Contrats d'affaires

Au sein du Code civil, les conséquences du dépassement de pouvoir du mandataire n'étaient initialement prévues que par l'article 1998, alinéa 2, selon lequel le mandant n'est tenu d'exécuter l'engagement contracté par le mandataire, au-delà des pouvoirs qui lui ont été donnés, “qu'autant qu'il l'a ratifié expressément ou tacitement”. Puis, en 2016, la réforme du droit des contrats de 2016 a introduit, au sein du Code civil, des dispositions générales relatives à la représentation, parmi lesquelles figure l'article 1156, qui encadre le dépassement de pouvoirs (ainsi que le défaut de pouvoirs), selon un régime différent de celui dégagé par la jurisprudence en application des dispositions de l'article 1998. 

Le dépassement de pouvoirs pose la question de l'étendue du mandat conféré au mandataire . Le mandataire, qui, ayant reçu une procuration, à l’effet d’administrer un domaine, limitée aux actes de gestion strictement indispensables à sa conservation, le donne à bail, outrepasse son mandat . Il en va de même du maître d’œuvre, dont le contrat d’architecte lui conférait seulement mission de vérifier les décomptes présentés par les entrepreneurs et sous-traitants et de soumettre au maître d'ouvrage des propositions de règlement, qui procède à l'agrément de ceux-ci , ou du commissaire de justice, chargé du mandat de vendre un véhicule de collection au prix de réserve, qui l'adjuge pour un prix inférieur . Excède également ses pouvoirs, l'agence immobilière qui établit une promesse qui diffère des conditions de vente énumérées dans son mandat de vente exclusif, de sorte qu'une cour d’appel ne peut condamner le vendeur à lui payer le montant de la clause pénale stipulée en cas de refus de signature d’une offre conforme au mandat au motif que la proposition de l'agence ne s'en écartait que sur des points secondaires . De même, le mandat de vente, qui autorise, en termes généraux, le mandataire à souscrire à tout engagement ou garantie n'emporte pas le pouvoir, pour celui-ci, de consentir une interdiction ou une limitation de l'usage, par son mandant, de son nom de famille, constitutives d'actes de disposition . Afin de purger les doutes que le tiers peut avoir sur l’étendue des pouvoirs du représentant, la réforme du droit des contrats a introduit une action interrogatoire à l’article 1158 . 

S'agissant du régime du dépassement de pouvoirs, il a été jugé, de manière constante, en application de l'article 1998, qu'en cas de dépassement de mandat, le mandant n'est pas tenu par les engagements contractés par son mandataire. L'exécution par la banque de l'ordre d'achat, intervenue après que celui-ci fût devenu caduc, ne saurait engager ainsi engager le donneur d'ordres/mandant . Même si une mère a reçu de sa fille une procuration sur son compte bancaire, elle n'en a pas pour autant reçu mandat de contracter ou de garantir ses emprunts, de sorte que cette dernière ne saurait être tenue de rembourser les sommes empruntées par elle à titre personnel . De même, le prêt souscrit au nom d’une société en formation par un associé-gérant ne peut être considéré comme conclu en vertu d'un mandat valable, qui ne peut être délivré qu'à un associé ou à un gérant non associé, de sorte qu'il n'engage pas la caution qui ne peut garantir la dette d'une personne autre que le débiteur prévu . Toutefois, en cas de dépassement de mandat, le mandant demeure tenu pour tout ce qui a été exécuté conformément au mandat .

Cependant, la jurisprudence s'est montrée hésitante quant à la sanction du dépassement de pouvoirs. Elle a considéré que, lorsque le mandataire avait outrepassé ses pouvoirs en agissant de concert avec un tiers de mauvaise foi, le mandant pouvait agir en nullité de l'acte . Mais la question de la nature de la nullité, absolue  ou relative, atteignant celui-ci, s'est posée : la jurisprudence a opté pour une nullité relative, donc seulement invocable par le mandant. En vertu des dispositions combinées des articles 1984 et 1998 du Code civil, les irrégularités affectant la représentation conventionnelle d'une partie, qu'elles tiennent en une nullité du mandat, un dépassement ou une absence de pouvoir, sont sanctionnées par la nullité relative de l'acte accompli pour le compte de la partie représentée, qui seule peut la demander . Il a également été jugé que le mandant dispose d’une action en inopposabilité de la cession de parts sociales réalisée par son mandataire en outrepassant les pouvoirs de son mandat général de gestion .

Désormais, l'article 1156 du Code civil prévoit : “L'acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté. Lorsqu'il ignorait que l'acte était accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs, le tiers contractant peut en invoquer la nullité. L'inopposabilité comme la nullité de l'acte ne peuvent plus être invoquées dès lors que le représenté l'a ratifié”. 

L'avant-projet de réforme du droit des contrats reprend à la fois les dispositions de l'article 1998 et celles de l'article 1156 en énonçant : “Le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné. L’acte accompli par un mandataire sans pouvoir, ou au-delà de ses pouvoirs, est inopposable au  mandant, sauf si le tiers contractant a légitimement cru à la réalité de ces pouvoirs, ainsi qu’il est  énoncé à l’article 1156. Si le mandant ratifie expressément ou tacitement l’acte, celui-ci l’oblige depuis le jour de sa conclusion”. 

Cass. com., 29 juin 1993, LawLex202200006444JBJ, Rev. sociétés 1994, 63, obs. PASQUALINI ; BJS 1993, 1142, obs. LE CANNU, estimant que l'acte par lequel un associé donne pouvoir à un autre de le représenter à l'assemblée générale d'une société à responsabilité limitée à l'effet de délibérer sur l'ordre du jour et qui, portant sur l'examen de “l'activité de la société” durant l'année écoulée et ses “perspectives d'avenir”, ne prévoit pas expressément la révocation du gérant, n'exclut pas que le mandataire vote au nom du mandant pour mettre fin aux fonctions du gérant, dès lors qu'une telle mesure constitue la sanction éventuelle de l'administration de la société et en conditionne les perspectives d'avenir. - V. aussi, Cass. com., 13 juin 1995, LawLex202200011476JBJ, relevant que, même si le mandat donné par le titulaire du compte au remisier était général quant aux opérations à effectuer, il excluait toutefois les opérations conditionnelles et les ventes à découvert, de sorte que, du fait de ces restrictions, la société de bourse aurait dû vérifier si les opérations requises étaient conformes au mandat.

Cass. 1re civ., 18 novembre 1964, LawLex202300013712JBJ.

Cass. 1re civ., 26 janvier 1999, LawLex202200008852JBJ, Contrats Conc. Consom. 1999, n° 62, obs. RAYMOND, relevant que les demandeurs n'étaient tenus envers la banque qu'au titre de leur engagement de caution hypothécaire, limité au seul immeuble décrit à l'acte, sans être liés par des clauses excédant le mandat donné.

Cass. 3e civ., 15 avril 1980, LawLex202100003218JBJ, RTD civ. 1981, 155, obs. CHABAS, énonçant que le contrat de bail conclu par le mandataire en violation d’une clause contenue dans sa procuration encourt la nullité absolue, dès lors que celle-ci était déterminante du consentement du mandant.

Nancy, 27  janvier 2022, LawLex202300008845JBJ.

Cass. com., 11 mars 2014, LawLex202300013715JBJ, RDC 2014, 684, obs. SANTONIE-LAGUIONIE ; RTD civ, 2014, 374, obs. BARBIER. V. auparavant, Cass. ass. plén., 28 mai 1982, LawLex202300013714JBJ, D. 1983, 117, obs. CABANNES ; D. 1983, 349, obs. GAILLARD, énonçant qu'un mineur émancipé dispose seul de la qualité pour vendre sa part indivise dans les immeubles qui dépendent de la succession, de sorte que l'aliénation consentie par une personne qui n'avait plus qualité pour le représenter lui est inopposable.

Cass. 3e civ., 11 janvier 1995, LawLex202300013713JBJ, RJDA 1995, n° 280. 

Cass. 1re civ., 25 juin 1996, LawLex202300013716JBJ.

Cass. 1re civ., 2 décembre 1992, LawLex202200008524JBJ.

Cass. com. 10 juillet 2018, LawLex201800001105JBJ

C. civ., art. 1158 : "Le tiers qui doute de l'étendue du pouvoir du représentant conventionnel à l'occasion d'un acte qu'il s'apprête à conclure, peut demander par écrit au représenté de lui confirmer, dans un délai qu'il fixe et qui doit être raisonnable, que le représentant est habilité à conclure cet acte.

L'écrit mentionne qu'à défaut de réponse dans ce délai, le représentant est réputé habilité à conclure  cet acte".- V. Chambéry, 27 février 2024, LawLex202400002006JBJ.

Cass. com., 26 mars 2008, LawLex202200008732JBJ,RDC 2008, 1177, obs. CARVAL ; D. 2008, 1058, obs. DELPECH ; RTD civ. 2008, 689, obs. GAUTIER ; RTD com. 2008, 842, obs. BOULOC.

Cass. 1re civ., 30 septembre 1997, LawLex202300012076JBJ, RTD com. 1998, 407, obs. BOULOC.

Cass. 1re civ., 2 octobre 2002, LawLex202200003650JBJ, D. 2004, Somm. 267, obs. HALLOUIN.- V. égal., Cass. com., 9 octobre 2007, LawLex202200003653JBJ, JCP E 2008, 1517, obs. LEBEL, retenant qu'une cession de créance professionnelle acceptée par trois des quatre fondateurs de sociétés en formation, n’engage pas ces dernières, une fois constituées, en l'absence d'une reprise de l'engagement conforme à l'une des trois modalités prévues par les dispositions réglementaires applicables.

502. Dépassement de pouvoirs.