Contrat de bail, loyer, renouvellement ...

Baux commerciaux/Fonds de commerce

CENDRIER, Le fonds de commerce, Dalloz, 6e éd. par MARTIN et MAUS, 1934 ; BUISSON, Le statut légal du fonds de commerce, 1934 ; MONTIER et FAUCON, De la vente et du nantissement des fonds de commerce, 4e éd., 1934 ; COHEN, Traité théorique et pratique des fonds de commerce, 2e éd., 2 vol., 1948 ; JAUFFRET, Le fonds de commerce, 60e congrès des notaires de France, 1962 ; LE MOAL, Contribution à l’é …

Bibliographie générale

En droit français, le fonds de commerce est une construction juridique singulière qui rassemble, au sein du patrimoine du commerçant, les biens et droits affectés à la même exploitation. Il ne constitue ni une personne, ni un patrimoine d’affectation autonome : c’est une universalité de fait ordonnée autour d’un centre de gravité — la clientèle — que servent, selon les cas, des éléments matériels et immatériels. La consécration de cette universalité a profondément structuré les échanges : elle a permis d’organiser la transmission des activités (vente, location-gérance), d’adosser des financements à une sûreté dédiée (nantissement) et, plus largement, de donner une valeur patrimoniale stable à des activités auparavant appréhendées de façon éclatée.

Cette notion, absente du Code de commerce de 1807, s’impose progressivement sous l’effet de besoins très concrets. D’abord fiscaux, avec la loi du 28 février 1872 instituant des droits de mutation sur la vente globale des éléments d’exploitation ; puis financiers, avec la loi du 1er mars 1898 (aujourd’hui abrogée) qui a ouvert la voie au gage sans déplacement par inscription. L’armature juridique se met véritablement en place avec la loi du 17 mars 1909, qui fixe les règles de publicité des cessions, le privilège du vendeur, le nantissement et la saisie, complétées en période de crise par la loi du 29 juin 1935, laquelle a posé des règles de vente à vocation permanente. Parallèlement, la loi du 30 juin 1926 relative à la propriété commerciale consolide le droit au bail et renforce, par ricochet, la valeur économique des fonds. Des textes ultérieurs affinent les formalités de publicité et introduisent des régimes spéciaux (location-gérance, nantissement judiciaire, crédit-bail). Plus récemment, la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 a modernisé l’ensemble en abrogeant l’article L. 141-1 du Code de commerce. Ce parcours révèle l’originalité d’un modèle français, façonné par la pratique et la finance plus que par l’abstraction théorique : là où d’autres systèmes privilégient la catégorie d’“entreprise” (Allemagne, Italie) ou le goodwill (Common law), le droit français a construit un objet unique, aisément transmissible et nantissable, qui agrège autour de la clientèle les éléments nécessaires à l’exploitation.

La composition du fonds reflète cette finalité. Entrent classiquement dans son périmètre des éléments corporels — tels l’outillage et les marchandises — et des éléments incorporels — nom commercial, enseigne, droit au bail, droits de propriété industrielle comme la marque ou le brevet. La liste n’est pas figée : ces éléments ne prennent sens qu’en tant qu’ils concourent à l’exploitation et rattachent une clientèle au fonds. La clientèle n’est pas un accessoire ; elle conditionne l’existence même du fonds. Il en découle deux conséquences majeures. D’une part, certains éléments peuvent faire défaut sans anéantir le fonds si la clientèle subsiste. D’autre part, des biens pourtant essentiels en pratique, au premier rang desquels les immeubles, restent exclus du périmètre, ce qui confirme la nature mobilière du fonds et justifie des dispositifs spécifiques — au premier chef, le droit au bail — pour assurer la continuité de l’exploitation. Pour la même raison, la cession du fonds n’emporte pas, en principe, transfert des créances et dettes d’exploitation, sauf clause ou texte contraire : l’universalité demeure de fait, ajustable par la volonté, mais incomplète au regard d’un véritable patrimoine d’affectation.

L’intérêt du mécanisme se mesure à ses fonctions. Sur le terrain de la circulation, l’identification d’une entité économique cohérente facilite les transmissions sous un régime protecteur : mentions d’information, publicité, délai d’opposition des créanciers, séquestre du prix. En matière de crédit, la possibilité de nantir la valeur du fonds a été décisive : un créancier peut prendre sûreté sur un bien qui reste exploité, sous réserve d’inscriptions et de renouvellements, ce qui lie intimement la notion au financement du commerce. Du point de vue de la sécurité juridique, l’édifice des publicités et priorités (privilège du vendeur, opposabilité) clarifie la place de chacun — acquéreur, créanciers, bailleur — et stabilise les anticipations. Les ajustements fiscaux intervenus au fil du temps ont cherché à accompagner ces fonctions sans alourdir excessivement le coût des opérations.

Le fonds n’est pas seulement une catégorie juridique : c’est une valeur économique. La possibilité de le vendre et de le donner en garantie suppose un prix qui capitalise la capacité d’attraction de la clientèle, la force d’un emplacement — via le droit au bail — et le pouvoir distinctif des signes (nom, enseigne, marque). Cette valorisation diffuse dans tout le système : la vente est encadrée pour préserver l’information de l’acquéreur et l’accès des créanciers au prix ; le nantissement dépend d’inscriptions et de renouvellements dont le respect conditionne la préférence du créancier ; le bail, élément incorporel du fonds, apporte une stabilité qui nourrit la valeur tout en imposant des exigences de délivrance et de conformité. L’ensemble transforme l’exploitation en actif cessible et finançable, tout en introduisant des coûts et des frictions que le droit tente d’équilibrer.

La doctrine souligne aussi des limites plus prosaïques. Le fonds reste un assemblage imparfait : les immeubles en sont exclus, les créances et dettes d’exploitation ne se transfèrent pas automatiquement, et ses contours se brouillent dans les réseaux intégrés, la franchise ou les magasins collectifs, où l’on hésite entre clientèle du point de vente et clientèle du réseau. À cela s’ajoute une critique économique, souvent qualifiée de “ parasitisme ” : la clientèle, capitalisée dans un actif cessible, devient l’objet d’un prix qui s’analyse, pour l’acquéreur, comme une rente d’accès au marché — une “ rente d’implantation ” ou “ rente de clientèle ” — payée en amont pour bénéficier d’un emplacement, d’un nom ou d’une enseigne, indépendamment de la prestation future. Cette logique n’est pas illégitime en soi, puisqu’elle rémunère un travail d’accumulation antérieur, mais elle peut dériver en survalorisation lorsque le prix du fonds se déconnecte des capacités bénéficiaires réalistes. On comprend alors que, selon les conjonctures, les mutations reculent malgré les réformes incitatives : le coût cumulé des droits, frais et mises en conformité, ajouté à cette rente d’entrée, peut décourager les repreneurs et peser, in fine, sur les prix pratiqués auprès du public.

Au total, le fonds de commerce demeure une technique au service de la valeur : il capte la rencontre d’une clientèle, d’un emplacement et de signes distinctifs pour en permettre la transmission, la mise en garantie et la gestion. Sa force tient à la cohérence qu’il confère à l’exploitation et à la sécurité qu’il offre aux acteurs ; sa faiblesse, à la porosité de ses frontières et aux coûts que sa protection peut engendrer. L’avenir de la notion ne passe ni par sa sacralisation, ni par sa remise à néant, mais par une actualisation mesurée : clarifier ce qui entre — ou non — dans l’universalité mobilière, simplifier les publicités et la distribution du prix, stabiliser les critères d’attribution de la clientèle. À ce prix, le fonds continuera de remplir sa fonction première : rendre la valeur de l’exploitation visible, cessible et finançable. 

Dans cette logique, l’étude s’ouvrira par l’examen de ses éléments constitutifs, corporels et incorporels (Titre I), se poursuivra par l’analyse de sa circulation par la vente (Titre II), abordera ensuite son exploitation par autrui au moyen de la location-gérance (Titre III), avant de se terminer sur l’affectation du fonds à la garantie des créanciers par le nantissement (Titre IV).

Introduction

CENDRIER, Le fonds de commerce, Dalloz, 6e éd. par MARTIN et MAUS, 1934 ; BUISSON, Le statut légal du fonds de commerce, 1934 ; MONTIER et FAUCON, De la vente et du nantissement des fonds de commerce, 4e éd., 1934 ; COHEN, Traité théorique et pratique des fonds de commerce, 2e éd., 2 vol., 1948 ; JAUFFRET, Le fonds de commerce, 60e congrès des notaires de France, 1962 ; LE MOAL, Contribution à l’étude d’un droit de concurrence, nature du droit sur les valeurs concurrentielles, thèse, Rennes, 1972 ; LE FLOCH, Le fonds de commerce, LGDJ, 1986 ; DERRUPPE, Le fonds de commerce, Dalloz, 1994 ; DERRUPPE, Rép. Dalloz dr. com., V° Fonds de commerce, 1998 ; DESGORCES, Notion de fonds de commerce et Internet, Comm. com. électr., chron., n° 5, 2000 ; BARRET, Les contrats portant sur le fonds de commerce, LGDJ, 2001 ; CHATAIN-AUTAJON, La notion de fonds en droit privé, Litec, 2006 ; LEMEUNIER, Fonds de commerce, Achat et vente, Exploitation et gérance, Delmas, 17e éd., 2007 ; VERBIEST, Le fonds de commerce électronique : vers une reconnaissance juridique ?, Comm. com. électr., étude, n° 10, 2008 ; DISSAUX, J.-Cl. Commercial, Fonds de commerce, fasc. 201 à 206, 2010 ; DENIZOT et REYGROBELLET, Fonds de commerce 2012-2013, Dalloz Action, 2e éd., 2012 ; REINHARD, THOMASSET-PIERRE, NOURISSAT, Droit commercial : actes de commerce, commerçants, fonds de commerce, LexisNexis, 8e éd., 2012 ; BRIGNON, Les baux commerciaux et les ventes de fonds de commerce après la loi Macron, JCP E, n° 1484, 2015 ; REZEK, Achat et vente de fonds de commerce, LexisNexis, 10e éd., 2022 ; DEKEUWER-DEFOSSEZ, Droit commercial : actes de commerce, fonds de commerce, commerçants, concurrence, LGDJ, 13e éd., 2023 ; INGOLD, Fonds de commerce 2023, Éditions législatives, 2023 ; PEDAMON, Droit commercial : commerçants et fonds de commerce, Dalloz, 5e éd., 2023 ; PIEDELIEVRE, Actes de commerce, commerçants, fonds de commerce, Dalloz, 14e éd., 2024 ; DELPECH, Fonds de commerce, Delmas, 20e éd., 2025

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