Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

Le règlement 1215-2012, qui a pour objet de garantir la sécurité juridique au sein de l'Union européenne , accorde néanmoins une place importante au principe de l'autonomie de la volonté . Ainsi, la prorogation conventionnelle énoncée à l'article 25 permet, selon la Cour de justice , aux parties d'"attribuer compétence à des tribunaux qui ne l'auraient pas été, en vertu des dispositions générales  …

Conditions de fond.

V. RANOUIL, L'autonomie de la volonté : Naissance et évolution d'un concept, PUF, 1980 ; DELAGRANGE, La compétence judiciaire en matière de contrat international (commentaire des art. 17 et 5º 1 de la Convention de Bruxelles), Gaz. Pal., 1982, 2, octobre, 559 ; GAUDEMET-TALLON, Les clauses attributives de juridiction dans la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, in, Compétence judiciaire et exécution des jugements en Europe, Butterworths, 1993, 133 ; HARTLEY, Article 17 of the Brussels Convention: Jurisdiction agreements, ELR, 1997, 360 ; HARRIS, Jurisdiction clauses and voice contracts, ELR, 1998, 279 ; COIPEL-CORDONNIER, Les conventions d'arbitrage et d'élection de for en droit international privé, LGDJ, 1999 ; REYDELLET, Leçon 3  : De la clause attributive de juridiction et de son sort..., RLDA 2016/111, n° 5822.

Le règlement 1215-2012, qui a pour objet de garantir la sécurité juridique au sein de l'Union européenne , accorde néanmoins une place importante au principe de l'autonomie de la volonté . Ainsi, la prorogation conventionnelle énoncée à l'article 25 permet, selon la Cour de justice , aux parties d'"attribuer compétence à des tribunaux qui ne l'auraient pas été, en vertu des dispositions générales ou spéciales [du règlement], ou d'exclure celle des tribunaux qui seraient normalement compétents, en vertu de ces règles" . Aux termes de l'article 25, “si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d'une juridiction ou de juridictions d'un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties”. En permettant aux parties de convenir que la clause n'emportera pas d'effet d'exclusivité, le règlement se différencie de la Convention de Bruxelles qui prévoyait, dans tous les cas, la compétence exclusive du tribunal élu. En revanche, les clauses attribuant compétence aux juridictions d'un État tiers ne relèvent pas du règlement, mais du droit international privé en général. En outre, les clauses attributives de juridiction sont sans effet lorsqu'elles sont contraires aux règles de compétences spéciales en matière d'assurance, de contrat de travail et de contrats de consommation ou aux règles de compétences exclusives (art. 25, paragr. 4). 

La domiciliation d'au moins l'une des parties sur le territoire d'un État membre constitue une condition indispensable à la mise en œuvre de la prorogation conventionnelle . Peu importe que le défendeur soit domicilié sur le territoire d'un État tiers, pourvu que le demandeur ait son domicile sur le territoire d'un État membre . Il appartient au juge saisi de vérifier que la condition de domiciliation est bien remplie . En dehors de la domiciliation de l'une des parties sur le territoire d'un Etat membre, aucun autre lien de rattachement avec l'Etat membre désigné par les parties n'est exigé. Elles ont ainsi la possibilité, alors qu'elles sont établies dans le même Etat membre, de convenir de la compétence d'une autre Etat membre pour connaître des litiges nés du contrat qui les lie .

Les parties doivent également désigner comme internationalement compétent un ou des tribunaux d'un État membre . Il suffit que la clause attributive de juridiction identifie précisément les éléments objectifs sur lesquels les parties se sont mises d'accord pour choisir le ou les tribunaux auxquels elles entendent soumettre leurs différends nés et à naître, sans nommément désigner la juridiction . Selon la Cour de justice, le fait que l'article 25 se réfère, dans ses termes, à la désignation par les parties au contrat du ou des juridictions d'un seul État membre, doit être interprété comme visant à inclure la possibilité pour les parties de désigner plusieurs juridictions d'États membres distincts en vue du règlement de litiges éventuels . Dès lors, la clause contractuelle d'"attribution de compétence réciproque", en vertu de laquelle chacune des deux parties à un contrat de vente, qui ont leur domicile dans des États membres différents, ne peut être attraite que devant les tribunaux de son État, est licite . 

En application de l'article 25, paragraphe 1, les parties conviennent du tribunal ou des tribunaux compétents pour connaître “des différends nés ou naître, à l'occasion d'un rapport de droit déterminé”. Selon la Cour , “cette exigence vise à limiter la portée d'une convention attributive de juridiction aux seuls différends qui trouvent leur origine dans le rapport de droit à l'occasion duquel cette convention a été conclue. Elle a pour objectif d'éviter qu'une partie soit surprise par l'attribution, à un for déterminé, de l'ensemble des différends qui surgiraient dans les rapports qu'elle entretient avec son cocontractant et qui trouveraient leur origine dans des rapports autres que celui à l'occasion duquel l'attribution de juridiction a été convenue” . Une clause d'élection de juridiction, insérée dans les statuts d'une société, satisfait ainsi à la condition du caractère suffisamment déterminé du rapport de droit à l'origine du différend né ou à naître, lorsqu'elle se réfère aux litiges opposant la société à ses actionnaires en tant que tels . En revanche, une clause qui se réfère de manière abstraite aux différends surgissant dans les rapports contractuels ne couvre pas un litige fondé sur la responsabilité délictuelle d'un cocontractant du fait de son comportement conforme à une entente illicite. Toutefois, l'application, à l'égard d'une action en dommages et intérêts intentée par un distributeur à l'encontre de son fournisseur sur le fondement de l'article 102 TFUE, d'une clause attributive de juridiction contenue dans le contrat liant les parties n'est pas exclue au seul motif que cette clause ne se réfère pas expressément aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d'une infraction au droit de la concurrence : si une entente illicite n'est en principe pas directement liée à la relation contractuelle entre un membre de cette entente et un tiers sur laquelle l'entente déploie ses effets, un abus de position dominante peut se matérialiser dans les relations contractuelles qu'une entreprise dominante noue .

Enfin, la prorogation conventionnelle de compétence n'est pas subordonnée à la démonstration d'un élément objectif de connexité entre le rapport de droit litigieux et le tribunal désigné . Les parties peuvent, en particulier, s'entendre sur un lieu d'exécution des obligations contractuelles, différent de celui qui serait déterminé en vertu de la loi applicable à l'obligation litigieuse en vertu de l'article 7, paragraphe 1, et choisir un lieu d'exécution fictif ne présentant aucun lien effectif avec la réalité du contrat et les obligations en découlant, à condition de respecter les exigences de forme prescrites en matière de clauses d'élection de for .

CJCE, 3 juillet 1997, Francesco Benincasa c. Dentalkit Srl, Francesco Benincasa c. Dentalkit Srl, aff. C-269-95, LawLex200600002032JBJ, JDI, 1998, 581, obs. BISCHOFF ; Cah. dr. eur., 1999, 223, obs. TAGARAS : le souci de garantir la sécurité juridique par la possibilité de prévoir avec certitude le for compétent a été interprété dans le cadre de l'article 25, par la fixation de conditions de forme strictes.

Dans son considérant 15, le règlement prévoit que “les règles de compétences doivent présenter un haut degré de prévisibilité et s'articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur […], sauf dans quelques cas bien déterminés […] où l'autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement”. 

CJCE, 9 novembre 1987, Meeth c. Glacetal, aff. 23-78, LawLex200600002390JBJ, Rev. crit. DIP, 1981, 136, obs. GAUDEMET-TALLON ; JDI, 1979, 663, obs. HUET.

CJCE, 9 novembre 1987, Meeth c. Glacetal, aff. 23-78, LawLex200600002390JBJ. De même, V. Cass. 1re civ., 19 mars 1980, Technic-Equipement (SARL), LawLex200900003380JBJ, Rev. crit. DIP, 1981, 127, obs. GAUDEMET-TALLON : une prorogation conventionnelle de compétence effectuée au profit du tribunal du demandeur, qui peut être, selon les cas, l'une ou l'autre des parties au contrat domiciliées dans deux États membres distincts, est valable au regard de l'article 25.

CJCE, 10 mars 1992, Powell Duffryn plc c. Wolfgang Petereit, aff. C-214-89, LawLex200600002030JBJ, Cah. dr. eur., 1992, 692, obs. TAGARAS ; Rev. crit. DIP, 1992, 528, obs. GAUDEMET-TALLON ; JDI, 1993, 474, obs. BISCHOFF. 

En ce sens, Cass. 1re civ., 12 décembre 1989, FAIS (Sté), LawLex200900003417JBJ, JDI 1991, 158, obs. HUET : la clause attributive de juridiction insérée dans un contrat d'agence commerciale, qui a été suivi par la conclusion d'un contrat de consultation et d'assistance commerciale ayant fait l'objet d'un écrit séparé, ne produit effet qu'à l'égard du contrat d'agence.

CJCE, 10 mars 1992, Powell Duffryn plc c. Wolfgang Petereit, aff. C-214-89, LawLex200600002030JBJ.

CJUE, 24 octobre 2018, Apple Sales International, Apple Inc., Apple retail France (EURL) c. MJA, aff. C-595-17, LawLex201800001585JBJ, ajoutant que l'application d'une clause attributive de juridiction dans le cadre d'une action en dommages et intérêts intentée par un distributeur à l'encontre de son fournisseur sur le fondement de l'article 102 TFUE ne dépend pas du constat préalable d'une infraction au droit de la concurrence par une autorité nationale ou européenne.

CJCE, 20 février 1997, Mainschiffahrts-Genossenschaft c. Les Gravières Rhénanes, aff. C-106-95, LawLex200600002028JBJ, Rev. crit. DIP, 1997, 563, obs. GAUDEMET-TALLON ; JDI, 1997, 625, obs. HUET ; Journ. trib., 1997, 408, obs. MEREU ; Cah. dr. eur., 1999, 190, obs. TAGARAS : Selon la Cour, admettre la solution contraire conduirait à un détournement à la fois de l'article 7, paragraphe 1 - qui vise le lieu d'exécution effective de l'obligation comme critère de compétence en raison de son lien de rattachement direct avec le tribunal auquel elle attribue compétence - et de l'article 25 qui, s'il prévoit une attribution de compétence en faisant abstraction de tout élément objectif de connexité entre le rapport litigieux et le tribunal désigné, exige, précisément pour cette raison, que les conditions de forme strictes qu'il énonce, soient respectées.

CJCE, 24 juin 1986, Rudolf Anterist c. Crédit Lyonnais, aff. 22-85, LawLex200600002411JBJ, Gaz. Pal., 1986, 15, obs. MAURO ; JDI, 1987, 474, obs. HUET ; Rev. crit. DIP, 1987, 136, obs. GAUDEMET-TALLON.

Pour un exemple de clause d'élection de juridiction dérogeant à la compétence spéciale prévue en matière contractuelle à l'article 7, paragraphe 1, V. CJCE, 17 janvier 1980, Siegfried Zelger c. Sebastiano Salinitri, aff. 56-79, LawLex200600002305JBJ, JDI, 1980, 435, obs. HUET ; Rev. crit. DIP, 1980, 387, obs. MEZGER. 

La Cour de cassation considère que la prorogation conventionnelle de compétence est subordonnée à reconnaissance du caractère international de la situation qui s'apprécie, pour des motifs de sécurité juridique, au moment de la conclusion de la clause attributive de juridiction, V. Cass. 1re civ., 4 octobre 2005, Keller Grundbau Gmbh (Sté) c. EDF, LawLex200900003577JBJ, JDI, 2006, 169, obs. JACQUET. 

Cette dérogation au principe de non-application du règlement en cas de domiciliation du défendeur en dehors de l'Union résulte de l'article 6, paragraphe 1, qui prévoit que “si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application de l'article 18, paragraphe 1, de l'article 21, paragraphe 2, et des articles 24 et 25”.

CJCE, 17 juin 1984, Partenreederei MS. Tilly Russ c. NV Haven- & Vervoerbedrijf Nova, aff. 71-83, LawLex200600002409JBJ, Rev. crit. DIP, 1985, 385, obs. GAUDEMET-TALLON ; JDI, 1985, 159, obs. BISCHOFF. 

CJUE, 8 février 2024, Inkreal s.r.o., aff. C-566/22, LawLex202400000895JBJ, qui considère que le litige répond à la définition de la notion de “ litige transfrontalier ”, dès lors que les parties sont établies dans un État membre autre que l’État membre de la juridiction qui a été saisie sur la base de la convention attributive de juridiction en cause.

CJCE, 9 novembre 2000, Coreck Maritime GmbH c. Handelsveem BV e.a., aff. C-387-98, LawLex200600002027JBJ, Rev. crit. DIP, 2001, 359, obs. BERNARD-FERTIER ; JDI, 2001, 701, obs. BISCHOFF.

CJCE, 9 novembre 2000, Coreck Maritime GmbH c. Handelsveem BV e.a., aff. C-387-98, LawLex200600002027JBJ.

Droit européen des affaires

362. Conditions de fond.(1)

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