Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit européen de la concurrence

Depuis la fin des années 1970, en particulier après l'arrêt Metro , on a vu se développer en droit européen un système d'appréciation extrêmement favorable de certaines restrictions de concurrence que les auteurs ont baptisé “règle de raison”, à l'instar de la “rule of reason” américaine. Identique dans son principe, la règle de raison revêt cependant une portée très différente de son homologue am …

Développement et contestation.

V. KOVAR, Le droit communautaire de la concurrence et la règle de raison, RTD eur., 1987, 237 ; WILS, La “rule of reason” : une règle raisonnable en droit communautaire ?, Cah. dr. eur., 1990, 19 ; FASQUELLE, Droit américain et droit communautaire des ententes, étude de la règle de raison, Thèse, GLN Joly, 1992 ; FASQUELLE, L’incidence des difficultés des entreprises sur l’application des règles de concurrence, in Études sur le droit de la concurrence et quelques thèmes fondamentaux, Mélanges en l’honneur d’Yves Serra, 2006, 159 ; MARQUIS, O2 (Germany) v Commission and the Exotic Mysteries of Article 81(1) EC, European Law Review, Vol. 32, No 1, February 2007, 29 ; ROBERTSON, What is a Restriction of Competition? The Implications of the CFI’s Judgment in O2 Germany and the Rule of Reason, ECLR, Vol. 28, Issue 4, April 2007, 252 ; RIVEL, La règle de raison et le droit communautaire de la concurrence, inelegantia juris ?, D., 2008, 237 ; BAILEY, Article 101 and the Rule of Reason, in Richard Whish Liber Amicorum, Taking Competition Law Outside the Box, Concurrences, 2020, 53.

Depuis la fin des années 1970, en particulier après l'arrêt Metro , on a vu se développer en droit européen un système d'appréciation extrêmement favorable de certaines restrictions de concurrence que les auteurs ont baptisé “règle de raison”, à l'instar de la “rule of reason” américaine. Identique dans son principe, la règle de raison revêt cependant une portée très différente de son homologue américaine, puisqu'elle n'est pas d'application générale, mais se limite à certains cas particuliers.

La règle de raison permet d'accorder un traitement de faveur à certains comportements anticoncurrentiels, en appréciant exclusivement leurs effets dans le cadre de l'article 101 TFUE, paragraphe 1, et en évitant ainsi de soumettre d'abord la pratique à cette règle avant de l'exonérer éventuellement sur le fondement de l'article 101 TFUE, paragraphe 3 . Seulement, ce raccourci n'est possible que dans la mesure où il apparaît très clairement que l'atteinte à la concurrence constatée est compensée par les effets bénéfiques déterminés par l'entente, et à la condition également que l'accord ne contienne pas de restrictions patentes, comme la fixation des prix, la répartition du marché, ou le contrôle des débouchés .

Le Tribunal semble avoir voulu porter un coup d'arrêt au développement de la règle de raison en affirmant que “l'existence d'une telle règle n'a, en tant que telle, pas été confirmée par le juge communautaire” . Selon le juge européen, la reconnaissance de la règle de raison remettrait en cause la structure normative de l'article 101 TFUE, dont le paragraphe 3 perdrait tout effet utile. L'examen du caractère objectivement nécessaire d'une restriction de concurrence ne saurait impliquer une mise en balance de ses effets pro- et anticoncurrentiels, hors du cadre de l'article 101, paragraphe 3 . Dès lors, la jurisprudence, qui semble appliquer la règle de raison, s'inscrirait plutôt dans un courant d'appréciation in concreto de l'accord, qui implique, au-delà de l'analyse de ses clauses, de tenir compte du cadre réel dans lequel l'accord produit ses effets . La prétendue règle de raison se réduirait à la prise en considération du contexte économique et juridique .  L'affirmation du Tribunal , approuvée par la Cour de justice , ne rend pas compte de la réalité . Indépendamment du fait qu'une appréciation contextuelle de la restriction peut en elle-même déjà être considérée comme une manifestation de la règle de raison, il est incontestable qu'une telle règle a été consacrée par les autorités européennes qui n'ont pas hésité à justifier des restrictions de concurrence sur le fondement de la théorie des restrictions accessoires, de l'état de nécessité, de l'intérêt public ou du bilan économique. Cependant la Cour , comme le Tribunal , considèrent que la prise en considération des effets proconcurrentiels a pour objet non pas d'écarter la qualification la qualification de restriction de concurrence, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, mais simplement d’appréhender la gravité objective de la pratique concernée et, en conséquence, d'en définir les modalités de preuve, sans pour autant appliquer une règle de raison mettant en balance les effets pro et anticoncurrentiels. 

CJCE, 25 octobre 1977, Metro SB-Grossmarkete GmbH & Co (KG), aff. 26-76, LawLex200200004119JBJ,  Cah. dr. eur., 1978, 461, obs. FRIGNANI.

Créée par le juge, la règle de raison a été souvent combattue par la Commission qui recourait aux règlements d'exemption par catégorie pour parvenir, par la voie administrative, au même résultat ; V. par ex. l'absorption de la règle de raison développée dans l'arrêt “pronuptia” (CJCE, 28 janvier 1986, Pronuptia de Paris (GmbH) c. Schillgalis, aff. 161-84, LawLex200200004058JBJ) par le règlement Franchise nº 4087-88 du 30 novembre 1988.

CJUE, 12 janvier 2023, aff. C-883/19, LawLex202300000556JBJ, Europe 2023, n° 107, obs. IDOT ; Contrats Conc. Consom. 2023, n° 50, obs. BOSCO ; LEDICO février 2023, 4, obs. CHONE-GRIMALDI et avril 2023, 5, obs. CELAYA ; Concurrences 2/2023, 65, obs. CHONE-GRIMALDI, qui considère que le Tribunal (TUE, 24 septembre 2019, aff. T-105/17, LawLex201900001123JBJ), a commis une erreur de droit en jugeant qu'à l’exception des restrictions accessoires à une opération principale, d'éventuels effets proconcurrentiels ne peuvent être pris en compte que dans le cadre de l’appréciation de l’article 101, paragraphe 3, TFUE.

TUE, 20 décembre 2023, JPMorgan Chase & Co., aff. T-106/17, LawLex202300014748JBJ, qui s'aligne sur la position adoptée par la Cour.

TPICE, 15 septembre 1998, European Night Services (Ltd), aff. T-374-94, LawLex200200003689JBJ, Europe, 1998, nº 374 et 377, obs. IDOT ; Contrats Conc. Consom., 1998, nº 165, obs. POILLOT-PERUZZETTO.

TPICE, 18 septembre 2001, Métropole télévision, aff. T-112-99, LawLex200200003535JBJ, Cah. dr. eur., 2002, 168, obs. VALLERY et LOUIS ; Cah. dr. eur., 2003, 514, obs. KEPPENNE, LAGONDET, VAN RAEPENBUSCH ; Europe, 2001, nº 327, obs. IDOT ; TUE, 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas AG, aff. T-350-09, LawLex201200001137JBJ,  Europe, 2012, n° 332, obs. IDOT ; RDC 2012, 1230 ; RTD eur. 2012, 911, obs. IDOT ; Contrats Conc. Consom., 2012, n° 235, obs. DECOCQ ; RDUE 2012, 547, note TUOMINEN ; Concurrences, 4/2012, 64, obs. DEBROUX ; ECLR 2013, 50, note VAN DER VIJVER & VOLLERING ; LPA, 15 au 17 août 2012, 11, obs. ARHEL, qui réaffirme que l'existence d'une règle de raison ne saurait être admise et exclut que la condition de nécessité objective d'une restriction accessoire implique une mise en balance de ses effets pro- et anticoncurrentiels ; 12 décembre 2018, Servier SAS, aff. T-691-14, LawLex201800001903JBJ, Europe 2019, n° 85 et 86 et RDC 2019/2, 73, obs. IDOT ; LEDICO mars 2019, 6, obs. L. et J. VOGEL ; LD février 2019, 8, obs. VERTUT ; JECLAP 2019, 25, obs. KILLICK, JOURDAN, PECHEUX ; Concurrences 2/2019, 73, obs. DEBROUX.

TUE, 24 mai 2012, af. T-111-08, MasterCard Inc., LawLex201200000742JBJ, Contrats Conc. Consom., 2012, n° 180, obs. DECOCQ ; Europe, 2012, n° 281, obs. IDOT ; LPA, 19 juillet 2012, 20, ARHEL ; RDUE 2012, 349, obs. TUOMINEN ; RTD eur. 2012, 914, obs. BLAISE ; 24 septembre 2019, HSBC Holdings plc, aff. T-105-17, LawLex201900001123JBJ, Contrats Conc. Consom. 2019, n° 186, obs. DECOCQ ; Europe 2019, n° 436, obs. IDOT.

CJCE, 30 juin 1966, Société Technique Minière c. Maschinenbau Ulm (GmbH), aff. 56-65, LawLex200200004155JBJ, JCP G, 1966, I, 2029, obs. JEANTET ; D., 1966, 671, obs. RIDEAU ; RTD eur., 1966, 611, obs. Le TALLEC ; Cah. dr. eur., 1966, 669, obs. BAARDMAN ; Journ. trib. 1966, 524, obs. FRANCK ; Journ. trib. 1966, 368, obs. MAGNIER ; RMCUE, 1966, 862, obs. FOCSANEANU ; Rev. int. Concurrence, 1967, nº 99, 31 obs. DUMON ; JDI, 1967, 323, obs. SCHAPIRA ; JCP G, 1967, 1, 2123 ; TPICE, 18 septembre 2001, Métropole télévision, aff. T-112-99, LawLex200200003535JBJ, préc.

TPICE, 15 septembre 1998, European Night Services (Ltd), aff. T-374-94, LawLex200200003689JBJ. - V. aussi, CJCE, 13 juillet 1966, Établissements Consten (SARL), aff. 56-64, LawLex200200004154JBJ, D., 1965, chron. 237, obs. GOLDSMITH ; RTD eur., 1966, 611, obs. LE TALLEC ; JCP G, 1966, I, 2029, obs. JEANTET ; Cah. dr. eur., 1966, 669, obs. BAARDMAN ; RMCUE, 1966, 621 ; D., chron. 95, obs. SOULEAU ; Journ. trib. 1966, 485, obs. BRAUN ; RMCUE, 1966, 862, obs. FOCSANEANU ; Cah. dr. eur., 1967, 20, obs. CATALANO ; Rev. int. dr. com., 1967, 99, 31, obs. DUMON ; JDI, 1967, 323, obs. SCHAPIRA ; 9 juillet 1969, Franz Völk c. Établissements J. Vervaecke sprl, aff. 5-69, LawLex200200003510JBJ, Journ. trib., 1969, 732, obs. LEDOUX ; Cah. dr. eur., 1970, 63, obs. J. VANDAMME ; Décision Comm. CE nº 98-531 du 11 mars 1998, Van den Bergh Foods Limited, LawLex200200003723JBJ, Contrats Conc. Consom., 1998, nº 166, obs. POILLOT-PERUZZETTO ; Europe, 1998, nº 373, obs. IDOT ; RTD com., 1999, 235, obs. POILLOT-PERUZZETTO ; JCP E, 1999, 1052, obs. GAVALDA et LUCAS de LEYSSAC.

TPICE, 2 mai 2006, aff. T-328-03, O2 (Germany) GmbH & Co., LawLex200600001187JBJ, Concurrence, n° 3/2006, 87, obs. VAN DER WOUDE, RJ com. 2006, 304, obs. DECOCQ ; RDC avril 2007, 329, obs. PRIETO ; Europe, 2006, nº 218, obs. IDOT ; TUE, 29 novembre 2012, aff. T-491-07, Groupement des cartes bancaires “ CB ”, LawLex201200002382JBJ, Europe, 2013, n° 32, obs. IDOT ; LPA 12 mars 2013, 10, obs. ARHEL ; 28 juin 2016, Portugal Telecom SGPS SA, aff. T-208-13, LawLex201600001169JBJ, JCP G, 2016, n° 830, obs. BERLIN ; Europe, 2016, n° 296 et RDC 2017, 113, obs. IDOT ; Contrats Conc. Consom. 2016, n° 219, obs. DECOCQ ; Concurrences 4/2016, 86, obs. CHONE-GRIMALDI ; JECLAP 2016, 527, obs. de PREE et EVANS ; RJDA 2017, n° 44 ; 30 juin 2016, Groupement des cartes bancaires, aff. T-491-07 RENV, LawLex201600001203JBJ, Concurrences 4/2016, 87, obs. DEBROUX ; Contrats Conc. Consom. 2016, n° 198, obs. DECOCQ ; Europe, 2016, n° 295, obs. IDOT ; JECLAP 2016, 611, obs. CANAPA ; LPA 24 avril 2017, 19, obs. ARHEL.

CJUE, 30 janvier 2020, Generics (UK) Ltd, aff. C-307-18, LawLex202000000132JBJ, soulignant que la prise en considération des effets pro-concurrentiels d'un accord de règlement amiable ne remet pas en cause  la jurisprudence constante de la Cour de justice selon laquelle le droit européen de la concurrence ne connaît pas de règle de raison, dès lors qu'elle a pour objet non pas d'écarter la qualification de restriction de concurrence, mais seulement d'appréhender la gravité objective de la pratique concernée et, en conséquence, d'en définir les modalités de preuve.

Peut-être s'explique-t-elle par la volonté du juge de limiter les possibilités d'exonération aux mains des autorités nationales à l'heure où le règlement 1-2003 privait la Commission du monopole de l'exemption.

Droit européen de la concurrence

69. Développement et contestation.(1)

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