Introduction

Champ d'application

Programme de conformité

Protection des lanceurs d'alerte 

Contrôle et sanctions

Règles issues de la loi Sapin II

Droit européen 

Droit français

Règles issues du droit de la concurrence

Sapin II/Concurrence

Champ d’application ratione personae

Champ d’application ratione materiae

Portée du plan

Elaboration du plan

Mesures comprises dans le plan

Inclusion dans le rapport de gestion

Plan de vigilance

Injonction

Responsabilité civile

Sanctions

Devoir de vigilance

Programme RSE

Reporting

Communication

Reporting et communication

Sanctions judiciaires

Risque de réputation, stratégique et de déstabilisation

Code Middlenext 

Corpus IFA

Code AFEP - MEDEF 

Typologie 

Principes de gouvernance

Principes intégrant les valeurs RSE

Principes

Appliquer ou expliquer

Force obligatoire

Codes de bonne conduite privés

Lutte contre la corruption, Devoir de vigilance, RSE, toutes les nouvelles obligations des entreprises en la matière

Droit de la compliance

Au-delà de leur importance pour le fonctionnement efficace et harmonieux de l'entreprise, les codes privés posent la question essentielle de leur force contraignante. En d'autres termes, le non-respect d'une prescription contenue dans un code de conduite adopté volontairement par l'entreprise peut-il faire l'objet d'une sanction ?

En principe, les codes de bonne conduite privés sont dépourvus de tout caractère contraignant : ils se bornent à définir des objectifs et suggérer différents moyens de les atteindre. Ils ne peuvent, tout naturellement, être opposés à une entreprise qui n'a pas expressément adhéré à leurs principes . Mais au-delà de la question de leur opposabilité à l'entreprise, la jurisprudence a eu l'occasion de préciser que la violation des recommandations d'un code privé, dans le cadre d'un vote, ne peut être sanctionnée par la nullité de la délibération . De même, l'article 261-1 du règlement général de l'AMF (RGAMF), qui impose à la société visée par une offre publique de procéder à la désignation d'un expert indépendant, lorsque l'opération est susceptible de générer des conflits d'intérêts au sein de son conseil d'administration, ne peut être tenu en échec par les recommandations du code Middlenext, “qui n'ont pas la force obligatoire du RGAMF” . En outre, un code éthique qui ne contient que des recommandations et des règles de conduite à destination des salariés de l'entreprise, ne saurait créer d'obligations ni d'engagements de celle-ci au profit de tiers .

Différents fondements sont cependant susceptibles d'être invoqués pour tenter de contraindre l'entreprise à respecter ses engagements. 

Premièrement, le code de bonne conduite peut, le cas échéant, être inséré dans le règlement intérieur de l'entreprise. Il est alors soumis aux dispositions de l'article L. 1321-4 du Code du travail qui prévoient que “le règlement intérieur ne peut être introduit qu'après avoir été soumis à l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à l'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail” . En outre, l'article L. 1321-4, alinéa 3, précise qu'"en même temps qu'il fait l'objet des mesures de publicité, le règlement intérieur, accompagné de l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail [aujourd'hui le comité social et économique], est communiqué à l'inspecteur du travail". Les engagements que l'entreprise prend en faveur des salariés dans le code peuvent donc acquérir, du fait de leur inclusion dans le règlement intérieur, un caractère contraignant à leur égard.

Ensuite, le droit des obligations recèle un ensemble de règles susceptibles d'être appliquées aux entreprises qui se soumettent à des codes privés et de constituer le fondement d'une éventuelle sanction en cas de non-respect des obligations en cause. Si les engagements de l'entreprise contenus dans les codes constituent des actes unilatéraux volontaires, dépourvus en principe de caractère contraignant, il semble possible d'engager la responsabilité de cette dernière sur le fondement de l'article 1100 du Code civil, aux termes duquel les obligations peuvent naître de l'exécution volontaire ou de la promesse d'exécution d'un devoir de conscience envers autrui. En effet, pour certains, en adoptant des codes privés, “les entreprises transforment une obligation naturelle en obligation civile à laquelle elles sont soumises”. Les engagements doivent toutefois être suffisamment précis et exprimer une volonté non équivoque et délibérée de s'obliger . Une société qui agit en contrariété avec des engagements sociaux ou environnementaux pris volontairement, en des termes précis, pourrait, en outre, voir sa responsabilité engagée par des investisseurs institutionnels socialement responsables sur le fondement du droit de la responsabilité civile. Il a en effet été jugé qu'une communauté d'agglomération était recevable, au même titre que les associations habilitées pour la défense de l'environnement, à demander l'indemnisation du préjudice, même indirect, qu'a causé une marée noire à l'écologie de son territoire . L'engagement d'une entreprise en matière de RSE peut aussi recevoir la qualification de quasi-contrat au sens de l'article 1300 du Code civil, selon lequel les quasi-contrats sont des faits purement volontaires dont il résulte un engagement de celui qui en profite sans y avoir droit, et parfois un engagement de leur auteur envers autrui. Lorsque les déclarations de l'entreprise entrent dans le champ contractuel, elles pourraient également donner lieu à une action en responsabilité contractuelle. De fait, la Cour de cassation a retenu qu'en laissant paraître une annonce comportant des mentions erronées sur le nombre d'immatriculations antérieures et présentant un véhicule gravement accidenté, au mépris des engagements pris dans sa charte éthique, un journal commettait une faute concourant au dommage subi par l'acheteur et engageait sa responsabilité contractuelle . 

Le droit de la rupture brutale des relations commerciales établies fournit également un fondement à la sanction de comportements déviants à l'égard du code de conduite d'une entreprise. Ainsi, un fournisseur qui offre des bouteilles de champagne et un voyage au directeur en charge de l'approvisionnement du distributeur, en contrepartie du référencement de ses produits, commet des faits de corruption suffisamment graves et contraires à la charte éthique du groupe distributeur portée à sa connaissance, qui justifient une rupture sans préavis . De même, l'inexécution par un fournisseur de ses obligations essentielles de contrôle et de surveillance de ses sites de production en vue du respect des normes sociales et éthiques fixées par son client, et son absence de réponse sérieuse et concrète aux demandes de mesures présentées par ce dernier, ont pu justifier la rupture immédiate des relations commerciales, dès lors que ces fautes revêtaient une gravité suffisante . 

Par ailleurs, une entreprise, qui ne respecte pas ses engagements, pourrait être sanctionnée sur le fondement du droit de la consommation pour pratique commerciale déloyale. L'article L. 121-1 du Code de la consommation prohibe en effet toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale de la part d'un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d'un produit aux consommateurs qui présente la double caractéristique d'être contraire aux exigences de la diligence professionnelle et d'altérer ou d'être susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen. La personne morale qui se rend coupable de pratique commerciale trompeuse encourt, outre une amende, les peines complémentaires prévues aux 2° à 9° de l'article 131-39 du Code pénal . Il ne s'agit pas d'un cas d'école : des ONG ont, il y a quelques années revendiqué la possibilité d’agir contre un fabricant de téléphones mobiles sur le fondement des pratiques commerciales trompeuses, en lui reprochant de porter gravement atteinte aux droits des ouvriers travaillant dans ses usines en Chine, en Corée et au Vietnam, à rebours de ses engagements éthiques publics. Même si la Cour de cassation les a déboutés de leur demande pour défaut d'intérêt à agir, cette affaire illustre à quel point le risque d'effet boomerang est réel et qu'il est préférable pour l'entreprise de choisir soigneusement les engagements dont elle se targue.

Montpellier, 8 octobre 2019, LawLex202400002846JBJ, retenant que sans volonté, de la part d’une entreprise, de se conformer aux recommandations du Code AFEP-MEDEF, celles-ci ne peuvent être invoquées à son encontre. - V. aussi Riom, 24 janvier 2024, LawLex202400002845JBJ, considérant que le Code AFEP-MEDEF, ne constitue pas une norme directement applicable sans disposition expresse des instances dirigeantes de la société.

T. com. Paris, 7 février 2017, LawLex202300011521JBJ.

Paris, 12 mai 2022, LawLex202400002847JBJ.

Versailles, 22 mars 2013, LawLex202400004221JBJ.

V., par analogie, Cass. com., 23 janvier 2007, LawLex202300000869JBJ, Propr. ind. 2007, n° 55, SCHMIDT-SZALEWSKI ; D. 2007, 442, obs. DELPECH, s'agissant d'une clause morale contenue dans un protocole d'accord.

Cass. crim., 25 septembre 2012, LawLex201400000335JB,  D. 2012. 2711, note DELEBECQUE ; RTD civ. 2013, 119, obs. JOURDAIN.

Cass. 2e civ., 10 juin 2004, LawLex202400003204JBJ.

Paris, 5 mai 2021, LawLex202100002759JBJ, Concurrences 3/2021, 119, obs. FOURGOUX.

Paris, 13 mars 2019, LawLex201900000339JBJ.

150. Fondements envisageables