Contrats d'affaires

Le contrat d’entreprise et le contrat de vente semblent, à première vue, bien distincts : si le premier est cantonné aux travaux accomplis moyennant rémunération et suppose une obligation de faire, le second implique, la délivrance d'une chose, et, partant, une obligation de donner. Aussi, dès lors que l'objet du contrat n'est pas l'exécution d'un travail mais la fourniture d'une chose de genre, l …

Contrat de vente.

LABARTHE, Les conflits de qualification (Éléments de réflexion à partir de la distinction entre le contrat d'entreprise et d'autres contrats), Les droits et le Droit, Mélanges dédiés à Bernard Bouloc, D. 2007, 539 ;

Le contrat d’entreprise et le contrat de vente semblent, à première vue, bien distincts : si le premier est cantonné aux travaux accomplis moyennant rémunération et suppose une obligation de faire, le second implique, la délivrance d'une chose, et, partant, une obligation de donner. Aussi, dès lors que l'objet du contrat n'est pas l'exécution d'un travail mais la fourniture d'une chose de genre, le contrat sera-t-il qualifié de contrat de vente, et non de contrat d'entreprise .

Aussi claire que puisse paraître cette distinction, les risques de confusion entre ces deux contrats sont réels. Il peut en effet arriver qu'un transfert de propriété résulte de la conclusion d'un contrat d'entreprise, en particulier lorsque l'entrepreneur fournit la matière en plus de son travail . Se pose alors la question de savoir si le contrat en cause est une simple vente ou relève plutôt de la qualification de contrat d'entreprise. Face à ces difficultés, la jurisprudence a élaboré des critères permettant de distinguer le contrat d'entreprise du contrat de vente.

S'appuyant sur la théorie de l'accessoire, la Haute juridiction a, dans un premier temps, mis en balance le travail accompli et la matière fournie, la qualification de contrat de vente l'emportant sur celle de contrat d'entreprise, si l'élément “matière” l'emporte sur l'élément “façon”, et, inversement . Autrement dit, le contrat par lequel une personne fournit à la fois son travail et des objets mobiliers doit être analysé juridiquement comme une vente dès lors que le travail en constitue l'accessoire . Lorsque l'un ne prévaut pas sur l'autre, la Cour de cassation a qualifié le contrat de convention complexe comportant à la fois un louage d’ouvrage et une vente de fournitures . Présente ainsi pour partie le caractère d'une vente, et ne peut dès lors être qualifié, dans son ensemble, de contrat de louage d'ouvrage, un contrat par lequel la propriété d'un film est transférée à l'acheteur avant que ledit film ne soit soumis au travail du professionnel pour développement .

Peu à peu délaissé par la jurisprudence, le critère économique concernant la valeur respective du travail et de la matière a laissé place à celui de la “spécificité”, qui consiste à rechercher si le bien a été fabriqué spécifiquement pour le client, et à retenir l'existence d'un contrat d'entreprise, dans ce cas. L'approche fondée sur la spécificité a depuis lors été consacrée à plusieurs reprises par la chambre commerciale de la Cour de cassation . 

Ainsi, constitue un contrat d'entreprise, et non un contrat de vente, un contrat relatif à la fourniture et à l’installation de moteurs sur un navire de pêche dès lors qu’il porte sur un travail spécifique destiné à répondre aux besoins particuliers du donneur d’ordres, et non sur des choses déterminées à l'avance . Il en va de même en présence d’une commande de projecteurs, selon des exigences précises et déterminées à l’avance, destinés à répondre à des besoins particuliers . S'analyse en un contrat d'entreprise et non de vente, un contrat portant sur la fourniture et la pose d'un parquet, dès lors qu'une part importante du travail consiste en des coupes et une adaptation aux dimensions de chaque pièce, selon les exigences de la cliente, la commande d'un travail spécifique, destiné à répondre à des besoins particuliers, caractéristique du contrat de louage d'ouvrage étant ainsi établie . Constitue également un contrat d’entreprise et non de vente, une convention par laquelle un maître d’ouvrage confie à un  entrepreneur la réalisation de travaux de fabrication et de pose de  meubles de cuisine et de salles de bain, dès lors que les ouvrages ont  été conçus et fabriqués par l’entrepreneur lui-même pour répondre aux  besoins spécifiques du maître d’ouvrage sur la base de plans  d’implantation, de sorte qu’il ne s’agit pas d’éléments standards, le  mobilier devant être adapté aux dimensions et à la configuration  particulière des pièces de l’habitation . De même, la prestation confiée à une entreprise, qui consiste dans la fourniture et la pose d’une pompe à chaleur, opération complexe qui répond à un besoin particulier, exige une étude préalable et s’exécute en plusieurs phases, sans se limiter à la simple livraison d’une chose, caractérise un contrat d’entreprise et non un contrat de vente .

En revanche, la fourniture par une entreprise à la demande d'une autre d'un travail spécifique conforme aux exigences du marché ne suffit pas à en déduire qu'elle a agi en qualité d'entrepreneur, et non de vendeur en série . En effet, si le bien a été fabriqué en série ou à l'avance, de manière standardisée, la jurisprudence considère qu'il y a vente. Revêt ainsi la qualité de vendeur celui qui fournit des produits qui ont nécessité pour leur fabrication la prise en charge  de critères particuliers, mais dont l'adaptation réalisée pour chaque  commande en fonction de mesures précises n'implique pas pour autant une technique de fabrication spécifique à cette commande qui rendrait  impossible la substitution d'un produit équivalent ou serait  incompatible avec une production en série normalisée . Dès lors, ne constitue pas un contrat d'entreprise mais un contrat de vente, un contrat relatif à la fabrication et à la fourniture d'un rotor neuf, dès lors que les informations fournies par l’acheteur ne représentaient que le minimum de renseignements indispensables à l’examen de la demande qui ne traduisaient pas des exigences spécifiques impliquant une fabrication particulière, que le prix fixé et convenu entre les parties en référence aux conditions générales de vente du vendeur ne comprenait pas l’installation du rotor, et qu’ainsi le contrat ne portait pas sur un travail spécifique destiné à répondre aux besoins particuliers d’un donneur d’ordres mais sur des choses déterminées à l’avance . Il en est de même du contrat par lequel une entreprise fournit un kit de ferraillage avec un plan fabriqué par une autre société, dès lors que l’entreprise n’est pas chargée d’un travail spécifique . Doit également être qualifié de contrat de vente, et non de contrat d’entreprise, le contrat par lequel un acheteur commande du  matériel de cuisine professionnel pour l’aménagement de son restaurant,  sans confier au vendeur la conception des cuisines, les matériels ayant  été choisis sur catalogue et n’étant pas des éléments d’équipements  conçus pour satisfaire à des exigences spécifiques, précises et  déterminées contractuellement à l’avance .

La distinction n'est pas sans conséquence à l'égard des parties, les deux contrats obéissant à un régime très différent.

En ce qui concerne tout d’abord la validité du contrat, le prix constitue un élément déterminant de la vente, alors qu'il en va différemment dans le cas d'un contrat d'entreprise qui n'exige pas que les parties fixent le prix dès la conclusion du contrat. Aussi a-t-il été retenu qu'un contrat par lequel une partie s’engage à fournir une certaine quantité d’eau brute à une autre en contrepartie du paiement d’une somme d’argent à échéances régulières est un contrat de vente, et non un contrat d'entreprise . Il en va de même d'un contrat dans lequel le prix a été convenu entre les parties en référence aux conditions générales de vente du vendeur .

Par ailleurs, lorsque la prestation confiée à une entreprise caractérise un contrat d'entreprise et non un contrat de vente, ne peuvent être invoqués à l'égard de celle-ci ni le manquement à l'obligation de délivrance conforme, ni la garantie des vices cachés , ni la garantie légale de conformité. Sur ce dernier point, la Haute juridiction vient de préciser par un arrêt en date du 12 octobre 2022 que le locateur d'ouvrage n'est pas tenu à garantie pour les matériaux qu'il fournit et met en œuvre en exécution d'un contrat de louage d'ouvrage, hors le cas du contrat portant sur la fourniture d'un bien meuble à fabriquer ou à produire. La garantie légale de conformité prévue par les articles L. 217-1 du Code de la consommation et suivants ne peut donc lui être étendue en présence d'un contrat relatif à la fourniture et la pose d'un parquet, dès lors qu'elle n'a pour objet ni la vente d'un bien meuble corporel, ni la fourniture d'un bien meuble à fabriquer ou à produire .

Enfin, si en matière de vente, “le transfert de propriété emporte transfert des risques de la chose” , dans un contrat d'entreprise, lorsque l'entrepreneur fournit la matière, il doit supporter les risques de la chose en cas de destruction de l'ouvrage .

Cass. com., 27 novembre 2001, LawLex202100006383JBJ.

C. civ., art. 1787 : “Lorsqu'on charge quelqu'un de faire un ouvrage, on peut convenir qu'il fournira seulement son travail ou son industrie, ou bien qu'il fournira aussi la matière”.

Grenoble, 13 juin 2023, LawLex202400006324JB ; V. pour des illustrations récentes : Chambéry, 2 avril 2024, LawLex202400006037JBJ, pour la fourniture et la pose d'une mezzanine et d'un escalier fabriqués sur mesure ; Bastia, 26 juin 2024, LawLex202400006323JBJ, s'agissant d'abris de piscine réalisés et conçus sur mesure pour une société hôtelière.

Angers, 8 avril 2022, LawLex202200004134JBJ.

Cass. 3e civ., 11 mai 2005, LawLex202100006401JBJ, DC 2005, 1111, obs. PUIG; RDI 2005, 287, obs. PERINET-MARQUET ; Defrénois 2006, 56, obs. PERINET-MARQUET ; JCP G 2005, I, 172, n° 13, obs. LABARTHE, sanctionnant une Cour d'appel, sur le fondement du manque de base légale, pour avoir retenu la qualification de contrat d'entreprise en relevant un travail spécifique conforme aux exigences du marché.

Versailles, 13 juin 2024, LawLex202400004557JBJ, retenant qu'il n'y a pas vente mais contrat d'entreprise dès lors que le professionnel est chargé de réaliser un travail spécifique en vertu d'indications particulières, ce qui exclut toute possibilité de production en série.

Cass. com., 5 décembre 2018, LawLex201900002105JBJ, AJCA mars 2019, 145, obs. BUCHER.

Cass. 3e civ., 11 juillet 2012, LawLex202100006404JBJ, D. 2012, 2540, chron., obs. PIC, GEORGET et GUILLAUDIER ; RDI 2012, 575, obs. DESSUET.

Riom, 15 mai 2024, LawLex202400003845JBJ.

Cass. com., 27 novembre 2001, LawLex202100006383JBJ, Contrats Conc. Consom. 2002, n° 42, obs. LEVENEUR.

Angers, 8 avril 2022, LawLex202200004134JBJ ; Aix-en-Provence, 23 septembre 2021, LawLex202200006732JBJ, retenant que la partie demanderesse n'est pas fondée à demander à la société qui lui a livré et installé la piscine litigieuse une somme pour sa remise en état et en conformité, dès lors que l’obligation de délivrance conforme n'est applicable que dans le cadre d'un contrat de vente, et non du contrat d’entreprise les liant en l'espèce.

Cass. 1re civ., 27 avril 1976, LawLex202100006400JBJ, à propos d'un contrat par lequel une personne a passé commande à une autre d'un ensemble décoratif composé de rideaux, doubles rideaux, cantonnières et passementeries, dont le tissu était fourni par cette dernière qui le fait couper et confectionner suivant les mesures des ouvertures.

Cass. 3e civ., 12 octobre 2022, LawLex202200008903JBJ.

Angers, 11 février 2010, LawLex202200004590JBJ.

Cass. 1re civ., 27 avril 1976, LawLex202100006400JBJ.

Cass. 3e civ., 16 mars 1977, LawLex202100006459JBJ, JCP N 1978, II, n° 18913, obs. ASLER, sur la convention par laquelle une entreprise en charge une autre de la construction d’une centrale thermique.

Cass. 1re civ., 6 juin 1990, LawLex200400001312JBJ, JCP G, 1991, II, 21594, obs. HASSLER.

Cass. com., 4 juillet 1989, LawLex200600002119JBJ, RTD civ. 1990, 105, obs. REMY ; LPA 21 mars 1990, 11, obs. GIBIRILA ; D. 1990, 246, obs. VIRASSAMY, pour un contrat par lequel une entreprise commande une installation de distillation à une autre société ; 3 janvier 1995, LawLex202200003801JBJ, pour un contrat relatif à la fabrication de barres de céréales ; 7 novembre 2006, LawLex202100006382JBJ, JCP E 2007, 2345, obs. LUDWICZAK, pour un contrat par lequel un négociant de vin a confié à une distillerie la réalisation d'un produit.-V. pour des illustrations récentes : Paris 13 décembre 2023, LawLex202400006326JBJ ; Toulouse, 4 juin 2024, LawLex202400004224JBJ ; Versailles, 13 juin 2024, LawLex202400004557JBJ.

Cass. 1re civ., 14 décembre 1999, LawLex202100006380JBJ ; V. en ce sens: Versailles, 7 septembre 2021, LawLex202200004226JBJ, estimant que le contrat qui porte sur la réalisation d'une station de découpe de jetons qui ne constitue pas une machine standard, mais une machine fabriquée sur mesure spécialement pour être utilisée dans le cadre d'un projet innovant du maître d’ouvrage, selon les critères expressément spécifiés par ce dernier, constitue un contrat d'entreprise, et non un contrat de vente.

Cass. 3e civ., 20 avril 2022, LawLex202200003797JBJ ; V. pour une application : Angers, 11 février 2010, LawLex202200004590JBJ, retenant que constitue un contrat d'entreprise et non une vente, le contrat par lequel une entreprise a commandé des postes fixes de pose de toiture de camping-car répondant à des exigences techniques spécifiques selon un cahier des charges précis.

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286. Contrat de vente.(1)

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