Contrats d'affaires

L'article 1353 du Code civil, issu de la réforme du droit des contrats, reprend les dispositions de l'ancien article 1315 : “Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation”. Il résulte de ce texte, appliqué au contrat de mandat, que la charge de la preuve  …

Existence du mandat

LAZERGES, Les mandats tacites, RTD civ. 1975, 222.

L'article 1353 du Code civil, issu de la réforme du droit des contrats, reprend les dispositions de l'ancien article 1315 : “Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation”. Il résulte de ce texte, appliqué au contrat de mandat, que la charge de la preuve du mandat pèse sur celui qui se prévaut de cet acte . Il peut s'agir aussi bien du mandant, qui peut vouloir assigner le mandataire pour inexécution ou mauvaise exécution du mandat, que du mandataire, qui souhaite réclamer la rémunération de sa prestation, ou encore du tiers au contrat pris en exécution du mandat, qui souhaite que le mandant remplisse son engagement .

L'article 1985 du Code civil énonce que la preuve du mandat est reçue conformément au titre ” Des contrats ou des obligations conventionnelles en général ". Autrement dit, le droit commun de la preuve figurant aux articles 1358 et suivants du Code civil s'applique au mandat. 

Ainsi, en vertu de l'article 1358, la preuve est libre hormis les cas où la loi en dispose autrement. Le mandat peut donc être prouvé par tous moyens, à condition toutefois qu'il n'excède pas un certain seuil fixé par décret. Conformément à l'article 1359 du Code civil, l'acte juridique portant sur une somme ou une valeur supérieure à 1500 euro doit en effet être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique . Toutefois, l'écrit n'est plus requis en cas d'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, s'il est d'usage de ne pas établir un écrit, ou lorsque l'écrit a été perdu par force majeure (art. 1360, C. civ.). Les juges interprètent très restrictivement ces exceptions. Ainsi, le fils qui prétend avoir donné mandat à son père de gérer des fonds appartenant à lui et à sa femme, que celui-ci aurait refusé de restituer, ne saurait se prévaloir de l'impossibilité morale de se procurer une preuve littérale dudit mandat . Il peut en outre être suppléé à l'absence d'écrit par l'aveu judiciaire, le serment décisoire ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve (art. 1361, C. civ.). Constitue un commencement de preuve par écrit, au sens de  l'article 1362 du Code civil , un écrit, en réponse au compte rendu d’une agence immobilière, qui  “intègre intellectuellement” ce premier document, rendant ainsi  vraisemblable l’existence d'un mandat verbal, donné par son auteur, à ladite agence . Il en va de même des courriers envoyés à un notaire par l'ensemble des indivisaires en vue de la vente de leur immeuble, lorsqu'ils sont confortés par la visite de deux d'entre eux, chez cet officier public , ou de l'acte de se porter caution, irrégulier en l'absence de la mention écrite, de la main du mandant, de la somme en lettres et en chiffres, s'il est complété par des éléments extrinsèques établissant la connaissance, par le souscripteur de la nature et de l'étendue de l'engagement consenti .

En matière commerciale, le principe de la liberté de la preuve prévaut, en application de l'article L.110-3 du Code commerce. La preuve d'un mandat commercial, quelle que soit sa valeur, peut être apportée par tous moyens contre un commerçant . Aussi, selon la Haute juridiction, le mandat, qui a pour objet d'obtenir pour le compte d'un commerçant une indemnité en justice pour inexécution d'une convention commerciale, revêt-il un caractère commercial à l’égard du mandant, de sorte que le  mandataire est recevable par tous moyens à prouver la réalité et la  teneur son engagement .

Selon la jurisprudence, la preuve du mandat, exprès comme tacite , est soumise aux règles générales de la preuve des conventions . Toutefois, l'acceptation d'un mandat tacite pouvant résulter de l'exécution qui lui a été donnée par le mandataire , en vertu de l'article 1985, alinéa 2, la preuve d'un tel mandat a parfois été admise facilement. Il a ainsi été jugé que la preuve de l'existence d'un mandat de vente pouvait résulter tant du silence observé par la société mandante, alors qu'elle connaissait l'activité déployée par son représentant, que du fait qu'elle avait cédé ses titres à l'acquéreur pressenti par ce dernier . 

La Haute juridiction a donc rappelé à plusieurs reprises que la preuve du mandat, même tacite, reste soumise aux exigences des articles 1359 et suivants du Code civil . La preuve du mandat, même tacite, ne saurait être établie lorsqu'il n'existe pas de preuve littérale du mandat et qu'il n'est produit aucune pièce pouvant constituer un commencement de preuve par écrit autorisant la preuve complémentaire par témoins . Les juges du fond ne peuvent donc retenir l'existence d'un mandat tacite du fait que le maître d'oeuvre, mandaté par le client pour servir d'intermédiaire avec les techniciens, avait accepté le devis et que le maître de l'ouvrage ne démontrait pas avoir payé, alors que le contrat de  louage d'ouvrage ne confère pas de plein droit au maître d'oeuvre mandat de représenter le maître de l'ouvrage . De même, une cour d'appel ne peut admettre que la preuve d'un mandat accepté par un syndicat ressortirait d'un compte rendu de son bureau ainsi que d'un procès-verbal de réunion de son conseil d'administration, dont il résulte que sa mission consistait en une diffusion auprès de ses adhérents de l'information délivrée sur leurs droits par un avocat, alors qu'un mandat suppose le pouvoir d’accomplir au nom et pour le compte d'autrui un acte juridique . 

La règle selon laquelle le mandat est reçu conformément aux règles générales sur la preuve des conventions vaut tant entre le mandant et le mandataire que dans les rapports du mandant avec les tiers ayant contracté avec le prétendu mandataire . Par un arrêt du 3 juin 2015, la Haute juridiction a cependant retenu que le tiers contractant peut apporter la preuve du mandat par tous moyens . 

Cass. 1re civ., 4 décembre 1973, LawLex202300007485JBJ.

Paris, 7 septembre 2023, LawLex202400002697JBJ : le vendeur qui affirme qu’une personne a agi en qualité de représentant de la société acquéreuse est tenu d’en apporter la preuve, soit en démontrant que cette personne bénéficiait d’un mandat lui permettant de passer des commandes, soit en établissant l’existence d’un mandat apparent.

Paris, 10 janvier 2024, LawLex202400008129JBJ : la preuve du mandat, même tacite, reste soumise aux règles générales de la preuve des conventions et doit répondre aux exigences de l'ancien article 1341 (devenu 1359) du Code civil ; Dijon, 7 mars 2024, LawLex202400008023JBJ.  

V. à titre d'illustration, Versailles, 9 mars 2023, LawLex202300007610JBJ.

Rennes, 3 septembre 2024, LawLex202400002399JBJ, retenant que l’existence d’un contrat de mandat exclusif donné par une société à une autre et portant sur la vente de son parc matériel de transport et de son fonds de commerce est établie dès lors que le mandataire a tenu le registre des mandats de façon chronologique, le numéro de mandat y figurant ayant été repris sur le mandat lui-même, et qu’il apparaît que ce contrat a reçu un début d’exécution, exécution qui s’est, à la demande du mandant, poursuivie après la fin de la période d’exclusivité.

Cass. com., 12 mars 1996, LawLex202300011809JBJ.

Cass. 3e civ., 29 octobre 1970, LawLex202300007468JBJ ; 4 mars 2021, LawLex202200003679JBJ.

Cass. 3e civ., 29 octobre 1970, LawLex202300007468JBJ.

Cass. 3e civ., 4 mars 2021, LawLex202200003679JBJ.

Cass. com., 3 mars 2015, LawLex202200008817JBJ, Contrats, Conc. Conso. 2015, n° 135, obs. LEVENEUR.

Cass. 1re civ., 19 décembre 1995, LawLex202200008946JBJ, Contrats Conc. Consom. 1996, n° 75, obs. LEVENEUR.

Cass. 1re civ., 3 juin 2015, LawLex202200008350JBJ, D. 2015, 1588, obs. TEHRANI, D. 2016, 167, obs. BRETZNER ET AYNES, censurant un arrêt d'une cour d'appel qui avait condamné une banque à payer à un titulaire de compte sur livret, la somme représentant le montant des retraits effectués, sur son compte par son épouse au cours de leur mariage contracté sous le régime de la séparation de biens, au motif que la banque n'était pas en mesure de produire la procuration en vertu de laquelle elle avait procédé aux virements, car la copie informatique mentionnant l'existence de cette procuration ne pouvait servir de preuve dématérialisée, ni de commencement de preuve par écrit, puisqu'elle émanait de l'établissement qui l'opposait, alors que le banquier dépositaire peut rapporter la preuve par tous moyens du contrat de  mandat auquel il n'est pas partie. - Contra, Cass. com., 5 juin 2024, LawLex202400004223JBJ : la preuve de l’existence d’un mandat, même tacite, est soumise aux  règles du droit commun de la preuve découlant des articles 1359 et  suivants du Code civil, de sorte que, ne portant pas sur une somme déterminée, le mandat de réceptionner les lettres recommandées que, selon l'opérateur postal, l'entreprise en cause aurait donné aux  hôtesses d'accueil, doit être prouvé par écrit.

Cass. 1re civ., 2 décembre 2015, LawLex202200002611JBJ : la preuve de l'existence du mandat de gestion immobilière délivré à un professionnel ne peut être apportée que par écrit, ni le mandat apparent ni la ratification de l'acte ne pouvant  tenir en échec ces règles impératives.

Cass. 1re civ., 3 avril 2007, LawLex202300012160JBJ.- V. cependant, Cass. 1re civ., 9 mai 1996, LawLex202300012161JBJ, retenant que si l'avocat doit, dans ses rapports avec son client, être en mesure de justifier que le mandat reçu lui donnait effectivement la possibilité d'acquiescer à la demande adverse, une cour d'appel peut, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, retenir, d'une part, l'impossibilité morale dans laquelle cet avocat se trouvait de fournir une preuve littérale en raison des rapports de confiance qui le liaient à son client et d'autre part, l'existence d'un mandat spécial d'acquiescer dans les termes de ses conclusions ; Rennes, 26 septembre 2023, LawLex202400002399JBJ : compte tenu des liens d'amitié et de confiance unissant le mandataire et le mandant, il y a lieu de retenir l'existence d'un empêchement moral, au sens de l’article 1360 du Code civil, autorisant la preuve du mandat par tous moyens.

C. civ., art. 1362 : "Constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu'il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué.

Peuvent être considérés par le juge comme équivalant à un commencement de preuve par écrit les déclarations faites par une partie lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence à la comparution.

La mention d'un écrit authentique ou sous signature privée sur un registre public vaut commencement de preuve par écrit".

Cass. 1re civ., 20 avril 1983, LawLex202200008355JBJ.

Cass. 1re civ., 11 janvier 2000, LawLex202300007469JBJ. - V. égal. Aix-en-Provence, retenant que l'existence d’un mandat tacite de vendre un mobil home moyennant une  somme de 4 000 euro peut résulter d’un échange de correspondances entre les parties, en particulier de deux courriers aux termes desquels la  société mise en cause reconnaît que le demandeur lui a donné son mobil  home en dépôt vente, d’une lettre dans laquelle ladite société admet  avoir reçu mandat de vendre le bien pour une somme de 4 000€, et d’une  dernière lettre dans laquelle elle se serait opposée au prix de 5 000  euro proposé par le mandant, dès lors qu'il peut être suppléé à l'écrit par un commencement de preuve par écrit corroboré par tout autre moyen de preuve.

Cass. 1re civ., 4 juin 2002, LawLex202200008650JBJ, RTD com. 2003, 159, obs. BOULOC.

Cass. com., 26 mai 1999, LawLex202300012162JBJ, énonçant que la preuve du mandat à l'égard d'un commerçant est libre ; 28 juin 2002, LawLex200200004173JBJ, JCP 2002, IV, 2249 ; RTD com. 2003, 157, obs. BOULOC, retenant que l’existence d’un contrat d’agent commercial, contrat consensuel, peut  être prouvé par tout écrit dès lors qu’il indique la qualité des parties  et est accepté par chacun des cocontractants, tel étant le cas lorsque  trois propositions de contrat de sous-agent ainsi que divers courriers  attestent de l’exécution d’un tel contrat, en plus d'un relevé du taux  de commissions sur factures et de correspondances de la Fédération  nationale des agents commerciaux.- V. aussi Versailles, 1er juillet 2010, LawLex201200000831JBJ, relevant que la preuve d'un mandat dans les conditions de la loi du 29 janvier 1993  est apportée lorsqu'une régie publicitaire produit la photocopie d'une  attestation de mandat signée et portant en tête le cachet du mandant.

Cass. com., 4 mai 1970, LawLex202200008983JBJ.

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477. Existence du mandat(1)

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