Contrats d'affaires

Dans le cadre du mandat, l'exécution des obligations contractuelles nées des actes passés par un mandataire, pour le compte et au nom de son mandant, incombe à ce dernier seul, de sorte que le tiers contractant du mandant ne peut engager la responsabilité du mandataire que sur le fondement délictuel ou quasi-délictuel . L'avant-projet de réforme du droit des contrats reprend cette solution en prév …

Exécution fautive ou dolosive du mandat.

Dans le cadre du mandat, l'exécution des obligations contractuelles nées des actes passés par un mandataire, pour le compte et au nom de son mandant, incombe à ce dernier seul, de sorte que le tiers contractant du mandant ne peut engager la responsabilité du mandataire que sur le fondement délictuel ou quasi-délictuel . L'avant-projet de réforme du droit des contrats reprend cette solution en prévoyant que “sauf à s’être engagé personnellement vis-à-vis du tiers-cocontractant, le mandataire n’encourt à son égard qu’une responsabilité extracontractuelle .”

Selon une jurisprudence constante, le mandataire est personnellement responsable envers les tiers des délits ou quasi-délits qu'il peut commettre à leur préjudice dans l'accomplissement de sa mission. 

La démonstration d'une faute du mandataire, extérieure à son mandat, n'est pas requise par la jurisprudence pour engager sa responsabilité propre . La faute contractuelle d'un mandataire à l'égard de son mandant peut ainsi être qualifiée de faute extracontractuelle à l'égard d'un tiers, à la  condition qu'elle constitue aussi la violation d'une obligation générale de prudence et diligence . Lorsque l'unique faute pouvant être reprochée à un courtier d'assurance maritime est un manquement à son obligation de  conseil envers le chantier naval qui l'a mandaté, cette faute, dont seul son mandant peut se plaindre, n'est pas de nature à engager sa  responsabilité délictuelle envers les clients armateurs de son mandant .

La faute délictuelle ou quasi-délictuelle du mandataire peut consister aussi bien dans une abstention que dans un acte positif . Ainsi, l'avocat, mandaté par un marchand de biens pour former surenchère du dixième d'un immeuble, a, en omettant de dénoncer la surenchère dans le délai imparti, commis une faute de négligence qui, même si elle n’est pas détachable du contrat de mandat, est susceptible d'engager sa  responsabilité délictuelle à l'égard du propriétaire de l'immeuble, en  raison du préjudice résultant, pour ce dernier, de l'insuffisance du prix d'adjudication . De même, le professionnel de l'immobilier, qui ne pouvait ignorer les désordres apparents affectant l'immeuble vendu par son entremise, engage sa responsabilité à l'égard des acquéreurs, sur le fondement de l'article 1240 du Code civil, lorsqu'il omet de les en informer . En revanche, l'absence de recherche de vices cachés pouvant affecter le bien qu'elle est chargée de vendre ne constitue pas, pour la société mandataire, une faute envers l'acquéreur, de nature à engager sa responsabilité extracontractuelle . 

Le mandataire est responsable envers les tiers lésés des délits ou quasi-délits qu'il commet de sa propre initiative, mais aussi sur les ordres du mandant . Dès lors, une cour d’appel ne peut rejeter l'action en responsabilité de la nue-propriétaire d'un immeuble, dirigée contre l'administrateur de biens, chargé de la gestion locative de celui-ci par les usufruitières, pour avoir conclu un bail commercial, sans son accord, en attribuant aux usufruitières la fausse qualité de  propriétaires, au motif que le mandataire y aurait été obligé par les instructions formelles de ses mandantes, alors que le mandataire professionnel est tenu de vérifier la qualité exacte du mandant qu'il engage dans un acte juridique et qu'il est personnellement responsable envers les tiers lésés des délits ou quasi-délits qu'il peut commettre, soit spontanément, soit même sur les instructions du mandant, dans l'accomplissement de sa mission . De même, engage sa responsabilité délictuelle à l'égard de l'acquéreur, victime d'un accident, le mandataire d’un ferrailleur, qui n'a pas craint de vendre pour l'usage un véhicule acquis comme ferraille, au mépris des conséquences dramatiques éventuelles de son activité délictuelle, et d'user, à cette fin, d'un certificat de vente faussement signé de l'ancien propriétaire . 

Au-delà de la faute, les manoeuvres dolosives  ou le silence dolosif   du mandataire engagent  évidemment sa responsabilité à l'égard des tiers. Mais ces derniers peuvent-ils agir en réparation contre le mandant du fait du dol de son mandataire ? 

La jurisprudence s'est montrée hésitante sur ce point. En principe, selon la Cour de cassation, la faute délictuelle ou quasi-délictuelle du mandataire n'engage pas la responsabilité du mandant sur ce fondement, à moins qu'une faute ne lui soit personnellement imputable .  Le mandant est ainsi responsable envers les acquéreurs, tiers de bonne foi, du dol commis par son mandataire, agissant dans la limite de ses pouvoirs, dès lors qu'il avait connaissance des informations fallacieuses communiquées par celui-ci et en a tiré profit . De même, les cédants de parts sociales d'une société civile immobilière doivent indemniser les cessionnaires du préjudice résultant du silence dolosif de leur mandataire, à l'origine d'une erreur sur les qualités substantielles des parts acquises, dès lors qu'ils lui ont donné mandat de vendre lesdites parts, sans se réserver le moindre contrôle, alors que, compte tenu de leurs liens de parenté étroits avec celui-ci et de l'importance de leurs intérêts personnels dans la société, ils ne pouvaient en ignorer la situation obérée . Toutefois, la Haute juridiction avait également admis, sur le fondement des dispositions du Code civil relatives au dol, que les manœuvres dolosives du représentant du vendeur, qui  n'est pas un tiers au contrat, engagent la responsabilité du représenté . Par un arrêt rendu en Chambre mixte du 29 octobre 2021, la Cour est revenue sur cette jurisprudence en énonçant que “si le mandant est contractuellement responsable des dommages subis du fait de l'inexécution des engagements contractés par son mandataire dans les limites du mandat conféré, le dol du mandataire dans l'exercice de son mandat n'engage la responsabilité extracontractuelle du mandant que s'il a personnellement commis une faute, qu'il incombe à la victime d'établir” . Autrement dit, la responsabilité du mandant ne peut être engagée, du fait du dol de son mandataire que pour une faute, au sens des articles 1240 et 1241 du Civil. L'avant-projet de réforme du droit des contrats propose cependant de revenir sur cette solution en prévoyant que “le mandant répond du dol ou de la violence de son mandataire, commis au détriment du tiers cocontractant” . Selon les rédacteurs de l'avant-projet, le dol commis dans l'exécution de son mandat par le  mandataire, qui a agi dans la limite de ses pouvoirs, doit se répercuter sur le mandant, parce que celui-là le représentait.

Comme l'a également rappelé la Chambre mixte, la victime du dol du mandataire dans l'exécution de son mandat peut par ailleurs agir en nullité de la convention sur le fondement des  articles 1137 et 1178, alinéa 1er, du Code civil . Ainsi, le représentant du vendeur d'un matériel en crédit-bail, chargé par  l'établissement de crédit de proposer ses financements aux clients  potentiels, puis de les recommander à son approbation, n’est pas, pour  la conclusion des contrats, un tiers, de sorte que les manoeuvres dolosives de ce représentant, viciant le consentement des clients, sont  opposables à l'établissement de crédit et justifient l'annulation du  contrat pour dol .

Cass. com., 9 mai 1985, LawLex202200008684JBJ, RTD com. 1995, 838, obs. BOULOC, relevant que la responsabilité du mandataire ne peut être engagée à l'égard d'une  personne autre que son mandant que sur le fondement délictuel ou quasi délictuel.

Avant-projet de réforme du droit des contrats, art. 2005.

Cass. 1re civ., 13 octobre 1992, LawLex202300012067JBJ, RDI 1993, 237, obs. TOMASIN ; RTD com. 1993, 364, obs. BOULOC.

Cass. mixt., 26 mars 1971, LawLex202200008978JBJ,JCP G 1971, II, 16762, obs. LINDON ; RTD civ. 1971, 655, obs. DURRY, ajoutant qu'en tant que coauteurs du dommage causé par leur faute commune, le mandant et le mandataire devaient être condamnés in solidum à réparer à la victime son entier dommage.

Cass. 1re civ., 23 mai 1977, LawLex202200009560JBJ, estimant que dès lors que les acquéreurs des parts d'une société civile immobilière ignoraient que cette société constituait, avec une autre société, une société de fait et que leurs deux patrimoines étaient confondus, de sorte qu’elles devaient faire l’objet d’une mise en faillite, les juges du fond ont pu souverainement déduire de la seule ignorance de ces éléments de fait qui touchaient à la personne même de la société civile, que leur volonté avait été viciée par une erreur excusable, car provoquée par le silence dolosif du mandataire des vendeurs, portant sur les qualités substantielles des parts sociales acquises, ces parts étant celles d’une société ayant  une individualité et un patrimoine différents de la société dont ils croyaient acquérir les parts.

Cass. 3e civ., 15 avril 2021, LawLex202200008690JBJ, énonçant que la faute délictuelle ou quasi-délictuelle du mandataire n'engageant pas  la responsabilité du mandant, le maître d'ouvrage ne peut être condamné  sur le fondement de l'article 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 que s'il a personnellement connaissance de la présence du sous-traitant sur le chantier.

Cass. 3e civ., 29 avril 1998, LawLex202300002311JBJ, RTD civ. 1998, 930, obs. GAUTIER ; RDI 1998, 386, obs. GROSLIERE et SAINT-ALARY-HOUIN ; RTD civ. 1999, 89, obs. MESTRE ; AJDI 1998, 491, étude, COHET-CORDEY.

Cass. 1re civ., 23 mai 1977, LawLex202200009560JBJ.- V. égal. Cass. 3e civ., 12 octobre 2017, LawLex202300003328JBJ, JCP E 2018, 1100, obs. LE GAC-PECH, relevant que le promoteur immobilier qui connaissait l'état de saturation du marché locatif litigieux et son mandataire, qui, malgré cette conjoncture locale difficile, a assuré aux acquéreurs qu'il s'agissait d'un  placement sûr et rentable à court terme dans l'unique intérêt de rentabiliser l'opération, usant ainsi d'affirmations mensongères qui dépassaient la nécessité admise de flatter le produit proposé à la  vente, se sont rendus coupables de manœuvres dolosives ayant provoqué une erreur des acquéreurs sur la rentabilité de leur acquisition, qui justifient l'annulation du contrat de vente pour dol et le prononcé de diverses condamnations à leur encontre.

Cass. 3e civ., 5 juillet 2018, LawLex202200009557JBJ, RTD civ. 2018, 883, obs. BARBIER ; AJDI 2019, 235 , obs. COHET ; AJ contrat 2018, 422 , obs. DISSAUX.

Cass. mixte, 29 octobre 2021, LawLex202100006463JBJ, JCP E 2022, n° 1044, obs. EL MEJRI ; JCP G 2021, 1310, obs. SERINET ; RCA 2022, n° 15, obs. ROBIN-SABARD ; D. 2021, 2162, obs. TISSEYRE ; D. 2022, 35, obs. BRUN ; D. 2022, 310, obs. BOFFA ; Rev. sociétés 2022, 154, obs. MATHEY ; RTD civ. 2022, 116, obs. BARBIER ; RTD civ. 2022, 141, obs. JOURDAIN ; RTD civ. 2022, 157, obs. GAUTIER ; JCP E 2022, 1044, obs. EL MEJRI ; RTD com. 2022, 91, obs. MOUR ; JCP N 2022, 1099, obs. LOVATO, estimant qu'en l'absence d'élément permettant d'établir que l'épouse et les enfants du mandataire avaient personnellement participé à ses arrangements dolosifs, la cour d'appel en a exactement déduit que leur responsabilité civile ne pouvait être engagée du seul fait d'avoir donné mandat à ce dernier de céder leurs actions.- V. en ce sens, Metz, 15 septembre 2022, LawLex202200009437JBJ ; Nîmes, 3 octobre 2024, LawLex202400007429JBJ.

Avant-projet de réforme du droit des contrats, art. 2009.

Cass. mixte, 29 octobre 2021, LawLex202100006463JBJ, JCP E 2022, n° 1044, obs. EL MEJRI ; JCP G 2021, 1310, obs. SERINET ; RCA 2022, n° 15, obs. ROBIN-SABARD ; D. 2021, 2162, obs. TISSEYRE ; D. 2022, 35, obs. BRUN ; D. 2022, 310, obs. BOFFA ; Rev. sociétés 2022, 154, obs. MATHEY ; RTD civ. 2022, 116, obs. BARBIER ; RTD civ. 2022, 141, obs. JOURDAIN ; RTD civ. 2022, 157, obs. GAUTIER ; JCP E 2022, 1044, obs. EL MEJRI ; RTD com. 2022, 91, obs. MOUR ; JCP N 2022, 1099, obs. LOVATO. - V. aussi, Cass. com., 13 décembre 2016, LawLex202200009152JBJ, Contrats Conc. Consom. 2017, n° 48, obs. LEVENEUR, retenant que, pour déclarer irrecevable la demande en nullité pour dol d'un contrat de location de  vidéo-surveillance, formée reconventionnellement par le preneur à l'encontre du loueur, une cour d'appel ne peut retenir que le dol n'est une cause de nullité de la convention que s'il émane de la partie envers laquelle l'obligation est contractée et que tel ne serait pas le cas, en  l'espèce, car les manoeuvres dolosives émaneraient du représentant d'une  autre société, qui n'a pas été appelée en la cause, sans rechercher,  comme elle y était invitée, si ladite société, dont le représentant avait été le seul interlocuteur du demandeur et lui avait fait signer le  contrat de location au nom du loueur, n'avait pas agi mandataire du  loueur, ce dont il résulterait que les manœuvres imputées au  représentant seraient, à les supposer établies, opposables au loueur.

Cass. 3e civ., 6 janvier 1999, LawLex202300008055JBJ, D. 2000, 426, obs. ASFAR ; RDI 1999, 255, obs. BOUBLI ; RTD civ. 1999, 403, obs. JOURDAIN, retenant qu'une cour d’appel ne peut déclarer un sous-traitant irrecevable en son  action en paiement à l’encontre du maître de l’ouvrage délégué au motif  que la démonstration d’une faute extérieure à son mandat permettrait seule de retenir sa responsabilité propre, alors que le mandataire est  personnellement responsable envers les tiers des délits ou quasi-délits qu'il peut commettre à leur préjudice dans l'accomplissement de sa  mission.

Cass. com., 24 mai 1994, LawLex200500005941JBJ, RTD civ. 1995, 89, obs. MESTRE ; D. 1995, somm. 88, obs. DELEBECQUE ; RTD com. 1994, 775, obs. BOULOC, ajoutant que la clause d'un contrat de crédit-bail qui stipule qu'aucune des  difficultés pouvant naître des relations de l'emprunteur avec son  fournisseur de biens n'est opposable à l'établissement de crédit, n'a  pas pour effet de rendre les manœuvres dolosives commises par le  représentant du vendeur et négociateur des financements inopposables audit établissement ; 13 juin 1995, LawLex202200008958JBJ, JCP 1995, I, 3880, n°  8, obs. JAMIN ; 10 février 1998, LawLex202200008959JBJ, JCP 1995, 3880, obs. JAMIN.

Cass. com., 17 juin 1997, LawLex202300013739JBJ, RTD civ. 1998, 113, obs. JOURDAIN.- V. en ce sens, Cass. com., 23 novembre 1999, LawLex202300013741JBJ, RTD com. 2000. 150, obs. CABRILLAC ; D. 2000, 3, obs. LIENHARD ; RTD com. 2000, 439, obs. BOULOC, estimant que dès lors que la situation d'un compte bancaire, eu égard au montant du découvert usuellement autorisé, permet le paiement, la banque domiciliataire d'une lettre de change, qui a reçu du tiré mandat de payer engage sa  responsabilité extracontractuelle envers le tiers porteur, si elle ne l'exécute pas.

Cass. com., 17 juin 1997, LawLex202300013739JBJ, RTD civ. 1998, 113, obs. JOURDAIN.

Cass. 1re civ., 11 avril 1995, LawLex202300008315JBJ,RTD civ. 1995, 895, obs. JOURDAIN ; D. 1995, somm. 231, obs. DELEBECQUE ; RTD com. 1996, 114, obs. BOULOC.

Cass. 1re civ., 18 mai 2004, LawLex202300013740JBJ.

Cass. 1re civ., 18 avril 1989, LawLex202300013699JBJ,JCP N 1989, II, 1099, obs. GROUTEL ; Resp. et assur. 1989, chron. 18, obs. GROUTEL.

Cass. 1re civ., 20 juin 1995, LawLex202300013700JBJ, RTD com. 1996, 323, obs. BOULOC.- V. dans le même sens, Cass. 1re civ., 1er février 2000, LawLex202300013701JBJ, estimant qu'il n'appartient pas à l’agent général, mandataire de l’assureur, de vérifier l'exactitude des déclarations de l'assuré quant à la valeur du bien déclarée, ni de le mettre en garde contre les conséquences d'une inexactitude qu'il n'a aucune raison de suspecter, de sorte que la demande en réparation formée, à son encontre, par l'assuré, pour manquement à son obligation de conseil, doit être rejetée. 

Cass. 1re civ., 28 janvier 1964, LawLex202300013743JBJ ; Cass. mixt., 26 mars 1971, LawLex202200008978JBJ,JCP G 1971, II, 16762, obs. LINDON ; RTD civ. 1971, 655, obs. DURRY ; Cass. 1re civ., 20 avril 1977, LawLex202300013744JBJ ; 13 octobre 1992, LawLex202300012067JBJ, RDI 1993, 237, obs. TOMASIN ; RTD com. 1993, 364, obs. BOULOC. 

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