Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

La directive 2004/48 du 29 avril 2004 , qui a pour ambition d'assurer un niveau de protection élevé, équivalent et homogène de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur, n'a que partiellement atteint cet objectif en raison de son manque de sévérité à l'égard des contrefacteurs et des pirates dont les activités ne font que croître  et l'existence dans certains États membres de dispositio …

Moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle.

V. GALLOUX, La directive relative au respect des droits de propriété intellectuelle, RTD com., 2004, 668 ; MARTIN, La directive européenne du 29 avril 2004 visant au respect des droits de propriété intellectuelle : aboutissement ou point de départ ?, Propriété industrielle, 2004, chron., nº 16 ; MARTIN, Le nouveau régime des dommages-intérêts de contrefaçon de titres de propriété intellectuelle selon la directive européenne du 29 avril 2004, Propriété industrielle, 2004, chron., nº 17 ; GELATO, Le droit d'information et la détermination du préjudice selon le décret italien de transposition de la directive nº 2004/48/CE relative au respect des droits de propriété intellectuelle, Propriété industrielle, 2009, étude, nº 8.

La directive 2004/48 du 29 avril 2004 , qui a pour ambition d'assurer un niveau de protection élevé, équivalent et homogène de la propriété intellectuelle dans le marché intérieur, n'a que partiellement atteint cet objectif en raison de son manque de sévérité à l'égard des contrefacteurs et des pirates dont les activités ne font que croître  et l'existence dans certains États membres de dispositions moins protectrices. Le caractère souvent non contraignant du texte constitue un avantage pour ces derniers qui appliqueront leurs dispositions nationales plus libérales. Le droit de l'Union s'oppose cependant à une législation nationale qui permet au détenteur d'une connexion à internet, par laquelle des atteintes au droit d'auteur ont été commises au moyen d'un partage de fichiers, de se dégager de sa responsabilité en désignant un membre de sa famille qui avait la possibilité d'accéder à cette connexion, sans avoir à donner davantage de précisions quant au moment de la connexion ou la nature de son utilisation car une telle réglementation ne permet pas qu'une sanction efficace et dissuasive soit infligée à l'auteur de l'atteinte, à moins qu'en vue d'éviter une ingérence jugée inadmissible dans la vie familiale, les titulaires de droits puissent disposer d'une autre forme de recours effectif, leur permettant notamment, dans ce cas, de faire reconnaître la responsabilité civile du titulaire de la connexion à internet en cause . 

La directive concerne tous les droits de propriété intellectuelle, y compris les brevets, initialement exclus de la proposition de directive. Elle n'affecte ni le droit matériel de la propriété intellectuelle ni les dispositions particulières concernant le respect des droits et les exceptions dans le domaine du droit d'auteur et des droits voisins, ni les dispositions nationales et internationales incombant aux États membres et relatives aux procédures pénales et aux sanctions applicables en cas d'atteinte aux droits de propriété intellectuelle (art. 2) .

La directive 2004/48 concerne les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle (art. 1). Seuls les titulaires de droits de propriété intellectuelle et autres personnes autorisées à les utiliser (licenciés), les organismes de gestion collective et les organismes de défense professionnels  ont qualité pour exercer les poursuites (art. 4). La qualité d'auteur est présumée appartenir, conformément à la convention de Berne , à celui dont le nom est indiqué sur l'œuvre. La même présomption s'applique aux détenteurs de droits voisins (art. 5).

En matière de preuve, les autorités judiciaires se voient reconnaître le pouvoir d'ordonner la communication de documents bancaires, financiers ou commerciaux, qui se trouvent sous le contrôle de la partie adverse, en cas d'atteinte à “l'échelle commerciale”, à condition d'assurer la protection des documents confidentiels (art. 6). Les autorités judiciaires ont également le pouvoir de prendre des mesures de conservation des preuves (saisie d'échantillons, des marchandises litigieuses, des matériels et instruments utilisés pour les produire et/ou les distribuer, des documents s'y rapportant). Pour assurer l'indemnisation du préjudice éventuellement subi par le défendeur, les mesures conservatoires peuvent être subordonnées à la constitution d'une caution ou d'une garantie équivalente (art. 7). Ces mesures doivent en outre être suivies d'une action au fond, civile ou pénale, dans un délai raisonnable .

Une procédure spéciale de référé est créée en cas d'atteinte constatée ou imminente à un droit de propriété intellectuelle. Dans cette hypothèse, les autorités judiciaires peuvent, à la demande du requérant, prononcer des mesures provisoires et conservatoires (interdiction sous astreinte, constitution d'une garantie, saisie ou remise de marchandises, saisie des biens mobiliers et immobiliers, blocage des comptes bancaires et autres avoirs, communication des documents bancaires, financiers ou commerciaux,...) (art. 9). La protection du titulaire du droit est cependant limitée puisqu'il ne peut déclencher cette procédure que s'il présente au préalable des “éléments de preuve raisonnablement accessibles pour étayer ses allégations”. La législation nationale de certains États membres, plus protectrice, ne subordonne pas la mise en œuvre de la procédure à cette condition mais est laissée à la libre appréciation du juge. Le recours à cette procédure permet alors au titulaire de constituer les preuves nécessaires, une saisie abusive demeurant sanctionnée par la faculté offerte à la partie saisie de demander des dommages et intérêts. Tel est le cas de la France .

L'effet de surprise étant indispensable à la réussite de la saisie, l'article 9, paragraphe 4, prévoit la possibilité d'adopter des mesures provisoires sans que le défendeur soit entendu. Cette atteinte aux droits de la défense n'est cependant admise que dans des hypothèses limitées - en cas de retard susceptible de causer un préjudice irréparable au titulaire du droit ou de risque démontrable de destruction des éléments de preuve - qui réduisent les droits du titulaire, alors que la partie saisie dispose en contrepartie d'un droit d'être avertie sans délai ainsi que d'un droit à révision.

La directive 2004-48 instaure un droit d'information destiné à lutter contre les réseaux de contrefaçon en permettant aux victimes d'exiger auprès des autorités judiciaires compétentes des informations précises sur l'origine des marchandises ou des services contrefaisants, les circuits de distribution et l'identité des tiers impliqués dans l'atteinte (art. 8). L'exercice de ce droit permet éventuellement de compléter les éléments d'information obtenus à l'occasion de la saisie-contrefaçon. Le droit à l'information institué à l'article 8, qui garantit le droit à un recours effectif, est applicable non seulement dans le cadre d'une action visant à constater une atteinte à un droit de propriété intellectuelle, mais aussi d'une procédure autonome engagée après la clôture d'une telle action . La demande d'information dont la finalité diffère de celle de l'action tendant à faire constater une atteinte à un droit de propriété intellectuelle n'est pas soumise aux mêmes exigences de preuve . Le demandeur doit fournir tout élément de preuve raisonnablement accessible permettant à la juridiction saisie d'acquérir avec une certitude suffisante la conviction qu'il est titulaire du droit de propriété intellectuelle en cause, en présentant des éléments de preuve appropriés au regard de la nature de ce droit et des formalités spéciales applicables . La Cour considère que l'article 8, paragraphe 1, s'oppose à une jurisprudence nationale selon laquelle les demandes en contrefaçon de brevet doivent être rejetées lorsque la validité de celui-ci n'a pas été confirmée au moins par une décision de première instance rendue à l'issue d'une procédure d'opposition ou de nullité .

Sur le plan civil, la victime d'un acte de contrefaçon constaté par une décision judiciaire dispose du droit de demander au juge sa cessation, éventuellement sous astreinte (art. 11) , ainsi que le prononcé de mesures correctives, telles que le rappel ou la mise à l'écart des circuits commerciaux ou encore la destruction (art. 10). L'atteinte portée à un droit de propriété intellectuelle constitue traditionnellement une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. La directive prévoit en outre la possibilité pour le titulaire du droit lésé par une activité contrefaisante d'obtenir une réparation distincte de la responsabilité civile de droit commun (art. 13). Deux modes alternatifs de calcul des dommages et intérêts sont fixés. Le premier permet de tenir compte du manque à gagner pour le titulaire, de son préjudice moral et des bénéfices injustement réalisés par le contrevenant. Le second prévoit la fixation d'un montant forfaitaire de dommages-intérêts sur la base d'éléments tels qu'"au moins" le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit de propriété intellectuelle en question. Quel que soit le mode de calcul adopté, il paraît peu dissuasif dans la mesure où il eût mieux valu, dans le premier cas, tenir compte de tous les bénéfices réalisés par le contrevenant et dans le second, prévoir le doublement de la redevance contractuelle, comme cela était proposé dans le projet de directive . Le caractère optionnel du droit à réparation lorsque l'action contrefaisante est involontaire ne va pas non plus dans le sens d'une plus grande protection du titulaire. Les États membres ne sont, en effet, pas tenus d'ordonner le paiement des bénéfices ou le recouvrement de dommages-intérêts lorsque le contrevenant s'est livré à une activité contrefaisante sans le savoir ou sans avoir de motifs raisonnables de le savoir.

V. Communic. Comm. CE 2009 467 du 11 septembre 2009 intitulée “Renforcer l'application des droits de propriété intellectuelle sur le marché intérieur”, qui constate l'augmentation des phénomènes de piraterie et de contrefaçons, favorisée notamment par Internet.

CJUE, 27 avril 2023, n° C-628/21, LawLex202300005973JBJ.

CJUE, 28 avril 2022, aff. C-44/21, LawLex202200002251JBJ.

En dehors du contrefacteur, la demande du prononcé d'injonction peut viser l'intermédiaire dont les services ont été utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle, CJUE, 7 juillet 2016, Tommy Hilfiger Licensing LLC;  Urban Trends Trading BV;  Rado Uhren AG;  Facton Kft.;  Lacoste (SA);  Burberry Ltd c. Delta Center a.s., aff. C-494-15, LawLex201600001253JBJ.  

Pour une application conforme au projet de directive, V. CJUE, 25 janvier 2017, Stowarzyszenie “ Olawska Telewizja Kablowa ” c. Stowarzyszenie Filmowców Polskich, aff. C-367-15, LawLex201600002017JBJ.

CJUE, 18 octobre 2018, Bastei Lübbe GmbH & Co. KG c. Michael Strotzer, aff. C-149-17, LawLex201800001540JBJ.

CJUE, 19 octobre 2023, n° C-655/21, LawLex202300012507JBJ, JCP E 2023, n° 1327, n° 41 et 52, obs. BINCTIN ; Communic. comm. électr. 2023, n° 87, obs. KAMINA, qui précise que la directive 2004/48 ne régit pas les procédures et les sanctions pénales en cas d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle, tout en reconnaissant aux États membres la faculté de légiférer en vertu du droit national ou international pour prévoir des sanctions, notamment de nature pénale, qu’ils jugent appropriées en cas d’atteinte à ces droits. En l'occurrence, cependant, la Cour considère que l'article 49, paragraphe 3, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne s’oppose à une disposition législative nationale qui, en cas d’usage dans la vie des affaires d’une marque sans le consentement du titulaire du droit exclusif, à plusieurs reprises ou avec des conséquences préjudiciables importantes, prévoit une peine plancher de cinq ans d’emprisonnement.

CJUE, 7 août 2018, Coöperatieve Vereniging SNB-REACT U.A. c. Deepak Mehta, aff. C-521-17, LawLex201900002091JBJ : les États membres sont tenus de reconnaître à un organisme de représentation collective de titulaires de marques, la qualité pour demander, en son nom propre, l'application des réparations prévues par cette directive, en vue de protéger les droits de ces titulaires, ainsi que pour agir en justice, en son nom propre, en vue de faire valoir lesdits droits, à condition que cet organisme soit considéré par la législation nationale comme ayant un intérêt direct à la défense de tels droits et que cette législation lui permette d'ester en justice à cette fin.

Conv. Berne du 9 septembre 1886, art. 15 : “1) Pour que les auteurs des œuvres littéraires et artistiques protégés par la présente Convention soient, sauf preuve contraire, considérés comme tels et admis en conséquence devant les tribunaux des pays de l'Union à exercer des poursuites contre les contrefacteurs, il suffit que le nom soit indiqué sur l'œuvre en la manière usitée. Le présent alinéa est applicable, même si ce nom est un pseudonyme, dès lors que le pseudonyme adopté par l'auteur ne laisse aucun doute sur son identité”.

À défaut de détermination de ce délai par l'autorité judiciaire, celui-ci ne doit pas dépasser vingt jours ouvrables ou trente et un jours civils si ce délai est plus long (Dir. 2004-48, art. 7, paragr. 3).

CPI, art. L. 521-4 concernant les dessins et modèles, L. 622-7 concernant les topographies de produits semi-conducteurs, L. 716-6 concernant les marques, L. 623-7-1 concernant les obtentions végétales, L. 615-5 concernant les brevets d'invention. La directive a été transposée par la loi de lutte contre la contrefaçon nº 2007-1544 du 29 octobre 2007. V. pour une étude comparative de la législation des États membres concernant la procédure de saisie-contrefaçon : STEINITZ et GAULTIER, Avantages compétitifs du système judiciaire français au sein de l'Union européenne, Propriété industrielle, 2008, étude, nº 12 (1er volet) ; BOUCHE, La saisie-contrefaçon en Europe, Propriété industrielle, 2013, alerte 18.

CJUE, 18 janvier 2017, New Wave CZ, a.s.  c. Alltoys, spol. s r. o, aff. C-427-15, LawLex201700000115JBJ.

CJUE, 27 avril 2023, n° C-628/21, LawLex202300005973JBJ, JCP E 2023, n° 1327, n° 48, obs. BINCTIN, qui souligne que soumettre ces actions au mêmes exigences de preuve ferait perdre une partie de son utilité publique au droit d'information.

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292. Moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle.(1)

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