Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit européen de la concurrence

Il n'appartient pas aux autorités nationales dans le cadre de leur compétence d'attribution de connaître de la compatibilité des aides d'État, qui relève de la compétence exclusive de la Commission .

Les règles de procédure fixées à l'article 108 TFUE, paragraphe 3, relatives à l'obligation d'informer préalablement la Commission des projets tendant à instituer ou à modifier des aides nouvelles sont d'effet direct et peuvent être invoquées devant le juge national , qui n'est pas tenu de surseoir à statuer ou de se déclarer incompétent lorsque la Commission, parallèlement saisie, n'a pas encore statué sur la qualification de la mesure étatique . Les juridictions nationales sont en effet tenues de sauvegarder les droits du justiciable qui découlent des dispositions du Traité . Elles ont ainsi l'obligation de remédier aux effets de l'illégalité d'une aide mise à exécution avant la décision finale de compatibilité  ou de laisser inappliquée une disposition nationale relative au principe de l'autorité de la chose jugée qui empêche de récupérer une aide d'État illégale qui a fait l'objet d'une décision d'incompatibilité devenue définitive .

Si l'appréciation de la compatibilité de mesures d'aide avec le marché intérieur relève de la compétence exclusive de la Commission , sous le contrôle de la Cour de justice, les juridictions nationales peuvent intervenir afin d'interpréter et appliquer la notion d'aide en vue de déterminer si une mesure étatique instaurée sans tenir compte de la procédure préalable de contrôle de l'article 108 TFUE, paragraphe 3, doit ou non y être soumise . Elles ne peuvent, en revanche, sans mettre en échec l'effet utile de l'article 108, paragraphe 3, estimer qu'une mesure ne constitue pas une aide au sens de l'article 107, paragraphe 1, et, partant, refuser de suspendre son exécution, lorsque la Commission a constaté, dans sa décision d'ouverture de la procédure formelle, que cette mesure est susceptible de présenter des éléments d'aide . Par ailleurs, le contentieux relatif à la récupération de l'aide, notamment au regard des constatations factuelles contenues dans la décision ou de la quantification exacte de l'avantage réel devant être récupéré, relève de la compétence du juge national . Il peut notamment suspendre une décision de récupération lorsqu'il a des doutes sérieux sur sa validité, à condition qu'il y ait urgence, qu'il prenne en compte l'intérêt de l'Union et que dans l'appréciation de ces conditions, il respecte les décisions de la Cour et du Tribunal statuant sur la légalité de cet acte ou une ordonnance de référé visant à l'octroi, au niveau européen, de mesures provisoires similaires . Le juge national ne peut toutefois pas, pour supprimer les effets d'une aide non notifiée, ordonner le remboursement partiel d'une taxe si cette décision conduit à élargir le cercle des bénéficiaires de l'aide . Lorsque la juridiction nationale éprouve des doutes sur le caractère d'aide d'État de la mesure nationale ou sur la validité ou l'interprétation de la décision ouvrant la procédure formelle, elle peut demander à la Commission des éclaircissements ou poser une question préjudicielle à la Cour .

Dans sa communication relative à l'application de la législation sur les aides d'État par les juridictions nationales , la Commission précise que celles-ci peuvent non seulement empêcher le versement de l'aide illégale et ordonner sa récupération, qu'elle soit compatible ou non, mais également ordonner le versement d'intérêts au titre de la période d'illégalité, accorder des dommages et intérêts aux entreprises concurrentes et aux autres tiers et ordonner des mesures provisoires. Le pouvoir de contrôle du juge national demeure cependant limité. Il est tenu de faire droit à la demande de restitution des aides non notifiées à moins que, en raison de circonstances exceptionnelles, celle-ci soit inappropriée. Il ne peut, de même, surseoir à l'exécution d'une injonction de récupération et prendre une mesure provisoire qu'en présence de doutes sérieux sur la validité de l'acte européen, s'il y a urgence pour éviter un préjudice grave et irréparable et compte tenu de l'intérêt de l'Union . Enfin, la juridiction nationale a uniquement la possibilité d'apprécier la réunion des conditions d'exemption lorsqu'elle est saisie de l'applicabilité d'un règlement d'exemption par catégorie ou d'un régime d'aides existant ou autorisé .

V. pour le droit français, Décision Cons. conc. nº 04-D-02 du 10 février 2004, LawLex200400000369JBJ, l'Autorité de la concurrence ne se reconnaît compétente que pour l'application du livre IV du Code de Commerce ainsi que des articles 101 et 102 TFUE.

CJCE, 19 juin 1973, Carmine Capolongo c. Azienda Agricole Maya, aff. 77-72, LawLex200500003786JBJ, JDI, 1974, 398, obs. KOVAR ; 16 décembre 1992, Georges Lornoy en Zonen NV c. État belge, aff. C-17-91, LawLex200500003750JBJ ; TPICE, 18 septembre 1995, SIDE, aff. T-49-93, LawLex200300003999JBJ.

CJUE, 22 décembre 2010, Commission européenne c. République italienne, aff. C-304-09, LawLex201000001478JBJ, qui précise que, pour suspendre la décision de récupération, le juge national doit, outre saisir la Cour d'un renvoi préjudiciel, indiquer, au moment d'octroyer la mesure de référé, les raisons qui selon lui amèneront la Cour à constater l'invalidité de l'acte européen.

CJCE, 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich GmbH, aff. C-368-04, LawLex200600002094JBJ.

CJUE, 21 novembre 2013, Deutsche Luftansa AG, aff. C-284-12, LawLex201300001533JBJ.

Communic. Comm. CE 2009-C 85-01 du 9 avril 2009, pts 24 et s., qui détaille chacune de ces prérogatives.

Communic. Comm. CE 2009-C 85-01 du 9 avril 2009, pt 68.

Communic. Comm. CE 2009-C 85-01 du 9 avril 2009, pt 16.

CJCE, 11 juillet 1996, Syndicat français de l'Express international e.a. c. La Poste e.a, aff. C-39-94, LawLex200300003945JBJ.

CJCE, 13 janvier 2005, Streekgewest Westelijk Noord-Brabant c. Staatssecretaris van Financiën, aff. C-174-02, LawLex200500003837JBJ, Contrats Conc. Consom., 2005, nº 117, obs. POILLOT-PERUZZETTO ; Europe, 2005, nº 92, obs. IDOT.

CJCE, 12 février 2008, Centre d'exportation du livre français, aff. C-199-06, LawLex200800000178JBJ ; TUE, 10 novembre 2021, Solar Electric Holfding, aff. T-678/20, LawLex202100005837JBJ, Europe 2012, n° 19, obs. IDOT, qui souligne que les entreprises bénéficiaires d'une aide illégale doivent saisir le juge national afin de voir sanctionner le refus explicite ou implicite de l'Etat dispensateur de son conformer à son obligation de notification.

CJCE, 18 juillet 2007, Ministero dell'Industria, del Commercio e dell'Artigianato, aff. C-119-05, LawLex200800000208JBJ. - V. cep., CJUE, 22 décembre 2010, Commission européenne c. République Slovaque, aff. C-507-08, LawLex201000001477JBJ, qui précise que le droit européen n'impose pas dans tous les cas à une juridiction nationale d'écarter l'application des règles de procédure internes conférant force de chose jugée à une décision juridictionnelle, si cela permet de remédier à une violation du droit de l'Union par la décision en cause.

CJCE, 22 mars 1977, Steinike & Weinlig, aff. 78-76, LawLex200300003388JBJ : une juridiction nationale n'est pas compétente pour statuer sur la compatibilité avec le TFUE d'une aide existante, qui n'a pas fait l'objet d'une décision de modification ou de suppression de la Commission, ou d'une aide nouvelle mise en vigueur conformément à l'article 108 TFUE ; 11 mars 1992, Compagnie Commerciale de l'Ouest, aff. C-78-90, LawLex200300003978JBJ : le juge national, compétent en cas d'inobservation par l'État membre concerné de l'article 108 TFUE, paragraphe 3, ne peut se prononcer à titre principal ou incident sur la compatibilité d'une aide avec l'article 107 TFUE ; 18 juillet 2007, Ministero dell'Industria, del Commercio e dell'Artigianato, aff. C-119-05, LawLex200800000208JBJ : la juridiction nationale n'est pas compétente pour constater l'invalidité d'une décision d'incompatibilité.

CJCE, 9 août 1994, Namur-Les assurances du crédit (SA), aff. C-44-93, LawLex200200003865JBJ.

TPICE, 31 mai 2006, Kuwait Petroleum BV, aff. T-354-99, LawLex200600001281JBJ, Concurrences, 3/2006, 131, obs. ALEXIS.

Autorités et juridictions nationales.

V. BOUTEMY et MEIER, Aides d'Etat et juge national : le rôle du juge national dans la perspective de la réforme communautaire, Concurrences, 1/2006, 75 ; GOSSET-GRAINVILLE, Aides d'Etat et juge national : le point de vue du praticien, Concurrences, 1/2006, 84 ; DERENNE, Aides d'Etat et juge national : indications préliminaires de l’étude commanditée par la Commission européenne, Concurrences, 1/2006, 86 ; STEFAN, Hybridity before the Court: a Hard Look at Soft Law in the EU Competition and State Aid Case Law, ELR, 2012, Vol. 37 , No 1, 49.

428. Autorités et juridictions nationales.