Le Droit de la consommation, troisième tome du Traité de droit économique, expose, dans une perspective comparative, l’ensemble des règles européennes et françaises : publicité, pratiques commerciales déloyales, conditions de validité du contrat, clauses abusives, conformité des produits, vices cachés, sécurité des produits.

Droit de la consommation

La transposition incorrecte de la directive 85-374, par la loi du 19 mai 1998 a non seulement conduit le législateur français à modifier à plusieurs reprises le régime de responsabilité issu de ce texte, mais également suscité des problèmes d'application de la loi dans le temps. 
Avant même l'adoption de la directive et sa transposition, la jurisprudence française a mis à la charge du fabricant un …

Application de la loi dans le temps

DRANCOURT, L'effet direct de la directive européenne sur la responsabilité du fait des produits défectueux en droit français, Gaz. Pal. 1989, 469 ; VAN DOORN, Réflexions sur l'effet direct des directives communautaires, à propos de la directive sur la responsabilité du fait des produits, Gaz. Pal. 1989, 171 ; DESMAZIÈRE de SÉCHELLES, L'effet devant les tribunaux d'une directive communautaire non transposée : l'exemple de la directive en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, JCP E, 1995, 453. 

La transposition incorrecte de la directive 85-374, par la loi du 19 mai 1998 a non seulement conduit le législateur français à modifier à plusieurs reprises le régime de responsabilité issu de ce texte, mais également suscité des problèmes d'application de la loi dans le temps. 

Avant même l'adoption de la directive et sa transposition, la jurisprudence française a mis à la charge du fabricant une obligation de sécurité fondée sur l'article 1147 (devenu l'art. 1231-1) du Code civil, ou plus rarement les articles 1382 (devenu l'art. 1240) ou 1384, alinéa 1er (devenu l'art. 1242, al. 1er), du même code, qu'elle a fait évoluer dans le temps en l'interprétant à la lumière de la directive. De fait, un droit protecteur de la victime d'un produit défectueux conforme à l'esprit du texte européen s'était déjà développé en France . Or, selon la Cour de justice , l'article 13 de la directive interdit aux États membres de maintenir un régime de responsabilité du fait des produits défectueux différent de celui prévu par la directive. Selon la Cour de cassation, même si le juge n'a pas, sauf règles particulières, l'obligation de changer le fondement juridique des demandes, il est tenu, lorsque les faits dont il est saisi le justifient, de faire application des règles d'ordre public de l'Union européenne, telle la responsabilité du fait des produits défectueux, même si le demandeur ne les a pas invoquées .  

Il résulte de cette jurisprudence que : 

- Pour les produits mis en circulation avant la date d'expiration du délai de transposition (le 30 juillet 1988 ) et a fortiori avant la notification de la directive , le droit commun est applicable puisqu'aucun régime spécial de responsabilité du fait des produits défectueux n'existait ou ne devait exister en vertu du droit de l'Union, antérieurement à cette date.

- Pour les produits mis en circulation après l'entrée en vigueur de la loi de transposition du 19 mai 1998 (le 21 mai 1998 ), le régime spécial de responsabilité du fait des produits défectueux est applicable, à l'exclusion du droit commun .

- Pour les produits mis en circulation après le 30 juillet 1988  et avant le 21 mai 1998, le droit commun s'applique, interprété “à la lumière de la directive” par les juridictions  . Toutefois, la Haute juridiction  a précisé que “l'obligation pour le juge national de se référer au contenu d'une directive lorsqu'il interprète et applique les règles du droit interne trouve ses limites dans les principes généraux du droit, notamment les principes de sécurité juridique ainsi que de non-rétroactivité, et que cette obligation ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national”. La Cour en déduit que l'action en responsabilité délictuelle dirigée contre le fabricant d'un produit dont le caractère défectueux est invoqué et qui a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi de transposition de cette directive, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé en application de l'article 2226 du Code civil, les dispositions du droit interne ne pouvant faire l'objet, sur ce point, d'une interprétation conforme au droit de l'Union. 

Quel que soit le fondement retenu, nous nous référons à cette jurisprudence dans le cadre de cette section dans la mesure où ce régime intermédiaire a participé pleinement à l'édification de notre droit interne de la responsabilité du fait des produits défectueux. 

CJCE, 25 avril 2002, Commission des Communautés européennes c. République française, aff. C-52-00, LawLex200300003122JBJ, Contrats Conc. Consom. 2002, nº 26, obs. RAYMOND ; D., 2002, Chron., 2458, obs. CALAIS-AULOY ; JCP G, 2002, I, 177, obs. VINEY ; D., 2003, 1299, obs. JONQUET, MAILLOLS, VIALLA ; LPA, 2003, nº 93, 4, obs. GORNY ; LPA, 2003, nº 99, 9, obs. ROBIN-OLIVIER et BERGÉ ; RMCUE, 2002, 379, obs. KLAGES ; D. 2002, 2462, obs. LARROUMET ; RTD civ. 2002, 523, obs. JOURDAIN ; D. 2002, 2935, obs. PIZZIO ; Commission des Communautés européennes c. République hellénique, aff. C-154-00, LawLex200300003128JBJ, Contrats Conc. Consom. 2002, n° 117, obs. RAYMOND ; aff. C-183-00, María Victoria González Sánchez c. Medicina Asturiana SA, LawLex200300003126JBJ, Contrats Conc. Consom. 2002, n° 117, obs. RAYMOND ; D. 2002, 2462, LARROUMET ; RTD civ. 2002, 523, obs. JOURDAIN ; RTD com. 2002. 585, obs. LUBY ; RDC 2003, 107, obs. BRUN ; D. 2002, 2937, obs. PIZZIO.

Cass. mixt., 7 juillet 2017, LawLex201700001189JBJ : une cour d'appel ne peut appliquer la responsabilité du fait personnel au motif que la victime n'a pas invoqué la responsabilité du fait des produits défectueux et que le produit incriminé a été mis en circulation en 1968, année de son autorisation de mise sur le marché, lorsque la date de mise en circulation du produit litigieux, acquis en 2002, et qui ne saurait résulter de la seule autorisation de mise sur le marché, est postérieure à la date d'effet de la directive 85-374.

Article 19.1 de la directive 84-375 du 25 juillet 1985, ladite directive ayant été notifiée aux États membres le 30 juillet 1985 : "Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard trois ans à compter de la notification de la présente directive".

Cass. civ. 1re, 24 janvier 2006, LawLex200600001142JBJ, RTD civ. 2006. 571, obs. JOURDAIN ; RCA 2006, n° 89, obs. RADÉ : dès lors que les produits litigieux ont été mis en circulation en février 1985, c'est-à-dire avant la notification de la directive 85-374, il n'y a pas lieu d'interpréter le droit national à la lumière de celle-ci. 

La loi du 19 mai 1998 a été publiée au JO du 21 mai 1998, p. 7744. 

Pau, 11 avril 2014, LawLex201400000748JBJ : la responsabilité du fabricant et du vendeur de la herse litigieuse doit être recherchée sur le fondement de l'article 1386-1 (devenu l'art. 1245) du Code civil, dès lors que celle-ci a été mise en circulation postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi sur la responsabilité du fait des produits défectueux. La loi du 19 mai 1998 n'est applicable qu'aux seuls produits dont la mise en circulation est postérieure à son entrée en vigueur, quelle que soit la date de survenance du sinistre, V. Aix-en-Provence, 9 mai 2012, LawLex201200001369JBJ.

Caen, 18 juin 2013, LawLex201600000631JBJ, précisant que la directive du 25 juillet 1985 est applicable, par anticipation, à des faits postérieurs à la date limite de transposition, et ce, même s'ils étaient survenus antérieurement à la date, effective, de transposition.

Paris, 15 mai 2006, LawLex201600000666JBJ : s'agissant d'un produit fabriqué avant 1998, qu'il convient d'interpréter l'article 1384, alinéa 1 (devenu l'art. 1242) du Code civil à la lumière de la directive européenne n° 85-374 du 24 juillet 1985 ; Cass. civ. 1re, 15 mai 2007, LawLex200700000753JBJ, JCP G, 2007, 185, obs. STOFFEL-MUNCK ; RTD civ. 2007. 580, obs. JOURDAIN ; RDC 2007, 1147, obs. BORGHETTI ; Contrats Conc. Consom. 2007, n° 233, obs. LEVENEUR : "La cour d'appel qui, par application des méthodes reconnues par le droit national, n'a fait qu'interpréter, comme cela lui incombait, l'article 1147 (devenu l'art. 1231-1) du Code civil à la lumière de la Directive 85-374-CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, en vue d'atteindre le résultat recherché par la norme communautaire, dans un litige relevant du domaine d'application de cette directive, non encore transposée, et né de faits postérieurs à l'expiration du délai de transposition, a décidé à bon droit que l'action en responsabilité contractuelle fondée sur le texte de droit interne, ainsi exactement interprété, était irrecevable à l'encontre du fournisseur" ; Angers, 7 mai 2019, LawLex201900000658JBJ : les dispositions du Code civil relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne sont pas applicables à un produit mis en circulation avant l'entrée en vigueur, intervenue au 21 mai 1998, de la loi du 19 mai 1998, tel qu'un coude de raccordement défectueux mis en oeuvre au cours de travaux facturés le 19 mai de cette année-là.

Cass. civ. 1re, 15 mai 2015, LawLex201500000616JBJ, JCP G, 2015, 881, obs. BORGHETTI ; Contrats Conc. Consom. 2015, n° 197, obs. LEVENEUR ; Gaz. Pal. 1-2 juillet 2015, 15, obs. BLANC ; RCA 2015, n° 210, obs. BLOCH ; 15 juin 2016, LawLex201600001109JBJ ; 17 janvier 2018, LawLex201800000143JBJ ; 30 janvier 2018, LawLex201800000238JBJ. - V. Aix-en-Provence, 12 novembre 2020, LawLex202000003105JBJ.

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