Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

La directive 96-9 confère une double protection au créateur de base de données : il est protégé par le droit d'auteur, dès lors que la base constitue une création intellectuelle qui porte son empreinte personnelle, et par un droit sui generis qui lui permet de protéger le contenu de sa base contre les utilisations et/ou extractions frauduleuses.
1) Droit d'auteur
La protection juridique accordée p …

Une double protection.

La directive 96-9 confère une double protection au créateur de base de données : il est protégé par le droit d'auteur, dès lors que la base constitue une création intellectuelle qui porte son empreinte personnelle, et par un droit sui generis qui lui permet de protéger le contenu de sa base contre les utilisations et/ou extractions frauduleuses.

La protection juridique accordée par la directive 96-9 au titre du droit d'auteur ne couvre pas le contenu de la base de données, mais la base elle-même qui, par le choix ou la disposition des matières, constitue une création intellectuelle propre à son ou ses auteurs (art. 3) . L'auteur d'une base de données dispose de droits exclusifs de reproduction, de distribution et de communication au public . Aux exceptions traditionnellement prévues en matière de droit d'auteur, telles que notamment la copie à des fins privées, l'utilisation à des fins d'illustration de l'enseignement ou de recherche scientifique  ou de sécurité publique, ou aux fins d'une procédure administrative ou juridictionnelle, la directive 96-9 ajoute la possibilité pour l'utilisateur légitime d'une base de données ou de copies de celle-ci d'effectuer tous les actes normalement soumis à restrictions qui sont nécessaires à l'accès au contenu de la base et à son utilisation normale sans autorisation (art. 6, paragr. 1 et 2).

Conformément au principe de l'épuisement des droits, la première vente d'une copie d'une base de données dans l'Union par le titulaire du droit, ou avec son consentement, épuise le droit de contrôler la revente de cette copie dans l'Union (art. 5, c)). En revanche, la question de l'épuisement du droit de distribution ne se pose pas dans le cas de bases de données en ligne. En effet, contrairement aux CD-ROM ou CD-I, où la propriété intellectuelle est incorporée dans un support matériel, celles-ci relèvent du domaine des prestations de services. Chaque prestation en ligne pourra être soumise à une autorisation (cons. 33).

La durée du droit d'auteur est fixée, conformément à la directive 2006-116 du 12 décembre 2006, à soixante dix ans à compter du 1er janvier suivant le décès de l'auteur .

L'apport essentiel de la directive 96-9 consiste dans la création d'un droit “sui generis”, droit de propriété spécifique octroyé aux fabricants de bases de données afin de les protéger contre le pillage du contenu de leur base et de protéger les investissements consentis pour la constituer. Droit exclusif, le droit sui generis permet au fabricant d'interdire l'extraction et/ou la réutilisation de la totalité ou d'une partie substantielle, évaluée de façon qualitative ou quantitative, du contenu d'une base de données, lorsque l'obtention, la vérification ou la présentation de ce contenu attestent un investissement substantiel du point de vue qualitatif ou quantitatif (art. 7, paragr. 1). D'une durée limitée à quinze ans , ce droit peut être transféré, cédé ou donné en licence (art. 7, paragr. 3). Cependant, une fois que le fabricant a rendu sa base accessible à des tiers, même à titre onéreux, il ne peut s'opposer à une consultation par ces derniers à des fins d'information, à moins que cet acte de consultation ne nécessite un acte d'extraction .

La notion d'"extraction" est définie comme le transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d'une partie substantielle du contenu d'une base de données sur un autre support par quelque moyen ou sous quelque forme que ce soit (art. 7, paragr. 2) . Selon le juge européen, la notion d'extraction doit être comprise dans un sens large comme visant tout acte non autorisé d'appropriation de tout ou partie du contenu d'une base de données, la nature et la forme du procédé utilisé étant indifférentes à cet égard . Le critère décisif pour déterminer l'existence d'une extraction réside dans l'existence d'un acte de “transfert” de tout ou partie du contenu de la base de données concernée vers un autre support, de même nature que le support de cette base de données ou d'une nature différente. Ainsi, caractérise des mesures d'extraction et de réutilisation le fait pour un moteur de recherche de permettre, par une autre voie que celle prévue par leur fabricant, d'explorer les bases de données librement accessibles sur internet, et fournir à ses utilisateurs un accès au contenu entier de ces bases et de transférer leur contenu vers un autre support en indexant et recopiant sur son propre serveur le contenu de ces sites internet . Il importe peu que l'acte de transfert ait pour but la constitution d'une autre base de données, concurrente ou non de la base de données originale, ou qu'il s'inscrive dans le contexte d'une activité, commerciale ou non, autre que la constitution d'une base de données . De même, l'existence de différences relatives à l'organisation structurelle des deux bases de données concernées n'empêche pas de constater l'extraction . La durée de conservation, sur un autre support, des éléments extraits de la base de données originale permet enfin de distinguer le transfert permanent et le transfert temporaire .

Le fabricant peut invoquer le bénéfice du droit sui generis indépendamment du caractère protégeable de la base de données par le droit d'auteur ou d'autres droits (art. 7, paragr. 4). La qualification de base de données peut donc être retenue malgré le caractère officiel et accessible au public des éléments rassemblés. Cependant, la similitude constatée entre deux bases de données concernant les caractéristiques matérielles et techniques présentes dans leur contenu ou le caractère inaccessible au public de leurs sources constituent des indices simples d'extractions .

Le terme “réutilisation” s'entend de toute forme de mise à la disposition du public de la totalité ou d'une partie substantielle du contenu de la base par distribution de copies, par location, par transmission en ligne ou sous d'autres formes. La première vente d'une copie d'une base de données dans l'Union par le titulaire du droit, ou avec son consentement, épuise le droit de contrôler la revente de cette copie dans l'Union (art. 7, paragr. 2, b)), mais non celui de contrôler l'extraction et la réutilisation du contenu de cette copie . En effet, la personne qui a constitué la base de données ne saurait être laissée sans protection à l'égard d'actes non autorisés de copiage effectués à partir d'une copie de sa base . De même, un métamoteur de recherche dédié qui permet à l'utilisateur final d'explorer toutes les données figurant dans une base de données protégée, tout en utilisant le moteur de recherche de cette dernière et en offrant les mêmes avantages de recherche, procède à une réutilisation de la totalité ou d'une partie substantielle de la base de données, dès lors qu'en détournant les utilisateurs de son site Internet, le métamoteur prive le fabricant de cette base des revenus, notamment publicitaires, censés lui permettre d'amortir le coût de son investissement . 

Le prêt public n'est pas un acte d'extraction ou de réutilisation (art. 7, paragr. 2).

La directive a pour finalité d'encourager et de protéger les investissements dans des systèmes de “stockage” et de “traitement” de données. La notion d'investissement lié à l'obtention, à la vérification ou à la présentation du contenu d'une base de données vise l'investissement consacré à la constitution de la base en tant que telle , et non ceux mis en œuvre pour la création même d'éléments . Elle doit s'entendre des moyens consacrés à la recherche d'éléments indépendants existants, à leur rassemblement dans la base, au contrôle de leur exactitude lors de la création et au cours du fonctionnement de la base, à la disposition systématique ou méthodique de ces éléments, ainsi qu'à l'organisation de leur accessibilité individuelle, et, enfin, à la mise en œuvre de ressources ou de moyens humains, financiers ou techniques de nature qualitative et quantitative . Lorsque le créateur de la base est également celui des données, il peut bénéficier de la protection s'il établit le caractère autonome de son investissement “base de données” par rapport à son investissement “création de données” . La partie quantitativement substantielle d'une base de données se réfère au volume de données extrait et/ou réutilisé de la base et est appréciée par rapport à son volume total .

L'utilisateur légitime d'une base de données doit pouvoir extraire et/ou réutiliser des parties non substantielles de la base. Il ne peut en revanche effectuer des actes qui soient en conflit avec une utilisation normale ou qui lèsent de manière injustifiée les intérêts légitimes du fabricant (art. 8). Ces droits d'extraction et/ou de réutilisation peuvent être étendus par l'État membre à une partie substantielle de la base, mais dans les limites du droit d'auteur. Ainsi, l'extraction substantielle ne peut être autorisée qu'à des fins privées, ou d'illustration de l'enseignement ou de recherche scientifique, de sécurité publique ou aux fins d'une procédure administrative ou juridictionnelle (art. 9). Même s'ils présentent quelques ressemblances avec le droit de reproduction et de communication au public, le droit d'extraction et/ou de réutilisation doit en être distingué, car son titulaire ne peut s'opposer à l'utilisation par un tiers de données obtenues de manière indépendante et non à partir de sa base de données. 

Les violations du droit d'auteur et du droit sui generis font l'objet de sanctions distinctes de la violation du droit d'auteur ou d'autres droits, déterminées par les États membres .

Une base de données n'est protégée par le droit d'auteur que si le choix ou la disposition des données constitue l'expression originale de la liberté créatrice de son auteur : CJUE, 1er mars 2012, Football Dataco Ltd, aff. C-604-10, LawLex201200000322JBJ, Communic. com. électr. , 2012, comm. 47, CARON. 

Dir. 96-9, art. 5 : "L'auteur d'une base de données bénéficie, en ce qui concerne l'expression de cette base pouvant faire l'objet d'une protection par le droit d'auteur, du droit exclusif de faire ou d'autoriser : a) la reproduction permanente ou provisoire, en tout ou en partie, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit ; b) la traduction, l'adaptation, l'arrangement et toute autre transformation ; c) toute forme de distribution au public de la base ou de ses copies (...) ; d) toute communication, exposition ou représentation au public, e) toute reproduction, distribution, communication, exposition ou représentation au public des résultats des actes visés au point b)". En revanche, le droit moral de la personne physique qui a créé la base de données reste en dehors du champ d'application de la directive (Dir. 96-9, cons. 28).

CJCE, 5 mars 2009, Apis-Hristovich, aff. C-545-07, LawLex200900000850JBJ, pt 48.

CJCE, 5 mars 2009, Apis-Hristovich, aff. C-545-07, LawLex200900000850JBJ, Europe, 2009, n° 203, obs. KAUFF-GAZIN : le transfert de données dans la mémoire opérationnelle d'un ordinateur présente ainsi un caractère temporaire en raison de sa durée limitée.

CJCE, 5 mars 2009, Apis-Hristovich, aff. C-545-07, LawLex200900000850JBJ, pt 51.

CJCE, 9 novembre 2004, The British Horseracing Board, aff. C-203-02, LawLex200900000876JBJ.

V. égal. Dir. 96-9, cons. 43, qui précise que "en cas de transmission en ligne, le droit d'interdire la réutilisation n'est épuisé ni en ce qui concerne la base de données, ni en ce qui concerne une copie matérielle de cette même base ou d'une partie de celle-ci effectuée avec le consentement du titulaire du droit par le destinataire de la transmission".

CJUE, 19 décembre 2013, Innoweb BV, aff. C-202-12, LawLex201300001860JBJ, s'agissant d'un métamoteur qui fournit à l'utilisateur final un formulaire de recherche offrant les mêmes fonctionnalités que le moteur de recherche de la base, traduit en "temps réel" les requêtes des utilisateurs dans le moteur de recherche de cette base et présente à l'utilisateur un résultat sous l'apparence extérieur de son site Internet, en réunissant les doublons en un seul élément, dans un ordre utilisant des critères comparables à ceux utilisés par le moteur de recherche de la base pour présenter les résultats.

CJCE, 9 novembre 2004, Fixtures Marketing, aff. C-444-02, LawLex200900000873JBJ ; CJCE, 9 novembre 2004, The British Horseracing Board, aff. C-203-02, LawLex200900000876JBJ, Le concepteur d'une base de données hippique s'est ainsi vu refuser le bénéfice de la protection car les moyens consacrés à l'établissement d'une liste des chevaux participant à une course et aux opérations de vérification s'inscrivant dans ce cadre n'intervenaient que dans la phase de création de la liste.

CJCE, 9 novembre 2004, Fixtures Marketing, aff. C-444-02, LawLex200900000873JBJ.

Le terme "recherche scientifique" couvre à la fois les sciences de la nature et les sciences humaines (Dir. 96-9, cons. 36).

JO L 372 du 27 décembre 2006, 12-18 ; directive qui abroge et remplace à droit constant la directive 93-98 du 29 octobre 1993, relative à l'harmonisation de la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins, JO L 290 du 24 novembre 1993, 9 (Dir. 96-9, cons. 25). 

Ce droit expire quinze ans après le 1er janvier de l'année qui suit la date de l'achèvement de la fabrication de la base (Dir. 96-9, art. 10, paragr. 1), date dont la charge de la preuve pèse sur le fabricant (Dir. 96-9, cons. 53).

CJCE, 9 octobre 2008, Directmedia Publishing aff. C-304-07, LawLex200900000872JBJ, pt 51 et 53. V. égal. Dir. 96-9, cons. 44, qui précise que "lorsque la visualisation sur écran du contenu d'une base de données nécessite le transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d'une partie substantielle de ce contenu sur un autre support, cet acte est soumis à l'autorisation du titulaire du droit".

V. égal. CJCE, 9 octobre 2008, Directmedia Publishing aff. C-304-07, LawLex200900000872JBJ, qui précise que le transfert s'appuie sur un procédé technique de copie du contenu d'une base de données protégée, tel qu'un procédé électronique, électromagnétique, électro-optique ou tout autre procédé similaire ou sur un simple procédé manuel.

CJCE, 9 novembre 2004, The British Horseracing Board, aff. C-203-02, LawLex200900000876JBJ, pts 45, 46 et 51 ; 9 octobre 2008, Directmedia Publishing aff. C-304-07, LawLex200900000872JBJ, pts 31 à 33.

CJUE, 3 juin 2021, CV-Online Latvia, aff. C-762/19, LawLex202100003384JBJ.

CJCE, 9 octobre 2008, Directmedia Publishing aff. C-304-07, LawLex200900000872JBJ, pts 46 et 47.

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