Contrat de bail, loyer, renouvellement ...

Baux commerciaux/Fonds de commerce

Le preneur, qui a demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ou a été admis au bénéfice d'une pension d'invalidité, est tenu, conformément à l’article L. 145-51, alinéa 1, du Code de commerce, de signifier au bailleur, ainsi qu’aux créanciers sur le fonds de commerce, son intention de céder le bail en précisant le prix proposé et la nature des activités dont l'exercice est envisagé. L’article 27 de la loi 2015-990 du 6 août 2015, qui a modifié l’article L. 145-49 et remplacé la signification par une notification par lettre recommandée avec accusé de réception, ne vise pas l’article L. 145-51. Aussi, la signification de la cession de bail au bailleur et aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce, sur le fondement de l'article L. 145-51, doit-elle s’effectuer par acte extra-judiciaire . La signification de l’intention de céder le bail délivrée, par acte de commissaire de justice, au mandataire du bailleur, est atteinte de nullité lorsqu’il n’est pas établi que ce dernier en ait eu connaissance dans un délai lui permettant d'exercer ses droits . En outre, aucun texte ne prévoit que la déspécialisation signifiée au bailleur soit préalablement stipulée dans un compromis dont la teneur n'a pas davantage à lui être communiquée, la convention projetée entre le preneur cédant et le cessionnaire éventuel lui étant étrangère .

L’article L. 145-51, alinéa 1, du Code de commerce précise qu’à réception de la signification, le bailleur dispose, dans un délai de deux mois, d’une priorité de rachat aux conditions fixées dans l’acte extrajudiciaire. A défaut d’usage de ce droit, son accord est réputé acquis si, dans le même délai, il n’a pas saisi le tribunal judiciaire . Toutefois, le fait que le bailleur ne se soit pas opposé à la cession dans le délai légal ni n’ait exercé son droit de préemption ne signifie pas qu’il a autorisé la réalisation de travaux d’aménagement par le cessionnaire, laquelle a été érigée comme condition suspensive dans l’acte de cession . Par ailleurs, la circonstance que dans le délai compris entre la signification par le preneur de son intention de céder son bail et l'exercice par le bailleur de son droit de priorité, des négociations soient intervenues entre le bailleur et le candidat cessionnaire au sujet du prix du loyer, le bailleur ayant tenté d'obtenir un loyer supérieur et un droit d'entrée, ne vaut pas renonciation du bailleur à l'exercice de son droit qu'il tient de la loi . Le bailleur ne peut exercer la priorité de rachat du droit au bail qu'aux conditions fixées dans la signification, sans distinguer suivant ces conditions. Aussi, ne peut-il opposer au preneur la compensation entre le prix de vente du droit au bail proposé, qu’il a accepté, et sa créance résultant du coût des travaux de réfection des lieux loués lui incombant alors que figure, parmi les conditions dans l’acte de signification, celle concernant la prise des lieux en l'état .

Le bailleur, qui s’oppose au changement d’activité, doit saisir le tribunal judiciaire dans le délai de deux mois à compter de la signification de la cession de bail. La saisine du tribunal étant la seule forme procédurale admise, un commandement visant la clause résolutoire ne peut pas s’y substituer et s’analyser comme un refus d'accorder la déspécialisation . Le bailleur, qui refuse le changement d’activité, ne peut pas opposer au preneur des motifs autre que ceux tenant à la compatibilité du commerce envisagé avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble . Si l'article L. 145-51 présente un caractère d'ordre public, le droit du preneur, qu'il consacre, ne permet pas de faire échec aux règles conventionnelles régissant l'immeuble abritant les locaux loués, et en particulier le cahier des charges . Dès lors, si une clause du règlement de copropriété aménage et restreint la destination des locaux commerciaux dépendant de l’immeuble en excluant les activités pouvant concurrencer celles des commerces déjà existants au sein de la copropriété, les nouvelles activités dont l’exercice est envisagé dans le cadre de la cession du droit au bail qui seraient de nature à faire directement concurrence à l’un de ces commerces, sont incompatibles avec la destination de l’immeuble  . En revanche, lorsqu’une clause de non-concurrence s'impose à l'ensemble d’un centre commercial, un bailleur ne peut s’opposer à la cession du droit au bail accompagnée d’une déspécialisation des lieux loués lorsqu’il n’est pas démontré que l’activité envisagée vient concurrencer des commerces existant au sein du centre . 

Enfin, si le bailleur doit justifier d'un motif sérieux et légitime pour s'opposer à la cession envisagée, cette opposition ne doit en aucun cas caractériser un abus de droit , sanctionné par des dommages-intérêts, s’il en résulte un préjudice pour le preneur , qui peut s’analyser en une perte de chance de voir la cession aboutir . Ainsi, l’attitude du bailleur consistant à nier le droit légitime de son preneur en le menaçant par l’intermédiaire d’un avocat, ainsi que le cessionnaire, d’une procédure judiciaire en cas de réitération de la promesse de cession, est constitutive de mauvaise foi et engage sa responsabilité . L’abus de droit est caractérisé lorsque le refus du bailleur est lié non à l'activité future du cessionnaire mais à des exigences financières qui n'ont pas lieu d'être , ou lorsque le propriétaire a œuvré pour faire échouer la cession . En revanche, le refus du bailleur ne présente pas un caractère fautif lorsqu’il se borne à exercer sur le terrain légal et de façon non abusive son droit de contestation . 

Colmar, 29 janvier 2007, LawLex202300009323JBJ.

Paris, 24 janvier 2018, LawLex202300009324JBJ.

Paris, 21 avril 2000, n° 1999/07274,  JurisData : 2000-114076 : en l’espèce, l’immeuble abritait déjà un commerce de “ charcuterie traiteur avec plats cuisinés à emporter ” et le cessionnaire du droit au bail envisageait les activités de “ vente à emporter, restauration rapide, sandwicherie ”. 

Cass. 3e civ., 13 mai 2015, LawLex202200000624JBJ, Loyers et copropr. 2015, comm. 165, CHAVANCE ; Administrer juin 2015, 24, note BARBIER ; Montpellier, 30 mai 2017, LawLex202200003796JBJ, préc.

Montpellier, 3 septembre 2013, LawLex202300009360JBJ, préc.

Bordeaux, 16 novembre 2011, LawLex202300009361JBJ.

Cass. 3e civ., 1er avril 2008, LawLex202300009321JBJ.

Paris, 27 juin 2018, LawLex202300009322JBJ, RJDA 11/18, n° 807 ; Loyers et copropr. 2018, 212, obs. CHAVANCE.

Bordeaux, 16 novembre 2011, LawLex202300009361JBJ, préc. : en l’espèce, le bailleur avait finalement soumis son autorisation au versement par le preneur actuel d'une somme d'argent et à une renégociation des conditions du bail avec augmentation du loyer mensuel alors que la déspécialisation liée à la cession envisagée ne permet pas une modification du prix du bail en application de l'article L. 145-51 du Code de commerce.

Paris, 13 septembre 2006, LawLex202300009362JBJ, Administrer janv. 2007, 46, obs. LIPMAN W-BOCCARA, approuvée par Cass. 3e civ., 1er avril 2008, LawLex202300009321JBJ : en l’espèce, le bailleur avait émis des objections quant à l’impossibilité d’obtenir des autorisations nécessaires aux travaux à envisager pour l’exercice de la nouvelle activité au regard des clauses du règlement de copropriété, alors que l’impossibilité d’obtenir ces autorisations n’était pas vérifiée et que celui-ci était copropriétaire majoritaire de l’immeuble, ceci laissant toute probabilité pour que la cession ait pu aboutir si le bailleur avait été de bonne foi.

Paris, 2 juillet 1993, n° 92/26476, JurisData : 1993-022398.

Cass. 3e civ., 16 janvier 2002, LawLex202200000626JBJ, Bull. civ. III, n° 2 ; Dr. et patrimoine 2002, n° 103, 94, note CHAUVEL ; RJDA 2002, n° 3, 200 ; Gaz. Pal. 1er et 2 mars 2002, somm. 16 ; Rev. loyers 2002, 231, note DE MAILLARD ; Loyers et copropr. 2002, comm. 62, BRAULT et PEREIRA ; Administrer avr. 2002, 28, note BARBIER.

Cass. 3e civ., 19 novembre 2015, LawLex202200000621JBJ, Gaz. Pal. 1er mars 2016, 83, note CONSEIL ; Administrer déc. 2015, 25, note LIPMANN et BOCCARA, qui retient que le bailleur, qui, ayant été avisé de la cession du bail, n’a formulé ni opposition ni observation dans le délai de deux mois, n’est plus en droit d’invoquer la priorité de rachat ni même de contester la cession devant le tribunal judiciaire et solliciter l’expulsion du nouveau preneur pour occupation sans droit ni titre.

Cass. 3e civ., 21 mai 2014, LawLex202300009357JBJ, RJDA 10/14, n° 747, qui précise que la non-réalisation de la cession à la date initialement convenue ne peut être imputée à faute au bailleur.

Paris, 13 janvier 2017, LawLex202300009358JBJ.

Cass. 3e civ., 30 novembre 1994, LawLex202300009325JBJ, D. 1997, Somm. 301, obs. ROZES.

Cass. 3e civ., 5 mars 2008, LawLex202200000625JBJ, D. 2008, 917, obs. ROUQUET ; AJDI 2008, 758, obs. BLATTER ; RJDA 2008, n° 495 ; Rev. loyers 2008, 208, note QUEMENT.

Cass. 3e civ., 23 novembre 2011, LawLex202200000623JBJ, préc.

Montpellier, 3 septembre 2013,LawLex202300009360JBJ, qui précise qu’en effet, l’article L. 145-51 énonce que la nature des activités dont l'exercice est envisagé doit être compatible avec la destination et les caractères de l’ensemble immobilier où se situent les locaux.

175. Procédure