Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit français de la concurrence

La décision de l'Autorité de la concurrence infligeant une sanction pécuniaire doit être motivée. Elle doit préciser les éléments propres à déterminer le montant de la sanction , et donc indiquer le chiffre d'affaires servant de référence . Lorsqu'elle classe les entreprises en plusieurs catégories pour la détermination des amendes, la motivation de l'Autorité doit leur permettre de comprendre sur quels critères elle s'est fondée pour constituer ces catégories . Le seul fait que la décision de l'Autorité ne consacre qu'un faible nombre de paragraphes à la détermination du montant de l'amende ne traduit pas une insuffisance de motivation, lorsqu'il s'agit d'une affaire d'obstruction, au sujet de laquelle il n'existe pas de lignes directrices pour le calcul du forfait applicable, et que la décision indique l'ensemble des éléments qui ont permis de proportionner la sanction au regard des  critères légaux .

Pour évaluer le caractère proportionnel de la sanction, les autorités de contrôle se livrent à une analyse multicritères  qui tient compte, notamment de la gravité des faits dénoncés, du degré d'implication de l'entreprise concernée et de l'incidence de l'entente sur le marché, de la situation financière de cette dernière ainsi que sa dimension. L'Autorité de la concurrence ne porte pas atteinte au principe de proportionnalité du seul fait qu'elle ne modifie pas la sanction à la suite de l'annulation d'un grief, dès lors que cette annulation n'a aucune incidence sur le nombre, la nature anticoncurrentielle ou la gravité des faits retenus . Il lui est par ailleurs loisible d'infliger une seule sanction au titre de plusieurs infractions, nonobstant leur différence de durée et de gravité ou les dommages qui en résultent, compte tenu de l'identité ou de la connexité des secteurs ou des marchés en cause et de l'objet général des pratiques . En revanche, elle ne peut sans violer le principe de proportionnalité, appliquer le même taux de majoration du montant de l'amende à deux entreprises du fait de leur appartenance à des groupes de sociétés lorsque la taille et la puissance économique de ceux-ci ne sont pas comparables . De même, l'Autorité doit réduire le taux de la valeur des ventes retenu lorsqu'une partie de la période infractionnelle a été marquée par une réglementation des prix qui a pu justifier la fixation commune des prix entre entreprises concurrentes .

Par ailleurs, l’article L. 464-2 du Code de commerce prévoit que les sanctions pécuniaires sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. L'exigence d’individualisation implique notamment que seules les difficultés  rencontrées individuellement par les entreprises en cause soient prises en considération dans le calcul de la sanction , et non celles subies par tous les opérateurs du secteur, comme les conséquences de la crise sanitaire . De même, elle empêche une entreprise, qui conteste le montant de la sanction qui lui a été infligée, de se référer à la pratique décisionnelle antérieure de  l'Autorité de la concurrence   ou aux sanctions imposées aux autres entreprises impliquées dans l'infraction . A l'inverse, le principe d'individualisation interdit à l'Autorité d'appliquer, sauf circonstances exceptionnelles, un taux d'amende uniforme à toutes les entreprises participantes . 

L'Autorité de la concurrence est également tenue, dans le calcul de l'amende, au respect du principe d’égalité de traitement, qui requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. L'Autorité ne peut, en vertu de ce principe, appliquer une majoration d’amende à une entreprise au titre de son appartenance à un groupe puissant qui représente le double de celle qu'elle a infligée dans la même décision à une autre entreprise aux caractéristiques similaires . En revanche, ce principe n'implique pas que l’Autorité applique à toutes les sociétés mères successives d’une société poursuivie pour des pratiques anticoncurrentielles, la présomption d’influence déterminante d’une société mère à l’égard de sa  filiale à raison de la détention de la quasi-totalité de son capital, dès lors qu'il s’agit d'une simple faculté laissée à son appréciation . Il n'impose pas non plus à l'Autorité de la concurrence d'aligner l'amende infligée à une entreprise qui n'a pas transigé sur le montant de la transaction conclue par les autres participants à l'infraction avec le ministre . De même, elle peut sanctionner différemment la filiale  d'une société qui ne connaît pas de difficultés contributives et des sociétés détenues par des  personnes physiques et qui agissent de manière indépendante sur le marché, dès lors qu'elles ne se trouvent pas dans une situation comparable . En outre, le respect du principe d'égalité de traitement doit se concilier avec celui du principe de légalité selon lequel nul ne peut invoquer, à son  profit, une illégalité commise en faveur d'autrui . Enfin, la différence entre le mode de calcul de l’abattement octroyé par la cour d'appel aux entreprises qui ont obtenu l’annulation de la décision de l’Autorité de la concurrence et celui retenu par l’Autorité et maintenu par l’arrêt à l’égard des entreprises qui n’ont formé qu’une  demande de réformation de la décision, sans contester le taux d’abattement retenu, ne caractérise pas une violation du principe d’égalité de traitement dès lors qu'elle résulte de choix procéduraux distincts selon les entreprises qui les ont placées dans des situations non comparables et qui s’imposent au juge . 

Cass. com., 10 mars 1992, LawLex200200003237JBJ.

Paris, 17 janvier 1991, LawLex200200002639JBJ ; 22 avril 1992, LawLex200200002878JBJ. - Comp., Paris, 21 décembre 2023, LawLex202300014903JBJ, retenant que dans le cadre spécifique de l'infraction d'obstruction, l'absence de référence au chiffre d'affaires retenu ne caractérise pas une insuffisance de motivation dès lors que l'Autorité de la concurrence dispose d'une marge d'appréciation dans la détermination du montant de l'amende forfaitaire, à condition de respecter le plafond de 1 % fixé  par l'article L. 464-2, V du Code de commerce.

Paris, 16 novembre 2023, LawLex202300013688JBJ, préc.

Paris, 21 décembre 2023, LawLex202300014903JBJ.

Paris, 4 février 2003, LawLex200300001167JBJ ; Cass. com., 9 juin 2015, LawLex201500000757JBJ.

Décision Cons. conc. n° 08-D-06 du 2 avril 2008, LawLex200800000357JBJ, Concurrences 2/2009, 103, obs. DEBROUX ; RLDA 2008, n° 1636, obs. ANADON ; Contrats Conc. Consom. 2008, n° 164, obs. DECOCQ ; RLC 2008, n° 1261, obs. DESCHAMPS et MARTY ; Paris, 26 janvier 2012, LawLex201200000135JBJ, Europe 2012, n° 123 et RDC 2012, 863, obs. IDOT ; Contrats Conc. Consom 2012, n° 100, obs. DECOCQ ; RLC 2012, n° 2027, obs. DUMARÇAY ; Ibid., n° 2057, obs. BARBIER de La SERRE ; RTD eur. 2012, 454, obs. IDOT et BLAISE ; LPA 23 novembre 2012, 4, obs. ARHEL.

Paris, 7 mars 2024, LawLex202400002244JBJ.

Paris, 3 décembre 2020, LawLex202000003475JBJ, LPA 18 mai 2021, 8, obs. ARHEL ; Concurrences 1/2021, 120, obs. DEBROUX.

Paris, 20 décembre 2018, LawLex201800001990JBJ, LEDICO février 2019, 6, obs. DIENY ; Concurrences 2019/2, 75, obs. DEBROUX.

Paris, 6 mai 2021, LawLex202100002550JBJ.

Paris, 4 juillet 2019, LawLex201900000898JBJ, Contrats Conc. Consom. 2019, n° 163, obs. DECOCQ ; Concurrences 4/2019, 91, obs. CHONE-GRIMALDI ; LPA 3 janvier 2020, 8, obs. ARHEL.

Cass. com., 24 juin 2020, LawLex202000001638JBJ, Concurrences 2020/4, 124, obs.THOMAS ; LEDICO septembre 2020, 4, obs. CELAYA

Paris, 19 juillet 2018, LawLex201800001111JBJ, LEDICO septembre 2018, 7, obs. DIENY ; LPA 9 novembre 2018, 7, obs. ARHEL ; Contrats Conc. Consom. 2018, n° 195, obs. DECOCQ ; Concurrences, 2018/4, 108, obs. CHONE-GRIMALDI.

Décision Cons. conc. nº 92-D-22 du 17 mars 1992, LawLex200200002443JBJ, BOCC, 24 avril 1992 ; Paris, 25 janvier 1994, LawLex200200002863JBJ, D., 1994, I.R., 46 ; 25 mars, 1997, LawLex200200002642JBJ ; Cass. com., 4 juin 1996, LawLex200200003030JBJ, BOCC, 27 juillet 1996 ; D., 1996, I.R., 158, rappelant le caractère légal de ces critères.

Cass. com., 12 juillet 2011, LawLex201100001270JBJ, Contrats Conc. Consom. 2011, n° 244, obs. DECOCQ ; LPA 8 juin 2012, 10, obs. ARHEL ; RJDA 2011, n° 962.

Décision Aut. conc. nº 12-D-25 du 18 décembre 2012, LawLex201200002471JBJ ; Cass. com., 22 novembre 2016, LawLex201600001914JBJ ; Paris, 16 novembre 2023, LawLex202300013688JBJ, Concurrences 1/2024, 74, obs. CHONE-GRIMALDI ; Concurrences 1/2024, 149, obs. LEMAIRE et VATIN ; JCP E 2024, n° 1073, obs. DECOCQ, des YLOUSES, DIENY, JAUNET, PRUNET, de LANZAC, LOUVARIS.

Paris, 15 mars 2018, LawLex201800000551JBJ, Contrats Conc. Consom. 2018, n° 96, obs. DECOCQ ; LPA 7 août 2018, 8, obs. ARHEL ; Concurrences, 2018, 88, obs. BERNARDEAU et THOMAS.

Cass. com. 29 mars 2011, LawLex201100000708JBJ, Gaz. Pal. 16-17 septembre 2011, 36, obs. PHILIPPE et TRABUCCHI (sous la dir.) ; RJDA 2011, n° 841.

Principes.

V. DORANDEU, Retour sur la notion de dommage à l'économie, RLC, 2010/25, 77.

540. Principes.