Cass. soc., 8 février 2017, n° 15-21.064
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Frouin
Rapporteur :
M. David
Avocat général :
Mme Courcol-Bouchard
Avocats :
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Le Bret-Desaché
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 23 juin 1998 en qualité de chef de mission par la Société fiduciaire nationale d'expertise comptable (la société) ; qu'au dernier état de la relation de travail, il occupait les fonctions de directeur d'agence ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail ; qu'il a été licencié pour faute lourde le 29 novembre 2005 ;
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses première, deuxième et cinquième branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :
Vu l'article L. 223-14 alinéas 1er et 4 du code du travail, devenu article L. 3141-26 du code du travail, en sa rédaction résultant de la décision n° 2015-523 du Conseil constitutionnel en date du 2 mars 2016 ;
Attendu que la faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise ;
Attendu que pour déclarer le licenciement fondé sur une faute lourde, l'arrêt retient que le salarié, sans se contenter de remplir son obligation contractuelle d'information, a tenu devant les clients de son employeur des propos contraires aux intérêts de celui-ci en remettant en question le bien fondé de sa politique tarifaire, que ce faisant il a fait preuve de déloyauté à l'égard de son employeur en le plaçant en situation de porte-à-faux vis-à-vis de plusieurs de ses clients sur l'un des éléments essentiels de la relation contractuelle à savoir le prix de la prestation, que compte tenu de son niveau de responsabilité (directeur d'agence) et de sa qualification (expert-comptable), l'auteur de ces propos dénigrant la politique tarifaire de la société devant la clientèle ne pouvait ignorer leur impact et leur caractère préjudiciable et que ces agissements caractérisent l'intention de nuire à l'employeur ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la volonté de nuire du salarié, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et attendu que la cour d'appel ayant caractérisé la faute grave du salarié, la cassation intervenue, si elle atteint le chef de dispositif relatif à l'existence d'une faute lourde, ne s'étend pas aux chefs de dispositif déboutant le salarié de ses demandes relatives, d'abord au salaire et aux congés payés pendant la mise à pied conservatoire, ensuite aux indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis, enfin à l'indemnité de licenciement ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il décide qu'est justifié le licenciement pour faute lourde, l'arrêt rendu le 5 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la Société fiduciaire nationale d'expertise comptable aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Société fiduciaire nationale d'expertise comptable à payer à M. X... la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille dix-sept.