Contrat de bail, loyer, renouvellement ...

Baux commerciaux

Aux termes de l’article 1728, 1° du Code civil, le preneur est tenu d’une obligation d’user des lieux loués, raisonnablement, et suivant la destination qui leur ont été donnée par le bail commercial, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention. Si la destination se caractérise, non par l'usage que le locataire a pu faire des locaux , mais par l’affectation contractu …

Destination des lieux

Aux termes de l’article 1728, 1° du Code civil, le preneur est tenu d’une obligation d’user des lieux loués, raisonnablement, et suivant la destination qui leur ont été donnée par le bail commercial, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention. Si la destination se caractérise, non par l'usage que le locataire a pu faire des locaux , mais par l’affectation contractuelle que les parties leur ont donnée , laquelle doit être conforme aux bonnes mœurs (art. 6 C. civ.) et au règlement de copropriété , le preneur qui n’use pas des lieux loués raisonnablement ou les emploie à un autre usage que celui auquel ils ont été destinés, ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur, s’expose selon les circonstances à la résiliation du bail (art. 1729 C. civ.)  ou à l’application d’une éventuelle clause résolutoire, à la remise en état des lieux, ainsi qu’au versement de dommages et intérêts pour le préjudice subi. En outre, le preneur, qui change la destination contractuellement prévue au bail, peut se voir délivrer un congé avec refus de renouvellement sans indemnité d’éviction . S’il est expressément prévu dans le bail que le bailleur autorise “le preneur à utiliser librement les lieux loués dans le cadre de l'exercice de son commerce”, ces stipulations n'autorisent pas pour autant le preneur à méconnaître la destination des lieux . Ainsi, un preneur manque à ses obligations lorsqu’il transforme un local à usage de commerce en un atelier artisanal et artistique  ou lorsqu’il procède à l’extension de la destination des lieux, même limitée à une activité connexe ou complémentaire, réalisée sans l'autorisation préalable du bailleur ou, à défaut, du tribunal .

La Cour de cassation admet que le preneur puisse exercer des activités accessoires sans contrevenir à la destination contractuelle prévue au bail. Un preneur peut ainsi, pour des locaux à usage exclusif de bar-restaurant, recourir à des animations musicales et à d'autres activités telles que les expositions de tableaux, dont la gratuité et l'absence d'inscription de recettes en comptabilité démontrent qu'il s'agit d'activités accessoires . En revanche, lorsque la commune intention des parties a été de mettre à la disposition du preneur des équipements à l'usage de clients sportifs recherchant une structure où ils puissent pratiquer une activité physique avant toute chose et se restaurer en quelques minutes, ce dernier manque à ses obligations contractuelles dès lors que, malgré les mises en demeure qui lui ont été adressées, il a continué d'exercer des activités de restauration et d'organiser des soirées musicales donnant lieu à des annonces publicitaires dans la presse locale et qui, loin d'être réservées aux seuls membres du centre sportif ou à leurs proches, étaient destinées à un public de consommateurs n'ayant aucun lien avec eux .

Les juges du fond doivent souverainement apprécier, sinon l’accord, du moins l’intention commune  des parties quant à la destination qu’elles ont souhaité donner aux locaux loués, d’où la nécessité d’insérer dans le bail une clause de destination stipulée en des termes clairs et précis. Aussi, une telle clause l’emporte-t-elle sur la clause relative à la description des lieux loués, lorsqu’elle stipule que les locaux faisant l’objet du bail peuvent être utilisés par le preneur pour l’exercice de tous commerces et que la mention “les locaux faisant l’objet du présent bail” ne distingue nullement entre les pièces à usage commercial et les pièces à usage privé , ou lorsque le bail assigne à l'ensemble des locaux du rez-de-chaussée et du premier étage la destination exclusive du commerce de bar, café, restaurant, même si les locaux du premier étage sont décrits au bail comme un appartement comprenant entrée, cuisine, deux chambres . Les juges ont pu déduire du silence du bail, qui ne mentionne ni destination des lieux, ni commerce autorisé, et ne formule aucune restriction, ni interdiction d’une activité commerciale quelconque, que l’intention commune des parties fut de n’apporter aucune limitation à la liberté professionnelle du preneur . Lorsqu'en l’absence de contrat de bail écrit, l’accord des parties sur la destination exclusive de “bar, brasserie, restaurant” mentionnée sur l’extrait Kbis du preneur n'est pas établie, le bail doit être réputé consenti pour tous les commerces auxquels les locaux loués étaient adaptés .

Cependant, le preneur ne peut occuper que les lieux décrits dans le bail. Dès lors, il manque à son obligation d'user du bien loué en bon père de famille et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail lorsqu’il occupe la quasi-totalité de la toiture terrasse, alors que la description des lieux loués, dans le bail, établit qu'aucun toit-terrasse n'est compris dans la location , ou lorsqu’il occupe, sans y avoir été autorisé, une partie commune non comprise dans les lieux loués, alors que le bail lui faisait obligation de respecter le règlement de copropriété .

Lorsque le bail prévoit que les locaux loués font l’objet d’une destination multiple, deux situations doivent être distinguées : soit il est précisé que le preneur est tenu ou non d’exercer dans les lieux toutes les activités indiquées dans la clause de destination, soit il n’est rien stipulé et dans ce cas, le preneur n’est pas obligé d’exploiter toutes les activités énumérées au bail. Ainsi, lorsque le bail indique que le preneur ne pourra exercer dans les lieux loués d'autres commerces que celui de “café hôtel restaurant” sans que sous aucun prétexte il puisse cesser momentanément de l'exploiter, celui-ci ne peut supprimer les activités d'hôtel et de café, sans autorisation du bailleur . En revanche, lorsqu’une telle clause précise seulement que les lieux loués doivent “servir exclusivement à l’exploitation du commerce de bar-hôtel-restaurant”, sans contraindre le preneur à maintenir chacune de ces activités, l’abandon de la seule branche hôtel ne suffit pas à caractériser un manquement de sa part .

Si les parties peuvent décider, d’un commun accord, de modifier conventionnellement la destination du bail, par le biais d’un avenant par exemple, cette modification de la destination peut également résulter d’un accord tacite du bailleur, qui doit être non équivoque , mais en aucun cas d’une simple tolérance de ce dernier . Ainsi, la simple connaissance, par le bailleur, de l’adjonction d’une activité, qui n’a pas été autorisée mais seulement envisagée dans un projet de bail faisant suite à des négociations n'ayant pas abouti, et son absence d'opposition ne valent que simple tolérance . Le fait pour celui-ci d'avoir toléré, pendant de nombreuses années, le changement de la destination des lieux loués, ne constitue pas non plus une autorisation tacite, et justifie la résiliation du bail . Il en va de même du silence  et de la simple attitude passive  du bailleur, qui n'impliquent pas, à eux seuls, acceptation du changement de destination, et qui ne présument en rien une quelconque renonciation de sa part à son droit d’agir en résiliation du bail, même s’il n’a pas pris l'initiative de l'action aussitôt qu'il a connu la situation . La solution dégagée par la Cour de cassation a finalement trouvé une consécration légale à l’article 1120 du Code civil, issu de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 , aux termes duquel, “le silence ne vaut pas acceptation, à moins qu'il n'en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d'affaires ou de circonstances particulières”. En revanche, est caractérisée l’acceptation tacite du bailleur au changement de destination des lieux loués lorsqu’il a effectué dans le magasin du preneur, pendant des années, des achats de produits non prévus dans le bail , ou lorsqu’en violation de la clause de destination, le preneur a exercé un commerce de teinturerie dans les lieux, mais que le bailleur, installé dans le même immeuble, lui a confié, à diverses reprises, des vêtements en vue de leur nettoyage .

Enfin, le bailleur peut également autoriser le preneur à exercer, dans les lieux loués, des activités différentes de celles prévues au bail sous réserve que soient remplies certaines conditions, telles que par exemple leur compatibilité avec la destination, les caractères et la situation de l'immeuble .

Cass. 3e civ., 13 février 1970, LawLex202200010637JBJ, Bull. civ. III, n° 113, qui ajoute que la simple connaissance d'une situation irrégulière ne peut conférer un droit, en l'absence de tout acte positif non ambigu valant autorisation.

Cass. 3e civ., 6 décembre 1995, LawLex202100004552JBJ, RJDA 1996, n° 190 ; Loyers et copropr. 1996, n° 112.

Cass. 3e civ., 25 janvier 2006, LawLex202100004578JBJ, préc.

Cass. 3e civ., 4 mars 2008, LawLex202100001377JBJ, AJDI 2008, 987, qui approuve la cour d’appel ayant souverainement déduit l’utilisation, par le preneur, de l’ensemble des locaux pour son activité commerciale.

Cass. 3e civ., 9 mars 2010, LawLex202300000278JBJ, qui approuve la cour d’appel d’avoir retenu que l'utilisation du local situé au premier étage, en salle de restaurant, ne caractérise pas une modification de l'affectation des lieux.

Cass. 3e civ., 4 juin 1971, LawLex202300000279JBJ, Bull. civ. III, n° 355.

Paris, 27 juin 2024, LawLex202400005042JBJ.

Cass. 3e civ., 19 mai 2015, LawLex202100004595JBJ.

Cass. 3e civ., 5 février 1997, LawLex202100004557JBJ.

Paris, 24 novembre 1994, n° 92/22454. – Confirmée par Cass. 3e civ., 4 février 1997, LawLex202200000672JBJ, Administrer juill. 1997, 35.

Cass. 3e civ., 3 mars 1993, LawLex202300000510JBJ.

Colmar, 12 juin 2024, LawLex202400004638JBJ.

L. 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, art. 8, I, al. 1, et 9, al. 1.

Cass. 3e civ., 26 novembre 1991, LawLex202200001106JBJ, Loyers et copropr. 1992, n° 69, obs. BRAULT.

Cass. 3e civ., 12 mai 2016, LawLex202300000511JBJ, D. 2016, 1613, obs. DUMONT-LEFRAND.

Cass. com., 10 avril 1962, LawLex202200010860JBJ : en l’espèce, le commandement intimant au preneur d'avoir à se conformer à la destination des lieux, sous peine de voir jouer la clause résolutoire du bail, était resté sans effet.

Cass. 3e civ., 4 mai 2006, LawLex202300000512JBJ, Bull. civ. III, n° 108 ; D. 2006, 1454, obs. ROUQUET ; AJDI nov. 2006, 817, obs. DENIZOT ; JCP G 2006, IV, 2177 ; Gaz. Pal. 2006, 2, jurispr. 3981, obs. BARBIER ; Loyers et copropr. 2006, comm. 182, obs. BRAULT : en l’espèce, le preneur exerçait une nouvelle activité de crêperie dans les lieux loués, sans que le bailleur ne s’y oppose, alors que le bail n’autorisait que l’exploitation d’un café-bar.

Cass. 3e civ., 4 février 1997, LawLex202200000672JBJ, préc. ; Colmar, 12 juin 2024, LawLex202400004638JBJ, préc.

Cass. com., 26 février 1962, LawLex202200010863JBJ.

Ord. 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, art. 2.

Cass. com., 12 janvier 1967, LawLex202200010861JBJ.

Cass. 3e civ., 3 décembre 1974, LawLex202300000513JBJ.

Cass. 3e civ., 27 novembre 2007, LawLex202300000514JBJ, selon laquelle le preneur ne peut exercer l’activité envisagée, qui aurait exigé des travaux d'aménagements intérieurs et extérieurs importants, et qui n'est pas compatible avec la destination de l'immeuble conçu pour des activités de vente et d'exposition de matériels.

Versailles, 16 juin 2022, LawLex202200003548JBJ.

Cass. 3e civ., 5 juillet 1995, LawLex202300000515JBJ.

Versailles, 24 novembre 2022, LawLex202200010910JBJ.

Lyon, 13 janvier 2015, LawLex202200010430JBJ.

Cass. 3e civ., 24 octobre 1990, LawLex202100003955JBJ, Bull. civ., III, n° 197 ; Rev. loyers 1991, 137 ; Rev. loyers 1991, 395.

Cass. 3e civ., 13 janvier 1999, LawLex202100004637JBJ.

Cass. 3e civ., 25 janvier 2006, LawLex202100004578JBJ, AJDI 2006, 279, note DENIZOT ; RJDA 2006, n° 390.

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