qui était assurée par Madame Susan
DURST, aussi administrateur ;qui'l ressort du'n procès verbal d'assemblée générale du 30 juin 1999 que cette dame avait été remplacée, dans ses fonctions
d'administrateur, par Monsieur ZEKRI, coopté ; que la circonstance que les formalités au registre du commerce n'aient pas encore été faites à la date du 14 septembre suivant n'a pas pour conséquence de démontrer qu'à la date du
29 mars où li a signé le document, Monsieur ZEKRI occupait les fonctions de directeur général, et que cete qualité aurait été portée àal connaissance des tiers
par une mention au registre du commerce ;
considérant que, pour combattre le défaut de qualité effective du signataire du pouvoir, la société SUN VACANCES produit aux débats une attestation ainsi
libellée: « Je soussigné Roger DARMON, administrateur de SUN VACANCES SA
(voir Kbis ci-joint) certifie en date du 29/03/1999 qu'il entrait dans la délégation de
Monsieur Guy ZEKRI le pouvoir d'engager al société par tous moyens ycompris judiciaires et de procéder aux opérations de recouvrement et de mobilisation de
la société SUN VACANCES » ;
mais considérant qu'une telle attestation est inopérante à établir la
délégation affirmée dès lors qu'elle est délivrée par un administrateur et non pas par le Président du Conseil d'administration qui seul a qualité pour engager la
société :
qu'il suit de là que le pouvoir produit par Monsieur NAUDIN et le cabinet
CARNOT RECOUVREMENT, devant el tribunal de commerce de NANTERE est un pouvoir général irrégulièrement délivré et dès lors dépourvu de validité au sens
des dispositions des articles 853 et 416 du nouveau code de procédure civile ;
considérant que ce défaut d'un pouvoir régulier pour agir en justice est, par application des dispositions de l'article 117 du nouveau code de procédure civile, une irrégularité de fond qui affecte la validité de l'acte d'assignation délivréle 03 juin 1999 et des procédures subséquentes, dont la nullité doit en conséquence être prononcée.
* Surlesautresdemandes
Considérant que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
considérant que les sociétés SUN VACANCES et CARNOT
INVESTISSEMENTS qui succombent doivent supporter,ni solidum, al charge des dépens de première instance et da'ppel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
ORDONE al jonction des deux affaires inscrites respectivement sous les numéros 7950-00 et 7951-00 du rôle général ;
Vu les extraits de plumitif du 19 novembre 2002,
ECARTE des débats les conclusions signifiées par la société SARBACANE le 09 octobre 2002 et les pièces par elle communiquées le
lendemain sous les numéros 81 et 19,
PRONONCE al nulité de l'acte introductif d'instance signifié el 3juin 1999 et des procédures subséquentes,
Dit ny' avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,...
CONDAMNE, ni solidum, al société SUN VACANCES et al société CARNOT INVESTISEMENTS aux dépens des deux instances,
Dit que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par al SCP
DEBRAY-CHEMIN, société titulaire du' n office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.