Contrats d'affaires

L'article 1112 du Code civil prévoit que si l’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres, ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. 

Le principe de liberté dans la phase précontractuelle est donc limité par l’obligation faite aux négociateurs de mener les pourparlers de bonne foi, notion qui figure depuis la réforme du droit des contrats parmi les dispositions liminaires du Code civil. Aux termes du nouvel article 1104 , la bonne foi préside non seulement à l’exécution du contrat (comme sous l’empire de l’ancien article 1134), mais également à sa négociation et sa formation. Selon la jurisprudence, la loyauté dans la conduite des discussions précontractuelles oblige notamment les parties à s'informer mutuellement des éléments de la discussion, à se laisser un délai raisonnable de réflexion sur chaque point important de la négociation, à s'abstenir de formuler des propositions “ inacceptables ” pour l'autre partenaire, à ne pas prolonger artificiellement les pourparlers alors que la décision de les rompre ou de traiter avec autrui a été prise et à ne pas mener des négociations parallèles si les partenaires se sont engagés à mener une négociation exclusive pour une durée donnée .

La mauvaise foi dans les négociations, qui engage la responsabilité de son auteur, peut prendre diverses formes. 

Hors de tout contrat préliminaire, l'exigence de loyauté s'impose d'abord dans la conduite des négociations .  Selon la Haute juridiction, le seul fait que des négociations n'aboutissent pas ne saurait être fautif en soi en l'absence de preuve de mauvaise foi au cours de la négociation ou d'une volonté de nuire en poursuivant les pourparlers . Ainsi, en dehors même de la rupture des négociations, le fait de maintenir l'autre partie dans la croyance d'une issue certaine des pourparlers  ou de prolonger les discussions alors même que l'on n'a plus l'intention de contracter  caractérise un manquement à l'obligation de loyauté dans la conduite de pourparlers. Tel est également le cas lorsqu'une société en pourparlers pour l'acquisition de titres n'informe pas les cédants des difficultés financières qu'elle rencontre et du refus de financement de la banque, en les entretenant dans l'illusion de l'avoir obtenu . De même, à un stade où les pourparlers étaient déjà très avancés, le candidat au rachat du capital d'une société, qui, alors qu'il était dans la nécessité de recourir à un prêt bancaire, n'en a pas fait état à l'autre, lui laissant croire qu'il serait en mesure de payer le solde du prix à terme avec ses fonds propres, pour finalement ne l'avertir que la veille de la signature de la promesse qu'il n'avait pas obtenu de garantie, a fait preuve d'un comportement fautif dans le déroulement des négociations en laissant se poursuivre des pourparlers qui allaient inéluctablement se traduire par des frais . Agit dans le seul but de faire échouer les négociations, et donc de mauvaise foi, le vendeur qui continue de mener les pourparlers sur la base d'un prix manifestement surévalué, tout en proposant dans le même temps à un tiers un prix inférieur de moitié . 

Par ailleurs, l'exigence de bonne foi s'impose dans la rupture. La Haute juridiction considère que la société qui rompt brutalement et unilatéralement des négociations très engagées, manque aux règles de bonne foi dans les relations commerciales . Ainsi, le cédant de titres de société, qui a rompu sans raison légitime, brutalement et unilatéralement, les pourparlers avancés qu'il entretenait avec son partenaire, qui avait déjà, à sa connaissance, engagé des frais, et qu'il a maintenu volontairement dans une incertitude prolongée en lui laissant croire que l'affaire allait être conclue à son profit, a manqué aux règles de la bonne foi dans les relations commerciales en contractant avec un tiers . Il en va de même du concédant qui, alors qu’il était en pourparlers avec l’entreprise plaignante, a émis diverses exigences, toutes satisfaites, et l’a incité à certaines dépenses, sans lui dire qu'il envisageait des pourparlers avec une société tierce à laquelle il a finalement confié la concession de ses véhicules , ou du distributeur exclusif de machines fabriquées par une société américaine qui, après être entré en pourparlers avancés pour la vente de l'une de ces machines avec une entreprise, l'a maintenue volontairement dans une incertitude prolongée avant de rompre sans raison légitime, brutalement et unilatéralement les négociations, alors qu'il avait connaissance que cette dernière avait déjà engagé de gros frais .

La bonne foi lors des négociations s'apprécie, selon les juges, au regard d'un certain nombre d'indices, tels que la durée des pourparlers, les frais engagés lors des négociations ou l'existence d'un consensus sur les éléments essentiels du contrat projeté. Eu égard au fait que les négociations ont duré près d'un an, à l'existence d'un accord de part et d'autre sur l'immeuble en vente et son prix, et aux études et frais entrepris par les potentiels acheteurs, la rupture soudaine des pourparlers par les vendeurs doit être considérée comme fautive au regard de leur obligation de contracter de bonne foi .

Art. 1104 C. civ : “Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public”. Comp. Art. 1134, al. 3, anc. C. civ “les conventions […] doivent être exécutées de bonne foi”.

Versailles, 16 mai 2024, LawLex202400004584JBJ.

Cass. com., 18 janvier 2011, LawLex202200001340JBJ, Gaz. Pal. 9 juin 2011, 14, obs. DONDERO ; RTD civ. 2011, 345, obs. FAGES.

Cass. com., 11 octobre 1994, LawLex202200001349JBJ.

Cass. com., 20 mars 1972, LawLex202200000266JBJ, JCP 1973, II, 17543, obs. SCHMIDT-SZALEWSKI ; RTD civ. 1972, 779, obs. DURRY.

Metz, 14 octobre 2014, LawLex202200001489JBJ.

Paris, 8 avril 2008, LawLex202200008244JBJ.

Cass. 1re civ., 12 avril 1976, LawLex202200001341JBJ : le vendeur d'un terrain qui a négligé de vérifier l'étendue de ses droits alors qu'il n'en était que propriétaire indivis et donné à l'acquéreur potentiel des assurances qui l'ont induit à engager des dépenses qui se sont trouvées sans objet à la suite du refus de vendre d'un des coindivisaires, n'est pas fautif en l'absence de preuve de sa mauvaise foi au cours de cette négociation ou d'une volonté de nuire en poursuivant les pourparlers.

Cass. com., 3 mai 2012, LawLex202100006134JBJ, D. 2013, 2420, obs. MARTIN et SYNVET.

Paris, 8 avril 2008, LawLex202200008244JBJ, préc. confirmé par Cass. com., 13 octobre 2009, LawLex202200001343JBJ. – V. aussi, Cass. com., 11 juillet 2000, LawLex202200001342JBJ, Contrats Conc. Consom. 2000, n° 174, obs. LEVENEUR : une cour d'appel ne peut retenir que la rupture de pourparlers entre deux professionnels ayant entamé des pourparlers en vue d'un projet d'association n'est pas fautive en l'absence de mauvaise foi manifeste de son auteur, qui n'aurait pas été guidé par une volonté de nuire, alors que celui-ci avait présenté son confrère comme son associé, la rupture étant intervenue à un stade très avancé, en l'entretenant dans l'espoir d'une association à laquelle il avait fini par renoncer.

Versailles, 17 janvier 2012, LawLex202200008254JBJ.

Cass. 1re civ., 6 janvier 1998, LawLex202200009167JBJ.

Cass. 2e civ., 4 juin 1997, LawLex202200001310JBJ, RTD civ. 1997, 921, obs. MESTRE.

Cass. com., 22 avril 1997, LawLex202200009166JBJ, RTD civ. 1997, 651, obs. MESTRE.

Obligation de négocier de bonne foi

CEDRAS, L'obligation de négocier, RTD com. 1985, 265 ;

60. Obligation de négocier de bonne foi