Tout le droit des sociétés : droit commun des sociétés et régime propre aux différents types de sociétés

Droit des sociétés

Le co-emploi constitue une création jurisprudentielle consistant à reconnaître la qualité d'employeur à une personne non signataire du contrat de travail, afin de protéger les salariés lorsque l'employeur principal n'est pas en mesure de satisfaire à ses obligations à leur égard. Appliquée au groupe de sociétés, elle permet de reconnaître la qualité de co-employeur à la société mère afin, notamment, de mettre à sa charge les conséquences du licenciement d'un ou de plusieurs salariés de sa filiale. Une telle reconnaissance, dès lors qu'elle déroge gravement au principe d'autonomie des personnes morales, est néanmoins soumise à des conditions strictes. 

Initialement, le co-emploi était caractérisé en présence d'un lien de subordination effectif entre le salarié et la société mère . Mais, trop restrictif, ce critère a progressivement été abandonné au profit de la caractérisation d'une immixtion de la mère dans la gestion du personnel de la filiale, qui conduit à une perte totale d'autonomie décisionnelle de cette dernière , y compris lorsque ces actes sont réalisés par un gérant de fait . Hors existence d'un lien de subordination, une société qui fait partie d'un groupe peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière . Une telle immixtion ne se manifeste que lorsque la filiale subit, du fait des agissements de sa mère, une perte totale d’autonomie décisionnelle, notamment dans le domaine de la gestion économique et sociale . Il en va ainsi lorsque la société mère la prive de ses équipes informatiques, comptables et de ressources humaines et de sa compétence en matières contractuelle, administrative, financière et juridique , la dépossède d’une clientèle propre ou se substitue à celle-ci dans la gestion de son personnel dans les relations tant individuelles que collectives et assure sa gestion financière et comptable . En revanche, des éléments tels que la centralisation de services supports, des remontées de dividendes, des conventions de trésorerie et de compensation, des dettes non réglées à la filiale, des facturations de prestations de services partiellement sans contrepartie pour cette dernière, la maîtrise de la facturation de celle-ci durant une période limitée dans le temps et l'octroi d'une prime exceptionnelle à ses salariés, ne peuvent caractériser une situation de co-emploi . Il en va de même de l’incidence de la politique du groupe déterminée par la société mère sur l'activité économique et sociale de sa filiale, ainsi que sur son devenir, et de son engagement de garantir l'exécution des obligations liées à la fermeture du site et à la suppression des emplois . Le fait que les dirigeants d’une filiale aient été en étroite collaboration avec sa société mère, en aient reçu un important soutien financier et aient signé une convention de trésorerie et d'assistance moyennant rémunération  ou que la société mère ait adopté, durant la période qui a suivi la prise de contrôle de la filiale, des décisions visant à sa réorganisation dans le cadre de la politique du groupe, puis ait renoncé au concours financier  destiné à éviter sa liquidation judiciaire, tout en s'impliquant dans  les recherches de reclassement des salariés au sein du groupe , ne suffit pas non plus à caractériser une situation de co-emploi. La commercialisation quasi-exclusive des produits de la filiale par la  maison mère et la fourniture par celle-ci de commandes et de la  trésorerie nécessaire pour le paiement des salaires des employés de la filiale, ne caractérisent pas d'avantage une situation apparente de  co-emploi, issue d'une confusion d'intérêts, d'activités et de  direction . Enfin, même en présence d’une communauté d'intérêts économiques et d’une interdépendance des organes de direction entre une société mère et sa filiale, le fait que cette dernière dispose d'une clientèle propre et  d'une autonomie de gestion à l'égard de son personnel et de  l'organisation de son activité et que ses salariés ne soient pas soumis à  la direction et au contrôle du groupe, exclut la caractérisation d'une situation de co-emploi .

Cass. soc., 19 juin 2007, LawLex202200010353JBJ et LawLex202200010354JBJ, JCP S 2007, n° 1618, obs. COURSIER.

Cass. soc., 28 septembre 2011, LawLex202200008945JBJ, JCP S 2011, n° 1548, obs. GUYOT ; 22 juin 2011, LawLex202200007136JBJ, considérant que l’existence entre deux sociétés d’une confusion d'intérêts, d'activités et de direction, qui se manifeste, après la prise de contrôle de l'une par l'autre, par une perte totale d'autonomie de la contrôlée dans la gestion de ses activités, notamment dans le domaine de la gestion du personnel, leur confère la qualité de co-employeurs ; 18 janvier 2011, LawLex202200007137JBJ, retenant que la confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre deux sociétés, qui prive la filiale de toute autonomie, dès lors que sa direction opérationnelle et administrative est assurée par sa société mère, permet de les considérer comme co-employeurs.

Cass. soc.,10 décembre 2015, LawLex202200010904JBJ.

Cass. soc., 20 mai 2014, LawLex202200010906JBJ.

Cass. soc., 26 juin 2008, LawLex202200010905JBJ.

Cass. soc., 16 mars 2010, LawLex202200010903JBJ.

Cass. soc.,10 décembre 2015, LawLex202200010904JBJ ; 6 juillet 2016, LawLex202200007133JBJ ; 23 novembre 2022, LawLex202200010902JBJ, JCP E 2023, n° 1135, n° 7, obs. LASSERRE ; JCP E 2023, 1055, obs. BRUNIE ; JCP E 2023, 1135, 7, obs. PERRUCHOT-TRIBOULET.

Cass. soc., 14 avril 2021, LawLex202200010228JBJ ; 25 novembre 2020, LawLex202200007131JBJ ; 18 janvier 2011, LawLex202200007137JBJ ; Riom, 14 sept. 2021, LawLex202200009746JBJ.

Cass. soc., 6 juillet 2016, LawLex202200007134JBJ.

Cass. soc., 23 novembre 2022, LawLex202200010902JBJ, préc.

Cass. soc., 9 octobre 2019, LawLex202100003457JBJ.

Cass. soc., 6 juillet 2016, LawLex202200007132JBJ ; 2 juillet 2014, LawLex202200007673JBJ, indiquant que le fait que la société mère prenne dans le cadre de la politique du groupe des décisions affectant le devenir de la filiale et s’engage à fournir les moyens nécessaires au financement des mesures sociales liées à la fermeture du site ainsi qu’à la suppression des emplois, ne suffit pas à caractériser une situation de co-emploi.

Cass. com., 7 mars 2017, LawLex202100001710JBJ.

Notion

ARSEGUEL, Droit du travail, droit décapant : à propos du co-employeur, RPC 2012, Dossier 6 ; CALICE et DIRIART, Les nouveaux fronts contentieux du licenciement pour motif économique - L'impossible équation entre l'existence du groupe et l'autonomie juridique de la société, Cah. dr. entr. 2012, Dossier 27 ; GAILHBAUD, De la théorie du co-employeur à la notion de co-emploi - Contribution à l'étude renouvelée du quasi-contrat, Gaz. Pal., 4 août 2012, 11 ; REYNES, Groupe de sociétés, la théorie du co-emploi, Cah. dre. entr. mai-juin 2012, 15 ; MORVAN, L'identification du coemployeur, JCP S 2013, n° 1438 ; d'ORNANO, Le co-employeur, JCP S 2013, n° 1533 ; AUZERO, La nature juridique du lien de co-emploi, SSL 2014, suppl. 1619 ; PEROTTO et MATHEZ, La mise en jeu de la responsabilité de la société mère est-elle une fatalité ? Regards croisés sur les groupes de sociétés et le risque de coemploi, JCP S 2014, n° 1262 ; BEAL et TERRENOIRE, Co-emploi et groupes de sociétés : des liaisons apaisées ?, JCP E 2015, n° 1105 ; DUMONT, La nébuleuse du coemploi, JCP E 2015, n° 1222 ; PAGNERRE, Coemployeur : tiers ou partie au contrat de travail ?, JCP S 2015, n° 1436 ; LAFARGUE, Au cœur de paradoxes, le coemploi, JCP S 2018, n° 1253 ; PAGNERRE, Le reflux du coemploi, toujours vivant mais un peu plus mort, JCP S 2021, n° 1019 ; TERNISIEN et DEMOULIN, La responsabilité des sociétés-mères à l'égard des salariés de leurs filiales : mythe ou risque réel ?, JCP G 2023, n° 496.

283. Notion