Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

Initialement, la Convention de Bruxelles ne prévoyant aucune règle de compétence spécifique, les litiges relatifs au contrat de travail relevaient des règles de compétence spéciale édictées en matière contractuelle par l'article 5, paragraphe 1, qui permettaient d'attraire le défendeur - employeur ou travailleur - domicilié sur le territoire d'un autre État membre, devant le tribunal du lieu où l' …

Contrats de travail.

V. MAYER, Les clauses relatives à la compétence internationale insérées dans les contrats de travail, Mélanges Holleaux, Litec, 1990, 263 ; NUYTS, La compétence en matière de contrat de travail, L'espace judiciaire européen en matières civile et commerciale, Bruylant, 1999, 33. 

Initialement, la Convention de Bruxelles ne prévoyant aucune règle de compétence spécifique, les litiges relatifs au contrat de travail relevaient des règles de compétence spéciale édictées en matière contractuelle par l'article 5, paragraphe 1, qui permettaient d'attraire le défendeur - employeur ou travailleur - domicilié sur le territoire d'un autre État membre, devant le tribunal du lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée. La Convention de Saint-Sébastien du 26 mai 1989 a modifié la Convention de Bruxelles en insérant à l'article 5, paragraphe 1, des dispositions propres aux contrats de travail. Le règlement 1215-2012, qui annule et remplace le règlement 44-2001, comporte des dispositions spécialement applicables au contrat individuel de travail qui ont pour objet la protection du travailleur, partie faible d'un point de vue social . 

Ainsi, un travailleur peut attraire son employeur domicilié dans un État membre et possédant une succursale dans un autre État membre, devant le tribunal de cet État , devant les juridictions de l'État membre de son domicile , ou, dans un autre État membre , a) devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail, ou b) lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur. Le règlement 1215-2012, qui a repris dans son article 21 les options de compétences prévues à l'article 19, paragraphe 2, du règlement 44-2001, se montre plus favorable au travailleur, puisqu'il pourra en bénéficier même lorsque l'employeur est domicilié en dehors de l'Union . L'employeur ne peut agir que devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel le travailleur a son domicile (art. 22, paragr. 1) . Il ne peut plus saisir - comme le lui permettait auparavant l'article 5, paragraphe 1, de la Convention de Bruxelles - le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail, lorsque ce lieu est situé sur le territoire d'un État membre.

Comme en matière d'assurance et de contrats de consommation, la prorogation conventionnelle est interdite par principe, sauf lorsque la clause attributive de compétence est postérieure à la naissance d'un différend entre le travailleur et son employeur ou qu'elle ouvre au travailleur d'autres options de compétence .

2) 	Lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail .

Le juge européen a, dans un premier temps, déterminé la compétence judiciaire en matière de contrat de travail au regard du critère du lieu d'exécution de l'obligation caractéristique du contrat , qui consiste à effectuer les activités convenues . Le juge du lieu où doit s'exécuter l'obligation caractéristique apparaît, en effet, le plus apte à trancher les litiges qui peuvent en découler, dans la mesure où la loi applicable du lieu de l'accomplissement du travail qui constitue la prestation caractérisant le contrat comporte des dispositions protectrices du travailleur . Le règlement visant le “lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail”, le débat s'est dans un second temps déplacé sur le terrain du “lieu d'exécution habituel du travail”. 

La notion autonome  de “lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail” soulève principalement des difficultés d'interprétation en cas de pluralité de lieux d'exécution. Afin de localiser le lieu d'exécution de l'obligation contractuelle d'un salarié dont l'activité s'étend sur les territoires de plusieurs États membres, il y a lieu de retenir le lieu à partir duquel le travailleur s'acquitte essentiellement de ses obligations à l'égard de son employeur , autrement dit le lieu où le salarié a établi le centre effectif de ses activités professionnelles . Il peut être tenu compte, pour déterminer le lieu où l'intéressé accomplissait habituellement son travail, de la circonstance que l'exécution de la mission confiée au salarié a été assurée à partir d'un bureau situé dans l'un des États membres où le travailleur a établi sa résidence, à partir duquel il exerçait ses activités, où il revenait après chaque déplacement professionnel et où, au moment de la survenance du litige, le salarié accomplissait exclusivement son travail , et de toute la durée de la relation de travail, sachant qu'à défaut d'autres critères, ce lieu est celui où le travailleur a accompli la majeure partie de son temps de travail . Toutefois, lorsque, après avoir accompli son travail pendant une certaine durée à un endroit déterminé, le travailleur exerce ensuite ses activités de manière durable en un lieu différent, il n'y a pas lieu de retenir l'intégralité de sa période d'activité pour déterminer l'endroit où il a accompli la majeure partie de son travail, mais seulement la période de travail la plus récente, dès lors qu'il résulte de la volonté claire des parties que ce dernier lieu est destiné à devenir son nouveau lieu de travail habituel . Lorsqu'il est impossible de déterminer le lieu habituel de travail du salarié - parce qu'il existe au moins deux lieux de travail d'importance égale, ou parce qu'aucun endroit ne présente un rapport suffisamment stable et intense avec le travail fourni -, le travailleur a le choix d'attraire son employeur, soit devant le tribunal du lieu de l'établissement qui l'a embauché, soit devant les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel le défendeur est domicilié .

La détermination du “lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail” peut également s'avérer difficile lorsque le salarié a conclu deux contrats de travail successifs avec deux employeurs différents, le premier employeur ayant consenti à la suspension du premier contrat. Selon la Cour de justice, dans une telle hypothèse, le premier employeur ne peut être attrait devant le tribunal du lieu où le salarié exerce son activité pour le second employeur que s'il a intérêt, au moment de la conclusion du second contrat, à l'exécution de la prestation par le salarié dans un lieu décidé par le second employeur. L'existence de cet intérêt doit être appréciée de manière globale, au regard de facteurs pertinents, tels que le fait que le second contrat a été envisagé ou modifié lors de la conclusion du premier ou qu'il existe entre les deux employeurs un lien organique, économique ou un accord prévoyant un cadre pour la coexistence des deux contrats, ou encore que le premier employeur conserve un pouvoir de direction sur l'employé, ou décide de la durée de son activité auprès du second employeur .

CJCE, 15 février 1989, Six Constructions Ltd c. Humbert, aff. 32-88, LawLex200600002160JBJ, JDI, 1989, 461, obs. HUET ; Gaz. Pal., 1989, 102, obs. MAURO ; Rev. crit. DIP, 1989, 560, obs. RODIÈRE.

Règl. 1215-2012, art. 20, renvoyant à l'article 7, paragr. 5. L'ambassade d'un pays tiers située sur le territoire d'un État membre constitue un établissement, au sens de l'article 18, par. 2 : CJUE, 19 juillet 2012, Ahmed Mahamdia, aff. C-154-11, LawLex201200001606JBJ

CJCE, 26 mai 1982, Roger Ivenel c. Helmut Schwab, aff. 133-81, LawLex200600002270JBJ, Gaz. Pal., 1982, 436, obs. CATRICE ; JDI, 1982, 948, obs. BISCHOFF et HUET ; Rev. crit. DIP, 1983, 120, obs. GAUDEMET-TALLON ; 15 janvier 1987, Shenavai c. Kreischer, aff. 266-85, LawLex200500008936JBJ, Gaz. Pal., 1987, 2, 283, obs. MAURO ; JDI, 1987, 465, obs. BISCHOFF et HUET ; Rev. crit. DIP, 1987, 798, obs. DROZ ; 10 avril 2003, Giulia Pugliese c. Finmeccanica SpA, aff. C-437-00, LawLex200800000709JBJ, Procédures, juin 2003, nº 138, obs. NOURISSAT ; JDI, 2004, 632, obs. HUET : en matière de contrats de travail, le lieu d'exécution d'une obligation autre que celle d'accomplir les activités convenues, telle que l'obligation pour l'employeur de payer les frais de loyer dans un autre pays, et de voyage vers le pays d'origine, ne peut être prise en considération pour fonder la compétence du juge.

CJCE, 27 février 2002, Herbert Weber c. Universal Ogden Services Ltd, aff. C-37-00, LawLex200600002005JBJ, Europe, 2002, nº 119, obs. SIMON ; Europe, 2002, nº 160, obs. IDOT ; JDI, 2003, 661, obs. HUET ; RTD eur., 2003, 529, obs. RODIÈRE.

CJCE, 13 juillet 1993, Mulox IBC Ltd c. Hendrick Geels, aff. C-125-92, LawLex200600002445JBJ, JDI, 1994, 539, obs. HUET ; Rev. crit. DIP, 1994, 574, obs. LAGARDE ; Journ. trib., 1993, 37, obs. FALLON ; Europe, 1993, nº 428, obs. IDOT ; JCP E, 1994, 1, 380, obs. ANTONMATTEI ; Cah. dr. eur., 1995, 188, obs. TAGARAS. ; CJUE, 15 mars 2011, Heiko Koelzsch, aff. C-29-10, LawLex201100000533JBJ, le lieu où, ou à partir duquel, le travailleur s'acquitte essentiellement de ses obligations peut être, pour un conducteur de poids lourds, celui à partir duquel il effectue ses missions de transports, reçoit les instructions sur ses missions et organise son travail, où se trouvent les outils de travail, où le transport est principalement effectué, où la marchandise est déchargée et où le travailleur rentre après ses missions.

CJCE, 9 janvier 1997, Petrus Wilhelmus Rutten c. Cross Medical Ltd, aff. C-383-95, LawLex200600002210JBJ, JDI, 1997, 635, obs. BISCHOFF ; Rev. crit. DIP, 1997, 336, obs. GAUDEMET-TALLON ; Europe, 1997, nº 93, obs. IDOT ; Cah. dr. eur., 1999, 178, obs. TAGARAS.

CJCE, 13 juillet 1993, Mulox IBC Ltd c. Hendrick Geels, aff. C-125-92, LawLex200600002445JBJ ; 9 janvier 1997, Petrus Wilhelmus Rutten c. Cross Medical Ltd, aff. C-383-95, LawLex200600002210JBJ.

CJCE, 9 janvier 1997, Petrus Wilhelmus Rutten c. Cross Medical Ltd, aff. C-383-95, LawLex200600002210JBJ ; 27 février 2002, Herbert Weber c. Universal Ogden Services Ltd, aff. C-37-00, LawLex200600002005JBJ, Europe, 2002, nº 119, obs. SIMON ; Europe, 2002, nº 160, obs. IDOT ; JDI, 2003, 661, obs. HUET ; RTD eur., 2003, 529, obs. RODIÈRE.

CJCE, 27 février 2002, Herbert Weber c. Universal Ogden Services Ltd, aff. C-37-00, LawLex200600002005JBJ ; 20 octobre 2022, aff. C-604/20, LawLex202200008832JBJ : un travailleur peut attraire devant la juridiction du dernier lieu où, ou à partir duquel, il a accompli habituellement son travail, une personne, domiciliée ou non sur le territoire d'un Etat membre, avec laquelle il n'est pas lié par un contrat de travail formel, mais qui est, en vertu d'un accord de garantie dont dépendait la conclusion du contrat de travail avec un tiers, directement responsable envers ce travailleur de l'exécution des obligations de ce tiers, à condition qu'il existe un lien de subordination entre cette personne et le travailleur.

CJCE, 27 février 2002, Herbert Weber c. Universal Ogden Services Ltd, aff. C-37-00, LawLex200600002005JBJ.

CJCE, 10 avril 2003, Giulia Pugliese c. Finmeccanica SpA, aff. C-437-00, LawLex200800000709JBJ.

 Un employeur qui n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait devant les juridictions d'un État membre du lieu à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; ou lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur (Règl. 1215-2012, art. 21, parag. 2.). 

V. déjà, en ce sens, CJCE, 15 février 1989, Six Constructions Ltd c. Humbert, aff. 32-88, LawLex200600002160JBJ, rendu sous l'empire de la Convention de Bruxelles, non modifiée par la Convention de Saint-Sébastien : lorsque, en matière de contrat de travail, l'obligation du travailleur d'effectuer les activités convenues est accomplie en dehors du territoire des États membres, l'action de l'employeur ne peut être portée que devant les tribunaux du domicile du salarié, la compétence ne pouvant être déterminée en fonction du lieu du siège de l'établissement d'embauche, si l'employeur est le demandeur, car cela reviendrait à méconnaître l'objectif de protection de la partie contractante la plus faible d'un point de vue social et à admettre la compétence du for du demandeur, alors que les cas dans lesquels cette compétence est reconnue sont strictement limités.

Une convention attributive de compétence, conclue antérieurement à la naissance d'un différend, relève de l'article 23, point 2, du règlement 1215-2012, dès lors qu'elle offre la possibilité au travailleur de saisir, en plus des juridictions normalement compétentes en application des règles spéciales des articles 20 et 21 de ce règlement, d'autres juridictions, y compris, le cas échéant, des juridictions situées en dehors de l'Union, V. CJUE, 19 juillet 2012, Ahmed Mahamdia c. République algérienne démocratique et populaire, aff. C-154-11, LawLex201200001606JBJ.

CJUE, 14 septembre 2017, Sandra Nogueira, Victor Perez-Ortega, Virginie Mauguit, Maria Sanchez-Odogherty, José Sanchez-Navarro c. Crewlink Ireland Ltd (C 168/16), Miguel José Moreno Osacar, C-168-16 ; C-169-16, LawLex201700001416JBJ : la notion de “ lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ”, au sens de l'article 21, b), i du règlement 1215-2012, n'est pas assimilable à celle de “ base d'affectation ”, au sens de l'annexe III du règlement 3922-91 relatif à l'harmonisation de règles techniques et de procédures administratives dans le domaine de l'aviation civile, la notion de “ base d'affectation ” pouvant toutefois constituer un indice significatif aux fins de déterminer le “ lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ”.

CJCE, 26 mai 1982, Roger Ivenel c. Helmut Schwab, aff. 133-81, LawLex200600002270JBJ, Gaz. Pal., 1982, 436, obs. CATRICE ; JDI, 1982, 948, obs. BISCHOFF et HUET ; Rev. crit. DIP, 1983, 120, obs. GAUDEMET-TALLON ; 15 janvier 1987, Shenavai c. Kreischer, aff. 266-85, LawLex200500008936JBJ, Gaz. Pal., 1987, 2, 283, obs. MAURO ; JDI, 1987, 465, obs. BISCHOFF et HUET ; Rev. crit. DIP, 1987, 798, obs. DROZ. 

Droit européen des affaires

357. Contrats de travail.(1)

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