Contrats d'affaires

Jusqu’en 1991, la jurisprudence de la Cour de cassation était partagée sur la nature du régime de responsabilité applicable à l'action en responsabilité intentée par le maître de l'ouvrage contre le sous-traitant. La première Chambre civile de la Cour de cassation, se fondant sur les notions de chaîne contractuelle et de groupe de contrats, considérait que le maître de l’ouvrage disposait nécessairement d’une action contractuelle envers le sous-traitant. Ainsi, un laboratoire, chargé par un photographe de l'agrandissement de diapositives confiées par un particulier, engageait sa responsabilité contractuelle envers ce dernier pour avoir perdu les diapositives. En effet, le créancier, face au débiteur ayant délégué l'exécution d'une obligation contractuelle à un tiers, ne disposait que d'une action contractuelle qu'il pouvait exercer directement dans les limites de ses droits et de l'engagement pris par le débiteur substitué . De même, elle estimait que dans un groupe de contrats, l’action en réparation était nécessairement régie par la responsabilité contractuelle pour ceux subissant un dommage en raison de leur lien avec le contrat initial car, dans ce cas, le débiteur était tenu d'anticiper les conséquences de sa défaillance selon les règles contractuelles applicables, et la victime ne disposait ainsi que d'une action de nature contractuelle, même en l'absence de contrat direct entre eux . La Chambre commerciale adoptait une solution identique en considérant qu'un défaut dans une pièce fabriquée par un sous-traitant, en exécution d'un contrat conclu avec le constructeur d'un navire, ne pouvait donner lieu à une action de nature délictuelle de la part de l'armateur ayant commandé la construction du navire . La troisième Chambre civile prenait une position inverse en retenant que le maître de l'ouvrage était étranger à la convention de sous-traitance et que, par conséquent, l’obligation de résultat du sous-traitant envers l'entrepreneur principal de livrer un ouvrage exempt de vices, fondé exclusivement sur les rapports contractuels et personnels existant entre ces derniers,  ne pouvait être invoquée par le maître de l'ouvrage . L’Assemblée plénière est finalement intervenue pour mettre fin à ces divergences. Au visa de l’article 1199 du Code civil , elle a posé le principe selon lequel le sous-traitant n’est pas contractuellement lié au maître de l'ouvrage . Depuis, il est acquis que l’action du maître de l’ouvrage contre le sous-traitant est de nature délictuelle et doit être exercée sur le fondement des articles 1240 et suivants du Code civil . 

Engager la responsabilité délictuelle du sous-traitant suppose pour le maître de l'ouvrage de prouver l'existence d'une faute commise par celui-ci . Il suffit de démontrer la commission d'une faute ordinaire, le fait que le sous-traitant ne connaisse pas le maître d'ouvrage n'entrant pas en ligne de compte . Ainsi, la responsabilité délictuelle du sous-traitant peut être engagée vis-à-vis du maître de l’ouvrage lorsqu'il commet une faute dans l'exécution des travaux qui lui sont confiés. Tel est le cas lorsqu'il pose une chape sur une couche inférieure mouillée provoquant le cloquage généralisé du revêtement de la surface , ne vérifie pas l'implantation de la maison ou les plans annexés au permis de construire , réalise des fondations dont la semelle n'est pas alignée avec le centre de gravité des charges à supporter , ou encore lorsque des travaux de dépose d'une toiture, avec plan de retrait avant désamiantage doivent être interrompus en raison de son non-respect des obligations légales et réglementaires applicables en matière d’hygiène et sécurité, alors qu’en tant que professionnel, il devait déterminer à l’avance les conditions dans lesquelles les travaux devaient être exécutés, et qu’il savait que les travaux devaient être réalisés dans l’urgence .

Outre la mauvaise exécution des travaux, le maître de l'ouvrage peut reprocher au sous-traitant de ne pas avoir respecté l'obligation de conseil à laquelle il est tenu comme professionnel. Sa responsabilité peut ainsi être engagée s'il n'a pas attiré l'attention du  maître de l'ouvrage sur les risques encourus en réalisant des  ouvrages non protégés qui ne pouvaient qu'être détruits , les risques liés à l'utilisation d'un procédé inadapté de collage des carreaux des façades , ou encore ceux présentés par le choix technique plus économique de structures en fer ordinaire au lieu du fer galvanisé . 

Aux termes de l'article 1792-4-2 du Code civil, les actions en responsabilité dirigées contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage se prescrivent par dix ans, à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation, et non de la réception de l’ouvrage . La réparation en matière de responsabilité extracontractuelle repose sur le principe de réparation intégrale qui implique que la réparation du dommage ne peut excéder le montant du préjudice. Ainsi, le maître d'ouvrage, tiers au contrat conclu entre l'entrepreneur et le sous-traitant, ne peut obtenir d'un tiers la restitution des sommes qu'il a versées, qui représente pas un préjudice mais plutôt la conséquence de la remise des parties dans l'état où elles se trouvaient au moment de contracter . Par ailleurs, le sous-traitant peut être déclaré responsable in solidum avec l’entrepreneur principal, même si la faute est de nature délictuelle pour le sous-traitant et contractuelle pour l’entrepreneur, dès lors qu’ils ont tous deux contribué au dommage . En particulier, si l’entrepreneur a manqué à son devoir de surveillance du sous-traitant, et que des fissures dans le carrelage en résultent, le sous-traitant peut être condamné à garantir l’entrepreneur de la condamnation selon une proportion souverainement appréciée par le juge . De même, le sous-traitant peut être condamné solidairement avec l'entrepreneur principal à indemniser le maître de l'ouvrage pour les malfaçons liées au sous-dimensionnement des châssis double vitrage dont il était responsable . Toutefois, le maître d'ouvrage ne peut obtenir la condamnation in solidum du sous-traitant avec d’autres locateurs d’ouvrage que si les travaux relevant des lots dont il était titulaire ont indissociablement concouru, avec ceux ressortissant aux autres lots, à la réalisation de l’entier dommage .

Dans tous les cas, le maître de l’ouvrage ne peut pas demander la résiliation du contrat conclu entre l’entrepreneur et le sous-traitant  et s’il agit contre le sous-traitant en exerçant les droits transférés par le vendeur intermédiaire avec la propriété de la chose livrée, le sous-traitant, n’étant pas lié contractuellement au maître de l’ouvrage, ne peut invoquer les limitations éventuelles prévues dans le contrat principal entre le maître de l'ouvrage et le vendeur intermédiaire .

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445. Action en responsabilité contre le sous-traitant