Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit européen de la concurrence

L'institution, au sein du droit de la concurrence, d'un contrôle direct des opérations de concentration, ne représente en réalité que le dernier stade d'une évolution. Avant d'être soumise à des règles propres, la concentration est en effet généralement contrôlée par l'intermédiaire des règles traditionnelles du droit de la concurrence relatives aux ententes et abus de position dominante. Celles-c …

Place du contrôle des concentrations dans le droit de la concurrence.

V. VOGEL, Droit de la concurrence et concentration économique, Economica, 1988 ; Le nouveau droit européen de la concentration, JCP E, 1990, II, 15914, 73 ; Le contrôle des opérations de concentration en droit communautaire, Droit et Économie, nº 66, 1991, 14, 110 ; JACQUEMIN (ed.), Merger and competition policy in the European Community, Basic Blackwell, 1990 ; VOGEL, Le règlement européen sur le contrôle des concentrations ou la difficulté de concilier efficacité et compromis, J. Clunet, 1991, 887 ; BOS, STUYCK, WYTINCK, Control in the European Economic Community, Graham & Trotman, 1992 ; JONES & GONZALEZ-DIAZ, The EC Merger Regulation, Sweet & Maxwell, 1992 ; NEVEN, NUTTAL, SEABRIGHT, Merger in daylight, CEPR, 1993 ; CATTON, Le contrôle des concentrations entre entreprises au regard du règlement CEE nº 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989, Thèse, Montpellier, 1994 ; ZACHMANN, Le contrôle communautaire des concentrations, LGDJ, 1994 ; SIRAGUSA et BRUNET (sous la dir.), La pratique communautaire du contrôle des concentrations, De Boeck, 1995 ; HAWK & HUSER, European Community Merger Control: A Practitioner's Guide, Kluwer, 1996 ; CHARBIT et CORRUBLE, Négocier avec la task force concentrations. Les flexibilités d'une procédure réglementaire, Rev. aff. eur., 1997, 496 ; LEVEQUE, Le contrôle des concentrations en Europe et aux États-Unis : lequel est le plus sévère ?, Concurrences, 2/2005, 20 ; L'analyse statistique du contrôle européen des concentrations, Concurrences, 4/2005, 20 ; NAVARRO VARONA, FONT GALARZA, FOLGUERA CRESPO, BRIONES ALONSO, Merger Control in the European Union, Oxford University Press, 2e éd., 2005 ; COOK & KERSE, EC Merger control, Sweet & Maxwell, 5e ed., 2009 ; BERLIN, Contrôle des concentrations, Commentaire Mégret, Editions de l'Université de Bruxelles, 3e éd. 2009 ; BOY, Les contrats économiques de souveraineté, outils de la régulation de la concurrence (les pratiques des autorités de concurrence à partir de l'exemple de la France), RID éco., 2010, n° 3, 271 ; ROSENTHAL & THOMAS, European Merger Control, C.H. Beck/Hart Publishing, 2010 ; ALMUNIA, Policy Objectives in Merger Control, International Antitrust Law & Policy, 2011, 317 ; BELLIS, ELLIOTT, VAN ACKER, The Current State of the EU Merger Control System: Ten Areas Where Improvements Could Be Made, International Antitrust Law & Policy, 2011, 325 ; CALVINO, When do Mergers Raise Concerns? An Analysis of the Assessment Carried out by the European Commission under the New Merger Regulation, JECLAP, 2011, Vol. 2, No 6, 521 ; FOTIS et POLEMIS, The Use of Economic Tools in Merger Analysis: Lessons from US and EU Experience, ECJ, 2011, Vol. 7, No 2, 323 ; GERADIN et GIRGENSON, Industrial Policy and European Merger Control: A Reassessment, International Antitrust Law & Policy, 2011, 353 ; DRAUZ & JONES (ed.), Mergers and Acquisitions, Claeys & Casteels, 2e éd., 2012 ; HUDSON, Understanding the Direction of EU Competition Law: An Analysis based on Merger Regulation in the EU and US, ECLR, 2012, Vol. 33, Issue 11, 526 ; LINDSAY & BERRIDGE, The EU Merger Regulation: Substantive Issues, Sweet & Maxwell, 2012 ; WITT, From Airtours to Ryanair: Is the more economic approach to EU merger law really about more economics?, CMLR, 2012, Vol. 49, No 1, 217 ; EWALD et BUCCINO, Evaluation of economic evidence in merger control, Concurrences, 4/2013, n° 57815 ; GORE, LEWIS, LOFARO, The Economic Assessment of Mergers under European Competition Law, Cambridge University Press, 2013 ; HÜSCHELRATH et SMUDA, Do Cartel Breakdowns Induce Mergers? Evidence from EC Cartel Cases, 2013, Vol. 9, No 2, 407 ; PAAS-MOHANDO, Do Small Economies Need Specific Rules for Substantive Aspects of Merger Control?, ECLR, 2013, vol. 34, 260 ; PARR, SANDERS, PADILLA, Merger Control, Global Legal Group, 2013 ; CLARKE, International Merger Policiy, Applying Domestic Law to International Markets, Edward Elgar, 2014 ; KOKKORIS & SHELANSKI, EU Merger Control. A legal and economic analysis, Oxford, 2014 ; VALLINDAS, Droit européen des concentrations, Bruylant, 2017 ; CHAIEHLOUDJ, Faut-il repenser le droit européen des concentrations après l'affaire Alstom/Siemens ?, Cah. dr. eur. 2019, 550.

L'institution, au sein du droit de la concurrence, d'un contrôle direct des opérations de concentration, ne représente en réalité que le dernier stade d'une évolution. Avant d'être soumise à des règles propres, la concentration est en effet généralement contrôlée par l'intermédiaire des règles traditionnelles du droit de la concurrence relatives aux ententes et abus de position dominante. Celles-ci sont susceptibles de saisir la concentration, soit dans son processus - l'opération de concentration -, soit dans son résultat - le degré de concentration du marché.

La réticence à instituer un contrôle des opérations de concentration s'explique essentiellement par le préjugé économique favorable dont bénéficie la concentration. Les économistes considèrent en effet traditionnellement que la grande entreprise est souvent dans une meilleure situation que la petite à la fois pour tirer parti du progrès technique et diminuer ses coûts. Ils admettent toutefois généralement qu'un taux élevé de concentration favorise des comportements parallèles conscients dans le domaine des prix et objectifs de production et que, par conséquent, la concentration, lorsqu'elle est importante, est un facteur potentiel de non-concurrence. Tout ceci explique qu'il ait fallu attendre 1989 dans l'Union européenne, pour qu'un contrôle spécifique des opérations de concentration soit institué.

Mis en chantier à la fin des années 1970, le premier règlement européen sur le contrôle des concentrations n'a été adopté que le 21 décembre 1989 et est entré en vigueur le 21 septembre 1990 . À la différence du Traité CECA, le Traité CE ne prévoyait pas de contrôle de la concentration. L'explication de cette lacune est généralement trouvée dans le fait que l'économie du Marché commun était dans les années 1950-1960 faiblement concentrée dans les secteurs autres que ceux du charbon et de l'acier, surtout par comparaison avec celle de ses plus grands concurrents, en particulier les États-Unis. En attendant de disposer de moyens d'action spécifiques, les autorités européennes se sont tournées vers les moyens de contrôle existants. Dans le célèbre arrêt Continental Can , elles ont considéré qu'une opération de concentration, même non agressive, peut être constitutive d'un abus de position dominante dès lors qu'elle a pour effet de renforcer de façon substantielle la position de l'entreprise initiatrice. Puis, l'arrêt BAT et Reynolds  a admis que l'article 101 du Traité puisse également, sous certaines conditions, être utilisé pour contrôler une prise de participation minoritaire dans le capital d'une société concurrente.

Ces moyens de contrôle indirects de la concentration étaient en réalité beaucoup plus destinés à inciter les États membres à accepter l'institution d'un contrôle spécifique qu'à réaliser un contrôle alternatif. L'adoption du règlement européen s'est en effet heurtée à la volonté des États membres de conserver intactes leurs prérogatives dans un domaine jugé essentiel du point de vue de la politique économique, sinon concurrentielle. Au cours de l'élaboration du règlement sur le contrôle des concentrations, les rivalités de pouvoir l'ont emporté sur les préoccupations techniques au point que la solution qui aurait peut-être semblé la plus efficace a souvent été sacrifiée à celle qui apparaissait comme la plus acceptable. Évidente s'agissant de la détermination du domaine de contrôle, la volonté de compromis se manifeste également dans la définition des conditions d'exercice de celui-ci.

Règl. 4064-89 du 21 décembre 1989, JOCE, L 395 du 30 décembre 1989, 1, modifié par le règl. 1310-97 du 30 juin 1997, JOCE, L 180 du 9 juillet 1997, 1.

CJCE, 21 février 1973, Europemballage Corporation, aff. 6-72, LawLex200200004140JBJ, Gaz. Pal., 1973, 1, 356 ; Cah. dr. eur., 1972, 325, obs. NERI ; Banque, 1973, 622, obs. ANSELME-RABINOVITCH ; JDI, 1974, 428, note SAINT-ESTEBEN.

CJCE, 17 novembre 1987, BAT et Reynolds, aff. 142-84, LawLex200200004042JBJ, Gaz. Pal., 1988, II, 18-19, obs. LAURENT ; ECLR, 1987, 239, obs. KORAH ; ECLR, 1987, 333, obs. FINE ; ECLR, 1988, 189, obs. FRIEND ; CMLR, 1988, 333, obs. KORAH.

Règlement 4064-89.

V. ALEXANDER, Cah. dr. eur., 1990, 529 ; BLAISE, RTD eur., 1990, 743 ; BOLZÉ, Rev. Soc., 1990, 207 ; BOURGEOIS et DRUBER, Rev. aff. eur., 1990, nº 1, 15 ; DANA-DEMARET, JCP E, 1990, I, 15820 ; DECHERY, RTD eur., 1990, 307 ; de MONTALEMBERT, Dr. prat. com. int., 1990, 724 ; de la LAURENCIE, D., 1990, chron. 141 ; Dr. prat. com. int., 1992, 60 ; VOGEL, JCP E, 1990, II, 15914 ; JEANTET, D., 1991. chron. 4 ; GYSELEN, RTD eur., 1992, 6 ; PAPPALARDO, RMCUE, 1991, nº 2. 11 et 1995, nº 1, 101 ; PUEL et MURZEAU, LPA, 6 mars 1991 ; REPENNE, Cah. dr. eur., 1991, 42 ; GUDIN, Rev. aff eur., 1992, nº 1, 33 ; COHEN-TANUGI, ENCAOUA, WINCKLER, DAOUT, Banque et Droit, janvier-février 1994, 42 ; TROCHON, LPA, 30 août, 1er septembre, 11 septembre et 29 septembre 1995 (communications de la Commission du 31 décembre 1994) ; IDOT, Le contrôle communautaire des concentrations, Version 1998, JCP E, 1997, I, 686, et Europe, 1997.

La réforme du contrôle des concentrations est intervenue en 2004 avec le règlement 139-2004 , entré en vigueur le 1er mai 2004 en même temps que le règlement 1-2003. La réforme avait pour principal objectif de doter l'Europe de dispositions législatives adaptées à l'élargissement futur de l'Union en évitant la superposition des contrôles. Selon l'exposé des motifs , le nouveau règlement devait permettre “un contrôle effectif de toutes les concentrations en fonction de leur effet sur la structure de concurrence dans la Communauté et qui soit le seul applicable à de telles concentrations”.

Le principe du “guichet unique”, mis en place dès 1989, évitait déjà aux entreprises parties à une concentration de dimension européenne d'avoir à notifier leur opération dans les différents États membres qui pouvaient être concernés : pour de telles opérations, la compétence de l'Union était en effet exclusive. En 1997, de nouveaux seuils ont été ajoutés aux seuils originaires afin de saisir des concentrations, moins importantes en valeur absolue, mais ayant un impact significatif dans trois États membres au moins. Les rédacteurs du règlement de 2004 sont encore allés plus loin. Désormais, les entreprises parties à une opération sans dimension européenne (pour laquelle la Commission n'est, par conséquent, pas compétente), mais qui est susceptible d'être notifiée aux autorités nationales d'au moins trois États membres, peuvent également demander à bénéficier du guichet unique de la Commission. Pour que le renvoi joue, l'accord des États membres concernés est toutefois nécessaire .

Parallèlement à l'élargissement du champ d'application du contrôle, le règlement 139-2004 modifie l'appréciation substantielle des opérations de concentration : la création ou le renforcement d'une position dominante ne constitue plus qu'un cas parmi d'autres de l'atteinte à la concurrence ; les gains d'efficacité, ignorés dans la version précédente, constituent un facteur compensateur .

Après les consultations publiques de 2009 et 2013 qui lui ont permis de conclure à l'absence de nécessité de refondre le réglement 139-2004, la Commission a adopté le 9 juillet 2014 un Livre blanc intitulé “Vers un contrôle plus efficace des concentrations dans l’UE” qui porte sur les améliorations possibles des règles de l'Union relatives aux concentrations et va dans le sens d'un allègement de la procédure et l'introduction de plus de souplesse. Elle y propose notamment de changer les modalités du contrôle des prises de participations minoritaires qui ne confèrent pas le contrôle mais exercent une influence sur la concurrence, de faciliter le renvoi des affaires entre les États membres et la Commission, de simplifier les procédures, notamment en excluant certaines opérations ne posant pas de problème du champ d'application du contrôle des concentrations, et, enfin, de favoriser la coopération entre États membres afin d'éviter les décisions divergentes en cas de procédures parallèles. Ces propositions n'ont toutefois pas été suivies d'effets, aucune modification du règlement Concentrations n'étant intervenue depuis lors. Le 7 octobre 2016, la Commission a de nouveau lancé une consultation publique portant sur l'efficacité des seuils de contrôlabilité uniquement fondés sur le chiffre d'affaires, l'adoption d'un traitement encore plus simplifié des concentrations ne posant pas de problèmes de concurrence et le fonctionnment du mécanisme de renvoi des affaires .

Règl. 139-2004 du 20 janvier 2004, JOUE nº L 24, 29 janvier 2004, 1-22.

Règl. 139-2004 du 20 janvier 2004, considérant 6. 

Le considérant 29 de l'exposé des motifs affirme que les gains d'efficacité résultant de la concentration peuvent contrebalancer ses effets anticoncurrentiels, notamment le préjudice pour les consommateurs, et que cette dernière peut en conséquence ne pas entraver de manière significative la concurrence.

http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-3337_fr.htm. Adde: PADILLA, Should Profit Margins Play a More Decisive Role in Horizontal Merger Control?, JECLAP 2018, 260.

Règlement 139-2004.

V. BRUNET et GIRGENSON, La double réforme du contrôle communautaire des concentrations, RTD eur., nº 4, 1er janvier 2004, 1-31 ; POILLOT-PERUZZETTO, Le paquet concentration éclabousse le "droit" dans la concurrence, Contrats Conc. Consom., 2004, repère n° 3 ; IDOT, Le nouveau "règlement CE sur les concentrations" (Règlement nº 139/2004), Europe, mars 2004, étude, 3 ; L et J. VOGEL, La réforme du contrôle communautaire des concentrations : le débat est lancé, JCP G, 2002, 726 ; VOGEL, Contrôle européen des concentrations : ce qui va changer le 1er mai 2004, JCP G, 2004, 849 ; COUSIN, Contrôle des concentrations : le montant de la transaction comme nouveau seuil de notification des concentrations en Europe ?, RLC 2016, n° 3055 ; JORDA, La modernisation du droit communautaire des concentrations, AJDA, 2005, 179 ;  PAULHAC, La Commission européenne lance une nouvelle consultation publique sur le contrôle des concentrations dans l'Union européenne,  Contrats Conc. Consom., 2017, alertes n° 84 ; SORINAS, La Commission européenne lance une nouvelle consultation publique sur le fonctionnement de certains aspects procéduraux et juridictionnels du contrôle des concentrations, Concurrences 1-2017, chron., 131 ; CHAIEHLOUDJ, Faut-il repenser le droit européen des concentrations après l'affaire Alstom/Siemens ?, Cah. dr. eur. 2019, 550.   

Droit européen de la concurrence

287. Place du contrôle des concentrations dans le droit de la concurrence.(1)

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