Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit français de la concurrence

Le recours devant la Cour d'appel de Paris n'ayant pas d'effet suspensif, la décision de l'Autorité de la concurrence est immédiatement exécutoire. Toutefois, le premier président de la cour peut ordonner le sursis à exécution de la décision si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou si des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité sont intervenus postérieurement à sa notification . La demande est portée par voie d'assignation devant le premier président de la cour d'appel selon les modalités de l'article 485, alinéa 2 du Code de procédure civile (audience à heure indiquée, même les jours fériés ou chômés). L'assignation comprend, à peine de nullité, les mentions prescrites pour les actes de commissaire de justice (notamment : date ; nom, prénoms, domicile, nationalité et date de naissance du requérant personne physique ; forme, dénomination, siège social et représentant légal du requérant personne morale), et l'exposé des moyens invoqués à l'appui de la demande. Elle précise également la date à laquelle a été formé le recours contre la décision dont le sursis à exécution est demandé . Depuis le décret 2017-823 du 5 mai 2017, l'assignation doit, à peine de caducité prononcée d'office, être délivrée à l'Autorité de la concurrence et au ministre de l'Économie . En revanche, le demandeur au sursis à exécution d'une décision de l'Autorité de la concurrence n'est pas tenu d'attraire l'entreprise plaignante à la cause , de sorte que l'intervention volontaire de cette dernière à la procédure est irrecevable .

Le sursis à exécution peut être demandé uniquement contre une décision prononçant une injonction ou une sanction pécuniaire en application de l'article L. 464-2 . La demande ne peut conduire la cour à apprécier la légalité de l'application, par l'Autorité de la concurrence, de règles de fond telles que l'imputabilité de la sanction à la société mère . L'obtention du sursis est subordonnée à la condition que la sanction soit de nature à altérer de manière grave et durable, sinon irréversible, le fonctionnement de l'entreprise et de compromettre de la sorte le maintien de l'emploi . Ainsi, le sursis à exécution, qui peut n'être que partiel, a été accordé eu égard à l'insuffisance des facultés contributives, de la trésorerie et des avoirs mobilisables d'une entreprise pour payer l'amende sans mettre en péril sa survie , pour laisser à une entreprise le temps nécessaire à l'organisation et l'aménagement d'une nouvelle politique commerciale de ses produits sans risques majeurs, définitifs et irréversibles de désordre  ou pour ne pas menacer la continuité de l'exploitation de l'entreprise sanctionnée dont l'activité est déficitaire depuis plusieurs années, qui a dû fermer une usine, réduire de moitié ses effectifs, qui est inscrite à la Banque de France à la suite d'incidents de paiements de lettres de change, qui a des difficultés à honorer les fournisseurs et à obtenir rapidement le remboursement des comptes-courants débiteurs de filiales elles-mêmes en difficulté, l'entreprise ne devant sa survie qu'aux avances répétées et significatives consenties par sa société mère . Il en va également ainsi lorsque le montant de la sanction pécuniaire représente plus de 70 % du produit annuel de l'association en cause, déjà confrontée à des difficultés  économiques ayant entraîné des refus de prêts par sa banque, et dont le  paiement serait susceptible d'entraîner le départ de ses adhérents, au risque de mettre en péril son existence . Le sursis à exécution s'impose également lorsque le respect des injonctions de l'Autorité de la concurrence obligerait le fabricant à réorganiser profondément sa distribution et lui ferait encourir des coûts et investissements conséquents, avec des incidences non négligeables sur l'ensemble du réseau en Europe . La publication d'une décision de l'Autorité a été notamment différée afin d'éviter, en cas d'annulation ou de réformation, une confusion dans les rapports juridiques entre opérateurs du secteur en cause . 

L'entreprise requérante doit apporter la preuve des conséquences manifestement excessives qu'elle invoque . De simples allégations sont insuffisantes : l'entreprise doit faire la démonstration concrète et chiffrée des excès évidents qu'entraînerait de manière effective l'exécution des injonctions . Tel n'est pas le cas lorsqu'une société à la situation financière solide prétend que le paiement de l'amende compromettra de manière irréversible son développement en retardant les opérations d'achat ou de relooking de ses points de vente . Toutefois, l'entreprise qui n'a pas fait état de difficultés financières au cours de la procédure qui a donné lieu au prononcé de l'amende ne renonce pas pour autant à présenter une demande ultérieure de sursis à exécution .  En outre, l'entreprise requérante au sursis à exécution n'a pas, pour justifier que celle-ci est  porteuse de conséquences manifestement excessives, à établir qu'elle a déposé une demande d'échelonnement de paiement auprès du comptable public . Les conséquences excessives susceptibles de résulter de l'application de la sanction pécuniaire doivent être appréciées au regard du chiffre d'affaires consolidé, lorsque l'entreprise condamnée appartient à un groupe de sociétés . Plus généralement, l'appartenance de la personne morale sanctionnée à un groupe de sociétés constitue un élément dont le juge doit tenir compte pour apprécier si l'exécution immédiate de la décision est susceptible, dans les circonstances de l'espèce, d'entraîner des conséquences manifestement excessives . Cependant, dès lors qu'il n'y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas, la Cour d'appel de Paris a souligné que les “conséquences manifestement excessives” visées à l’article L. 464-8 ne doivent pas nécessairement présenter un caractère strictement financier : un préjudice d'image peut en lui-même justifier un sursis à exécution . Le sursis pouvait également s'imposer en cas d'irrégularité grave de procédure. Il en allait ainsi lorsque le caractère indéterminé de l'injonction faite aux parties quant aux attentes précises de l'Autorité de la concurrence et l'insécurité juridique que celui-ci faisait peser sur ses destinataires, était de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives . En revanche, l'absence de prise en considération des facultés contributives de l'entreprise par l'Autorité de la concurrence ne pouvait être assimilée à une irrégularité grave de procédure susceptible de justifier le sursis à  exécution de la décision . Plus récemment, la Cour d'appel de Paris a pris ses distances avec ces solutions : elle estime aujourd'hui que ni le caractère prétendument excessif ou exorbitant de la sanction pécuniaire prononcée, ni d'éventuelles irrégularités procédurales manifestes, dont l'appréciation relève des attributions du juge du fond, ne sont susceptibles d'entraîner des “conséquences manifestement excessives” .

La condition relative aux faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité - autre hypothèse visée par l'article L. 464-8 - est strictement interprétée par la jurisprudence. Il doit s'agir d'un fait totalement imprévisible et propre à l'entreprise concernée . Ne constituent pas des faits d'une exceptionnelle gravité la détérioration de la trésorerie due à une évolution des caractéristiques du secteur d'activité de l'entreprise , ni la durée imprévisible de la procédure et l'incertitude de son dénouement . En revanche, l'aggravation, du fait de la crise de Covid-19, de la situation financière déjà dégradée de l'entreprise demanderesse au sursis à exécution, a été considérée comme un fait nouveau d'une exceptionnelle gravité, justifiant le sursis à exécution de la décision .

Paris, 23 septembre 2008, LawLex200800002219JBJ, RLC, 2009/18, nº 1313, obs. CHEYNEL. - V. égal., Paris, 26 juin 2012, LawLex201200000970JBJ et LawLex201200000953JBJ, estimant que le règlement immédiat des sanctions pécuniaires est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives lorsqu'il expose l’entreprise à entrer en cessation des paiements.

Paris, 24 juillet 2024, LawLex202400005577JBJ.

Paris, 23 janvier 2019, LawLex201900000085JBJ, Contrats Conc. Consom. 2019, n° 52, obs. DECOCQ ; LD février 2019, 8, obs. BIANCONE.

Paris, 17 mai 1991, LawLex200200002587JBJ, BOCC, 30 mai 1991, 148.

Paris, 24 février 1995, LawLex200200002586JBJ, BOCC, 6 avril 1995, 95 : pièces comptables incontestables et vérifiées ; 26 juin 1996, BOCC, 20 août 1996, 407 : lettre de la banque retirant des crédits de trésorerie ou refusant tout cautionnement.

Paris, 9 octobre 1990, LawLex200200002719JBJ, insuffisance de la simple allégation de médiocres résultats financiers et de la proximité de la date d'examen du recours ; 24 février 1993, LawLex200200002790JBJ, la seule impossibilité matérielle de faire cesser une pratique commerciale contestée ne suffit pas à justifier le prononcé du sursis à exécution.

Paris, 27 janvier 2011, LawLex201100000090JBJ.

Paris, 3 juillet 2012, LawLex201200001843JBJ.

Paris, 13 novembre 2012, LawLex201200002379JBJ.

Avant le décret, l'article R. 464-24 sanctionnait le non-respect de cette formalité par l'irrecevabilité de la demande. Le texte prévoyait également une délivrance de l'assignation à toutes les parties en cause devant l'Autorité de la concurrence, supprimée par le décret.

Cass. com., 22 octobre 2013, LawLex201300001529JBJ.

Paris, 16 octobre 2019, LawLex201900001224JBJ.

Paris, 1er juillet 2020, LawLex202000001690JBJ, LawLex202000001695JBJ, LawLex202000001696JBJ, LawLex202000001697JBJ, LawLex202000001718JBJ, préc.

Paris, 26 juin 2012, LawLex201200000953JBJ, préc.

Paris, 3 avril 2001, LawLex200200002389JBJ, rejetant le sursis à exécution reposant sur un moyen déjà soulevé dans le mémoire déposé devant l'Autorité.

Paris, 26 juin 1996, LawLex200200002766JBJ ; BOCC, 20 août 1996, 407.

Paris, 24 février 1995, LawLex200200002586JBJ ; BOCC, 6 avril 1995, 95.

Paris, 1er juillet 2020, LawLex202000001690JBJ, préc.

Paris, 1er juillet 2020, LawLex202000001690JBJ, LawLex202000001695JBJ, LawLex202000001696JBJ, LawLex202000001697JBJ, LawLex202000001718JBJ, LPA 25 février 2021, 9, obs. ARHEL.

Paris, 6 mars 1991, LawLex200200003378JBJ ; Gaz. Pal., 1991, 2, 520, BOCC, 13 mars 1991, excluant le sursis à exécution de la sanction pécuniaire prononcée pour non-respect d'une injonction. Aj. : Paris, 4 mars 2009, LawLex201000000470JBJ, prononçant un sursis à exécution de la décision ordonnant la publication dans des journaux généralistes d'un résumé prêtant à confusion sur l'identité des sociétés condamnées et l'étendue de la condamnation.

Paris, 22 janvier 2020, LawLex202000000100JBJ.

Paris, 20 décembre 1990, LawLex200200002589JBJ ; BOCC, 29 décembre 1990, 447, Contrats Conc. Consom., 1991, nº 60, obs. VOGEL. - Adde : Paris, 3 juillet 2012, LawLex201200001843JBJ, qui estime qu'une sanction pécuniaire, qui représente près de 40 % du chiffre d'affaires de l'entreprise et près de huit fois ses fonds propres alors que son résultat net est déficitaire, ne peut être maintenue qu'à hauteur d'un cinquième de son montant, sous peine d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Paris, 20 décembre 1990, LawLex200200002589JBJ ; 24 février 1995, LawLex200200002586JBJ, BOCC, 6 avril 1995, 95 ; Paris, 26 juin 1996, LawLex200200002588JBJ, BOCC, 20 août 1996, 407 ; Paris, 9 août 2002, LawLex200200006235JBJ, pour un cas où le paiement de la sanction était susceptible d'entraîner le dépôt de bilan de l'entreprise et d'avoir des répercussions externes dans le bassin d'emploi concerné.

Paris, 11 août 1987, D., 1987, I.R., 196, RJ com., 1988, 58, note GALLET ; 8 mars 1990, LawLex200200001882JBJ, Gaz. Pal., 1991, 1, 36, note MARCHI.

Sursis à exécution.

V. BENZONI, L’efficacité répressive des décisions en matière concurrentielle : une approche économique, Rev. Conc. Consom., novembre 2000, 22 ; FRISON-ROCHE, L’efficacité des décisions en matière de concurrence : notion, critères, typologie, Rev. Conc. Consom., novembre 2000, 7 ; HUBERT, L’efficacité préventive des décisions en matière d’ententes, Rev. Conc. Consom., novembre 2000, 13 ; IDOT, L’efficacité des décisions dans l’espace, Rev. Conc. Consom., novembre 2000, 29.

556. Sursis à exécution.