Contrats d'affaires

Alors que dans un contrat d'entreprise l'entrepreneur est tenu de réaliser un travail , dans le contrat de dépôt, le dépositaire doit, en vertu de l'article 1915 du Code civil , conserver la chose en vue de sa restitution. Outre cette différence de nature, ces deux contrats se distinguent quant à leur qualification juridique. Alors que le contrat de dépôt est un contrat réel , le contrat d’entrepr …

Contrat de dépôt.

Alors que dans un contrat d'entreprise l'entrepreneur est tenu de réaliser un travail , dans le contrat de dépôt, le dépositaire doit, en vertu de l'article 1915 du Code civil , conserver la chose en vue de sa restitution. Outre cette différence de nature, ces deux contrats se distinguent quant à leur qualification juridique. Alors que le contrat de dépôt est un contrat réel , le contrat d’entreprise relève de la catégorie des contrats consensuels, qui se forment “par le seul échange des consentements quel qu'en soit le mode d'expression” . Aussi claire que puisse paraître cette distinction, les risques de confusion entre ces deux contrats ne sont pas exclus et la jurisprudence demeure fluctuante en la matière, retenant tantôt une qualification unique de contrat d'entreprise ou de contrat de dépôt, tantôt successivement l'une et l'autre par application de la théorie de l'accessoire.

Des hésitations ont pu apparaître notamment lorsque le maître de l'ouvrage confie un objet à un entrepreneur en vue de son intervention, ce dernier se voyant imposer l'obligation caractéristique du contrat de dépôt , de garder et restituer la chose confiée, avec notamment pour conséquence l'engagement de sa responsabilité en cas d'inexécution ou de perte de la chose confiée .  A cet égard, le contrat prévoyant la remise d'un véhicule à un garagiste pour réparation a donné lieu a un abondant contentieux. Dans cette hypothèse, le garagiste conclut en principe un contrat d'entreprise puisqu'il est chargé d'une réparation. Mais, en plus de cette réparation, le contrat impose, à titre accessoire, la remise, la garde et la conservation du véhicule avant et après l'exécution du travail par le garagiste. Son exécution comporte donc deux phases distinctes : la réparation du véhicule d'abord ; sa conservation avant et après l'intervention ensuite. Mais au titre de quel contrat (entreprise ou dépôt), la prestation de gardiennage du garagiste peut-elle être rémunérée ou sa responsabilité engagée, sachant que le contrat de dépôt est, en application des dispositions de l'article 1917 du Code civil, un essentiellement contrat gratuit , à la différence du contrat d'entreprise? 

Par un arrêt dans lequel l'existence d'un contrat d'entreprise n'était toutefois pas allégué - le véhicule déposé ayant été détruit avant même sa réparation - et où par conséquent, seule l'existence d'un contrat de dépôt avait été retenue, la Cour de cassation a énoncé que l'existence d'un contrat d'entreprise n'exclut pas que l'entrepreneur soit aussi tenu des obligations du dépositaire . Sans même se référer au contrat de dépôt, la Cour a d'abord considéré que le garagiste qui, à l'occasion du contrat d'entreprise qu'il a souscrit, manque à son obligation de veiller en bon père de famille sur le véhicule qui lui a été confié pour réparation, engage sa responsabilité en cas de vol du matériel, placé à l’intérieur de celui-ci. Puis la Haute juridiction a posé le principe selon lequel le contrat de dépôt doit être considéré comme accessoire au contrat d'entreprise de réparation , et que, dans ce contexte de dépôt d’un véhicule auprès d’un garagiste, accessoire à un contrat d’entreprise, celui-ci devait être présumé fait à titre onéreux . Il en résulte qu'il appartient au propriétaire du véhicule d'apporter la preuve de son caractère gratuit   et que le juge peut, en l'absence de fixation par les parties, déterminer la rémunération du garagiste dépositaire en précisant les éléments qui la composent . Cette présomption s'applique dans l'hypothèse où le véhicule a été remis au garagiste, dans le cadre de son activité commerciale, pour permettre la réalisation d'opérations d'expertise amiables ou judiciaires et lorsque celui-ci prévient le propriétaire du véhicule par écrit du caractère onéreux du dépôt . Tel n'est en revanche pas le cas lorsqu'un véhicule est déposé chez un garagiste pour une expertise sans qu'un contrat d'entreprise ait été conclu avec ledit garagiste . Depuis un arrêt du 8 octobre 2009, la Cour de cassation énonce que le contrat de dépôt d'un véhicule auprès d'un garagiste existe, en ce qu'il est l'accessoire du contrat d'entreprise, indépendamment de tout accord de gardiennage . Il en résulte que le propriétaire qui remet son véhicule en panne au garagiste, initialement en vue de sa réparation, invoque à juste titre l'existence d'un contrat de dépôt entre lui-même et le garage  et que le dépositaire ne peut voir sa demande en paiement des frais de gardiennage rejetée . Ainsi, dès lors que le garagiste met en demeure le propriétaire de venir retirer le véhicule déposé dans le cadre du contrat d'entreprise de réparation tout en l’informant du caractère onéreux de sa prestation de gardiennage, il peut exiger le paiement de cette dernière dès réception de la mise en demeure et conformément aux article 2286 et 1948 du Code civil, se prévaloir d’un droit de rétention du véhicule jusqu’au paiement du prix . 

Dans un litige relatif à la réparation d’une attraction foraine, qui induisait une phase de transport préalable à la réparation, la Cour de cassation a écarté l'existence d'un contrat de dépôt, retenant que lorsqu’un dommage à un manège confié à une société pour réparation se produit au cours de son transfert par le préposé du réparateur dans les locaux où celui-ci devait être réparé, la société en cause engage sa responsabilité au titre, non d'un contrat de dépôt, mais de l'exécution du contrat d'entreprise qu'elle a consenti . Ce principe a été réaffirmé dans le cadre de travaux de construction. Constitue ainsi un contrat d'entreprise et non de dépôt, le contrat conclu entre un particulier et une entreprise de pose de menuiseries métalliques, dès lors que les huisseries en cause étaient des biens d'équipement destinés, après préparation, à être posées sur un immeuble, la circonstance selon laquelle l'adjudicataire a examiné les huisseries dans l'atelier de l'entreprise en question ne suffisant pas à démontrer la réalité d'une convention de dépôt, dès lors que la détention de la chose d'autrui n'établit pas à elle seule l'existence d'un tel contrat . 

Des difficultés de qualification sont également apparues lorsque le contrat implique de prodiguer des soins pour conserver la chose déposée, l'obligation de conservation et de surveillance de la chose constituant une autre obligation caractéristique du contrat de dépôt. Les juges considèrent ainsi que le contrat de mise en pension d'un cheval moyennant rétribution est un contrat de dépôt salarié, le contrat d'entraînement hippique , un contrat d'entreprise, et le contrat prévoyant à la fois l'hébergement et une obligation d'entraînement hippique aux fins de valorisation, un contrat mixte, qui s'analyse pour partie en contrat d'entreprise et pour partie en contrat de dépôt salarié . Si l'animal se blesse dans son écurie, le dommage se produit dans le cadre de l'exécution de l'obligation de soins et d'hébergement et relève du contrat de dépôt, s'il intervient à l'occasion de l'entraînement ou de l'exploitation du cheval, il se rattache au contrat d'entreprise . En cas de blessure de l'animal dans le cadre de l'obligation d'hébergement et de soins, le dépositaire ne pourra s'exonérer qu'en démontrant que le dommage n'est pas imputable à sa faute , tel n'étant pas le cas lorsqu'un accident est survenu en raison de l'ouverture de la barrière d'accès à la ferme équestre, permettant au cheval de s'échapper pour aller se battre avec d'autres équidés .

Enfin, en matière de droit d'auteur, à propos de la qualification d'un contrat de commande de dessins, la Haute juridiction a retenu que lorsqu'une société confie au début des années 1970 à un dessinateur et scénariste de bande dessinées, la création de l’univers graphique de personnages et la scénarisation d’un film, les parties concluent un contrat d'entreprise qui comporte nécessairement, eu égard aux techniques de reproduction de dessins de l'époque, une phase de remise du support matériel des œuvres, caractéristique d'un contrat de dépôt . Ainsi, lorsqu’il constitue l’annexe d’un contrat d’entreprise, le contrat de dépôt, qui emporte l'obligation perpétuelle pour le dépositaire de restituer la chose déposée en nature, subsiste après la réalisation des travaux commandés, de sorte que l'abandon après 1976 du projet de film dans lequel s'insérait le contrat d'entreprise litigieux, n'a pas mis fin au contrat de dépôt portant sur les supports matériels des dessins réalisés par le défunt dessinateur. Il s'ensuit que le dépositaire reste tenu de remettre les supports matériels des dessins réalisés et ne saurait revendiquer la propriété des œuvres .

Cass. com., 23 octobre 2019, LawLex202200004533JBJ, retenant que l'ouvrier au sens de l'article 1789 du Code civil qui, lorsqu'il fournit seulement son travail ou son industrie n’est tenu que de sa faute si la chose vient à périr, doit établir qu’il n’a commis aucune faute à l’origine de ladite perte pour s’exonérer de toute responsabilité.

C. civ., art. 1915 : “Le dépôt, en général, est un acte par lequel on reçoit la chose d'autrui, à charge de la garder et de la restituer en nature”; C. civ., art. 1919 : “Il n'est parfait que par la remise réelle ou fictive de la chose déposée. La remise fictive suffit quand le dépositaire se trouve déjà nanti, à quelque autre titre, de la chose que l'on consent à lui laisser à titre de dépôt”.

Cass. 1re civ., 5 avril 2005, LawLex202200004056JBJ, RDC 2005, 1029 , obs. BENABENT; Contrats, conc. consom. 2005, n° 148 , obs. LEVENEUR ; JCP G 2006, I, 123, obs. LABARTHE, ajoutant qu'une Cour d'appel ne peut rejeter une demande de paiement de frais de gardiennage formée par un garagiste qui a assumé la garde d'un véhicule après réparation au motif que ce dernier devait démontrer le caractère rémunéré d'un tel dépôt.

Basse-Terre, 26 octobre 2020, LawLex202200004137JBJ.

Rouen, 5 janvier 2017, LawLex202200004542JBJ.

Bordeaux, 9 novembre 2020, LawLex202200004516JBJ.

Cass. 1re civ., 8 octobre 2009, LawLex202200004513JBJ, RDC 2010, 95, obs. BENABENT ; D. 2009, 2487, obs. DELPECH ; Contrats, Conc. Consom. 2010, n° 1, obs. LEVENEUR ; JCP E 2010, 1038, obs. LEVENEUR ; V. en ce sens : Versailles, 10 mai 2012, LawLex202200004545JBJ ; Bordeaux, 7 décembre 2023, LawLex202400006499JBJ ; Orléans, 7 mai 2024, LawLex202400006497JBJ

Rennes, 7 décembre 2012, LawLex202200004562JBJ.

Cass. 1re civ., 8 octobre 2009, LawLex202200004513JBJ, RDC 2010, 95, obs. BENABENT; D. 2009, 2487, obs. DELPECH; Contrats, conc. consom. 2010, n° 1, obs. LEVENEUR; JCP E 2010, 1038, obs. LEVENEUR ; V. en ce sens: Toulouse, 22 septembre 2010, LawLex202200004568JBJ ; Bordeaux, 7 décembre 2023, LawLex202400006499JBJ.

Cass. 1re civ., 26 janvier 1999, LawLex202200003856JBJ, JCP 1999, I, 191, obs. LABARTHE ; JCP 2000, II, 10304, obs. SAINTE-ROSE et JACQUES.

Cass. 1re civ., 17 février 2004, LawLex202200004528JBJ.

C. civ., art. 1109, al. 3 : “Le contrat est réel lorsque sa formation est subordonnée à la remise d'une chose”.

Angers, 9 février 2010, LawLex202200004510JBJ, estimant que le contrat par lequel un cheval est confié à un entraîneur constitue un contrat d'entreprise dont il résulte une obligation de moyens pour ce dernier d’user au mieux de ses connaissances et de son art pour améliorer les performances sportives du cheval, de sorte que c’est au propriétaire du cheval qui invoque l’exception d’inexécution pour refuser de payer le prix convenu, d’apporter la preuve d'une faute de l'entraîneur, et non à celui-ci, d’établir qu'il a bien exécuté son obligation.

Poitiers, 7 juin 2013, LawLex202200004521JBJ ; Caen, 30 octobre 2018, LawLex202200004555JBJ ; V. également en ce sens : Rouen, 28 novembre 2019, LawLex202200004567JBJ, retenant que la remise d'un cheval à une écurie ayant pour mission de le soigner, de l'héberger et de le faire “travailler” est constitutive d'une convention mixte de dépôt et d'entreprise.

Angers, 20 septembre 2011, LawLex202200004552JBJ.

Cass. 1re civ., 3 juillet 2001, LawLex202200004515JBJ, Contrats, conc. consom. 2001, n° 169, obs. LEVENEUR.

Paris, 19 octobre 2012, LawLex202200004561JBJ.

Cass. 1re civ., 20 février 2019, LawLex202200004262JBJ, confirmant Paris, 28 février 2017, LawLex202200004258JBJ, Propr. intell. 2017, n° 64, p.65, obs. LUCAS ; RTD com. 2017, 368, obs. POLLAUD-DULLIAN ; AJ contrat. 2019, 240, obs. PRES.

Paris, 28 février 2017, LawLex202200004258JBJ, préc., Propr. intell. 2017, n° 64, p.65, obs. LUCAS ; RTD com. 2017, 368, obs. POLLAUD-DULLIAN ; AJ contrat. 2019, 240, obs. PRES.

C. civ., art. 1109 al. 1er : “Le contrat est consensuel lorsqu'il se forme par le seul échange des consentements quel qu'en soit le mode d'expression”.

Paris, 28 février 2017, LawLex202200004258JBJ, Propr. intell. 2017, n° 64, p.65, obs. LUCAS ; RTD com. 2017, 368, obs. POLLAUD-DULLIAN ; AJ contrat. 2019, 240, obs. PRES, énonçant qu'en vertu de l’article 1915 du Code civil, le contrat de dépôt implique l'acte par lequel une partie reçoit la chose d’autrui à charge de la garder et de la restituer en nature de sorte que, dès lors qu'il constitue l’annexe d’un contrat d’entreprise, l'entrepreneur est soumis à une obligation perpétuelle de restitution.

Pour un contrat de développement de négatifs photos : Cass. com., 23 octobre 2019, LawLex202200004533JBJ, énonçant que l'ouvrier au sens de l'article 1789 du Code civil, qui, lorsqu’il fournit seulement son travail ou son industrie n’est tenu que de sa faute si la chose confiée vient à périr, doit établir qu’il n’a commis aucune faute à l’origine de ladite perte pour s’exonérer de toute responsabilité.

Cass. 1re civ., 11 juillet 1984, LawLex202200004524JBJ ; V pour une application récente: Bordeaux, 12 mai 2022, LawLex202200004519JBJ.

Cass. 1re civ., 5 avril 2005, LawLex202200004056JBJ, RDC 2005, 1029, obs. BENABENT ; Contrats, conc. consom. 2005, n° 148 , obs. LEVENEUR ; JCP G 2006, I, 123, obs. LABARTHE ; 8 octobre 2009, LawLex202200004513JBJ, RDC 2010, 95, obs. BENABENT ; D. 2009, 2487, obs. DELPECH ; Contrats, conc. consom. 2010, n° 1, obs. LEVENEUR ; JCP E 2010, 1038, obs. LEVENEUR. Pour une application a contrario de la théorie selon laquelle l'accessoire suit le principale : V. Riom, 5 juin 2019, LawLex202200004565JBJ, relevant que si le contrat par lequel un garage accepte de procéder à la réparation d’un véhicule, à charge pour son propriétaire de lui fournir un moteur d'occasion, constitue un contrat d’entreprise conditionnel, impliquant l'existence d'un contrat de dépôt accessoire, présumé conclu à titre onéreux, le propriétaire, en l'espèce, n'a pas fourni le moteur en question, de sorte qu'il ne peut prétendre avoir confié au garage le soin de conserver son véhicule pendant trois ans, gratuitement, dans le cadre d'un contrat de dépôt accessoire au contrat d'entreprise, dès lors que ledit contrat d’entreprise n’a jamais existé.

Cass. 1re civ., 5 avril 2005, LawLex202200004056JBJ, RDC 2005, 1029 , obs. BENABENT ; Contrats, conc. consom. 2005, n° 148 , obs. LEVENEUR; JCP G 2006, I, 123, obs. LABARTHE ; V. pour ds illustrations récentes : Aix-en-Provence, 9 novembre 2021, LawLex202200004219JBJ, dans le cadre d'une campagne de rappel constructeur ; Bordeaux, 4 juin 2024, LawLex202400004206JBJ.

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