Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

Le principe posé par l'arrêt Cassis de Dijon selon lequel une mesure nationale non discriminatoire échappe à la prohibition dès lors qu'elle répond à des exigences impératives a été étendu par le juge européen à la libre circulation des personnes et des services . Les limitations à la liberté d'établissement et de prestation de services que les États imposent indépendamment de la nationalité ne so …

Mesures indistinctement applicables.

Le principe posé par l'arrêt Cassis de Dijon selon lequel une mesure nationale non discriminatoire échappe à la prohibition dès lors qu'elle répond à des exigences impératives a été étendu par le juge européen à la libre circulation des personnes et des services . Les limitations à la liberté d'établissement et de prestation de services que les États imposent indépendamment de la nationalité ne sont donc pas nécessairement contraires au Traité, mais doivent être appréciées à la lumière d'une règle de raison. Pour être admises, “les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice des libertés fondamentales garanties par le traité doivent remplir quatre conditions : qu'elles s'appliquent de manière non discriminatoire, qu'elles se justifient par des raisons impérieuses d'intérêt général, qu'elles soient propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et qu'elles n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre” . 

Étant donné que les justifications sont avancées dans le cadre d'une règle de raison, elles doivent satisfaire aux conditions de causalité, de nécessité et de proportionnalité inhérentes à cette dernière. Seules les dérogations “raisonnables” sont tolérées. 

La mesure doit être objectivement nécessaire. Elle doit tenir compte des obligations auxquelles le ressortissant est déjà soumis dans l'État membre dans lequel il est établi  et ne pas dupliquer des contrôles déjà effectués dans le même État ou dans un autre État membre . Un besoin réel doit être démontré . La circonstance qu'un État membre ait choisi un système de protection différent de celui adopté par un autre État membre est sans incidence sur l'appréciation du caractère nécessaire et proportionné des dispositions concernées, qui doivent seulement être examinées au regard des objectifs poursuivis par les autorités nationales de l'État membre intéressé et du niveau de protection qu'elles entendent assurer . Une législation nationale ne peut ainsi fixer comme critère essentiel pour vérifier l'existence du besoin de création d'une nouvelle pharmacie une limite rigide de “personnes toujours à approvisionner”, sans permettre aux autorités nationales d'y déroger pour tenir compte des particularités locales .

Seules les mesures nationales propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent peuvent être justifiées . Un lien de causalité entre la mesure restrictive et la raison impérieuse alléguée doit donc exister . Tel est le cas de la législation nationale qui :

- tend à protéger les destinataires de services juridiques contre le préjudice qu'ils pourraient subir du fait de conseils juridiques qui leur seraient donnés par des personnes dépourvues des qualifications professionnelles ou morales nécessaires : 

- soumet la délivrance d'autorisations d'établissement de nouvelles pharmacies dans une même zone géographique à des limites quantitatives par habitants  pour assurer à l'ensemble de la population un accès approprié au service pharmaceutique, et augmenter la sûreté et la qualité de l'approvisionnement de la population en médicaments; 

- impose le paiement d'une redevance pour un service nautique d'assistance à la navigation aux seuls navires qui en bénéficient afin de maintenir la sécurité publique dans les eaux côtières ainsi que portuaires ; 

- fixe un niveau minimum d'honoraires des avocats afin d'assurer un niveau élevé de qualité des services, eu égard au nombre extrêmement élevé d'avocats inscrits et en activité, dès lors qu'une concurrence par les prix risquerait de détériorer la qualité des services rendus .

Enfin, même objectivement nécessaire, la mesure ne doit pas être disproportionnée par rapport à l'objectif visé. Le critère de proportionnalité implique de vérifier que la protection de l'intérêt général n'aurait pas pu être assurée par des mesures moins restrictives de la liberté d'établissement ou de prestation de services. Une réglementation nationale peut ainsi interdire à une entreprise établie dans un autre État membre de procéder au recouvrement judiciaire de créances d'autrui en raison du fait qu'une telle activité, exercée à titre professionnel, est réservée à la profession d'avocat, même si des mesures moins strictes sont adoptées par d'autres États membres  ou, pour l'ensemble des avocats fournissant des services sur son territoire, appliquer des tarifs maximaux à leurs honoraires dès lors qu'ils peuvent les dépasser dans plusieurs hypothèses et que la flexibilité de la mesure assure aux avocats des autres États membres un accès au marché national dans des conditions de concurrence normales et efficaces . La législation d'un Etat membre peut également imposer aux prestataires d'intermédiation immobilière, indépendamment de leur lieu d'établissement et de la manière dont ils s'entremettent, pour les locations d'une durée maximale de 30 jours d'immeubles situés dans cet Etat, de recueillir puis de communiquer à l'administration fiscale nationale les données relatives aux contrats de location conclus à la suite de leur intermédiation et, en cas d'encaissement de loyers ou de contreparties par ces prestataires ou d'intervention dans leur perception, prélever à la source le montant de l'impôt dû sur ces sommes et le verser au Trésor public . Un opérateur peut être contraint de disposer à la fois d'une concession et d'une autorisation de police pour accéder au marché des jeux de hasard dès lors que cette obligation n'est pas disproportionnée au regard des objectifs de lutte contre la criminalité dans ce secteur  ou d'extension contrôlée des activités de jeux de hasard . Un État membre à structure fédérale peut, par une réglementation commune à la majorité des entités fédérées, interdire en principe l'organisation et l'intermédiation des jeux de hasard sur Internet, même si pendant une période limitée une entité fédérée a maintenu en vigueur une législation plus permissive . En revanche, la vérification des antécédents d'une personne ou d'une entreprise peut être assurée par une mesure moins contraignante que l'obligation de résidence . De même, l'interdiction, pour les établissements de crédit, de rémunérer les comptes de dépôts à vue est disproportionnée par rapport à l'objectif de protection des consommateurs contre une augmentation du coût des services bancaires de base ou de la facturation des chèques . La lutte contre la criminalité ne justifie pas non plus de réserver l'exploitation des jeux de hasard dans les établissements aux opérateurs ayant leur siège sur le territoire national . Lors du contrôle de la proportionnalité d'une réglementation restrictive, l'approche suivie par la juridiction nationale doit être non pas statique mais dynamique, en ce sens qu'elle doit tenir compte de l'évolution des circonstances postérieurement à l'adoption de ladite réglementation .

Lorsqu'elles sont discriminatoires, seules les exceptions figurant aux articles 52 et 62 TFUE sont applicables, CJCE, 26 avril 1988, Bond van Adverteerders c. Pays-Bas, aff. 352-85, LawLex200500006886JBJ, JCP G, 1988, II, 21139, obs. BOUTARD-LABARDE ; JDI, 1989, 427 ; Gaz. Pal., 1988, 427, obs. MAURO ; D., 1990, 403, obs. EDELMAN ; 25 juillet 1991, Stichting Collectieve Antennevoorziening Gouda c. Commissariaat voor de Media, aff. C-288-89, LawLex200500006589JBJ, JDI, 1992, 75, obs. BOUTARD-LABARDE ; D., 1992, 537, obs. EDELMAN ; Gaz. Pal., 1995, 19, obs. HUGLO.

V. égal., CJCE, 25 juin 1991, Stichting Collectieve Antennevoorziening Gouda c. Commissariaat voor de Media, aff. C-288-89, LawLex200500006589JBJ ; 31 mars 1993, Kraus c. Land Baden-Württemberg, aff. C-19-92, LawLex200500007435JBJ, Europe, 1993, nº 201 ; LPA, 1993, nº 108, 19, obs. CARTOU ; LPA, 1993, nº 108, 17, obs. de GUILLENCHMIDT et BONICHOT ; Cah. dr. eur., 1994, 643, obs. DENYS ; Gaz. Pal., 1995, 3, 668, obs. HUGLO ; 30 novembre 1995, Reinhard Gebhard c. Consiglio dell'Ordine degli Avvocati e Procuratori di Milano, aff. C-55-94, LawLex200500006500JBJ, Europe, 1996, nº 30, obs. IDOT ; Gaz. Pal., 1996, 3, 18, obs. FARTHOUAT et PUEL ; JCP G, 1996, II, 22633, obs. MARTIN ; Journ. trib., 1996, 462, obs. BRULARD et DEMOLIN ; RMCUE, 1996, 210, obs. BERROD ; RTD eur., 1996, 741, obs. HUGLO ; Cah. dr. eur., 1996, 723, obs. GOFFIN ; 1er février 1996, Gianfranco Perfili, aff. C-177-94, LawLex200500007037JBJ, Europe, 1996, nº 147, obs. LAGONDET ; JDI, 1997, 506, obs. SIMON ; JDI, 1997, 539, obs. LUBY ; 21 octobre 1999, Questore di Verona c. Diego Zenatti, aff. C-67-98, LawLex200500007632JBJ, RLC, 4/2005, obs. BARBIER de la SERRE ; RMCUE, 1999, 211, obs. MUNIZ ; Europe, 1999, nº 418, obs. IDOT ; LPA, 2000, nº 99, 18, note HELIO ; JDI, 2000, 490, obs. LUBY ; 4 juillet 2000, Haim c. Kassenzahnärztliche Vereinigung Nordrhein, aff. C-424-97, LawLex200500007115JBJ, Europe, 2000, nº 310, obs. IDOT ; 19 janvier 2006, Allemagne, aff. C-244-04, LawLex200600002508JBJ, Europe, 2006, nº 86, obs. IDOT.

CJUE, 1er juin 2010, Blanco Pérez, aff. C-570-07 et C-571-07, LawLex201000000649JBJ, à condition toutefois que la fixation d'un quota n'empêche pas la création d'un nombre suffisant de pharmacies susceptibles d'assurer un service pharmaceutique approprié dans les zones géographiques ayant des caractéristiques démographiques particulières.

CJCE, 13 juin 2002, Inspecteur van de Belastingdienst Douane, district Rotterdam c. Sea-Land Service, aff. C-430-99, LawLex200600002260JBJ, Europe, 2002, nº 288, obs. IDOT.

CJCE, 5 décembre 2006, Federico Cipolla c. Rosaria Portolese, aff. C-94-04, LawLex200600002516JBJ, RDUE, 2007, 196, obs. NEGRINOTTI.

CJCE, 12 décembre 1996, Reisebüro Broede c. Sandker, aff. C-3-95, LawLex200500006752JBJ.

CJUE, 29 mars 2011, Commission européenne c. République italienne, aff. C-565-08, LawLex201100000703JBJ.

CJUE, 2e ch., 22 décembre 2022, Airbnb Ireland UC plc, aff. C-83/21, LawLex202200011446JBJ.

CJUE, 12 septembre 2013, Biasci, aff. C-660-11, LawLex201300001283JBJ.

CJUE, 28 février 2018, Sporting Odds Ltd c. Nemzeti Adó- és Vámhivatal Központi Irányítása, aff. C-3-17, LawLex201800000338JBJ.

CJUE, 12 juin 2014, Digibet Ltd, aff. C-156-13, LawLex201400002075JBJ.

CJCE, 9 mars 2000, Royaume de Belgique, aff. C-355-98, LawLex200500006621JBJ. - V. égal. CJCE, 27 octobre 2005, Royaume d'Espagne, aff. C-158-03, LawLex200700000486JBJ

CJCE, 9 mars 2000, Royaume de Belgique, aff. C-355-98, LawLex200500006621JBJ.

CJCE, 5 octobre 2004, CaixaBank France, aff. C-442-02, LawLex200700000037JBJ.

CJUE, 9 septembre 2010, Ernst Engelmann, aff. C-64-08, LawLex201000001007JBJ ; 24 janvier 2013, Stanleybet International Ltd, aff. C-186-11, LawLex201300000189JBJ.

CJUE, 14 juin 2016, C-685-15, Online Games Handels GmbH;  Frank Breuer;  Nicole Enter;  Astrid Walden c. Landespolizeidirektion Oberösterreich, LawLex201700001051JBJ.

CJCE, 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital c. Adminstración General del Estado, aff. C-390-99, LawLex200500006050JBJ.

CJCE, 20 février 2001, Asociación Profesional de Empresas Navieras de Líneas Regulares c. Administración General del Estado, aff. C-205-99, LawLex200500007039JBJ, pour un service public.

CJCE, 21 octobre 1999, Questore di Verona, aff. C-67-98, LawLex200500007632JBJ.

CJUE, 13 février 2014, Sokoll-Seebacher, aff. C-367-12, LawLex201400000246JBJ.

CJCE, 30 novembre 1995, Reinhard Gebhard c. Consiglio dell'Ordine degli Avvocati e Procuratori di Milano, aff. C-55-94, LawLex200500006500JBJ, Europe, 1996, nº 30, obs. IDOT ; Gaz. Pal., 1996, 3, 18, obs. FARTHOUAT et PUEL ; JCP G, 1996, II, 22633, obs. MARTIN ; Journ. trib., 1996, 462, obs. BRULARD et DEMOLIN ; RMCUE, 1996, 210, obs. BERROD ; RTD eur., 1996, 741, obs. HUGLO ; Cah. dr. eur., 1996, 723, obs. GOFFIN.

CJCE, 25 juillet 1991, Commission c. Pays-Bas, aff. C-353-89, LawLex200300001813JBJ, Cah. dr. eur., 1992, 644, obs. JONGEN ; D., 1992, 537, obs. EDELMAN ; Gaz. Pal., 1995, 19, obs. HUGLO, qui souligne que pour sauvegarder la liberté d'expression des différentes composantes, notamment sociales, culturelles, religieuses ou philosophiques, il n'est pas nécessaire d'imposer aux organismes de radiodiffusion de faire réaliser en tout ou partie leurs émissions par une entreprise nationale ; 17 octobre 2002, Payroll Data Services, aff. C-79-01, LawLex200500007198JBJ, Europe, 2002, nº 417, obs. IDOT, qui réfute l'existence d'un lien de causalité entre la protection des travailleurs et la législation qui réserve le traitement externe des fiches de paie des entreprises de moins de 250 salariés aux centres de traitement composés exclusivement de personnes inscrites à l'ordre de certaines professions, dès lors que ces tâches administratives ne requièrent aucune qualification particulière.

CJCE, 25 juillet 1991, Manfred Säger c. Dennemeyer, aff. C-76-90, LawLex200500006504JBJ, JDI, 1992, 440, obs. BOUTARD-LABARDE ; Gaz. Pal., 1995, 19, obs. HUGLO.

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