Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit français de la concurrence

La notion d'infraction complexe ne renvoie pas à une nouvelle forme d'infraction, mais à un régime offrant des facilités procédurales permettant d'appréhender ensemble, dès lors qu'ils s'inscrivent dans un plan d'ensemble visant un objectif unique, des comportements illicites complexes que les qualifications d'accords ou de pratiques concertées classiques ne permettent pas toujours d'apprécier à leur juste mesure . Ainsi, des comportements successifs, accomplis de manière durable, et organisés, dans une finalité commune, constituent un seul et même comportement anticoncurrentiel , indépendamment du degré de participation individuelle de chaque entreprise . Différents comportements doivent ainsi être considérés comme faisant partie d’un plan global lorsqu'ils poursuivent un objectif identique, concernent les mêmes produits et sont adoptés par le même noyau dur d'entreprises qui a participé à toutes les composantes de l'infraction . Seule l'existence d'un but commun est requise  : il est inutile de démontrer la complémentarité des pratiques . L'absence de certains opérateurs à certaines réunions, le non-respect de l'entente , les rivalités, voire les tricheries , n'empêchent pas de constater leur égale implication dans une infraction globale : les entreprises sont responsables du fait d'autrui. Le degré, variable, de participation à l'entente n'est pris en considération qu'au stade de la sanction . Néanmoins, des entreprises arrivées tardivement dans le cercle des réunions anticoncurrentielles, à un moment où les discussions en cause présentaient un caractère quasi public, à plus forte raison lorsque celles-ci ne les concernaient que très marginalement, ne peuvent être considérées comme ayant participé à une infraction complexe . De même, la participation d'une entreprise à une entente ne peut être déduite de preuves qui n'établissent que des rencontres bilatérales impropres à démontrer sa connaissance des autres volets de l'infraction . La réalité d'un plan d'ensemble anticoncurrentiel ne peut pas non plus être déduite de la seule existence de prises de position et d'intérêts convergents entre les différents acteurs, alors que les pratiques en cause, au caractère disparate, ne présentent pas de liens d'identité et de complémentarité suffisants pour permettre de les regarder comme les composantes d'une infraction complexe . Dans tous les cas, lorsque l'objectif et les modalités des pratiques poursuivies diffèrent, que sur le plan temporel, il n'y a pas de continuité ou de complémentarité entre ces séries de pratiques et que celles-ci sont mises en oeuvre dans un contexte juridique et économique différent, elles ne caractérisent pas une infraction unique, complexe et continue . 

L'infraction est unique lorsqu'en dépit d'une période de suspension, les pratiques ont repris selon des modalités similaires . La suspension de la participation d'une entreprise aux réunions anticoncurrentielles pendant dix-neuf mois ne remet pas en cause la possibilité de lui imputer une infraction complexe et continue, dès lors qu'elle démontre ultérieurement son adhésion à celle-ci en assistant à de nouvelles réunions qui poursuivent le même objectif et donnent lieu à des échanges d'informations de même nature entre les mêmes entreprises . Par ailleurs, la seule surveillance instituée par les parties à l'entente suffit à établir la continuité de leur participation à l'infraction au cours des deux années écoulées entre deux réunions, même si aucun acte matériel d'exécution n'est observé, dès lors qu'un pacte de non-agression n'exige pas la tenue de rencontres régulières . Le caractère unique de l’infraction sur l’ensemble de la période, avant et après la suspension des pratiques, se déduit de l’identité à la fois des modalités de mise en œuvre, des participants, des personnes physiques participant aux échanges, des objectifs des pratiques, des produits concernés et du champ géographique concerné .

L'infraction est continue lorsque les différents éléments qui la composent se sont succédés dans le temps et que les effets d'invitations au boycott ont perduré tant que leurs auteurs ne les ont pas remises en cause . Il est indifférent que certains des éléments de l'infraction aient cessé lorsque d'autres n'ont pas connu d'interruptions significatives . De fait, après une dernière réunion, la persistance de l'objectif commun peut se manifester sous d'autres formes, telles que l'exercice de pressions sur les francs-tireurs ou des prises de contacts en vue d'enrayer des chutes de prix . De même, la seule baisse d'intensité d'une entente n'entraîne pas son extinction lorsqu'elle ne résulte pas d'une distanciation des entreprises participantes, mais de circonstances extérieures à leur volonté . L'Autorité de la concurrence a récemment importé en droit français la notion d'infraction répétée, développée par le juge de l'Union : une entente qui a connu une période d'interruption de près d'un an et demi peut être qualifiée d'infraction unique et répétée lorsque, avant et après la suspension, elle se caractérise par une identité des modalités de mise en oeuvre, de participants, de produits concernés et de champ géographique .

Pour établir la participation d'une entreprise à une entente globale, impliquant d'autres entreprises que celles avec laquelle elle s'est directement concertée, la Cour de cassation exige, à l'instar de la Cour de justice , que soit apportée la preuve qu'elle a entendu contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l'ensemble des participants et avait connaissance des comportements matériels envisagés ou mis en œuvre par ces autres participants dans la poursuite des mêmes objectifs ou pouvait raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque . Ainsi, l'entreprise qui n'a pas eu connaissance de l'étendue exacte des contacts auxquels elle n'était pas partie ne peut être tenue responsable que des pratiques pour lesquelles sa participation est établie .  De même, la participation d'une entreprise qui a présenté une demande de clémence à l'Autorité n'est retenue que pour la période antérieure à cette demande . Toutefois, l'Autorité considère que la circonstance que certaines entreprises n’ont participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant une infraction unique et continue ne peut être prise en considération que pour apprécier l’étendue de leur participation individuelle à cette infraction et ne saurait être de nature à remettre en cause la qualification juridique de cette infraction . Lorsque l'un des participants s'est distancié publiquement d'une grande partie des pratiques en cause, l'Autorité peut ni retenir sa responsabilité que pour les pratiques pour lesquelles il n'a pas exprimé son désaccord tout en tenant compte de son rôle particulier . Une infraction complexe peut cohabiter avec une entente ponctuelle . 

Paris, 7 mars 2024, LawLex202400002244JBJ.

Décision Aut. conc. n° 16-D-02 du 27 janvier 2016, LawLex201600000204JBJ, Concurrences, 2/2016, 102, obs. CHONÉ-GRIMALDI ; Concurrences, 2/2016, 179, obs. LEMAIRE et CARDONNEL, selon laquelle des pratiques de répartition de marchés entre les mêmes entreprises, couvrant le même champ géographique et renouvelées régulièrement pendant trois ans sans interruption ne constituent pas des actes isolés mais une infraction continue ; n° 17-D-20 du 18 octobre 2017, LawLex201700001688JBJ, Concurrences 2018/1, 84, obs. DEBROUX, des pratiques qui poursuivent un objectif anticoncurrentiel unique, matérialisé dans un plan d'ensemble, visant à réduire drastiquement, voire à supprimer totalement, l'incertitude de comportement sur le marché français de la fabrication et de la commercialisation des produits en cause, à rendre ce marché transparent et à stabiliser les situations respectives des trois principaux fabricants du secteur, caractérisent une entente unique, complexe et continue.

Paris, 13 décembre 2018, LawLex201800001973JBJ, LEDICO janvier 2019, 5, obs. DIENY ; LPA 15 mars 2019, 9, obs. ARHEL.

Décision Aut. conc. n° 21-D-01 du 14 janvier 2021, LawLex202100000083JBJ.

Décision Aut. conc. n° 23-D-08 du 7 septembre 2023, LawLex202300011225JBJ.

Décision Aut. conc. n° 11-D-17 du 8 décembre 2011, LawLex201100001914JBJ, confirmé par Paris, 30 janvier 2014, LawLex201400000145JBJ, Contrats Conc. Consom. 2014, n° 98, obs. DECOCQ ; RTD com. 2014, 79, obs. CLAUDEL ; Décision Aut. conc. n° 14-D-19 du 18 décembre 2014, LawLex201500001522JBJ, RLC 2015, n° 2731, obs. SÉLINSKY ; Concurrences, 2/2015, 88, obs. DEBROUX et MOYRAND ; Concurrences 2/2015, 162, obs. LACRESSE et NAUDIN ; Paris, 15 mars 2018, LawLex201800000551JBJ, Contrats Conc. Consom. 2018, n° 96, obs. DECOCQ ; LPA 7 août 2018, 8, obs. ARHEL ; Concurrences, 2018, 88, obs. BERNARDEAU et THOMAS.

Paris, 27 octobre 2016, LawLex201600001790JBJ, Concurrences 1/2017, 94, obs. THOMAS ; Concurrences 1/2017, 190, obs. LACRESSE ; LPA 14 mars 2017, 9, obs. ARHEL.

Cass. com., 8 novembre 2016, LawLex201600001827JBJ, Contrats Conc. Consom. 2017, n° 18, obs. DECOCQ ; Concurrences 1/2017, 92, obs. CHONÉ-GRIMALDI ; LPA 10 avril 2017, 10, obs. ARHEL ; 4 octobre 2017, LawLex201700001637JBJ.

Décision Aut. conc. n° 24-D-06 du 21 mai 2024, LawLex202400004018JBJ.

Décision Aut. conc. n° 20-D-17 du 12 novembre 2020, LawLex202000003089JBJ.

Décision Aut. conc. n° 12-D-08 du 6 mars 2012, LawLex201200000340JBJ.

Paris, 20 novembre 2014, LawLex201400001321JBJ, RLC 2015, n° 2673, obs. SELINSKY ; LPA 27 mars 2015, 6, obs. ARHEL ; Contrats Conc. Consom. 2015, n° 39, obs. DECOCQ ; Décision Aut. conc. n° 19-D-24 du 17 décembre 2019, LawLex201900001582JBJ, préc. : l'absence de réunions multilatérales entre concurrents pendant 21 mois ne remet pas en cause la qualification de pratique continue, dès lors que des réunions bilatérales et contacts divers ont eu lieu au cours de cette période.

V. not. TPICE, 14 mai 1998, aff. T-295-94, LawLex200200003707JBJ ; et pour la première fois en droit français, Paris, 30 janvier 2007, LawLex200700000162JBJ. - V. égal., Paris, 3 décembre 2020, LawLex202000003475JBJ.

Paris, 15 mars 2018, LawLex201800000551JBJ, Contrats Conc. Consom. 2018, n° 96, obs. DECOCQ ; LPA 7 août 2018, 8, obs. ARHEL ; Concurrences, 2018, 88, obs. BERNARDEAU et THOMAS.

Décision Aut. conc. n° 18-D-24 du 5 décembre 2018, LawLex201800001876JBJ, LEDICO janvier 2019, 5, obs. CHONÉ-GRIMALDI ; RLC 2019, n° 3511, obs. TRIFOUNOVITCH et n° 3527, obs. DUMARÇAY.

CJCE, 8 juillet 1999, aff. C-49-92 P, LawLex200200003634JBJ ; 7 janvier 2004, aff. C-204-00P, C-205-00P, C-211-00P, C-213-00P, C-217-00P, C-219-00P, LawLex200400000024JBJ.

Cass. com., 9 octobre 2007, LawLex200700001581JBJ, Contrats Conc. Consom., 2007, n° 304, obs. DECOCQ.

Décision Aut. conc. n° 14-D-19 du 18 décembre 2014, LawLex201500001522JBJ, préc.

Décision Aut. conc. n° 21-D-09 du 24 mars 2021, LawLex202100000854JBJ, qui souligne que la participation aux échanges d'informations postérieure à la demande de clémence était autorisée par l'Autorité dont les services d'instruction recevaient les informations recueillies par l'entreprise.

Paris, 1er juillet 2021, LawLex202100004330JBJ.

V. Paris, 30 janvier 2007, LawLex200700000162JBJ, qui retient la participation d'une entreprise à une entente ponctuelle, distincte de l'infraction complexe, compte tenu de son intégration tardive au système litigieux, de sa participation à sa cessation un an plus tard et probablement du fait qu'il en a été auparavant la cible directe.

Décision Aut. conc. n° 16-D-09 du 12 mai 2016, LawLex201600000933JBJ, Concurrences 2016/3, 65, obs. BERNARDEAU ; Paris, 3 décembre 2020, LawLex202000003475JBJ, pratiques qui, bien que mises en oeuvre dans des zones géographiques distinctes, présentent des liens d'identité forte quant aux produits, aux entreprises qui y ont pris part, à leur nature et à leur objet ; n° 22-D-08 du 3 mars 2022, LawLex202200001261JBJ, qui rappelle que l'existence d'un plan d'ensemble peut être déduit de l'identité des services concernés, des modalités concrètes de mise en oeuvre, des sociétés qui ont pris part aux pratiques litigieuses, des personnes physiques représentant ces entreprises ou encore du champ d'application des pratiques en cause.

Décision Aut. conc. n° 18-D-15 du 26 juillet 2018, LawLex201800001198JBJ, LEDICO octobre 2018, 5, obs. DIENY ; Concurrences, 2018/4, 111, obs. DEBROUX.

Décision Aut. conc. n° 14-D-19 du 18 décembre 2014, LawLex201500001522JBJ, préc. - V. cep. Paris, 1er juillet 2021, LawLex202100004330JBJ qui retient non seulement la similitude, mais aussi la complémentarité de chacun des pratiques en cause.

Paris, 15 mars 2018, LawLex201800000551JBJ, Contrats Conc. Consom. 2018, n° 96, obs. DECOCQ ; LPA 7 août 2018, 8, obs. ARHEL ; Concurrences, 2018, 88, obs. BERNARDEAU et THOMAS, retenant que le fait que les mesures décidées en commun n'aient pas été complètement appliquées par un membre de l'entente ne suffit pas à l'exonérer de toute responsabilité, à plus forte raison lorsqu'il n'a jamais fait connaître aux autres entreprises en cause qu'il entendait mettre un terme à sa participation

Décision Aut. conc. n° 19-D-24 du 17 décembre 2019, LawLex201900001582JBJ, LD janvier 2020, 8, obs. BIANCONE : le fait qu'une entreprise membre de l'entente ait gagné des parts de marché sur ses concurrents au cours de la période infractionnelle ne traduit pas une distanciation de sa part.

Décision Aut. conc. n° 19-D-24 du 17 décembre 2019, LawLex201900001582JBJ, préc. : l'allégation de certaines entreprises qui prétendent n'avoir eu de contacts avec des concurrents que de manière épisodique après la fixation du plan d'ensemble est sans influence sur l'existence même de ce plan fixé en commun.

Décision Aut. conc. n° 15-D-08 du 5 mai 2015, LawLex201500000562JBJ.

326. Infraction complexe.