Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

L'article 65 prévoit, en son paragraphe 1er, trois exceptions à la pleine application du principe de libre circulation des capitaux : la différence de traitement fiscal des contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation, l'efficacité des contrôles fiscaux et la lutte contre les activités illicites, et enfin, les motifs d'ordre public ou de sécurité publique. Le paragraphe 2 permet également de limiter la liberté d'établissement dans une mesure compatible avec le Traité. 

La différence de situation objective des contribuables autorise un traitement fiscal différent. Est objectivement différente la situation qui n'est pas comparable eu égard à la résidence ou au lieu où les capitaux sont investis . Cette exception est d'interprétation stricte . Ainsi, des fonds de pension non résidents et des fonds de pension résidents qui ont pour finalité spécifique d'accumuler des capitaux par le biais d'investissements produisant un revenu sous la forme de dividendes afin de faire face à des obligations futures au titre de contrats d'assurance se trouvent dans une situation objectivement comparable, qui exclut l'instauration et le maintien d'un régime d'imposition discriminatoire pour les dividendes versés aux fonds de pension non résidents . Toute législation fiscale qui comporte une distinction entre les contribuables en fonction du lieu où ils résident ou de l'État membre dans lequel ils investissent leurs capitaux ne saurait être considérée comme compatible avec le Traité . Dès lors, la législation nationale qui applique la méthode d'exonération aux dividendes d'origine nationale et la méthode d'imputation aux dividendes d'origine étrangère constitue une restriction aux mouvements de capitaux lorsque, au regard de cette règle fiscale visant à prévenir la double imposition économique des bénéfices distribués, la différence de traitement fiscal entre les deux catégories de dividendes n'est pas justifiée par une différence de situation pertinente, la situation d'une société actionnaire percevant des dividendes d'origine étrangère étant comparable à celle d'une société actionnaire percevant des dividendes d'origine nationale dans la mesure où, dans les deux cas, les bénéfices réalisés sont, en principe, susceptibles de faire l'objet d'une imposition en chaîne . En revanche, des différences objectives peuvent résider dans la source des revenus  ou la situation du contribuable .

2) Efficacité des contrôles fiscaux/Lutte contre les activités illicites

Au termes de l'article 65, paragraphe 1, b), les États membres peuvent “prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers, et prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d'information administrative ou statistique”. Si le texte ne vise explicitement que la matière fiscale ou le contrôle prudentiel, l'emploi de l'adverbe “notamment” a permis à la Cour de justice de l'appliquer à toutes les mesures nationales prises afin de lutter contre les activités illicites d'une gravité comparable, telles que le blanchiment d'argent, le trafic de stupéfiants ou le terrorisme. Ainsi, une réglementation nationale peut subordonner l'exportation vers des pays tiers de pièces, de billets de banque ou de chèques au porteur, non à une autorisation préalable, mais à une déclaration préalable rendant compte de la nature de l'opération envisagée et de l'identité du déclarant, obligeant les autorités compétentes à procéder à un examen rapide de la déclaration et leur permettant d'effectuer en temps utile des investigations et d'infliger des sanctions . De même, est licite la réglementation qui prévoit de n'accorder d'exonération d'impôt sur le revenu de dividendes que si la société distributrice est établie dans un État membre de l'EEE ou dans un État avec lequel une convention fiscale prévoyant l'échange de renseignements a été conclue, dès lors que le contrôle du respect des conditions de l'exonération implique de solliciter des informations de l'État où la société est établie . Il en va également ainsi de la mesure qui interdit à un établissement de crédit de nouer des relations d’affaires avec toute personne physique qui n’a pas de lien avec l’État membre sur lequel cet établissement est établi et dont les mouvements créditeurs mensuels dépassent 15 000 euro, ou avec toute personne morale dont l’activité économique ne présente pas de lien avec cet État membre et dont les mouvements créditeurs mensuels dépassent 50 000 euro, et lui impose de mettre un terme à ces relations d’affaires nouées après l’adoption de cette mesure . Mais un État ne saurait interdire à ses résidents d'acquérir les titres d'un emprunt public souscrit par lui sur le marché des euro-obligations . Il ne peut pas non plus, au nom de la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales, adopter des mesures visant de manière générale toute situation dans laquelle les pertes de revenus proviennent d'un immeuble sis dans un autre État membre .

Les États membres peuvent, pour justifier une entrave à la libre circulation des capitaux, invoquer l'ordre public en cas de menace réelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société. Le maintien de la sécurité des approvisionnements en produits pétroliers en cas de crise , des approvisionnements en électricité et en gaz , ou des services de télécommunications  peut ainsi justifier une restriction à la liberté de circulation des capitaux. En revanche, les régimes d'autorisation préalable ne sont pas admis par la Cour de justice qui les juge disproportionnés et leur préfère les régimes d'opposition . Les exigences tirées de la sécurité publique doivent être entendues strictement . Elles ne peuvent fonder une dérogation au principe de libre circulation qu'à la condition de respecter le principe de proportionnalité .

CJCE, 6 juin 2000, Staatssecretaris van Financiën c. BGM Verkooijen, aff. C-35-98, LawLex200500006758JBJ, Europe, 2000, nº 261, obs. IDOT.

CJCE, 17 janvier 2008, Jäger c. Finanzamt Kusel-Landstuhl, aff. C-256-06, LawLex200800000067JBJ, RJ com., 2008, 129, obs. RAYNOUARD.

CJCE, 26 septembre 2000, Commission c. Belgique, aff. C-478-98, LawLex200500006784JBJ.

CJUE, 7 novembre 2013, K, aff. C-322-11, LawLex201300001569JBJ.

CJCE, 4 juin 2002, Commission c. France, aff. C-483-99, LawLex200700000559JBJ.

CJCE, 4 juin 2002, Commission c. Belgique, aff. C-503-99, LawLex200800000292JBJ ; 2 juin 2005, aff. C-174-04, LawLex200600002268JBJ, Europe, 2005, nº 288, obs. BERNARD ; JDI, 2006, 695, obs. LUBY ; RTD com., 2005, 627, obs. JAZOTTES ; 14 février 2008, Commission c. Belgique, aff. C-274-06, LawLex200800000203JBJ.

CJCE, 13 mai 2003, Commission c. Espagne, aff. C-463-00, LawLex200500006782JBJ, Europe, 2003, nº 241, obs. IDOT ; RDUE, 2003, 39, obs. GIPPINI-FOURNIER et RODRIGUEZ MIGUEZ ; RDUE, 2003, 530, obs. BALLESTER ; JDI, 2004, 601, obs. LUBY.

V. sur cette question, CJCE, 28 septembre 2006, Commission c. Pays-bas, aff. C-282-04, LawLex200700000564JBJ : s'agissant des “golden shares”.

CJCE, 13 juillet 2000, Albore, aff. C-423-98, LawLex200500006596JBJ, Europe, 2000, nº 311, obs. IDOT.

CJUE, 8 novembre 2012, Commission européenne c. République de Finlande, aff. C-342-10, LawLex201200002283JBJ.

V. not. CJCE, 19 janvier 2006, Bouanich c. Skatteverket, aff. C-265-04, LawLex200600002255JBJ, Europe, 2006, nº 86, obs. MARIATTE.

CJUE, 13 novembre 2012, Test Claimants in the FII Group Litigation, aff. C-35-11, LawLex201200002311JBJ.

CJCE, 29 avril 1999, Royal Bank of Scotland c. Grèce, aff. C-311-97, LawLex200800000313JBJ, pour une différence de traitement dans le calcul de l'impôt sur les bénéfices des sociétés selon l'État d'établissement de leur siège social ; 7 septembre 2004, Manninen, aff. C-319-02, LawLex200600002380JBJ, Europe, 2004, nº 349, obs. IDOT : le lieu d'établissement des sociétés dont les contribuables perçoivent les dividendes ne constitue pas une différence de situation objective ; 15 juillet 2004, Lenz c. Finanzlandesdirektion für Tirol, aff. C-315-02, LawLex200800000314JBJ, Europe, 2004, nº 322, obs. IDOT.

CJCE, 8 septembre 2005, Blanckaert c. Inspecteur van de Belastingdienst/Particulieren/Ondernemingen buitenland te Heerlen, aff. C-512-03, LawLex200700000604JBJ : la législation nationale qui, en réservant le bénéfice des réductions de cotisations de sécurité sociale aux seuls redevables de celles-ci, empêche les non-résidents non affiliés d'en bénéficier, est justifiée.

CJCE, 14 décembre 1995, Procédure pénale c. Sanz de Lera, aff. C-163-94, LawLex200400002996JBJ, Europe, 1996, nº 78, obs. IDOT ; Journ. trib., 1997, 10, obs. DASSESSE ; 23 février 1995, Bordessa, aff. C-358-93, LawLex200500005902JBJ, Europe, 1995, nº 141, obs. IDOT ; Europe, 1995, nº 134, obs. GAZIN et LAGONDET ; JDI, 1995, 452, obs. BERR ; AJDA, 1995, 717, obs. CHAVRIER, HONORAT, POUZOULET ; Journ. trib., 1997, 10, obs. DASSESSE : en revanche, un régime d'autorisation préalable sera considéré, classiquement, comme disproportionné.

CJCE, 18 décembre 2007, Skatteverket, aff. C-101-05, LawLex200700002041JBJ ; 26 septembre 2000, Commission c. Belgique, aff. C-478-98, LawLex200500006784JBJ, Europe, 2000, nº 353, obs. IDOT : en revanche, l'interdiction faite aux résidents d'acquérir les titres d'un emprunt public souscrit par l'État membre sur le marché des euro-obligations ne saurait être justifiée par la nécessité de faire échec à l'évasion fiscale.

CJUE, 2 mars 2023, AS “PrivatBank” et Unimain Holdings LTD, aff. C-78/21, LawLex202300002860JBJ, Europe 2023, n° 168, obs. MICHEL, qui précise que la mesure d'interdiction doit, premièrement,  être justifiée par l’objectif visant à prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ou adoptée en tant que mesure indispensable visant à faire échec aux infractions aux lois et aux règlements nationaux en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers ou encore justifiée par des motifs liés à l’ordre public, visés à l’article 65, paragraphe 1, b), TFUE, deuxièmement, être propre à garantir la réalisation de ces objectifs, troisièmement, ne pas excéder ce qui est nécessaire pour les atteindre et, quatrièmement, ne pas porter une atteinte excessive aux droits et intérêts protégés conformément aux articles 56 et 63 TFUE, dont bénéficient l’établissement de crédit concerné et ses clients.

159. Exceptions légales.