Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit européen de la concurrence

L'article 101 TFUE, paragraphe 3, apporte une précision importante : en aucun cas, une entente ne peut bénéficier d'une exemption lorsqu'elle donne aux entreprises concernées la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence. Les textes déterminent ainsi un seuil de prohibition au-delà duquel l'exemption ne peut jamais être accordée, alors même que l'ac …

Absence d'élimination de la concurrence.

L'article 101 TFUE, paragraphe 3, apporte une précision importante : en aucun cas, une entente ne peut bénéficier d'une exemption lorsqu'elle donne aux entreprises concernées la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence. Les textes déterminent ainsi un seuil de prohibition au-delà duquel l'exemption ne peut jamais être accordée, alors même que l'accord concerné remplirait les autres conditions de la dérogation.

Bien que la disposition rattache formellement l'absence de possibilité d'élimination de la concurrence à l'entente, l'appréciation s'effectue en réalité par rapport à la puissance économique des entreprises qui y sont parties, c'est-à-dire à la part de marché qu'elles contrôlent, ce qui implique de procéder à la définition du marché concerné. L'examen de la pratique des autorités de contrôle révèle que les décisions qui concluent à l'existence d'une possibilité d'élimination de la concurrence visent en principe des ententes dont les membres contrôlent ensemble des parts de marché supérieures à 70 %, se situant le plus souvent entre 80 et 90 % du marché concerné . Le seuil de puissance économique ainsi défini ne revêt toutefois qu'une portée relative . Aux yeux de la Commission, la détention d'une part de marché sensiblement inférieure à 70 % peut dans certains cas entraîner une élimination de la concurrence. À l'inverse, il est possible que, même en dépassant ce seuil, une entente puisse bénéficier d'une exemption. Les tempéraments pris en considération sont tirés soit du comportement des entreprises, soit de la structure du marché .

La Commission tempère parfois la portée du seuil de prohibition en procédant à une évaluation qualitative de l'importance de la restriction fondée sur les caractéristiques intrinsèques de l'entente. Dans de nombreuses décisions, les autorités européennes contrebalancent les conclusions tirées de l'importance de la part de marché contrôlée par les membres de l'entente par la prise en considération du degré de nocivité des clauses de l'accord. Bien que l'entente regroupe des entreprises contrôlant la quasi-totalité d'un marché, la Commission considère qu'elle n'entraîne aucune élimination de la concurrence dès lors que les clauses de l'accord ne suppriment pas complètement leur liberté d'action . Tel est le cas lorsque l'accord conduit à une différenciation des produits existants , que la protection territoriale n'est pas absolue , que subsiste une liberté dans la fixation des prix , ou que l'accès des tiers sur le marché reste libre . C'est ainsi que, à propos d'une entente visant à l'organisation exclusive de foires et regroupant la plupart des membres d'une profession, la Commission conclut à l'absence d'élimination de la concurrence en relevant que l'exposition en cause n'est que biennale et que les participants peuvent dans certaines conditions obtenir l'autorisation d'exposer ailleurs au cours de l'année pendant laquelle elle se tient . De même, la Commission estime que le remplacement d'une clause d'exclusivité d'achat par un engagement de couverture à 25 % suffit à écarter le risque d'élimination de la concurrence bien que les membres du groupement d'achat en cause contrôlent 80 % du marché concerné . À l'inverse, elle considère qu'une clause de protection territoriale absolue, qui interdit aux concessionnaires et grossistes établis en dehors d'un territoire d'écouler les produits couverts par l'exclusivité sur ce territoire, serait susceptible d'éliminer la concurrence indépendamment de la position de marché des entreprises concernées .

Dans certaines décisions, les autorités européennes atténuent la portée des conclusions tirées de l'importance de la part de marché des entreprises parties à l'entente en prenant en considération le degré de concentration du marché sur lequel l'entente intervient. La Commission souligne ainsi que deux entreprises contrôlant moins de 25 % du marché n'ont pas la possibilité d'éliminer la concurrence non seulement parce que leur propre puissance économique est limitée, mais également du fait qu'il existe sur ce marché, à côté d'environ vingt-cinq petits producteurs, plusieurs fabricants en mesure d'exercer une concurrence effective dont l'un détient une part de marché presque double de celle de l'entente . De même, elle estime qu'une entente, loin de favoriser une élimination de la concurrence sur le marché considéré, peut conduire à une diminution de son degré de concentration lorsqu'elle réduit les conséquences de l'asymétrie des tailles respectives des entreprises présentes sur ce marché . À l'inverse, les autorités européennes considèrent qu'une entente ne regroupant que des entreprises peu puissantes tend à éliminer la concurrence lorsqu'elle intervient sur un marché fortement concentré et participe d'un effet cumulatif . L'exemption est accordée à l'accord conclu sur un marché sur lequel subsiste un nombre suffisant de concurrents forts , disposant de savoir-faire équivalent , d'une capacité financière assise , et qui conservent la faculté d'agir de façon autonome , mais refusée à l'accord de prix entre producteurs concurrents, qui conduit à supprimer une partie substantielle des produits en cause, compte tenu de la structure concentrée du marché composé de vingt-neuf producteurs dont au moins dix-neuf dépendent les uns des autres par le jeu de liaisons financières .

L'accord vertical réciproque entre concurrents n'entraîne pas d'élimination de la concurrence lorsqu'il ne se substitue à aucune concurrence existante mais est axé sur le développement d'un service nouveau . Appliquant la théorie des industries juvéniles  au droit de la concurrence, la Commission accepte parfois que, sur le marché d'un produit nouveau, la concurrence actuelle soit entièrement supprimée afin de permettre à des entreprises qui n'y auraient pas eu accès d'y pénétrer et de devenir des concurrents à l'échéance de l'entente ; dans ce cas, la concentration provisoire du marché devient le moyen de sa déconcentration future .

Dépassant le cadre du marché concerné par l'entente, la Commission étend parfois son analyse aux marchés se trouvant en rapport avec celui-ci, en tenant compte du contrepoids éventuel que les partenaires commerciaux de l'entente sont susceptibles de lui opposer. Elle considère ainsi qu'une entente entre offreurs contrôlant entre 70 et 80 % d'un marché n'équivaut pas à une élimination de la concurrence dès lors que “du côté de la demande, on est en présence d'une structure très serrée” .

Enfin, l'importance des formes de concurrence affectées est parfois susceptible de modifier l'appréciation. Aussi, lorsque la concurrence sur les prix est complètement éliminée pour une partie des produits en cause, la Commission vérifie-t-elle si “les autres éléments sur lesquels s'exerce la concurrence, tels que les stocks, la spécialisation, le service et l'exécution des commandes”  ne sont pas de nature à contrebalancer cette appréciation, alors même que l'entente en cause regroupe des entreprises contrôlant environ 70 à 80 % du marché concerné. Plus généralement, les autorités européennes estiment que le maintien de la concurrence par la qualité pourrait pour certains types de produits compenser une élimination de la concurrence par les prix à condition toutefois que celle-ci ne soit pas totale .

Décision Comm. CE nº 74-292 du 15 mai 1974, Accords entre fabricants de verre d'emballage, LawLex200300001153JBJ ; nº 75-358 du 3 juin 1975, Haarden-en Kachelhandel, LawLex200500003706JBJ : chiffre d'affaires total supérieur à 90 % ; nº 78-59 du 2 décembre 1977, Centraal Bureau voor de Rijwielhandel, LawLex200200004117JBJ ; nº 78-571 du 12 juin 1978, SNPE-LEL, LawLex200400002602JBJ ; nº 78-670 du 20 juillet 1978, Fedetab, LawLex200200004109JBJ ; nº 80-234 du 5 décembre 1979, Présure, LawLex200200004102JBJ ; nº 82-123 du 25 novembre 1981, VBBB/VBVB, LawLex200300000498JBJ : part de marché entre 70 et 80 % selon le marché ; nº 82-506 du 15 juillet 1982, SSI, LawLex200300000999JBJ ; nº 86-399 du 10 juillet 1986, Revêtements bitumés, LawLex200200004056JBJ : entente de prix et de répartition de marché entre producteurs concurrents qui détiennent ensemble une position prédominante sur les différents marchés nationaux, notamment 88 % du marché allemand. - V. égal., Décision Comm. CE nº 84-381 du 12 juillet 1984, Carlsberg, LawLex200300001134JBJ ; nº 1999-474 du 16 juin 1999, Scottish and Newcastle, LawLex200200003641JBJ, Europe, 1999, nº 344, obs. IDOT : exemption du contrat de fourniture de bière qui contient des obligations d'achat exclusif et de non-concurrence lorsque le fournisseur, qui ne contrôle que 28 à 29 % du marché en cause, n'a pas la possibilité d'éliminer la concurrence.

Communic. Comm. CE nº 2004-C 101-08 , JOCE C 101 du 27 avril 2004, Lignes directrices concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3 du traité CE, pt 109.

Décision Comm. CE nº 70-488 du 28 octobre 1970, Omega, LawLex200400003314JBJ ; nº 77-100 du 21 décembre 1976, Junghans, LawLex200200004809JBJ ; nº 85-559 du 27 novembre 1985, Ivoclar, LawLex200300001125JBJ.

Décision Comm. CE nº 71-222 du 28 mai 1971, FN/CF, LawLex200300001042JBJ. 

Décision Comm. CE nº 82-71 du 17 novembre 1981, Langenscheidt- Hachette, LawLex200400002248JBJ. 

CJCE, 25 octobre 1977, Metro SB-Grossmarkete GmbH & Co (KG), aff. 26-76, LawLex200200004119JBJ, Cah. dr. eur., 1978, 461, obs. FRIGNANI ; 22 octobre 1986, Metro SB-Grossmarkte GmbH & Co. (KG) c. SABA (GmbH), aff. 75-84, LawLex200200004052JBJ, attendu 41, Gaz. Pal., 1987, 1, 365, obs. CALVO. 

Décision Comm. CE nº 88-330 du 5 mai 1988, Bayer/BP Chemicals, LawLex200300001101JBJ : existence d'un nombre non négligeable de concurrents forts parmi les producteurs européens.

Décision Comm. CE nº 88-143 du 22 décembre 1987, Rich Products-Jus-rol, LawLex200300001140JBJ : existence de procédés similaires de fabrication utilisés par les producteurs concurrents.

Décision Comm. CE nº 85-559 du 27 novembre 1985, Ivoclar, LawLex200300001125JBJ.

Décision Comm. CE nº 91-481 du 30 juillet 1991, IATA Cargo Agency Programme, LawLex200400002613JBJ ; nº 96-454 du 24 juin 1996, Banque nationale de Paris, Dresdner Bank, LawLex200300000511JBJ.

Décision Comm. CE nº 75-497 du 15 juillet 1975, Règles IFTRA pour les producteurs d'aluminium brut, LawLex200300001111JBJ.

Décision Comm. CE nº 96-454 du 24 juin 1996, Banque nationale de Paris, Dresdner Bank, LawLex200300000511JBJ ; nº 2003-300 du 8 octobre 2002, IFPI "Simulcast", LawLex200300001558JBJ.

Décision Comm. CE nº 75-497 du 15 juillet 1975, Règles IFTRA pour les producteurs d'aluminium brut, LawLex200300001111JBJ ; nº 1999-421 du 26 janvier 1999, P&O Stena Line, LawLex200200003669JBJ, Europe, 1999, nº 301, obs. IDOT : absence de risque d'élimination de la concurrence, lorsque le marché en cause se caractérise par de faibles barrières à l'entrée en termes de coût financier pour les entreprises déjà présentes dans le secteur et par la puissance d'achat détenue par des gros clients.

Les théoriciens de l'"économie juvénile" recommandent le maintien des barrières douanières pour soutenir les industries naissantes, qui ont besoin d'un répit suffisant avant de parvenir à réaliser les économies inhérentes à la production de masse et devenir compétitives (V. SAMUELSON, "L'Economique", Paris, A. Colin, 1978, tome 1, 620 s.). 

V. not. Décision Comm. CE nº 76-248 du 23 décembre 1975, United Reprocessors GmbH, LawLex200300001146JBJ. 

V. Décision Comm. CE nº 72-291 du 26 juillet 1972, Papier mince, JOCE L 182 du 10 août 1972, 24. 

Décision Comm. CE nº 82-123 du 25 novembre 1981, VBBB/VBVB, LawLex200300000498JBJ.

CJCE, 25 octobre 1977, Metro SB-Grossmarkete GmbH & Co (KG), aff. 26-76, LawLex200200004119JBJ, préc.

Décision Comm. CE nº 2002-746 du 5 juillet 2002, AuA/Lufthansa, LawLex200200003467JBJ, Contrats Conc. Consom., 2003, nº 12, obs. POILLOT-PERUZZETTO ; RTD com., 2003, 395, obs. POILLOT-PERUZZETTO : possibilité pour des concurrents potentiels d'obtenir les droits de vol nécessaires sur les liaisons importantes malgré la constitution d'une entreprise commune entre deux compagnies aériennes concurrentes afin de synchroniser les ressources, réseaux et horaires de vol, et créer un programme de fidélisation commun de la clientèle.

Décision Comm. CE nº 93-49 du 23 décembre 1992, Ford / VW, LawLex200200003921JBJ ; nº 96-454 du 24 juin 1996, Banque nationale de Paris, Dresdner Bank,  LawLex200300000511JBJ: amélioration des systèmes de paiement transfrontaliers par la création d'un nouveau produit excluant le risque d'élimination de la concurrence pouvant résulter de l'accord de coopération globale et exclusive au niveau mondial entre deux grandes banques concurrentes universelles de nationalité distincte ; nº 2003-300 du 8 octobre 2002, IFPI "Simulcast", LawLex200300001558JBJ, Contrats Conc. Consom., 2003, nº 131, obs. MALAURIE-VIGNAL ; Europe, 2003, nº 217, obs. IDOT ; Communic. com. électr., 2004, nº 3, obs. BOIRON et HONORAT : un accord vertical réciproque entre concurrents axé sur le développement d'un service nouveau.

Décision Comm. CE nº 85-559 du 27 novembre 1985, Ivoclar, LawLex200300001125JBJ ; nº 1999-6 du 14 décembre 1998, Sicasov, LawLex200200003675JBJ, Contrats Conc. Consom., 1999, nº 44, obs. POILLOT-PERUZZETTO ; Europe, 1999, nº 115, obs. IDOT ; RTD eur., 2000, 748, obs. BLAISE et IDOT : exemption de l'obligation pour les licenciés de ne pas exporter directement les semences certifiées en dehors d'un État membre dès lors qu'une exportation indirecte demeure possible.

Décision Comm. CE nº 85-559 du 27 novembre 1985, Ivoclar, LawLex200300001125JBJ ; nº 89-512 du 19 juillet 1989, Banques néerlandaises, LawLex200200004017JBJ ; nº 90-25 du 20 décembre 1989, Concordato Incendio, LawLex200300001100JBJ : sur les recommandations d'une association de sociétés d'assurances qui laissent à chaque membre la liberté de fixer sa prime commerciale en fonction de son propre taux de charge, ou de s'écarter des recommandations à condition de le signaler ; nº 91-480 du 30 juillet 1991, IATA Passenger Agency Programme, LawLex200400002612JBJ.

Décision Comm. CE nº 80-917 du 9 juillet 1980, National Sulphuric Acid Association, LawLex200300001115JBJ : possibilité pour les membres d'un groupement d'achat d'approvisionnement auprès d'autres sources jusqu'à 75 % des quantités qui leur sont nécessaires ; nº 2004-139 du 23 octobre 2003, Renotification REIMS II, LawLex200400000435JBJ : un accord sur le coût des prestations de services de distribution de courrier transfrontière entrant, réservé aux seuls opérateurs postaux, publics ou privés, qui assurent un service universel obligatoire, ne peut bénéficier de l'exemption que si les opérateurs postaux tiers en concurrence avec ces derniers ont accès aux frais terminaux à des conditions non discriminatoires.

Décision Comm. CE nº 74-433 du 25 juillet 1974, Frubo, LawLex200200004136JBJ ; nº 79-37 du 7 décembre 1978, EMO, LawLex200300001148JBJ.

Décision Comm. CE nº 80-917 du 9 juillet 1980, National Sulphuric Acid Association, LawLex200300001115JBJ.

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76. Absence d'élimination de la concurrence.

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