Le Droit européen des affaires, quatrième tome du Traité de droit économique, montre comment, simultanément, les autorités européennes suppriment les restrictions à l’accès et à l’exercice des activités économiques (libre circulation des marchandises, des personnes et des services, des capitaux) et édifient positivement le marché intérieur, soit en harmonisant les législations internes, soit en édictant de véritables règles unifiées.

Droit européen des affaires

Les instruments de défense commerciale permettent de corriger les effets de distorsion des échanges induits par des pratiques déloyales au niveau international. D'un point de vue politique et économique, la protection contre le commerce déloyal constitue un élément fondamental pour préserver le libre échange, qui est garanti, au plan international, par les accords de l'Organisation mondiale du com …

Instruments de défense commerciale.

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Les instruments de défense commerciale permettent de corriger les effets de distorsion des échanges induits par des pratiques déloyales au niveau international. D'un point de vue politique et économique, la protection contre le commerce déloyal constitue un élément fondamental pour préserver le libre échange, qui est garanti, au plan international, par les accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Au sein de l'Union, les instruments de défense commerciale et d'accès aux marchés ont pour objet la protection des entreprises européennes contre les importations réalisées dans des conditions déloyales. Ils doivent donc tout à la fois servir l'intérêt économique général de l'Union et garantir le respect des règles du commerce international.

En effet, l'article 206 TFUE précise que l'union douanière établie entre les États membres doit contribuer au développement d'un commerce mondial libéré des restrictions aux échanges avec des barrières douanières réduites. Corollaire nécessaire de l'union douanière, la politique commerciale commune, qui constitue l'un des objectifs de l'Union, est fondée, selon l'article 207 TFUE, sur des principes uniformes en matière notamment de modifications tarifaires, d'accords tarifaires et commerciaux, de mesures de libéralisation, de politique d'exportation ou de défense commerciale. Les instruments de défense commerciale regroupent les mesures antidumping, antisubventions et de sauvegarde. 

Les mesures antidumping  constituent l'instrument majeur de défense commerciale de l'industrie de l'Union. Le dumping se caractérise par l'importation de biens dans l'Union européenne à une valeur moindre que leur valeur normale sur leur marché d'origine. Les mesures correctrices prises pour mettre fin au préjudice porté à l'industrie de l'Union prennent la forme de droits perçus sur les produits litigieux afin de rétablir strictement l'équilibre devant résulter d'une concurrence loyale.

Les mesures antidumping et antisubventions ont relevé du même régime  jusqu'en 1995 où la transposition des accords OMC  a donné lieu à l'adoption de deux textes différents : le règlement 384-96 relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de l'Union européenne, codifié par le règlement 1225-2009, abrogé et remplacé par le règlement 2016-1036 du 8 juin 2016  et le règlement 597-2009, abrogé par le règlement 2016-1037 du 8 juin 2016 relatif à la défense contre les importations qui font l'objet de subventions de la part de pays non membre de l'Union européenne .

Des points communs subsistent entre les régimes sur la forme et sur le fond. La définition des produits ou de l'industrie de l'Union, la détermination de l'existence d'un préjudice, demeurent ainsi identiques. Aussi, seules les règles spécifiques aux mesures antidumping feront-elles l'objet d'une étude détaillée. 

Les deux corps de règles se distinguent par le nombre de procédures engagées. Les procédures antidumping sont nettement plus nombreuses que celles antisubventions . Cet écart peut s'expliquer par les difficultés rencontrées pour obtenir des informations précises sur les subventions dispensées par les pays tiers, par le faible niveau des droits compensateurs généralement imposés et, surtout, par la connotation politique des mesures antisubventions parfois comprises, sinon comme une ingérence, du moins comme une critique des décisions internes des pays tiers, susceptibles d'engendrer des représailles à l'encontre des entreprises européennes. La Commission a mené une étude sur l'adaptation des mesures de défense commerciale à une économie mondiale en mutation, marquée notamment par l'émergence de l'Inde et de la Chine . 

Les mesures de sauvegarde, qui se présentent sous la forme de restrictions quantitatives aux importations, de contingents ou de mesures de surveillance, et dont le régime repose sur trois règlements principaux , font rarement l'objet de contentieux.

Un règlement sur les obstacles au commerce (ROC) a également été adopté en 1994 afin de permettre à toute entreprise européenne de signaler à la Commission les barrières commerciales limitant son accès au marché d'un pays tiers . Le texte, abrogé et codifié par le règlement 2015-1843 , vise les biens, les services et les droits de propriété intellectuelle. Depuis 1996, vingt-cinq procédures ROC ont été ouvertes, dont douze ont débouché sur une action satisfaisante, certaines faisant encore l'objet d'un suivi .

Les instruments de défense commerciale, qui doivent permettre de trouver le juste équilibre entre libre échange et commerce loyal, comportent toutefois une part de subjectivité. Les mesures antidumping reposent principalement sur l'intérêt européen. Des mesures ne peuvent être instituées que si elles ne sont pas contraires à l'intérêt général de l'Union. Un tel critère n'est pas requis par l'accord antidumping de l'OMC. Les mesures antisubventions visent les aides accordées à leurs producteurs par des États tiers, qui ont également pour objet de protéger leur industrie nationale. La lutte contre la concurrence déloyale sur les marchés internationaux se heurte ainsi aux mêmes difficultés que celle sur le marché intérieur avec le contrôle des aides d'État, où il est tenu davantage compte des caractéristiques intrinsèques du comportement de l'État que de ses effets anticoncurrentiels .

Avant l'abrogation de la décision 1999-468 du Conseil du 28 juin 1999 fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission  par le règlement 182-2011 du 16 février 2011 établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission  et l'adoption des nouveaux règlements 2016-1036 et 2016-1037, la Commission et le Conseil se partageaient la compétence pour l'adoption des mesures d'exécution en matière de politique commerciale . Désormais, la Commission est seule compétente . Elle reste cependant soumise au contrôle des États membres par l'intermédiaire d'un comité composé de représentants des États de l'Union et met en oeuvre ses pouvoirs selon deux procédures, la procédure consultative ou la procédure d'examen . 

Les textes européens ayant été adoptés pour satisfaire aux obligations internationales de l'Union, les règles fixées par l'OMC influencent assez largement les décisions de la Commission,  qui interprète les règlements de base européens à la lumière des dispositions correspondantes des accords OMC . Le juge européen peut ainsi se fonder expressément sur un article d'un accord OMC lorsque le règlement européen ne contient pas de disposition suffisamment détaillée , ou être saisi afin d'apprécier la légalité des règlements de base au regard des accords OMC. L'autorité européenne peut aussi être amenée à revoir ses conclusions au regard d'une décision non contraignante prise par l'organe de règlement des différends (ORD) de l'OMC dont le panel de décisions constitue un guide utile d'interprétation. Enfin, le législateur européen a parfois complété les lacunes des textes internationaux transposés. Le dispositif anti-contournement prévu par le règlement antidumping, mais absent du Code antidumping de 1994, en constitue un exemple.

Règl. 2016-1036 du 8 juin 2016 relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de l'Union européenne, JO L 176 du 30 juin 2016, 21, qui abroge et remplace Règl. 1225-2009 du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de l'Union européenne, JO L 343 du 30 novembre 2009, 51-73, qui abroge et remplace à droit constant le Règl. 384-96 du Conseil du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de l'Union européenne, JO L 56 du 6 mars 1996, 1-20, qui remplace Règl. 3283/94 du Conseil du 22 décembre 1994, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de l'Union européenne, JO L 349 du 31 décembre 1994, 1, qui remplace Règl. 2423-88 du Conseil du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne, JO L 209 du 2 août 1988, 1, qui remplace Règl. 2176-84 du Conseil du 23 juillet 1984 relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne, JO L 201 du 30 juillet 1984, 1.

Règl. 2423-88 du Conseil du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne, JO L 209 du 2 août 1988, 1, qui remplace Règl. 2176-84 du Conseil du 23 juillet 1984 relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne, JO L 201 du 30 juillet 1984, 1.

V. pour le détail de ces affaires : "Règlement sur les obstacles au commerce : ouvrir les marchés aux exportateurs européens" Commission européenne, Direction générale commerce, avril 2008 (ISBN 978-92-79-07478-3).

Le contrôle des aides d'État apparaît aujourd'hui, soit comme un avatar de la théorie de la concurrence déloyale, soit comme un instrument de politique économique aux mains de la Commission qui substitue ainsi son appréciation dans le domaine des aides à celle des États membres : V. L. VOGEL, Traité de droit économique, T. 1 Droit de la concurrence, LawLex/Bruylant, 2015, nº 356 et s.

En effet, l'article 1er de la décision 1999-468 disposait que " Les compétences d'exécution, à l'exception des cas spécifiques et motivés où l'acte de base réserve au Conseil le droit d'exercer directement certaines d'entre elles, sont conférées à la Commission conformément aux dispositions prévues à cet effet dans l'acte de base [...] ", les anciens règlements antidumping et antisubventions constituant précisément "les actes de base" prévoyant la compétence résiduelle du Conseil. 

Cf. Règl. 182-2011 auquel renvoient les règlements 2016-1036 et 2016-1037 qui ne prévoient plus d'hypothèses de compétence résiduelle d'exécution du Conseil. Le considérant 31 du règlement 2016-1036 précise ainsi que "la mise en œuvre du présent règlement requiert des conditions uniformes pour adopter des droits provisoires et définitifs et pour la clôture d'une enquête sans institution de mesures. Ces mesures devraient être adoptées par la Commission conformément au règlement (UE) n° 182-2011 du Parlement européen et du Conseil".

Il en allait de même du Conseil tant qu'il était compétent en matière d'antidumping.

La Commission indique d'ailleurs clairement sur son site Internet que les règles applicables en matière d'antidumping sont celles du règlement antidumping complétées par celles de l'accord OMC : http://ec.europa.eu/trade/tackling-unfair-trade/trade-defence/anti-dumping/index_en.htm.

V. TPICE, 24 septembre 2008, Reliance Industries Ltd, aff. T-45-06, LawLex200800001555JBJ, où la solution repose sur l'article 11, paragraphe 3, de l'accord antidumping de 1994.

Acte final de l'Uruguay Round de négociations commerciales de 1994. Le premier code antidumping du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) a été signé lors du Kennedy round de 1967.

Règl. 2016-1036 du 8 juin 2016 relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de l'Union européenne, JO L 176 du 30 juin 2016, 21.

 Règl. 2016/1037 du 8 juin 2016 relatif à la défense contre les importations qui font l'objet de subventions de la part de pays non membres de l'Union européenne, JO L 176 du 30 juin 2016, 55, qui abroge et remplace Règl. 597/2009 du 11 juin 2009 relatif à la défense contre les importations qui font l'objet de subventions de la part de pays non membres de la communauté européenne, JO L 188 du 18 juillet 2009, 93, qui abroge et remplace Règl. 2026/97 du 6 octobre 1997, JO L 288 du 21 octobre 1997 1-33, qui remplace Règl. 3284/94 du Conseil du 22 décembre 1994, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet de subventions de la part de pays non membres de l'Union européenne, JO L 349 du 31 décembre 1994, 22, qui remplace Règl. 2423-88 du Conseil du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne, JO L 209 du 2 août 1988, 1, qui remplace Règl. 2176-84 du Conseil du 23 juillet 1984 relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne, JO L 201 du 30 juillet 1984, 1.

134 mesures antidumping à la fin de l'année 2006 contre 12 mesures antisubventions selon le 25e rapport annuel de la Commission au Parlement européen sur les activités antidumping et antisubventions et de sauvegarde de l'Union, et 127 mesures antidumping à la fin de l'année 2007 contre 9 mesures antisubventions selon le 26e rapport annuel. En 2015, dans le 33e rapport annuel, la Commission répertorie 81 mesures antidumping et 13 mesures antisubventions à la fin de l'année 2014.

Livre vert de 2006 : Communic. Comm. CE du 6 décembre 2006, L'Europe, dans le monde, Les instruments de défense commerciale de l'Europe, dans une économie mondiale en mutation, COM(2006) 763 final.

Règl. 2015/478 du 11 mars 2015 relatif au régime commun applicable aux importations, JO L 83 du 27 mars 2015 ; Règl. 2015-1843 du 29 avril 2016 relatif au régime commun applicable aux importations de certains pays tiers, JO L 123 du 19 mai 2015, 33, et abrogeant Règl. 427/2003 du Conseil du 3 mars 2003 ; Règl. 2015-936 du 9 juin 2015 relatif au régime commun applicable aux importations de produits textiles en provenance de certains pays tiers non couverts par des accords, protocoles ou autres arrangements bilatéraux, ou par d'autres régimes d'importation spécifiques de l'Union, JO L 160 du 25 juin 2015, 1, abrogeant Règl. 517/94 du Conseil du 7 mars 1994.

Règl. 3286/94 du Conseil du 22 décembre 1994 arrêtant des procédures européennes en matière de politique commerciale commune en vue d'assurer l'exercice par l'Union des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, en particulier celles instituées sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), JO L 349 du 31 décembre 1994, 71.

Règl. 2015/1843 du 6 octobre 2015 arrêtant des procédures de l’Union en matière de politique commerciale commune en vue d’assurer l’exercice par l’Union des droits qui lui sont conférés par les règles du commerce international, en particulier celles instituées sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), JO L 272 du 16 octobre 2015, 1.

Droit européen des affaires

398. Instruments de défense commerciale.(1)

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