Cass. 2e civ., 24 septembre 2020, n° 19-15.541
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Rapporteur :
Mme Le Fischer
Avocat général :
M. de Monteynard
Avocats :
SARL Cabinet Briard, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Arc en ciel environnement du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé à l'encontre du ministre chargé de la sécurité sociale.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 février 2019), à l'issue d'un contrôle portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Paris et région parisienne, aux droits de laquelle vient l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Ile-de-France (l'URSSAF), a adressé, le 8 octobre 2012, à la société Arc en ciel environnement (la société), une lettre d'observations comportant plusieurs chefs de redressement, puis lui a notifié, le 19 décembre 2012, une mise en demeure.
3. La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le même moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
5. La société fait grief à l'arrêt de valider le redressement au titre de la « réduction Fillon », à hauteur de 67 061,70 euros pour l'année 2010, alors qu'elle « faisait valoir à titre subsidiaire dans ses conclusions récapitulatives en appel, sur la base des tableaux établis, que ''le redressement de l'URSSAF pour l'année 2009 est accepté à concurrence de 94 879,43 euros, en revanche, pour l'année 2010, il existe un crédit de 92 148,30 euros et que pour l'année 2011 le redressement n'est pas justifié et ensuite que pour l'année 2010, il s'avère que le redressement opéré par l'URSSAF, d'un montant de 159 210 euros n'est pas du tout justifié. En effet, un crédit de 92 148,30 euros a été calculé par la société'' ; qu'en déduisant néanmoins de l'affirmation par la société de ce qu'elle détenait une créance à l'égard de l'URSSAF au titre de l'année 2010, créance qui ne pouvait être qu'une créance nette insusceptible de donner lieu à compensation avec une créance de l'URSSAF à son égard, pour effectuer ensuite une telle compensation avec le montant du redressement opéré par l'URSSAF à hauteur de 159 210 euros, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société et par suite méconnu l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
6. Pour valider partiellement le chef de redressement afférent à la « réduction Fillon » pour l'année 2010, l'arrêt retient qu'au titre de cette année, la société a calculé un crédit en sa faveur de 92 148,30 euros, ce qui signifie qu'elle reconnaît devoir la somme de 159 210 euros - 92 148,30 euros, soit 67 061,70 euros.
7. En statuant ainsi, alors que dans ses conclusions d'appel, la société soutenait qu'elle n'était redevable d'aucune somme à l'égard de l'URSSAF au titre de l'année considérée, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces conclusions et violé le principe susvisé.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. La société fait grief à l'arrêt de valider le redressement au titre des salaires non déclarés, alors :
« 1°/ qu'en vertu de l'obligation de motivation qui s'impose à toute juridiction, les juges du fond doivent analyser, même de façon sommaire, les attestations qui sont soumises à leur appréciation ; qu'en l'espèce, M. D... expert-comptable de la société indiquait dans son attestation du 10 février 2017, à laquelle renvoyait son attestation du 14 mai 2018 que l'URSSAF a procédé à un redressement de 161 998 euros ''en raison de discordances significatives entre les sommes portées sur le livre de paie et celles inscrites en comptabilité au titre des salaires en 2009 et 2010. Il ressort des contrôles que j'ai opérés que le relevé opéré par I'URSSAF est inexact. Le cadrage entre la comptabilité et le livre de paie a été ré-établi selon les tableaux excel joints à la présente attestation et pour les deux années 2009 et 2010. Ceux-ci démontrent, une fois retraitée l'écriture de provision de congés payés, que les écarts entre la comptabilité et le livre de paie sont justifiés par des sommes non soumises à cotisations sociales'' et ''il est évident et d'usage de faire un rapprochement DADS/COMPTABILITE par un tableau excel qui n'est qu'une extraction de la comptabilité ; ce n'est que, s'il résulte de celui-ci des écarts injustifiés qu'un redressement peut être opéré par l'URSSAF mais en aucun cas quand la différence constatée est corroborée par les chiffres de Ia comptabilité et les déclarations'' ; qu'en rejetant ces attestations après un simple rappel de l'argumentation de la société sur la question des rémunérations non déclarées, sans les avoir aucunement analysées, la cour d'appel a méconnu les articles 455 et 458 du code de procédure civile, ainsi que le principe de motivation des décisions juridictionnelles ;
2°/ qu'aux termes de l'article 202 alinéa 2 du code de procédure civile, l'attestation destinée à être produite en justice mentionne les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s'il y a lieu, son lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles, et qu'en vertu du décret n° 2007-1387 du 27 septembre 2007 portant code de déontologie des professionnels de l'expertise comptable, les experts comptables sont soumis à un devoir de probité et doivent en particulier s'attacher à donner leur avis sans égard aux souhaits de celui qui les consulte et à se prononcer avec sincérité, en toute objectivité, en apportant, si besoin est, les réserves nécessaires sur la valeur des hypothèses et des conclusions formulées et à ne jamais se placer dans une situation qui puisse diminuer leur libre arbitre ou faire obstacle à l'accomplissement de tous leurs devoirs ; qu'en l'espèce pour rejeter les critiques de la société relatives aux rémunérations non déclarées, en déniant toute valeur probante aux attestations produites uniquement en ce qu'elles émanaient de l'expert-comptable de la société, sans fonder son appréciation sur aucun autre élément, la cour d'appel a commis une erreur de droit au regard des dispositions susvisées. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 200, 201 et 202 du code de procédure civile :
9. Il résulte de ces textes, qu'il incombe au juge du fond d'apprécier souverainement les faits relatés dans les attestations mentionnées par ces textes.
10. Pour valider le redressement opéré par l'URSSAF au titre des salaires non déclarés, l'arrêt se borne à retenir que la société, qui évoque des erreurs informatiques, ne justifie des écarts entre la comptabilité et le livre de paie que par l'attestation de son propre expert comptable.
11. En se déterminant ainsi, par des motifs généraux, sans examiner la valeur probante de l'attestation litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CONSTATE le désistement de la société Arc en ciel environnement, en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il valide les redressements opérés par l'URSSAF d'Ile-de-France :
- au titre de la « réduction Fillon » à hauteur de 67 061,70 euros pour l'année 2010 ;
- au titre des salaires non déclarés à hauteur de 161 998 euros,
et en ce qu'il condamne en conséquence la société Arc en ciel environnement au paiement à l'URSSAF d'Ile-de-France de la somme de 369 928,13 euros en deniers ou quittances,
l'arrêt rendu le 22 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.