Tout le droit des sociétés : droit commun des sociétés et régime propre aux différents types de sociétés

Droit des sociétés

L'effectivité de la cession de droits sociaux peut être garantie par une clause de non-concurrence  qui permet, en vertu d'un mécanisme très proche de la garantie d'éviction offerte par le droit commun de la vente, de prémunir le cessionnaire contre toute activité concurrentielle de la part du cédant susceptible de lui porter préjudice. 
1) Conditions de validité
Le champ d'application des clauses …

Principe et validité.

TREBULLE, Le contrôle de proportionnalité de la clause de non-concurrence contenue dans un acte de cession de droits sociaux, Dr. sociétés 2003, chron. 6.

L'effectivité de la cession de droits sociaux peut être garantie par une clause de non-concurrence  qui permet, en vertu d'un mécanisme très proche de la garantie d'éviction offerte par le droit commun de la vente, de prémunir le cessionnaire contre toute activité concurrentielle de la part du cédant susceptible de lui porter préjudice. 

Le champ d'application des clauses de non-concurrence ne peut, sauf à porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, être illimité. 

Elles doivent tout d'abord être limitées dans le temps et dans l'espace. Ces critères sont cumulatifs et non alternatifs . La jurisprudence considère que la clause de non-concurrence stipulée pour cinq années dans un contrat de cession de parts sociales est limitée dans le temps, même si son entrée en vigueur a été repoussée du fait du report du transfert de propriété des actions cédées d'un commun accord des parties mais aussi du comportement fautif du cédant . En outre, l'engagement de non-concurrence, qui vaut sur l'ensemble de la France et auprès de tout client, contact ou prospect implanté à l'étranger, au terme duquel le cédant s'interdit pendant cinq années d'entreprendre directement, indirectement ou par personne interposée, une activité similaire ou concurrente par rapport à celle de la société cédée à quelque titre que ce soit ou de s'intéresser à une entreprise concurrente en qualité de salarié ou autrement n'est pas disproportionné par sa durée et son étendue géographique eu égard au caractère très restreint du secteur, même s'il peut paraître particulièrement contraignant pour l'intéressé, âgé de 54 ans, et spécialisé dans le secteur d'activité depuis de très nombreuses années . En revanche, l'obligation de non-concurrence contractuellement mise à la charge d’un mandataire social, restreinte aux pays susceptibles de constituer le marché des produits de mémoires magnétiques intégrées sur du silicium, et qui concerne uniquement ceux-ci, restrictivement et précisément énumérés, apparaît suffisamment limitée dans l'espace . La validité des clauses de non-concurrence implique également qu'elles soient limitées dans leur objet . Il convient d'être attentif à la rédaction de la clause car une clause qui interdit de créer, d'exploiter, de s'intéresser directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, même comme associé commanditaire, à une activité concurrente, ne s’étend pas à l’exercice d’un emploi salarié, même au sein d’une entreprise du secteur prohibé, dès lors que les termes employés visent une exploitation personnelle ou tout au moins un intéressement à l'exploitation de l'entreprise concurrente . 

Une clause, même limitée dans l'espace et le temps, ne peut être déclarée licite si elle ne présente pas un caractère proportionné aux intérêts légitimes de son bénéficiaire  : la restriction de liberté inhérente à la clause doit être strictement nécessaire aux objectifs à atteindre. La nullité d’une clause de non-concurrence ne s’apprécie pas eu égard à la diversité des activités prévues dans l’objet social de la société cédée mais, de façon concrète, en fonction de sa disproportion par rapport à l’objet du contrat, dès lors qu’elle a pour effet d'empêcher son débiteur, pendant une durée de cinq ans, d'exercer une activité de gestion dans un établissement similaire à celui de son bénéficiaire  . De même, une clause de non-concurrence revêt un caractère attentatoire à la liberté commerciale du cédant lorsqu'elle n'autorise que des ventes à des particuliers, alors que l'essentiel du chiffre d'affaires est réalisé dans le secteur avec des professionnels, lui interdit de recruter le personnel de la société cédée pendant cinq années et le soumet à des contrôles inquisitoriaux périodiques du cessionnaire . En outre, la clause de non-concurrence figurant dans une cession de parts sociales, par laquelle le cédant s'engage à ne pas faire concurrence à l'entreprise pendant huit ans, sur le territoire de l'Europe continentale et dans un secteur d'activité décrit en termes vastes et imprécis, est nulle dès lors qu'elle ne saurait, par son ampleur, être considérée comme protégeant un intérêt légitime . A contrario, la clause de non-concurrence, limitée à cinq années et à un rayon de vingt kilomètres depuis le siège de la société cédée, apparaît licite dès lors qu'elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes et a pour objet d'éviter l'intervention de l'ancien gérant, cédant, dans le même domaine, auprès de la même clientèle . De même, la clause de non-concurrence, par laquelle le cédant s'engage à ne pas s'intéresser à des manifestations ou salons dans les domaines médical ou hospitalier concurrents de la société cédée, est proportionnée à la protection des intérêts du cessionnaire, lorsqu'elle vise à garantir la valeur de son investissement . Enfin, la clause de non-concurrence stipulée dans un contrat de cession de parts sociales, qui fixe son champ d'application au territoire de la Polynésie française, zone dans laquelle la société cédée dispose d'une exclusivité de distribution, tout en autorisant le cédant à poursuivre l'exploitation de deux autres sociétés, dont il est l'unique gérant et associé, dans le même secteur d'activité, n'apparaît pas disproportionnée au regard de l'intérêt légitime des cessionnaires .

Dans quelles hypothèses le juge retient-il une violation de la clause ? Tout dépend de la rédaction de la clause et de son interprétation par le juge. De fait, la jurisprudence considère qu'une clause interdisant au cessionnaire et à la société de s'intéresser aux clients visés en annexe, prohibe le démarchage mais n'interdit pas de répondre à un appel d'offres . De même, la clause de non-concurrence circonscrite à la participation active à l'exploitation du fonds de commerce d’une société concurrente postérieurement à la cession de droits sociaux, ne s’étend pas à la détention d'une participation antérieure à celle-ci ni des apports en compte-courant, qui ne peuvent être assimilés à une participation, dans la société gérée par le fils du cédant .

Constitue une violation de la clause de non-concurrence lui interdisant de s'intéresser; directement ou indirectement, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, à un établissement commercial de la nature de celui exploité par la société cédée ou susceptible de lui faire concurrence, le fait, pour le cédant, de prendre contact avec les clients de cette dernière pour leur annoncer la reprise de son activité au travers d'une entreprise nouvellement créée et nouer des relations commerciales au profit de celle-ci . De même, le cédant d'actions viole la clause de non-concurrence qui interdit la prise d’intérêt chez un concurrent, sauf à ce qu’il s’engage expressément à ne pas avoir les mêmes clients, en contractant avec certains d'entre eux sans avoir obtenu l'accord préalable du cessionnaire . Un cédant viole également la clause de non-concurrence stipulée dans l'acte de cession de ses parts sociales lorsqu'il est embauché par une société créée pour développer une activité de livraison de marchandises essentiellement à vélo dans les centres urbains et notamment à Paris, alors cette prestation constitue déjà le cœur d'activité de la société dont il a cédé les titres . Enfin, le débiteur d’une clause de non-concurrence qui lui interdit de s’intéresser, même à titre d’associé ou de commanditaire, à un fonds de même nature, méconnaît cette clause, s’il devient associé majoritaire d’une société concurrente . 

En revanche, le cédant d'une société lié par un engagement de non-concurrence ne peut être considéré comme exerçant, seul ou par personne interposée, une activité concurrente du seul fait qu'il a consenti, sans contrepartie, un prêt à la société de son ancien salarié, qui intervient dans le même secteur que son ancienne société, et lui a apporté aide et conseils . 

Il convient de préciser que la violation d'une clause de non-concurrence insérée dans un protocole de cession de parts sociales n'entraîne pas nécessairement réparation en l'absence de preuve de l'étendue du préjudice allégué et du lien de causalité entre ce préjudice et la faute reprochée .

Cass. com., 17 juillet 2001, LawLex202300001091JBJ, considérant que la convention de cession de parts sociales qui ne prévoit pas expressément de clause de non-concurrence, ne peut donner lieu à aucun engagement de non-concurrence contractuel, même tacite ou implicite.

Cass. com., 12 février 2013, LawLex202300001092JBJ; 24 novembre 2009, LawLex200900003553JBJ.

Paris, Pôle 5 ch. 4, 20 octobre 2010, LawLex201000001290JBJ.

Cass. com., 6 octobre 2015, LawLex202300001096JBJ; 11 mars 2014, LawLex202300001087JBJ, considérant que l'obligation de non-concurrence contractuellement mise à la charge d’un mandataire social désigné parmi les actionnaires, applicable en cas de révocation, est valablement limitée dans l'espace lorsque sa portée est restreinte aux pays susceptibles de constituer le marché des produits de mémoires magnétiques intégrées sur du silicium et à ces seuls produits, limitativement et précisément énumérés.

Cass. com., 4 décembre 2007, LawLex200700001969JBJ; Versailles, 10 juin 2004, LawLex200700002013JBJ, retenant que la clause de non-concurrence souscrite par le cédant de parts sociales est proportionnée même si sa durée est de cinq ans, dès lors que son objet est de garantir la valeur de l'entreprise cédée, qui intervient dans le domaine de l'organisation de manifestations scientifiques, où les temps de préparation sont longs.

Cass. com., 16 novembre 2022, LawLex202200010345JBJ.

Cass. com., 24 septembre 2013, LawLex201300001407JBJ, RDC 2014, 30, obs. DESHAYES; Rev. sociétés 2014, 162, obs. FAGES.

Cass. com., 12 décembre 2018, LawLex202300001093JBJ.

Cass. com., 16 novembre 2022, LawLex202200010345JBJ; 17 décembre 2002, LawLex200300000619JBJ, retenant que le cédant de parts sociales viole l'obligation de non-concurrence souscrite à l'égard du cessionnaire en demeurant le gérant d'une société qui se livre à une activité concurrente, même si son existence est antérieure à la clause souscrite, dès lors qu'au moment de cette souscription, elle n'exerçait pas d'activité concurrentielle.

Paris, 25 juin 2015, LawLex202300001090JBJ; Cass. com., 21 janvier 2004, LawLex200400000320JBJ, considérant que le débiteur d’une clause de non-concurrence qui lui interdit de s’intéresser, même à titre d’associé ou de commanditaire, à un fonds de même nature, méconnait cette clause s’il devient associé majoritaire d’une société concurrente de la société dont il a cédé les parts; Versailles, 1 juillet 1999, LawLex200200000926JBJ, D., 2000, Somm., 318, obs. PICOT, estimant qu'une clause par laquelle le cédant s'interdit “de solliciter directement ou indirectement la clientèle de la société” dont les parts sont cédées, “afin de ne pas concurrencer ladite société de quelque manière que ce soit dans ladite clientèle”, lui interdit un démarchage actif comme une réponse passive aux sollicitations de celle-ci.

Paris, 22 janvier 2015, LawLex201500000091JBJ.

Cass. com., 21 janvier 2004, LawLex200400000320JBJ.

Rennes, 20 novembre 2018, LawLex201800001812JBJ.

Cass. com., 26 septembre 2018, LawLex201900002080JBJ.

Cass. com., 10 mars 2014, LawLex202300001087JBJ.

Cass. com., 4 janvier 1994, LawLex200200001606JBJ, considérant que pour être licite, il ne suffit pas que la clause de non-concurrence soit limitée dans le temps et dans l'espace, mais il faut encore qu'elle ne soit pas disproportionnée au regard de l'objet du contrat.

Paris, 8 janvier 2009, LawLex202300001089JBJ.

Cass. com., 8 octobre 2013, LawLex201300001723JBJ, D. 2013, 2816, obs. PICOD ; Contrats Conc. Consom. 2013, n° 260, obs. MALAURIE-VIGNAL ; JCP E 2014, n° 1000, obs. COURET et DONDERO.

Cass. com., 24 juin 1997, LawLex202300001088JBJ; 15 mars 2011, LawLex201100000728JBJ, considérant que la clause de non-concurrence qui interdit au cédant de participer ou de s'intéresser à quelque titre que ce soit, aux activités similaires à celles de la société cédée et de ne pas démarcher ses clients pour la période post-contractuelle est disproportionnée; Paris, 22 janvier 2015, LawLex201500000091JBJ, retenant qu'une clause de non-concurrence, stipulée dans un acte de cession de parts sociales, qui interdit pour une durée de cinq ans au cédant de se rétablir directement ou indirectement sur le territoire de l'Union Européenne, sans définir les activités concernées dans le secteur du transport écologique, alors qu'il assure un enseignement dans le domaine de la logistique et du transport à l'université de Caen dans lequel il a développé son savoir-faire depuis plus de dix ans, constitue une atteinte excessive à sa liberté de travailler et doit être déclarée nulle.

Cass. com.,13 décembre 2011, LawLex202300001094JBJ.

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