Contrats d'affaires

Le détournement de pouvoirs n'est pas défini par le titre XIII du Livre III du Code civil qui régit le contrat de mandat, mais il recouvre l'hypothèse dans laquelle le mandataire conclut un acte avec un tiers, en fraude des droits de son mandant. Autrement dit, le mandataire utilise les pouvoirs que lui a conférés son mandant, non dans l'intérêt de celui-ci, mais dans son propre intérêt. 

Se rend ainsi coupable de détournement de pouvoirs envers son mandant, le mandataire chargé du mandat exclusif de vendre un immeuble qui a écarté l'offre d'achat des locataires d'un montant pourtant bien supérieur à celui qu'il a finalement consenti à une société tierce avec laquelle il s'était concerté frauduleusement et avait contracté une promesse de vente au prix minimum prévu au mandat , le mandataire qui s'est livré à un ensemble d'opérations frauduleuses au préjudice de multiples propriétaires, consistant en de prétendues ventes de leurs véhicules, les prix de vente étant perçus et conservés et les véhicules jamais livrés, ni rendus aux propriétaires et faisant parfois l'objet d'une seconde vente ou devenant introuvables , ou encore le mandataire d'un copropriétaire à une assemblée générale qui va à l'encontre des instructions de son mandant .  

En cas de détournement de pouvoirs, le mandant peut, bien entendu, agir en responsabilité contractuelle à l'égard de son mandataire. En outre, selon la jurisprudence, les engagements contractés par le mandataire à la suite d’un concert frauduleux avec un tiers sont inopposables au mandant . A contrario, les actes conclus par un mandataire ayant détourné ses pouvoirs engagent le mandant à l'égard des tiers de bonne foi, dont il ne peut obtenir réparation. Le mandant n'est ainsi pas recevable à agir en réparation à l'encontre du syndic qui n'a pas le pouvoir d'empêcher le mandataire d'un  copropriétaire à une assemblée générale d'émettre un vote contraire aux consignes exprimées dans son mandat . 

Depuis l'ordonnance du 10 février 2016, le Code civil régit la représentation au sein du droit commun des contrats. Selon l'actuel article 1157 du Code civil : “Lorsque le représentant détourne ses pouvoirs au détriment du représenté, ce dernier peut invoquer la nullité de l'acte accompli si le tiers avait connaissance du détournement ou ne pouvait l'ignorer”, étant précisé que “le détournement de pouvoir s'entend d'un représentant qui agit bien dans la limite de ses pouvoirs mais qui utilise ceux-ci dans un autre but que celui convenu ou prévu par la loi” . Par un arrêt du 29 mars 2023, la première Chambre civile de la Cour de cassation a fait une première application des dispositions de l'article 1157 du Code civil, tout en affirmant, au visa de l'article 1998 du Code civil, que même lorsque le mandataire détourne ses pouvoirs au détriment du mandant, les engagements pris par le mandataire à l'égard d'un tiers obligent le mandant, sauf si le tiers avait connaissance du détournement ou ne pouvait l'ignorer . 

Cass. 3e civ., 29 novembre 1972, LawLex202300013711JBJ.

Cass. 1re civ., 29 mars 2023, LawLex202300004686JBJ.

Cass. 3e civ., 8 septembre 2016, LawLex202200009334JBJ.

Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

501. Détournement de pouvoirs.