Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

Le droit d'établissement comporte non seulement l'accès aux activités non salariées mais aussi leur exercice . Une réglementation nationale, même si elle s'applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, est susceptible de constituer une restriction dès lors qu'elle impose aux autres ressortissants européens une charge économique supplémentaire, qui les empê …

 Exercice de l'activité.

Le droit d'établissement comporte non seulement l'accès aux activités non salariées mais aussi leur exercice . Une réglementation nationale, même si elle s'applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, est susceptible de constituer une restriction dès lors qu'elle impose aux autres ressortissants européens une charge économique supplémentaire, qui les empêche de se trouver sur un pied d'égalité, du point de vue de la concurrence, avec les ressortissants établis dans l'État d'accueil . L'article 56 TFUE s'oppose ainsi à une réglementation d'un État membre par laquelle les prestataires de services établis dans un autre État membre, ne s'étant pas conformés à une obligation de déclaration aux fins de leur assujettissement à une taxe sur la publicité, se voient infliger, en quelques jours, une série d'amendes, dont le montant cumulé peut atteindre plusieurs millions d'euro, sans que l'autorité compétente, avant l'adoption de la décision qui fixe de manière définitive ledit montant, accorde à ces prestataires le temps nécessaire pour s'acquitter de leurs obligations, leur donne l'occasion de présenter leurs observations et examine elle-même la gravité de l'infraction, alors même que le montant de l'amende infligée à un prestataire établi dans l'État membre d'imposition ayant méconnu cette obligation est significativement moins élevé et ne se voit augmenté, en cas de non-respect continu d'une telle obligation, ni dans les mêmes proportions ni nécessairement dans des délais aussi brefs .

Aux termes du règlement 883-2004 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale, le travailleur indépendant auquel le règlement est applicable n'est soumis qu'à la législation d'un seul État membre . Lorsqu'une personne exerce une activité non salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres, elle est soumise à la législation de l'État membre sur le territoire duquel elle réside , qui peut tenir compte, pour le calcul de la cotisation, des revenus perçus dans l'autre État membre où elle exerce une partie de son activité . En revanche, il ne peut être exigé d'une entreprise qui exerce temporairement son activité sur le territoire d'un État membre qu'elle paie des cotisations patronales alors qu'elle verse déjà des cotisations comparables pour la même activité dans l'État membre d'établissement . De même, il ne peut être imposé à l'employeur établi dans un autre État membre et déjà redevable de cotisations comparables, qui exécute temporairement, par le moyen de travailleurs ressortissants de pays tiers, des travaux dans un second État, de payer certaines cotisations de sécurité sociale, applicables aux prestataires établis sur ce territoire . L'exercice de l'activité ne peut pas non plus être soumis à des conditions spécifiques de capacité professionnelle par rapport aux nationaux, dès lors que le ressortissant, qui souhaite exercer dans l'État membre d'accueil, est titulaire dans le domaine concerné d'un titre délivré par son État membre d'origine . Dans certains domaines, cependant, il peut être admis que l'État d'accueil requière une autorisation déjà délivrée par l'État d'établissement. Il en est ainsi dans le secteur des jeux de hasard où la Cour de justice considère que le fait qu'un opérateur dispose dans l'État membre dans lequel il est établi d'une autorisation lui permettant d'offrir des jeux de hasard ne s'oppose pas à ce qu'un autre État membre subordonne, dans le respect des exigences du droit de l'Union , la possibilité d'offrir de tels services à la détention d'une autorisation délivrée par ses propres autorités . Toutefois, une législation nationale ne peut, sans prévoir de période transitoire, ni d'indemnisation des exploitants de salles de jeux, interdire l'exploitation des machines à sous hors des casinos .

Le droit d'établissement implique le libre choix par les opérateurs économiques de la forme juridique appropriée pour l'exercice de leurs activités dans un autre État membre. Des dispositions fiscales discriminatoires ne doivent pas restreindre ce choix . Ainsi, une législation nationale, qui, sans différence de situation objective, établit un traitement fiscal des sociétés qui varie selon qu'elles ont des succursales sur le territoire national ou dans un autre État membre , applique à certains non-résidents un taux d'imposition plus élevé que celui applicable aux résidents et assimilés  ou accorde des majorations de remboursement d'impôts indus aux sociétés ayant leur résidence fiscale dans cet État et les refuse aux sociétés ayant leur résidence fiscale dans un autre État membre , entrave la liberté d'établissement. 

Si une législation fiscale peut subordonner le report de pertes antérieures demandé par un contribuable, qui a une succursale sur le territoire national sans y avoir établi sa résidence, à la condition que les pertes soient en relation économique avec des revenus réalisés dans cet État, elle ne peut exiger qu'il ait tenu et conservé, dans cet État, une comptabilité relative aux activités qu'il y a exercées conforme aux règles nationales en la matière . Il n'est pas non plus possible de réserver un avantage fiscal aux seules entreprises en relation avec un crédit-bailleur établi sur le territoire national et de les en priver lorsque ce dernier est établi dans un autre État membre , de ne tenir compte, pour le calcul de l'assiette de l'impôt des contribuables non-résidents, que des seuls frais professionnels ayant un lien direct avec l'activité exercée dans cet État et y ayant généré des revenus imposables  ou de refuser de tenir compte, pour le calcul d'une déduction accordée à une société entièrement assujettie à l'impôt dans un État membre, de la valeur nette des actifs d'un établissement stable situé dans un autre État membre, lorsque les bénéfices de cet établissement ne sont pas imposables dans le premier État en vertu d'une convention préventive de la double imposition, alors que les actifs attribués à un établissement stable situé sur le territoire de ce premier État sont pris en considération à cet effet . Toutefois, la législation nationale qui, afin d'éviter une double imposition des bénéfices distribués par une filiale résidente, octroie un crédit d'impôt à la seule société mère établie dans le même État membre, n'est pas discriminatoire à l'égard de la société mère non résidente, dès lors que l'État membre de résidence de la société mère est tenu d'accorder un traitement fiscal poursuivant le même objectif que le crédit d'impôt octroyé . 

Une réglementation peut également rendre obligatoire, pour les prestataires de services postaux ne relevant pas du service universel, une procédure externe de traitement des réclamations des utilisateurs de ces services, sans restreindre la liberté de circulation . Elle peut tout autant exclure l'application du principe de responsabilité solidaire des sociétés mères envers les créanciers de leurs filiales à une société mère ayant son siège sur le territoire d'un autre État membre sans rendre moins attrayant l'exercice par cette dernière de la liberté d'établissement garantie par le TFUE . En revanche, une règle nationale spéciale, qui prévoit des conditions plus strictes pour obtenir la déduction des frais professionnels que celles prévues par la règle générale et dont le champ d'application n'est pas suffisamment précisé au préalable, risque de dissuader les contribuables de l'État membre concerné d'exercer leur droit à la libre prestation de services et de recourir aux services de prestataires établis dans un autre État membre, mais aussi d'empêcher ces derniers d'offrir leurs services aux destinataires établis dans l'État membre en cause .

Enfin, la réservation de l'exercice d'une activité aux sociétés qui ont leur siège social dans l'État membre concerné afin de garantir l'efficacité des contrôles et des sanctions  ou la limitation d'une exonération d'impôt sur les transactions immobilières ayant lieu à l'occasion d'une réorganisation au sein d'un groupe de sociétés, aux seuls cas où la société bénéficiaire a été constituée conformément au droit national , sont également prohibées. 

V. égal. Dir. 2006-123 du 12 décembre 2006, cons. 9. 

CJCE, 28 mars 1996, Guiot, aff. C-272-94, LawLex200500007044JBJ ; CJUE, 16 février 2012, Costa, aff. C-72-10 et C-77-10, LawLex201200000268JBJ, pour une législation nationale qui, en violation des articles 49 et 56 TFUE, exclut une catégorie d'opérateurs de l'attribution de concessions pour l'exercice des activités de collecte et de gestion des paris et qui, pour remédier à cette violation, met en concours un nombre important de nouvelles concessions en protégeant les positions commerciales des opérateurs en place par l'imposition d'une distance minimale à respecter entre les points de vente des paris.

CJUE, 12 septembre 2013, Biasci, aff. C-660-11, LawLex201300001283JBJ, qui en revanche exclut que l'État membre d'accueil empêche de fait toute activité transfrontalière dans le secteur des jeux de hasard et écarte une catégorie d'opérateurs de l'attribution de concessions pour l'exercice de cette activité économique.

CJUE, 11 juin 2015, Berlington Hungary Tanàcsadó és Szolgáltató, aff. C-98-14, LawLex201500000732JBJ,  LPA 8 juillet 2015, 14, obs. LEGRAND ; D. 2015, 1514, obs. DAMMAN et BOCHÉ-ROBINET ; Rev. sociétés 2015, 549, obs. HENRY ; D. 2015, 1718, obs. DUPOIRIER ; Europe 2015, n° 314, obs. SIMON et RIGAUD.

CJCE, 28 janvier 1986, Commission c. France, aff. 270-83, LawLex200500007110JBJ.

CJCE, 14 décembre 2000, Algemene Maatschappij voor Investering en Dienstverlening NV (AMID) c. Belgische Staat, aff. C-141-99, LawLex200500007034JBJ ; 8 mars 2001, Metallgesellschaft Ltd e.a., aff. C-397-98, LawLex200500007097JBJ ; 21 novembre 2002, Riksskatteverket, aff. C-436-00, LawLex200600002327JBJ ; 13 décembre 2005, Marks & Spencer plc c. David Halsey (Her Majesty's Inspector of Taxes), aff. C-446-03, LawLex200700000039JBJ ; 30 janvier 2007, Commission c. Danemark, aff. C-150-04, LawLex200700000279JBJ.

CJCE, 27 juin 1996, Asscher c. Staatssecretaris van Financiën, aff. C-107-94, LawLex200500006794JBJ ; 12 juin 2003, Arnoud Gerritse c. Finanzamt Neukölln-Nord, aff. C-234-01, LawLex200500006618JBJ.

CJCE, 13 juillet 1993, The Queen c. Inland Revenue Commissioners, aff. C-330-91, LawLex200800000340JBJ.

CJCE, 15 mai 1997, Futura Participations c. Administration des contributions, aff. C-250-95, LawLex200500007200JBJ.

CJCE, 26 octobre 1999, Eurowings Luftverkehrs c. Finanzamt Dortmund-Unna, aff. C-294-97, LawLex200500007046JBJ.

CJCE, 15 février 2007, Centro Equestre da Lezíria Grande Lda c. Bundesamt für Finanzen, aff. C-345-04, LawLex200700000290JBJ.

CJUE, 4 juillet 2013, Argenta Spaarbank NV, aff. C-350-11, LawLex201300001061JBJ ; MOSBRUCKE, Etablissement stable et avantage fiscal (à propos de CJUE, 4 juillet 2013, Argenta Spaarbank NV, aff. C-350-11), Europe, 2013, 349.

CJUE, 3 mars 2020, Google Ireland Limited c. Nemzeti Adó- és Vámhivatal Kiemelt Adó- és Vámigazgatósága, aff. C-482-18, LawLex202000000320JBJ, précisant cependant que le principe de la libre prestation des services ne s’oppose pas à la réglementation d'un État membre qui soumet les prestataires de services publicitaires établis dans un autre État membre à une obligation de déclaration, aux fins de leur assujettissement à une taxe sur la publicité, alors que les prestataires de tels services établis dans l'État membre d'imposition en sont dispensés, dès lors que cette obligation de déclaration ne conditionne pas l'exercice de l'activité de diffusion publicitaire et qu'une telle dispense n'est possible que parce que lesdits prestataires se sont déjà déclarés ou enregistrés auprès de l'administration fiscale au titre d'une quelconque autre imposition directe ou indirecte.

CJCE, 26 juin 2008, Finanzamt Hamburg-Am Tierpark c. Burda GmbH, aff. C-284-06, LawLex200800001043JBJ.

CJUE, 13 octobre 2011, DHL International, aff. C-148-10, LawLex201100001647JBJ.

CJUE, 20 juin 2013, Impacto Azul Lda, aff. C-186-12, LawLex201300000986JBJ, Europe, 2013, 347, obs. GAZIN.

CJUE, 5 juillet 2012, Société d'investissement pour l'agriculture tropicale SA (SIAT), aff. C-318-10, LawLex201200001686JBJ.

CJCE, 6 juin 1996, Commission c. Italie, aff. C-101-94, LawLex200500006505JBJ, Journ. trib., 1997, 10, obs. DASSESSE ; Europe, 1996, 315, obs. IDOT ; JDI, 1997, 561, obs. LUBY ; JCP E, 1997, I, 653, obs. GAVALDA et PARLÉANI.

CJCE, 12 avril 1994, Halliburton Services BV, aff. C-1-93, LawLex200800000337JBJ.

Pour un ex. CJCE, 15 février 2000, République française, aff. C-34-98, LawLex200500007024JBJ.

CJCE, 20 octobre 2000, Vogler c. Landwirtschaftliche Alterskasse Schwaben, aff. C-242-99, LawLex200800000207JBJ.

CJCE, 26 mai 2005, José Allard c. Institut national d'assurances sociales pour travailleurs indépendants, aff. C-249-04, LawLex200600002509JBJ.

CJCE, 28 mars 1996, Guiot, aff. C-272-94, LawLex200500007044JBJ.

CJCE, 3 février 1982, Seco c. Établissement d'assurance contre la vieillesse et l'invalidité, aff. 62-81, LawLex200500007382JBJ, RTD eur., 1982, 7, obs. DRUESNE.

CJUE, 21 février 2013, Ministero per i beni e le attività culturali, aff. C-111-12, LawLex201300000195JBJ.

En revanche, une règle nationale en vertu de laquelle l'octroi d'une autorisation pour l'organisation de jeux de hasard en ligne est exclusivement réservé aux opérateurs de jeux de hasard disposant d'une concession de casino situé sur le territoire national, est incompatible avec le droit de l'Union dans la mesure où elle ne constitue pas une condition indispensable pour atteindre les objectifs recherchés et qu'il existe des mesures moins restrictives pour atteindre de tels objectifs, CJUE, 28 février 2018, Sporting Odds Ltd c. Nemzeti Adó- és Vámhivatal Központi Irányítása, aff. C-3-17, LawLex201800000338JBJ.

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