Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

Un signe dépourvu de caractère distinctif ne peut être enregistré en tant que marque (Dir. 2015-2436, art. 4, paragr. 1, b)) . En effet, la marque a pour fonction essentielle  de garantir au consommateur, ou à l'utilisateur final, l'identité d'origine du produit ou du service qu'elle désigne, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou service de ceux qui ont une autre pr …

Marques dépourvues de caractère distinctif.

Un signe dépourvu de caractère distinctif ne peut être enregistré en tant que marque (Dir. 2015-2436, art. 4, paragr. 1, b)) . En effet, la marque a pour fonction essentielle  de garantir au consommateur, ou à l'utilisateur final, l'identité d'origine du produit ou du service qu'elle désigne, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou service de ceux qui ont une autre provenance . Toutefois, la distinctivité ne se confond pas avec la nouveauté et l'originalité : un signe banal peut avoir un caractère distinctif . Il faut en outre que le demandeur identifie avec suffisamment de clarté et de précision les produits ou les services pour lesquels la protection par la marque est demandée pour permettre aux autorités compétentes et aux opérateurs économiques, sur cette seule base, de déterminer l'étendue de la protection conférée par la marque . Lorsque, dans une demande d'enregistrement de marque, il existe une contradiction entre le signe, dont la protection est sollicitée sous la forme d'un dessin, et la qualification qui est donnée à la marque par son déposant, qui a pour conséquence de rendre impossible la détermination exacte de l'objet et de l'étendue de la protection sollicitée au titre du droit des marques, l'autorité compétente doit refuser l'enregistrement de cette marque, en raison de l'absence de clarté et de précision de la demande de marque .

L'appréciation du caractère distinctif du signe s'effectue in concreto par rapport aux produits ou services mentionnés dans la demande d'enregistrement  et suppose de tenir compte de son utilisation habituelle comme indication d'origine dans les secteurs concernés et de la perception du public pertinent, éventuellement au moyen d'un sondage d'opinion . Le public pertinent est constitué par le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé lorsque le produit ou le service est destiné à l'ensemble des consommateurs . Cependant, dès lors que l'appréciation du caractère distinctif suppose de prendre en considération la perception des milieux intéressés, dans le commerce et/ou chez le consommateur moyen, il est possible que, en raison de différences linguistiques, culturelles, sociales et économiques entre les États membres, une marque dépourvue de caractère distinctif dans un État ne le soit pas dans un autre . Le caractère distinctif d'une marque peut en particulier être apprécié uniquement sur la base des usages commerciaux nationaux, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si et dans quelle mesure des marques identiques ont été enregistrées ou ont été exclues de l'enregistrement dans d'autres États membres .  L'appréciation du caractère distinctif d'un signe composé de motifs de couleur qui ont vocation à être apposés exclusivement et systématiquement sur les biens qui servent à exécuter les prestations de services pour lesquelles l'enregistrement de la marque est demandé s'effectue compte tenu de la perception qu'a le public de l'apposition de ce signe sur ces biens, même s'ils ne font pas l'objet de la demande de marque, sans qu'il y ait lieu d'examiner si ce signe diverge de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur économique concerné .

Dans le cas particulier de la demande d'enregistrement d'une couleur à titre de marque pour certains produits ou services, la Cour de justice a précisé que, pour apprécier le caractère distinctif qu'une couleur déterminée peut présenter en tant que marque, il est nécessaire de tenir compte de l'intérêt général à ne pas restreindre indûment la disponibilité des couleurs pour les autres opérateurs offrant des produits ou des services du type de ceux pour lesquels l'enregistrement est demandé . La qualification donnée à un signe lors de son enregistrement par le déposant, en tant que “ marque de couleur ” ou “ marque figurative ”, constitue un élément parmi d'autres pour déterminer si ce signe est susceptible de constituer une marque à caractère distinctif, mais ne dispense pas l'autorité compétente en matière de marques de son obligation de procéder à une analyse in concreto et globale du caractère distinctif de la marque considérée . 

Le signe peut également acquérir un caractère distinctif par l'usage qui en a été fait (Dir. 2015-2436, art. 4, paragr. 4) . L'usage fréquent d'un signe alors qu'un opérateur est le seul à offrir le produit concerné peut suffire à conférer à ce signe un caractère distinctif, dès lors qu'à la suite de cet usage, une proportion substantielle des milieux intéressés associe ce signe avec cet opérateur , ou croit que les produits revêtus de ce signe proviennent de lui . Les circonstances dans lesquelles la condition d'usage est remplie ne sauraient être établies seulement sur la base de données générales et abstraites , mais in concreto, compte tenu de la part de marché détenue par la marque, de l'intensité, de l'étendue géographique et de la durée de l'usage par l'entreprise qui en demande l'enregistrement, de l'importance de ses investissements pour promouvoir la marque, de la proportion des milieux intéressés qui identifient le produit comme provenant d'une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que des déclarations de chambres de commerce et d'industrie ou d'autres associations professionnelles . L'acquisition d'un caractère distinctif par l'usage n'impliquant pas nécessairement que la marque ait fait l'objet d'un usage indépendant, elle peut être la conséquence de l'usage de la marque en tant que partie d'une marque enregistrée ou en combinaison avec celle-ci . L'acquisition par l'usage peut également résulter de  l'utilisation d'une forme qui diffère de celle sous laquelle la marque a été enregistrée . Une règle nationale ne peut exiger pour constater qu'une marque de couleur sans contours a acquis un caractère distinctif par l'usage qu'un sondage d'opinion donne pour résultat un degré de reconnaissance de la marque de 70 % .

reprenant l'art. 3, paragr. 1, b) de la Dir. 2008-95.

La marque a également d'autres fonctions telles que celle consistant à garantir la qualité du produit ou du service, celles de communication, d'investissement et de publicité, V. not. CJCE, 18 juin 2009, L'Oréal SA c. Bellure NV, aff. C-487-07, LawLex200900001944JBJ, JCP G, 25 juillet 2009, 39, obs. MARINO; JCP G, 6 juillet 2009, 35, obs. PICOD; Rev. Lamy dr. immat., 2009, nº 1749, obs. HUMBLOT, Europe, 2009, nº 330, obs. IDOT ; Communic. com. électr.  2009, nº 111, obs. CARON ; RJDA 2009, n°s 1124 et 1125 ; RLDA, 2009, nº 2485, obs. ANADON ; Gaz. Pal. 18-19 novembre 2009, 27, obs. GREFFE, pt 58.

CJCE, 12 février 2004, Henkel, aff. C-218-01, LawLex200800001953JBJ.

CJUE, 8 octobre 2020, Aktiebolaget Östgötatrafiken c. Patent- och registreringsverket, aff. C-456/19, LawLex202000002232JBJ.

CJCE, 6 mai 2003, Libertel Groep c. Benelux-Merkenbureau, aff. C-104-01, LawLex200800001951JBJ.

CJUE, 27 mars 2019, Oy Hartwall Ab c. Commission européenne, aff. C-578-17, LawLex201900000406JBJ.

art. 4, paragr. 4, Dir. 2015-2436 :  "Une marque n'est pas refusée à l'enregistrement en application du paragraphe 1, point b), c) ou d), si, avant la date de la demande d'enregistrement et à la suite de l'usage qui en a été fait, elle a acquis un caractère distinctif. Une marque n'est pas déclarée nulle pour les mêmes motifs si, avant la date de la demande en nullité et à la suite de l'usage qui en a été fait, elle a acquis un caractère distinctif". Comp. art. 3, paragr. 3, Dir. 2008-95 : "Une marque n'est pas refusée à l'enregistrement ou, si elle est enregistrée, n'est pas susceptible d'être déclarée nulle en application du paragraphe 1, points b), c) ou d), si, avant la date de la demande l'enregistrement et après l'usage qui en a été fait, elle a acquis un caractère distinctif. En outre, les États membres peuvent prévoir que la présente disposition s'applique également lorsque le caractère distinctif a été acquis après la demande d'enregistrement ou après l'enregistrement". Cette disposition est interprétée strictement, V. CJCE, 18 juin 2002, Koninklijke Philips Electronics c. Remington Consumer Products, aff. C-299-99, LawLex200500008315JBJ, retenant sous l'empire de la directive 2008/95, un signe qui est refusé à l'enregistrement sur la base de l'article 3, paragraphe 1, e), ne peut jamais acquérir un caractère distinctif aux fins de l'article 3, paragraphe 3, par l'usage qui en a été fait.  

Le demandeur à l'enregistrement d'une marque ayant acquis un caractère distinctif par l'usage, que ce soit en tant que partie d'une autre marque enregistrée ou en combinaison avec celle-ci, doit apporter la preuve que les milieux intéressés perçoivent le produit ou le service désigné par cette seule marque, CJUE, 16 septembre 2015, aff. C-215-14, LawLex201500001090JBJ, Europe 2015, n° 450, obs. IDOT.

V. CJCE, 18 juin 2002, Koninklijke Philips Electronics c. Remington Consumer Products, aff. C-299-99, LawLex200500008315JBJ, considérant également que, lorsqu'un opérateur est le seul à offrir sur le marché des produits particuliers, l'usage fréquent d'un signe consistant dans la forme de ces produits peut suffire à conférer à ce signe un caractère distinctif dans des circonstances où, à la suite de cet usage, une proportion substantielle des milieux intéressés associe cette forme avec cet opérateur, à l'exclusion de toute autre entreprise, ou croit que les produits ayant cette forme proviennent de ce dernier.

CJCE, 18 juin 2002, Koninklijke Philips Electronics c. Remington Consumer Products, aff. C-299-99, LawLex200500008315JBJ.

V. s'agissant d'une dénomination géographique très connue : CJCE, 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee Produktions- und Vertriebs c. Boots-und Segelzubehör Walter Huber, aff. C-108-97, LawLex200500008317JBJ.

CJCE, 7 juillet 2005, Nestlé c. Mars UK, aff. C-353-03, LawLex200800001962JBJ, Europe, 2005, nº 341, obs. MARIATTE.

CJCE, 17 octobre 1990, CNL-SUCAL c. HAG GF,aff. C-10-89, LawLex200300004017JBJ, Journ. trib., 1991, 405, obs. DE VISSCHER ; JDI, 1991, 490, obs. HERMITTE ; RTD eur., 1991, 169, obs. JOLIET ; Cah. dr. eur., 1991, 473, obs. van der ERSCH ; RTD eur., 1991, 87, obs. BONET ; Gaz. Pal., 1992, 3, Doct., 222, obs. DEMAZIERES de SECHELLES ; JCP E, 1992, II, 109, obs. VOGEL.

CJUE, 25 octobre 2012, Rintish, aff. C-553-11, LawLex202000002288JBJ.

CJUE, 19 juin 2014, Oberbank AG, aff. C-217-13, LawLex201400002121JBJ.

V., sur le fondement du règlement sur la marque européenne, TPICE, 31 mai 2006, Wim De Waele c. OHMI, aff. T-15-05, s'agissant de l'enregistrement comme marque européenne d'une marque tridimensionnelle constituée par la forme d'une saucisse.

CJUE, 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys, aff. C-307-10, LawLex201200000913JBJ, qui précise que l'utilisation des indications générales des intitulés de classes de la classification de Nice, afin d'identifier les produits et les services pour lesquels la protection par la marque est demandée, n'est pas contraire à la directive 2008-95, si une telle identification est suffisamment claire et précise. 

CJCE, 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland c. Benelux-Merkenbureau, aff. C-363-99, LawLex200800001971JBJ, Europe, 2004, nº 113, obs. IDOT ; V. égal. CJCE, 15 février 2007, aff. C-239-05, LawLex200700000287JBJ, Europe, 2007, nº 120, obs. IDOT, qui précise qu'une réglementation nationale qui empêche la juridiction saisie d'un recours contre une décision de l'autorité compétente de se prononcer sur le caractère distinctif de la marque séparément pour chacun des produits et des services visés dans la demande d'enregistrement, est conforme à la directive 2008-95, dès lors que ni cette décision ni cette demande ne porte sur des catégories de produits ou de services ou sur des produits ou services considérés séparément ; CJCE, 16 septembre 2004, Nichols c. Registrar of Trade Marks, aff. C-404-02, LawLex200800001965JBJ, Europe, 2004, nº 380, obs. IDOT, qui considère que même l'appréciation du caractère distinctif d'une marque constituée par un nom patronymique répandu doit être faite concrètement.

CJCE, 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee Produktions- und Vertriebs c. Boots-und Segelzubehör Walter Huber, aff. C-108-97, LawLex200500008317JBJ, Europe, 1999, nº 251, obs. SIMON ; RTD com., 1999, 1021, obs. JAZOTTES, LUBY, POILLOT-PERUZZETTO.

Il est tenu compte du fait qu'il a rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques et doit se fier à l'image non parfaite qu'il a gardée en mémoire : CJCE, 6 mai 2003, Libertel Groep c. Benelux-Merkenbureau, aff. C-104-01, LawLex200800001951JBJ.

V. CJCE, 9 mars 2006, Matratzen Concord c. Hukla Germany, aff. C-421-04, LawLex200600002569JBJ, Europe, 2006, n° 171, obs. BERNARD ; RDUE, 2006, 729, obs. DE MEDRANO, considérant qu'un vocable emprunté à la langue d'un autre État membre dans laquelle il est dépourvu de caractère distinctif, peut être enregistré en tant que marque nationale, à moins que les milieux intéressés dans l'État membre de l'enregistrement soient aptes à identifier la signification de ce vocable ; V. égal. s'agissant de l'acquisition d'un caractère distinctif par l'usage du signe : CJCE, 7 septembre 2006, aff. C-108-05, Bovemij Verzekeringen NV c. Benelux-Merkenbureau, LawLex200800001952JBJ, considérant qu'une marque dont l'un des termes est dépourvu de caractère distinctif dans l'une des zones linguistiques d'un État membre peut être enregistrée si elle acquiert un caractère distinctif par l'usage dans toute la partie du territoire de l'État membre dans laquelle il existe un motif de refus.

Droit européen des affaires

237. Marques dépourvues de caractère distinctif.

Profitez de 15 jours offerts
et accédez à tous les contenus Livv

Les décisions de justice citées dans ce paragraphe :

Les notions juridiques connexes

237. Marques dépourvues de caractère distinctif.

Profitez de 15 jours offerts et accédez à tous les contenus Livv

Les décisions de justice citées dans ce paragraphe :

Les notions juridiques connexes

Profitez de 15 jours offerts
et accédez à tous les contenus Livv