Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit français de la concurrence

Les entreprises ont un droit légitime à la protection de leurs secrets d'affaires . Aussi, le rapporteur général a-t-il le pouvoir de refuser la communication de pièces mettant en jeu le secret des affaires, et de ne mettre à la disposition des parties qu'une version non confidentielle et un résumé des pièces ou éléments en cause, sauf si la consultation de ces documents est nécessaire à l'exercic …

Secrets d'affaires.

V. BOUTARD-LABARDE, Le secret d’affaires devant le Conseil de la concurrence : une surprenante exigence, Gaz. Pal., 1er, 2, 3 et 4 janvier 1992 ; GENESTE, Le secret d’affaires en droit communautaire et en droit français de la concurrence, D. Aff., 1997, 1271 et 1309 ; POTOCKI, Brèves observations sur la protection des secrets d’affaires dans l’ordonnance du 1er décembre 1986, Gaz. Pal., 12-13 février 1997 ; LEMAIRE, La protection du secret des affaires devant le Conseil de la concurrence, JCP E, 2006, 1161 ; HERPE, Protection du secret des affaires : la proposition de loi du 23 janvier 2012 sur la violation du secret des affaires est-elle un progrès ?, JCP E, 2012, 173 ; LENOIR, La consécration d'un nouveau contentieux autonome des décisions de l'Autorité de la concurrence en matière de levée des secrets d'affaires, RLDA 2015, n° 5630 ; DECOCQ et des YLOUSES, Le secret des affaires et le droit des ententes anticoncurrentielles, JCP, E, 2016, n° 1456 ; BOSCO, Les recours contre les décisions du rapporteur général quant au secret des affaires incombent à la Cour d’appel de Paris, Contrats Conc. Consom., janvier 2017, étude, 20 ; d'ALES et SICSIC, Secret des affaires : un nouvel arsenal législatif pour une protection renforcée, JCP E, 2018, n° 1444 ; CARTERET, Le nouveau régime de protection du secret d'affaires (ou secret des affaires), RLDA 2018, n° 6533 ; PIEDELIEVRE, La loi du 30 juillet 2018 sur le secret des affaires, Gaz. Pal. 9 octobre 2018, 13 ; RUY, Protection des secrets d'affaires, sujet en mouvement, RLC 2020, n° 3852.

Les entreprises ont un droit légitime à la protection de leurs secrets d'affaires . Aussi, le rapporteur général a-t-il le pouvoir de refuser la communication de pièces mettant en jeu le secret des affaires, et de ne mettre à la disposition des parties qu'une version non confidentielle et un résumé des pièces ou éléments en cause, sauf si la consultation de ces documents est nécessaire à l'exercice des droits de la défense d'une partie mise en cause . Seule la partie mise en cause peut demander la communication ou la consultation de la version confidentielle d'une pièce qu'elle estime nécessaire à sa défense . 

Les décisions par lesquelles le rapporteur général refusait la communication ou la consultation de pièces ou éléments couverts par le secret des affaires ne pouvaient, en vertu de l'article R. 464-29 du Code de commerce, faire l'objet d'un recours que dans le cadre de l'appel formé contre la décision au fond. Saisi de l'hypothèse dans laquelle le rapporteur refuse la protection du secret des affaires ou lève cette protection, le Conseil d'État a estimé qu'eu égard à l'ampleur et au caractère potentiellement irréversible des effets de telles décisions, le seul recours contre la décision au fond de l'Autorité de la concurrence offert par l'article R. 464-29, portait atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif et s'est reconnu compétent pour connaître de la difficulté, en l'absence de disposition législative expresse attribuant la contestation à la juridiction judiciaire. Il a par ailleurs enjoint au Premier ministre d'abroger les dispositions de l'article R. 464-29 “en tant que cet article vise les décisions par lesquelles le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence refuse la protection du secret des affaires ou accorde la levée de ce secret” . Saisie ultérieurement de la question, la Cour européenne des droits de l'Homme a confirmé l'inconventionnalité de l'absence de recours effectif contre les décisions du rapporteur général adjoint de refuser ou de lever le secret des affaires . À une abrogation pure et simple, le Gouvernement avait préféré une modification du texte par le décret 2015-521 du 11 mai 2015, qui réservait explicitement le recours au fond aux décisions accordant la protection du secret des affaires ou refusant sa levée, les recours contre les décisions refusant la protection du secret des affaires ou levant celui-ci relevant implicitement de la compétence du Conseil d'État. 

Afin d'unifier le contentieux relatif à la protection du secret des affaires et le réserver à l'ordre judiciaire, la loi du 18 novembre 2016, dite loi Justice du XXIe siècle , est revenue sur ces solutions. Elle insère un nouvel article L. 464-8-1 aux termes duquel les décisions prises par le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence de refuser la protection du secret des affaires ou de lever la protection accordée peuvent faire l'objet d'un recours en réformation ou en annulation devant le premier président de la Cour d'appel de Paris . Le Tribunal des conflits est ultérieurement intervenu pour préciser que la compétence du premier président s'étend à la demande tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Autorité de la concurrence de solliciter d'une société à laquelle ont été communiqués, à l'appui d'une notification de griefs, des éléments ayant fait l'objet de décisions du rapporteur général de l'Autorité de lever la protection au titre du secret des affaires, de détruire ou restituer les documents litigieux et de s'abstenir de toute nouvelle communication d'éléments protégés par ce secret . Un décret 2017-823 du 5 mai 2017, entré en vigueur le 8 mai, organise la procédure applicable à ce recours, ainsi qu'aux éventuelles demandes de sursis à exécution. En vertu du nouvel article R. 464-24-1 du Code de commerce, celui-ci est formé, instruit et jugé non pas en application du Code de procédure civile, mais des dispositions spéciales introduites par le décret. Le recours doit être formé dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence, et porté devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué par voie d'assignation à une audience préalablement indiquée par ce dernier. A peine de nullité, l'assignation contient l'objet du recours avec un exposé des moyens ainsi qu'une copie de la décision attaquée . A peine de caducité du recours relevée d'office, l'assignation doit être délivrée au rapporteur général ainsi que, le cas échéant, à la partie mise en cause ayant demandé au rapporteur général l'accès à la version confidentielle d'une pièce qu'elle estime nécessaire à l'exercice de ses droits, dans le délai fixé par l'ordonnance du premier président ou de son délégué. Sous la même sanction, une copie de l'assignation doit être déposée en triple exemplaire au greffe de la cour d'appel au plus tard dans les cinq jours qui suivent celui de sa signification. Le premier président de la Cour d'appel de Paris ou son délégué doit statuer dans le mois du recours . 

En principe, le délai de recours et le recours exercé dans ce délai à l'encontre de la décision du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence qui refuse la protection du secret des affaires ou lève la protection accordée ne sont pas suspensifs. Néanmoins, le premier président de la Cour d'appel de Paris ou son délégué peut ordonner qu'il soit sursis à exécution de la décision si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives . La demande doit être portée par voie d'assignation selon les modalités du second alinéa de l'article 485 du Code de procédure civile et, à peine de nullité, celle-ci doit contenir l'exposé des moyens invoqués à l'appui de la demande de sursis et préciser la date à laquelle a été formé le recours contre la décision dont le sursis à exécution est demandé . En vertu de l'article R. 464-24-7, l'assignation doit à peine de caducité de la demande relevée d'office, être délivrée au rapporteur général de l'Autorité de la concurrence ainsi que, le cas échéant, à la partie mise en cause qui lui a demandé l'accès à la version confidentielle d'une pièce qu'elle estime nécessaire à l'exercice de ses droits . Enfin, un pourvoi en cassation peut être formé dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'ordonnance du premier président ou de son délégué. Il sera instruit et jugé selon les règles applicables à la procédure avec représentation obligatoire sous réserve des délais de remise et de notification des mémoires prévus aux articles 978 et 982 du Code de procédure civile qui sont réduits à un mois .

L'effet utile des décisions de secret des affaires rendues à l'occasion de la phase d'instruction du dossier doit être préservé durant les débats oraux qui se déroulent devant le collège de l'Autorité de la concurrence. Le principe de la contradiction n'impose pas, à ce stade de la procédure, que la partie saisissante puisse assister aux débats au cours desquels des informations protégées seront évoquées . Les  décisions de protection du secret d'affaires poursuivent ensuite leurs effets devant le collège, au stade de l'adoption et de la rédaction de la décision, jusqu'à sa publication . Bien que toute partie qui divulguerait des informations concernant une autre partie ou un tiers, dont elle a eu connaissance à la suite des communications ou consultations, s'expose à une peine d'un an d'emprisonnement et à 15 000 euro d'amende , la protection des secrets d'affaires demeure limitée dans la mesure où elle ne concerne pas les pièces dont la communication ou la consultation est nécessaire à la procédure ou à l'exercice des droits de la défense des parties . En outre, la Cour de cassation estime que le déclassement de pièces confidentielles n'expose pas l'entreprise en cause à un risque de divulgation d'informations relevant du secret des affaires, lorsque l'instruction ne concerne que celle-ci, en l'absence de sociétés tierces parties à la procédure . L'Autorité de la concurrence considère également qu'un refus de protection de pièces au titre du secret des affaires  apparaît justifié lorsque celles-ci ont été rendues accessibles à toutes  les parties dans le cadre de la procédure pénale menée en parallèle de la procédure de concurrence . La divulgation d'informations couvertes par le secret des affaires n'est sanctionnée que par le versement éventuel d'une indemnité en réparation du préjudice direct et certain subi par les entreprises concernées, et non par la nullité de la procédure , à moins que l'entreprise n'établisse que la divulgation de ses secrets d'affaires a porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense, en l'empêchant de répondre efficacement aux griefs . Les droits de la défense des entreprises n'ont en outre pas été considérés comme affectés par les atermoiements de l'Autorité qui a hésité quant au classement ou au déclassement de documents couverts par le secret d'affaires dès lors qu'elles ont disposé de deux reports de délais pour examiner ces pièces et présenter des observations . Toutefois, la Cour de cassation exige que la décision du rapporteur général qui lève la protection du secret des affaires sur certaines pièces soit dûment motivée et établisse en quoi il est nécessaire, pour les besoins du débat devant l'Autorité, qui dispose elle-même de la version confidentielle des informations communiquées par l'entreprise en cause, que d'autres parties à la procédure, dont la partie saisissante, puissent prendre connaissance de ces informations . Une  décision de déclassement de documents couverts par le secret des  affaires doit par conséquent être annulée pour insuffisance de motivation lorsqu'elle se contente d'indiquer que les éléments dont une entreprise demande la protection sont susceptibles d'être utilisés dans l'analyse du caractère anticoncurrentiel d'une pratique, sans donner d'explication circonstanciée sur la nécessité de les rendre accessibles à l'ensemble des parties . A contrario, le collège de l'Autorité de la concurrence peut estimer que l'intérêt  public s'attachant à la publication de la motivation de sa décision justifie la levée partielle de la protection du secret des affaires  précédemment accordée par le rapporteur général, à condition d'en avoir  préalablement informé les parties afin de recueillir leurs observations et de motiver sa décision . Peut justifier une levée de la protection à l'occasion de la publication de la décision, le fait que classement ait été effectué six ans auparavant et les informations en cause, anciennes et dénuées de caractère stratégique, ne remplissent plus les critères de l'article L. 151-1 du  Code de commerce, tout en étant nécessaires à la bonne compréhension de  la décision .

Pour une définition de la notion de “secret d'affaires”, V. Dir. 2016-943 du 8 juin 2016, sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites, JOUE L 157 du 15.6.2016, 1, transposée en droit français par la loi 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires, JO 31 juillet 2018. - Selon l'art. L. 151-1 C. com., issu de la loi de transposition, constitue un secret d'affaires “toute information répondant aux critères suivants : 1° Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ; 2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; 3° Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret”.

Cass. com., 4 octobre 2016, LawLex201600001615JBJ, Concurrences 1/2017, 187, obs. LEMAIRE et CARDONNEL ; Contrats Conc. Consom. 2017, n° 41, obs. DECOCQ.

Paris, 16 juin 2022, LawLex202200003126JBJ, Concurrences 4/2022, 131, obs. LEMAIRE et FLORENT ; Procédures 2023, Chron. 4, n° 19, obs. LEROY, MAZET, SERRANO, soulignant notamment que l'Autorité de la concurrence ne peut publier in extenso une décision contenant les informations protégées par le secret des affaires.

Pour un ex., Décision Cons. conc. nº 98-MC-16 du 18 décembre 1998, LawLex200200002477JBJ ; nº 09-D-05 du 2 février 2009, LawLex200900000179JBJ, Concurrences, 2/2009, 104 à 106, obs. NICOLAS-VULLIERME ; Concurrences, 2/2009, 184, 185 et 186, obs. MAITREPIERRE, selon lequel la boîte de messagerie partiellement utile au dossier doit être traitée comme un document unique.

Cass. com., 29 janvier 2020, LawLex202000000162JBJ.

Décision Aut. conc. n° 24-D-09 du 29 octobre 2024, LawLex202400009005JBJ.

Paris, 24 juin 2014, LawLex201400002156JBJ, Concurrences 4/2014, 143, obs. WACHSMANN, approuvée par Cass. com., 19 janvier 2016, LawLex201600000193JBJ, LD février 2016, 7, obs. BONNET-DESPLAN ; Contrats Conc. Consom. 2016, n° 70, obs. BOSCO ; AJCA 2016, 159, obs. HICHERI ; RLC 2016, n° 2957, obs. DIENY ; LPA 8/9 septembre 2016, 13, obs. ARHEL. - V. égal., Cass. com., 4 octobre 2016, LawLex201600001615JBJ, Concurrences 1/2017, 187, obs. LEMAIRE et CARDONNEL ; Contrats Conc. Consom. 2017, n° 41, obs. DECOCQ. - V. encore, Paris, 30 septembre 2021, LawLex202100005460JBJ, excluant cette possibilité pour la partie saisissante.

Décision Cons. conc. nº 07-D-50 du 20 décembre 2007, LawLex200700002024JBJ, Contrats Conc. Consom., 2008, n° 39, obs. MALAURIE-VIGNAL ; Concurences, 1/2008, 108, obs. CLAUDEL ; Concurrences, 1/2008, 172 et 175, obs. LEMAIRE ; RDC, 2008, 791, obs. IDOT et PRIETO ; Concurrences, 2/2009, 107, obs. NICOLAS-VULLIERME ; RJDA 2008, n° 328 ; Décision Aut. conc. n° 21-D-01 du 14 janvier 2021, LawLex202100000083JBJ, LD févr. 2021, 9, obs. BIANCONE.

Paris, 23 février 2012, LawLex201200000316JBJ, Europe 2012, n° 169, obs. IDOT ; Contrats Conc. Consom. 2012, n° 104, obs. BOSCO ; RDC 2012, 858, obs. IDOT ; RTD eur. 2012, 454, obs. IDOT et BLAISE.

Cass. com., 29 janvier 2020, LawLex202000000163JBJ, Contrats, Conc. Consom. 2020, n° 72, obs. BOSCO ; Concurrences 2/2020, 162, obs. LEMAIRE et FLORENT.

Cass. com., 20 décembre 2023, LawLex202300014902JBJ, Contrats Conc. Consom. 2024, n° 31, obs. BOSCO ; RJDA 2024, n° 184.

Paris, 12 décembre 2024, LawLex202400009720JBJ.

Cons. d'Ét., 10 octobre 2014, LawLex201400001045JBJ, LPA 26 janvier 2015, 9, obs. ARHEL ; RLC 2015, n° 2714, obs. LENOIR ; AJCA 2014, 387, obs. LUC ; Contrats Conc. Consom. 2015, n° 18, obs. DECOCQ ; RJDA 2014, n° 940.

Cour EDH, 5 novembre 2020, LawLex202000003076JBJ.

L. 2016-1547 du 18 novembre 2016, JO 19 novembre 2016.

V. cep., sur la persistance des conflits de compétence, Cons. d'Et., 22 décembre 2023, LawLex202400000103JBJ, RJDA 2024, n° 65.

T. confl., 22 avril 2024, LawLex202400003327JBJ, Contrats Conc. Consom. 2024, n° 100, obs. BOSCO ; RJDA 2024, n° 487 ; LEDICO juin 2024, 2, obs. BIZET.

Droit français de la concurrence

514. Secrets d'affaires.(1)

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Les notions juridiques connexes

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