Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

La théorie de l'épuisement du droit conféré par la marque répond à l'impératif de concilier liberté de circulation et propriété intellectuelle. Elle signifie que le droit exclusif conféré au titulaire de la marque s'épuise dès la première mise en circulation des produits ou services sur le territoire du marché intérieur avec son consentement. L'exercice du droit de marque ne peut, en effet, entrav …

Principe.

V. FRANÇON, L'épuisement du droit de marque, JCP, 1990, 1, 3428 ; VOGEL, Cession de marque et droit communautaire : après l'arrêt Hag II, JCP E, 1992, I, 109 ; BENABOU, Un nouveau visage pour la marque dans la jurisprudence de la Cour de justice, à propos des arrêts du 11 juillet 1996 sur le reconditionnement des produits marqués, Europe, novembre 1996, chron., 1 ; BONET, Epuisement du droit de marque, reconditionnement du produit marqué : confirmations et extrapolations, Mélanges Burst, 1997 ; LE COHENNEC, Arrêt Silhouette et libre circulation des marchandises, Contrats Conc. Consom., 1999, nº 4 ; BOUCHE, L'objet spécifique du droit des marques, D., 2000, chron., 13 ; BONET, Le point sur l'épuisement du droit de marque selon la jurisprudence communautaire, D., 2000, chron., 337 ; MUNOZ, Propriété intellectuelle : vers une exception à l'épuisement communautaire, JTDE, novembre 2000, nº 73, p. 215 ; GRYNFOGEL, Les limites à la règle communautaire de l'épuisement des droits, RJDA, 2001, 363 ; BONET, En matière d'épuisement du droit des marques, le titulaire qui ne dit mot ne consent pas nécessairement, Propriétés intellectuelles, avril 2002, 9 ; FOURTOU, La position du parlement européen sur l'épuisement des droits de propriété intellectuelle : vers un dérapage ?, RIPIA, nº 209, 2002, p. 56 ; RAYNARD, Droit de marque et réseau de distribution devant la CJCE : la présomption d'épuisement du droit ou le bonheur retrouvé du distributeur parallèle, Propriété industrielle, 2003, chron., nº 18 ; TARDIEU-GUIGUES, Droit de marque et contrat de licence. Un élargissement du pouvoir des titulaires de marques de luxe à l'égard de leurs licenciés, Propriété intellectuelle, 2009, doctr., nº 32 ; BUYDENS et BERNARD, L'épuisement du droit à la marque, JDE, 2013, 37 ; CALBOLI et LEE, Research handbook on Intellectual Property Exhaustion and Parallel Imports, Edward Elgar, 2016.

La théorie de l'épuisement du droit conféré par la marque répond à l'impératif de concilier liberté de circulation et propriété intellectuelle. Elle signifie que le droit exclusif conféré au titulaire de la marque s'épuise dès la première mise en circulation des produits ou services sur le territoire du marché intérieur avec son consentement. L'exercice du droit de marque ne peut, en effet, entraver la libre circulation des marchandises au-delà de ce qu'exige la sauvegarde des droits qui constituent l'objet spécifique de la marque, à savoir assurer à son titulaire le droit exclusif de l'utiliser pour la première mise en circulation d'un produit, et le protéger ainsi contre les concurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque en vendant des produits indûment revêtus de celle-ci . Cet objet spécifique découle de la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir aux consommateurs l'identité d'origine d'un produit  en lui permettant de le distinguer sans confusion possible de ceux d'une autre provenance . L'article 15 de la directive 2015-2436 , qui a consacré la jurisprudence relative à la théorie de l'épuisement du droit, et l'article 36 TFUE sont interprétés de manière identique .

Le titulaire de la marque ne peut, selon cette théorie, s'opposer à l'importation, dans un État membre, de produits qui ont déjà fait l'objet d'une commercialisation dans un autre État de l'EEE, de son fait, avec son consentement ou par une personne unie à lui par des liens de dépendance juridique ou économique . Il peut s'agir, entre autres, de la même entreprise, d'un licencié, d'une société mère, d'une filiale du même groupe, voire d'un concessionnaire exclusif . La mise dans le commerce de produits revêtus de la marque par le licencié en méconnaissance de certaines clauses du contrat de licence est considérée comme effectuée sans le consentement du titulaire de la marque . En l'absence de tout lien économique avec le cessionnaire, le titulaire de la marque qui conclut une convention de cession de marque ne dispose pas des moyens de contrôler la qualité des produits commercialisés et marqués par le cessionnaire. Il peut donc légitimement s'opposer au titre de son droit de marque aux importations effectuées par le cessionnaire sur son territoire sans porter atteinte au principe de liberté de circulation des marchandises . En revanche, les droits du titulaire peuvent être épuisés malgré l'absence de lien économique avec l'opérateur ayant effectué la mise dans le commerce si des éléments et circonstances antérieurs, concomitants ou postérieurs, traduisent de façon certaine une renonciation implicite, mais non équivoque, à son droit de s'opposer à une commercialisation dans l'EEE .

De même, le titulaire de la marque ne peut empêcher la mise sur le marché d'un produit licitement pourvu de la marque dans un État membre lorsque, sans son consentement, l'importateur a reconditionné, réétiqueté ou réemballé les produits, mis en circulation avec son consentement, et qu'il y a réapposé la marque de l'État d'importation , dès lors que le reconditionnement s'avère indispensable à la commercialisation des produits dans l'État d'importation , que les produits restent intacts et leur origine apparente , et que l'exercice d'un droit d'opposition par le titulaire aurait pour effet de cloisonner artificiellement les marchés .

Les droits du titulaire ne sont pas épuisés s'il n'est pas parvenu à vendre les produits revêtus de sa marque dans l'EEE , si les produits sont placés sous un régime douanier suspensif tel que celui du transit externe  ou s'ils n'ont été mis en circulation qu'en dehors de l'EEE . Dans tous les cas, son consentement à la mise dans le commerce dans l'EEE doit porter sur chaque exemplaire du produit pour lequel l'épuisement est invoqué . 

La charge de la preuve de la première mise en circulation dans l'EEE des produits revêtus de la marque incombe, en principe, à celui qui en invoque l'existence . Elle pèse toutefois sur le titulaire du droit de marque lorsque le tiers poursuivi parvient à démontrer que lui faire supporter la charge de la preuve ferait naître un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux. Tel est le cas lorsque les produits marqués sont commercialisés au moyen d'un réseau de distribution exclusive : la communication par le tiers revendeur au titulaire du droit de marque de l'identité de son fournisseur, membre du réseau, pourrait supprimer pour l'avenir toute nouvelle possibilité d'approvisionnement auprès de ce membre et cloisonner ainsi définitivement les marchés nationaux .

CJCE, 31 octobre 1974, Centrafarm c. Winthrop, aff. 16-74, LawLex200200004135JBJ, RJ com., 1975, 195, obs. de MONTBLANC ; RID comp., 1975, 282, obs. FANÇON ; Gaz. Pal., 1975, 2, Doctr., 322, obs. KRSJAK ; JDI, 1976, 208, obs. KOVAR.

CJCE, 22 juin 1976, Terrapin Terranova, aff. 119-75, LawLex200300003019JBJ.

CJCE, 11 juillet 1996, Bristol-Myers Squibb c. Paranova, aff. C-427-93, LawLex200500003735JBJ, qui précise que seul un motif légitime, au sens de l'article 7, paragr. 2, de la directive 2008-95, peut être opposé au tiers dans cette hypothèse.

CJCE, 11 juillet 1996, Bristol-Myers Squibb c. Paranova, aff. C-427-93, LawLex200500003735JBJ, RMCUE, 1996, 264, obs. BERROD ; LPA, 1997, 22, obs. CALVO ; Gaz. Pal., 1997, 2, 175, obs. NICOLELLA et LITTERIO ; JDI, 1997, 532, obs. BERR ; JCP E, I, 653, obs. GAVALDA et PARLÉANI.

CJCE, 3 décembre 1981, Pfizer c. Eurim-Pharm, aff. 1-81, LawLex200300003152JBJ, RTD eur., 1982, 166, considérant que le titulaire d'un droit de marque ne peut se prévaloir de ce droit pour empêcher un importateur de commercialiser un produit pharmaceutique fabriqué dans un autre État membre par la filiale du titulaire et pourvu de la marque de celui-ci avec son consentement, lorsque cet importateur a procédé au reconditionnement de ce produit en se limitant à remplacer l'emballage extérieur sans toucher au conditionnement intérieur et en rendant visible, à travers le nouvel emballage extérieur, la marque apposée par le fabricant sur le conditionnement intérieur, tout en indiquant clairement sur l'emballage extérieur que le produit a été fabriqué par la filiale du titulaire et réemballé par l'importateur ; 20 mars 1997, aff. C-352-95, LawLex200400003366JBJ, Europe, 1997, nº 151, obs. GAZIN, considérant que le titulaire d'un droit de marque dans un État membre ne peut empêcher l'importation d'un produit fabriqué dans un pays tiers, qui a été importé dans un autre État membre par lui ou par une autre société appartenant au même groupe, puis qui a été acquis licitement dans cet État membre par un négociant indépendant qui l'a exporté vers l'État membre du titulaire, dès lors qu'il n'a subi aucune transformation, que l'emballage n'a pas été modifié, à l'exception de l'addition sur l'étiquette de certaines mentions destinées à répondre aux exigences de la législation de l'État membre d'importation, et dans la mesure où les droits de marque sont détenus dans les deux États membres par le même groupe.

CJCE, 23 avril 2002, Boehringer Ingelheim c. Swingward, aff. C-143-00, LawLex200700000348JBJ.

CJCE, 30 novembre 2004, Peak Holding, aff. C-16-03, LawLex200800001941JBJ, Europe, 2004, nº 25, obs. IDOT.

CJCE, 18 octobre 2005, Class International c. Colgate-Palmolive Company, aff. C-405-03, LawLex200600002341JBJ, Europe, 2005, nº 407, obs. MARIATTE.

CJCE, 16 juillet 1998, Silhouette International Schmied c. Hartlauer Handelsgesellschaft, aff. C-355-96, LawLex200200005139JBJ, Europe, 1998, nº 304 et 343, obs. BERGÉ ; Gaz. Pal., 1998, 3, 1490, obs. DESMAZIERES de SECHELLES ; JCP, 1998, I, 189, obs. BOUTARD-LABARDE ; RMCUE, 1998, 256, obs. MUÑOZ, LPA, 1999, nº 7, 9, obs. COLOMBANI, TETU, TSORAKLIDIS ; Contrats Conc. Consom., 1999, 6, obs. LE COHENNEC ; Journ. trib., 1999, 288, obs. DE VISSCHER ; RTD eur., 2000, 112, obs. BONET ; 1er juillet 1999, Sebago c. G-B Unic, aff. C-173-98, LawLex200200005231JBJ, JCP, 1999, 1, 187, obs. BOUTARD-LABARDE ; Europe, 1999, nº 314, obs. IDOT ; RTD com., 1999, 668, obs. AZEMA ; Gaz. Pal., 1999, 1, 779, obs. DESMAZIERES de SECHELLES.

CJCE, 1er juillet 1999, Sebago c. G-B Unic, aff. C-173-98, LawLex200200005231JBJ.

CJCE, 20 novembre 2001, Zino Davidoff c. Levi Strauss, aff. C-414-99, LawLex200200004595JBJ.

CJCE, 8 avril 2003, Van Doren c. Lifestyle sports, aff. C-244-00, LawLex200300003553JBJ, D., 2003, 2358, obs. ARNAUD, RTD eur., 2004, 97, obs. BONET, Europe, 2003, nº 222, obs. IDOT.

CJCE, 17 octobre 1990, CNL-SUCAL c. HAG GF, aff. C-10-89, LawLex200300004017JBJ ; 12 octobre 1999, Pharmacia & Upjohn c. Paranova, aff. C-379-97, LawLex200300003184JBJ.

CJCE, 4 novembre 1997, Parfums Christian Dior c. Evora, aff. C-337-95, LawLex200200005060JBJ ; 11 juillet 1996, Bristol-Myers Squibb c. Paranova, aff. C-427-93, LawLex200500003735JBJ, RMCUE, 1996, 264, obs. BERROD ; LPA, 1997, 22, obs. CALVO ; Gaz. Pal., 1997, 2, 175, obs. NICOLELLA et LITTERIO ; JDI, 1997, 532, obs. BERR ; JCP E, 1, 653, obs. GAVALDA et PARLÉANI, pt 40.

CJCE, 14 septembre 1982, Keurkoop c. Nancy Kean Gifts, aff. 144-81, LawLex200300003150JBJ ; 17 octobre 1990, CNL-SUCAL c. HAG GF, aff. C-10-89, LawLex200300004017JBJ, Journ. trib., 1991, 405, obs. DE VISSCHER ; JDI, 1991, 490, obs. HERMITTE ; RTD eur., 1991, 169, obs. JOLIET ; Cah. dr. eur., 1991, 473, obs. van der ERSCH ; RTD eur., 1991, 87, obs. BONET ; Gaz. Pal., 1992, 3, doct., 222, obs. DEMAZIERES de SECHELLES ; JCP E, 1992, II, 109, obs. VOGEL ; V. égal. CJCE, 15 octobre 2009, Makro Zelfbedieningsgroothandel CV, Metro Cash Carry BV, Remo Zaandam BV c. Diesel SpA, aff. C-324-08, LawLex200900003195JBJ, constatant l'absence de lien entre le titulaire de la marque et un opérateur auquel une licence de marque a été accordée par un distributeur exclusif cocontractant du titulaire.

CJCE, 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik c. Ideal-Standard, aff. C-9-93, LawLex200300003099JBJ, Europe, 1994, nº 340, obs. MARIATTE ; LPA, 1995, nº 18, 12, note MICHEL et WASCHMANN ; JCP G, 1995, I, 3831, obs. BOUTARD-LABARDE ; RTD eur., 1995, 848, obs. BONET ; Contrats Conc. Consom., 1994, 8, obs. VOGEL, précisant, en revanche, que les droits du titulaire d'une marque ne sont pas épuisés du fait de la cession volontaire de celle-ci à un tiers sans lien économique avec le cédant, en vue d'une commercialisation des produits limitée à certains États membres.

CJCE, 23 avril 2009, aff. C-59-08, Copad SA c. Christian Dior couture SA, Gladel ès qual., Société industrielle lingerie, LawLex200900001485JBJ, RLDA, 2009, 41, nº 2458, obs. BRETONNIERE ; Rev. Lamy dr. immat., 2009 52, nº 1704, obs. GEORGES-PICOT ; Europe, 2009, nº 250, obs. IDOT ; JCP E, 2009, II, nº 1675, obs. CARON ; RLDA, 2009, 39, nº 2344, obs. FILIOL de RAIMOND ; RLDA, 2009, 39, nº 2366, obs. ANADON ; JCP E, 2009, Act., nº 223, Communic. com. électr.  2009, nº 62 ; V. nº 249 sur la licence de marque.

CJCE, 22 juin 1994, IHT Internationale Heiztechnik c. Ideal-Standard, aff. C-9-93, LawLex200300003099JBJ.

CJCE, 20 novembre 2001, Zino Davidoff c. Levi Strauss, aff. C-414-99, LawLex200200004595JBJ, JCP E, 2002, 1, 910, obs. VILMART, précisant également que le consentement implicite du titulaire d'une marque à une commercialisation dans l'EEE de produits antérieurement mis dans le commerce en dehors de l'EEE avec son consentement, ne peut être déduit d'un simple silence, d'une absence de communication de son opposition, d'une absence d'indication sur les produits d'une interdiction de mise sur le marché dans l'EEE, ou encore de la circonstance qu'il a transféré la propriété des produits revêtus de la marque sans imposer de réserves contractuelles et que, selon la loi applicable au contrat, le droit de propriété transféré comprend, en l'absence de telles réserves, un droit de commercialiser ultérieurement les produits dans l'EEE ; V. égal. CJCE, 15 octobre 2009, Makro Zelfbedieningsgroothandel CV, Metro Cash Carry BV, Remo Zaandam BV c. Diesel SpA, aff. C-324-08, LawLex200900003195JBJ, considérant que le consentement du titulaire d'une marque à une commercialisation des produits effectuée directement dans l'EEE par un tiers n'ayant aucun lien économique avec lui peut être implicite, pour autant qu'il résulte d'éléments et de circonstances antérieurs, concomitants ou postérieurs à la mise dans le commerce dans cette zone qui, appréciés par le juge national, traduisent de façon certaine une renonciation à son droit exclusif.

Droit européen des affaires

254. Principe.(1)

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Les décisions de justice citées dans ce paragraphe :

Les notions juridiques connexes

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