Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit français de la concurrence

La loi EGalim 3  a significativement renforcé les sanctions de l’article L. 441-6 du Code de commerce pour non-respect de l’échéance du 1er mars : l’amende administrative de 75 000 euro pour une personne physique et de 375 000 euro pour une personne morale est remplacée par une amende spécifique de 200 000 euro pour une personne physique et de 1 million d'euro pour une personne morale. 

L’amende administrative est prononcée par la DGCCRF dans les conditions prévues à l’article L. 470-2 du Code de commerce. Selon le juge administratif, cette procédure n'est pas soumise aux dispositions de l'article 6 CEDH dès lors que ni la Direccte, ni son  directeur, compétents pour prendre les mesures de sanction, ne peuvent  être qualifiés de tribunal au sens de ce texte et que la décision de sanction peut faire l'objet d'un recours de plein contentieux . Les dispositions des articles L. 450-1 et L. 470-2 du Code de commerce n'ont pas non plus pour objet d'instaurer une procédure contradictoire pour la constatation des manquements aux règles d'établissement de la convention écrite, qui imposerait aux agents de l'Administration d'auditionner les représentants des entreprises mises en cause . La loi Sapin II du 9 décembre 2016 a renforcé la rigueur du régime des sanctions de l'article L. 470-2 du Code de commerce en supprimant la règle traditionnelle du non-cumul des sanctions. Depuis lors, lorsqu'à l'occasion d'une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l'encontre d'un même auteur pour des manquements en concours, ces sanctions s'exécutent cumulativement. Compte tenu de la multitude des partenaires en amont et en aval de nombreuses entreprises, le déplafonnement des amendes autorise l'infliction de sanctions colossales . Saisi de la difficulté, le Conseil d'Etat a renvoyé au Conseil constitutionnel le grief de non-conformité au principe de nécessité des délits et des peines des dispositions de l'article L. 470-2, V du Code de commerce . Le Conseil a estimé que l'article L. 470-2 ne viole pas le principe de proportionnalité dès lors qu'il n'empêche pas l'autorité qui prononce les sanctions, sous le contrôle du  juge, de tenir compte de la nature des manquements, de leur gravité et de leur répétition pour déterminer le montant de l'amende .

Le non-respect du délai butoir engage-t-il la responsabilité des deux parties ou seulement celle du distributeur ? En règle générale, le juge a tendance à estimer que le fournisseur doit être exonéré de toute responsabilité s'il a communiqué ses CGV dans les délais légaux . Dans une affaire, un distributeur condamné par le juge administratif a cependant saisi le juge de droit commun afin d'obtenir la condamnation du fournisseur à lui rembourser la moitié du montant de l'amende, en qualité de coresponsable du manquement. Sans totalement écarter le principe d'une telle action, le juge civil a estimé que celle-ci devait en l'occurrence être rejetée car le seul fait de ne pas avoir fait de propositions correspondant exactement aux demandes du distributeur ne suffisait pas, en l'absence d'autres éléments, à rendre le fournisseur coresponsable du dépassement du délai butoir de conclusion de la convention écrite .

Au-delà de la sanction administrative, la question s'est posée des conditions auxquelles doit se poursuivre la relation à défaut d'accord, notamment sur les prix, avant le 1er mars . Dans une première affaire, la Cour d'appel de Paris avait créé une situation de blocage, en estimant que dans une telle hypothèse, les parties ne pouvaient être contraintes de vendre, mais ne pouvaient pas davantage rompre les relations commerciales établies . Le Tribunal de commerce de Paris avait plus récemment estimé que les relations devaient se poursuivre pendant une courte période aux conditions de l'année écoulée, pour permettre aux parties de renégocier de manière équilibrée pour tenir compte, le cas échéant, de l'augmentation du coût des matières premières . En période d’inflation, une telle situation s'avérait cependant très favorable aux enseignes de la grande distribution, qui pouvaient continuer à commander pendant plusieurs mois des milliers de produits à l’ancien tarif alors que les fournisseurs étaient confrontés à la hausse du coût des matières premières notamment agricoles et/ou à la hausse de leurs coûts de production. 

La loi EGalim 3  a tenté d'apporter des solutions à ces difficultés. Désormais, l’article L. 441-4, IV du Code de commerce prévoit que la négociation de la convention écrite doit être conduite de bonne foi, conformément à l’article 1104 du Code civil. Elle sanctionne l'inexécution de cette obligation par une nouvelle pratique restrictive de concurrence, introduite à l’article L. 442-1, I, 5° du Code de commerce en vertu de laquelle engage la responsabilité de son auteur le fait de “ne pas avoir mené de bonne foi les négociations commerciales conformément à l’article L. 441-4, ayant eu pour conséquence de ne pas aboutir à la conclusion d’un contrat dans le respect de la date butoir prévue à l’article L. 441-3”. Par ailleurs, la loi EGalim 3 renforce significativement les sanctions de l’article L. 441-6 du Code de commerce pour non-respect de l’échéance du 1er mars prévue : l’amende administrative de 75 000 euro pour une personne physique et de 375 000 euro pour une personne morale est remplacée par une amende spécifique de 200 000 euro pour une personne physique et de 1 million d'euro pour une personne morale. Outre ces ajustements, l’article 9 de la loi EGalim 3 a aussi mis en place, à titre expérimental pour une durée de trois ans, un dispositif visant à remédier à l’échec des négociations. 

En cas de désaccord, le fournisseur pourra choisir soit d’interrompre ses livraisons jusqu’à la signature, même tardive, d’une convention unique, soit de réclamer au distributeur qu’il applique un préavis de rupture conforme au II de l’article L. 442-1 du Code de commerce, étant précisé que dans ce dernier cas, le distributeur ne pourra pas invoquer les dispositions relatives à la rupture brutale de relations commerciales établies. Le texte précise par ailleurs que les parties doivent se mettre d’accord sur les conditions applicables pendant la durée du préavis, qui doivent notamment tenir compte “des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties”, et qu’elles peuvent faire appel au médiateur des relations commerciales agricoles ou au médiateur des entreprises afin de conclure sous son égide un accord avant le 1er avril.

Un certain nombre de zones d’ombre demeurent néanmoins. Quel prix sera appliqué concrètement le temps que les parties parviennent à un accord ? La question se pose dans l’éventualité où les parties parviendraient finalement à trouver un accord, avec ou sans l’aide d’un médiateur, et donc au 1er avril ou ultérieurement, pour la période allant jusqu’au 1er avril ou jusqu’à ce qu’elles soient parvenues à un accord. Il ne serait pas logique qu’il s’agisse du prix de l’année précédente puisque l’esprit et le texte de la loi militent plutôt en faveur d’un prix tenant compte des nouvelles conditions économiques en vigueur sur le marché en cause. De même, dans l’hypothèse où le fournisseur aurait fait le choix de demander l’application d’un préavis conforme au II de l’article L. 442-1 du Code de commerce, qui peut dans les faits s’avérer très long, et que le fournisseur et le distributeur ne sont finalement pas parvenus à trouver un accord, comment le fournisseur pourra-t-il obtenir réparation de son préjudice, qui correspond à la différence entre le prix appliqué le temps que les parties parviennent à un accord et le prix qui serait finalement issu de l’accord des parties et qui aurait dû s’appliquer rétroactivement pour toutes les commandes passées postérieurement au 1er mars ?

L. 2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, JO 31 mars 2023, également dite “loi Descrozaille”.

TA Melun, 6 octobre 2023, LawLex202300012495JBJ ; CAA Paris,13 décembre 2024, LawLex202400009768JBJ.

T. com. Paris, 2 février 2022, LawLex202200000854JBJ, LD mars 2022, 6, obs. VERTUT ; LEDICO mars 2022, 4, obs. L. et J. VOGEL.

L. 2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, JO 31 mars 2023.

CAA Paris,13 décembre 2024, LawLex202400009768JBJ.

V. Communiqué de presse du ministère de l'Economie du 11 février 2020, sanctionnant trois enseignes de la grande distribution au titre du non-respect du délai butoir du 1er mars pour la signature de la convention écrite par des amendes de 2,931 millions d'euro (pour 157 retards), 1,140 million d'euro (pour 140 retards - amende confirmée par TA Melun, 6 octobre 2023, LawLex202300012495JBJ) et 211 000 euro (pour 31 retards). Selon le ministère, le montant des sanctions a été proportionné au nombre et à l’importance des retards, ainsi qu’au chiffre d’affaires prévisionnel concerné. - V. égal., TA Paris, 7 novembre 2023, LawLex202300013346JBJ, Concurrences 1/2024, 104, obs. FOURGOUX ; LD, décembre 2023, 10, obs. SILLY, estimant que le prononcé de 61 amendes d'un montant total de 19,2 millions d'euro pour sanctionner des manquements distincts ne présente pas de caractère disproportionné ; CAA Paris,13 décembre 2024, LawLex202400009768JBJ, infligeant 6,34 millions d'euro d'amende pour 21 manquements à l'obligation de conclure la convention avant le 1er mars par une centrale d’achat européenne détenue conjointement par un distributeur français et un groupe allemand.

Cons. d'Et., 29 décembre 2021, LawLex202200000023JBJ, LEDICO février 2022, 4, obs. MARTIN ; RJDA 2022, n° 173.

Cons. constit., décision n° 2021-984 QPC du 25 mars 2022, LawLex202200001775JBJ, Gaz. Pal. 26 avril 2022, 17, obs. DUBOIS ; RJDA 2022, n° 370 ; LD avril 2022, 1, obs. CHAUDOUET ; LEDICO mai 2022, 3, obs. BEHAR-TOUCHAIS ; Contrats Conc. Consom. 2022, n° 101, obs. MALAURIE-VIGNAL ; RJ com. 2022/5, 415, obs. BUGNOT.

Versailles, 21 décembre 2023, LawLex202400000077JBJ, soulignant en outre que le distributeur était au total poursuivi pour 149 autres infractions impliquant d'autres fournisseurs.

Aix-en-Provence, 28 mai 2020, LawLex202000000469JBJ, Concurrences 2020/4, 149, obs. BUY, retenant que l'absence de convention écrite ne pouvait être sanctionnée par la suppression des réductions de prix usuellement convenues entre les parties.

Paris, 26 novembre 2020, LawLex202100000902JBJ, LD févr. 2021, 7, obs. VERTUT.

Sanctions.

V. BÉHAR-TOUCHAIS, De la fausse coopération commerciale à la fausse facture pénalement sanctionnée, RLC, 2007/11, 36 ; VERTUT, Les négociations d'avantages financiers arrière dans la tourmente, RLDA, 2007/12, 47 ; GRALL et BUSSONNIERE, Les sanctions administratives en droit de la transparence tarifaire et des pratiques restrictives : premier bilan et perspectives, RLC 2016/53, n° 3031 ; VOGEL (L.), Les sanctions administratives en droit de la concurrence : efficientes ou équitables ?, in Entre tradition et modernité : le droit pénal en contrepoint, Mélanges en l'honneur d'Yves Mayaud, Dalloz, 2017, 703.

150. Sanctions.