Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit français de la concurrence

L'Autorité de la concurrence dispose d'un pouvoir de décision strictement défini par les articles L. 462-6 et L. 464-2 du Code de commerce. Elle est investie du pouvoir de prononcer des mesures conservatoires, des injonctions, ou des sanctions pécuniaires, mais n'a pas compétence pour indemniser les victimes de pratiques anticoncurrentielles, ou prononcer la nullité d'accords contraires aux articles L. 420-1 ou L. 420-2 du Code de commerce. La victime de pratiques anticoncurrentielles qui souhaite obtenir réparation du préjudice subi devra saisir les juridictions de l'ordre judiciaire pour être indemnisée ou obtenir l'annulation de la convention . Une spécialisation des juridictions au profit de huit  tribunaux judiciaires  et tribunaux de commerce a été instituée pour l'application du droit de la concurrence (art. L. 420-7 et R. 420-3 C. com.) , de même que pour les pratiques restrictives de l'article L. 442-6 du Code de commerce (art. L. 442-6, III, D. 442-3 et D. 442-6 C. com.). Ces règles de compétence impératives s'appliquent même en matière de référé . Ainsi, un juge incompétent au fond pour connaître de pratiques anticoncurrentielles et restrictives de concurrence ne peut être saisi sur requête pour ordonner des mesures d'instruction visant à établir la preuve de telles pratiques . En revanche, les règles de compétence cèdent devant une clause d'arbitrage . La Cour d'appel de Paris est seule compétente pour connaître des appels contre les jugements de ces juridictions spécialisées . La fin de non-recevoir   fondée sur l'article L. 420-7 du Code de commerce peut être soulevée même lorsque les règles afférentes aux pratiques anticoncurrentielles sont invoquées comme simple moyen de défense  ou à titre accessoire . D'ordre public, cette fin de non-recevoir d'ordre public peut être soulevée d'office par la Cour d'appel de Paris, même si les parties au litige s'y opposent .

En matière de pratiques restrictives, où la spécialisation des juridictions est également de rigueur, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel la compétence de la Cour d'appel de Paris est limitée aux recours exercés contre les jugements rendus par des juridictions spécialisées . La  Cour d'appel de Paris est donc seule compétente, conformément aux articles L. 420-7 et R. 420-5 du Code de commerce, pour connaître des appels formés contre les décisions rendues par les juridictions spécialisées en matière de pratiques anticoncurrentielles, que celles-ci aient été  rendues au fond ou par le président du tribunal saisi d'une requête aux fins de mesures d'instruction in futurum fondées sur l'existence de pratiques concertées . Lorsque des juridictions de première instance non spécialisées se sont prononcées, la compétence pour connaître des recours exercés contre ces jugements revient aux cours d'appel de leur ressort, qui devront cependant relever d'office l'excès de pouvoir commis par le juge de première instance et annuler sa décision, en statuant, le cas échéant, sur les prétentions fondées sur d'autres textes. Cette jurisprudence, en vertu de laquelle l'inobservation des règles de spécialisation des juridictions était sanctionnée par une fin de non-recevoir  qui devait être relevée d'office, a été transposée aux règles de spécialisation en matière de pratiques anticoncurrentielles . Mais cette solution, relativement complexe, a entraîné de nouveaux effets pervers : les plaideurs s'étant trompés de juridiction se heurtaient souvent à ce que certaines de leurs demandes ne puissent être examinées, en raison soit de l'intervention de la prescription, soit de l'expiration du délai de recours. En matière de pratiques restrictives, la Cour de cassation est finalement revenue sur sa position et estime aujourd'hui que les textes qui désignent les juridictions spécialisées instituent une  règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir .  Nul doute que la solution sera rapidement transposée au contentieux des pratiques anticoncurrentielles.

Une clause attributive de juridiction ne s'applique pas à un litige fondé sur les articles L. 420-1 ou L. 420-2, en raison du caractère d'ordre public que revêt l'attribution de compétence aux tribunaux spécialisés prévue par l'article L. 420-7 du Code de commerce . Dans les relations internationales, en revanche, la Cour de cassation a estimé qu'une clause attributive de juridiction dérogeant aux règles de compétence fixées aux articles [7 et 8 du règlement 1215/2012] pouvait s'appliquer à un différend relatif à la responsabilité encourue du fait d'une infraction au droit de la concurrence, mais à la condition qu'elle se réfère expressément aux pratiques anticoncurrentielles . Après avoir interrogé la Cour de justice sur ce point , la Haute juridiction a ultérieurement limité la portée de cette condition aux ententes : en matière d'abus de position dominante, la clause s'applique même si elle ne se réfère pas à la responsabilité encourue du fait d'une infraction au droit de la concurrence . En effet, à la différence du comportement anticoncurrentiel visé aux articles 101 TFUE ou L. 420-1 du Code commerce - qui n’est en principe pas directement lié à la relation contractuelle entre un membre de l’entente et un tiers à l'égard duquel l’entente produit ses effets -, un abus peut se matérialiser dans les relations contractuelles qu’une entreprise dominante noue au moyen et à travers ses conditions contractuelles. Le comportement anticoncurrentiel, plus prévisible dans les rapports directement entretenus par les parties au contrat contenant la clause attributive de concurrence, a donc moins besoin d'être visé par celle-ci en cas d'abus. La Cour d'appel de Paris adopte une approche plus nuancée : selon elle, l'applicabilité de la clause est fonction non de la nature du comportement allégué (entente ou abus de position dominante), mais du lien entre ce comportement et le contrat qui contient la clause attributive de compétence. Ainsi, lorsqu'une partie demande la nullité de la décision de rompre que lui a notifiée son cocontractant, au motif que celle-ci se fonde sur un article des conditions générales qui serait contraire aux règles de concurrence, il y a lieu de constater que les pratiques dénoncées ne sont pas manifestement étrangères au rapport contractuel dans le cadre duquel la clause attributive de compétence a été conclue et que celle-ci est donc applicable .

En l'absence de clause d'élection de for dans des relations internationales, la victime d'un abus de position dominante peut saisir à son choix la juridiction du lieu où demeure l'un des défendeurs, pour autant que ce  défendeur soit un défendeur sérieux, ou la juridiction du lieu de l'événement causal ou celui de la matérialisation du dommage causé par  les comportements fautifs allégués, sans qu'aucune priorité ne doive  être donnée à l'une ou l'autre de ces options. Le lieu de matérialisation du dommage est celui du ou des marchés affectés par les actes anticoncurrentiels, où la victime prétend avoir subi un préjudice initial constitué, selon les cas, par des surcoûts ou  des pertes de vente, et non celui où ont pu être mesurées les  conséquences financières des agissements critiqués. Le marché affecté par un abus de position dominante qui engendre une baisse de trafic sur les sites internet exploités par le demandeur à l'action et qui se traduit notamment par une perte de  contrats, doit être considéré comme étant celui de l'Etat membre sur lequel la victime développe et exploite les moteurs de  comparaison de prix et enregistre le trafic de ses sites, et non celui de l'Etat membre auquel les sites sont destinés .

A côté des juridictions civiles ou commerciales, les juridictions administratives jugent les actions en responsabilité relevant de leur compétence . Enfin, les juridictions pénales compétentes au titre du délit de participation frauduleuse, personnelle et déterminante à une entente ou un abus de domination peuvent également connaître des actions civiles liées à ces délits. En pratique, l'essentiel de la jurisprudence concerne cependant les actions en responsabilité devant la juridiction commerciale.

V. Paris, 28 janvier 1997, LawLex200200003398JBJ ; Cass. com., 17 juillet 2001, LawLex200200003369JBJ. - Adde : Cass. com., 17 juillet 2001, LawLex200200000095JBJ, soulignant que le juge judiciaire n'est pas lié par les constatations de l'Autorité de la concurrence pour statuer sur la demande de dommages-intérêts présentée dans la même affaire.

Annexe 4-2 : Marseille, Bordeaux, Lille, Fort-de-France, Lyon, Nancy, Paris, Rennes.

Amiens, 22 janvier 2015, LawLex201500000171JBJ ; Montpellier, 27 septembre 2016, LawLex201600001581JBJ. -  Contra : V. Grenoble, 26 janvier 2015, LawLex201500000168JBJ.

Paris, 19 décembre 2018, LawLex201900002084JBJ, LEDICO février 2019, 6, obs. CELAYA ; LD janvier 2019, 5, obs. VERTUT ; LPA 15 mars 2019, 11, obs. ARHEL.

Cass. com., 29 mars 2017, LawLex201700000597JBJ, LawLex201700000598JBJ et LawLex201700000621JBJ, JCP G, 2017, n° 498, obs. BÉHAR-TOUCHAIS ; JCP E, 2017, n° 1238, obs. LOIR ; AJ Contrat 2017, 217, obs. RUY ; LD avril 2017, 1, obs. MOULY-GUILLEMAUD ; D. 2017, 1075, obs. TRÉARD ; Contrats Conc. Consom. 2017, n° 98, obs. MATHEY ; Concurrences 2/2017, 120, obs. MITCHELL ; RJDA 2017, n° 437. - V. a contrario, Cass. com., 14 octobre 2020, LawLex202000002655JBJ, Contrats Conc. Consom. 2020, n° 174, obs. MATHEY, soulignant que la Cour d'appel de Paris n'est pas compétente pour statuer sur le recours exercé contre l'ordonnance du juge des référés de Lille lorsque celle-ci n'est fondée que sur les dispositions de l'article 145 du Code de  procédure civile et les stipulations du contrat liant les parties et ne vise aucunement celles de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Bordeaux, 28 février 2023, LawLex202300003080JBJ.

Aix-en-Provence, 19 mai 2022, LawLex202200002619JBJ.

Cass. com., 18 octobre 2017, LawLex201700001682JBJ ; 10 juillet 2018, LawLex201800001104JBJ, Procédures 2018, n° 282, obs. STRICKLER ; D. 2018, 2171, obs. AMARO ; D. 2018, 2443, obs. LE BRAS ; RJDA 2018, n° 775. - V. égal. Paris, 3 octobre 2019, LawLex201900001175JBJ.

Cass. com., 18 octobre 2023, LawLex202300012489JBJ, LD novembre 2023, 1, obs. MOULY-GUILLEMAUD ; JCP G 2024, n° 17, obs. MATHEY ; JCP E 2024, n° 1004, obs. BIZET ; Gaz. Pal. 31 octobre 2023, 35, obs. BERLAUD ; Contrats Conc. Consom. 2023, n° 187 et 192, obs. MATHEY ; LEDICO novembre 2023, 1, obs. BIZET ; D. 2023, 2271, obs. BELLINO ; LPA décembre 2023, 66, obs. NIN, DUVILLE, AIGNELOT ; RJDA 2024, n° 52 ; JCP E 2024, n° 1065, obs. DECOCQ, des YLOUSES, FERLA, DUMARCAY, BALLOT-LÉNA ; Concurrences 1/2024, 108, obs. BUY ; RDC 2024/1, 72, obs. AMARO.

Versailles, 31 mars 2011, LawLex201100000773JBJ ; Nancy, 25 janvier 2012, LawLex201200000209JBJ ; 4 février 2015, LawLex201500000209JBJ ; T. com. Versailles, 16 décembre 2016, LawLex201700000052JBJ.

Cass. 1re civ., 7 octobre 2015, LawLex201500001216JBJ, JCP G, 2015, act. 1123, obs. MAILHÉ ; Gaz. Pal. 11/14 novembre 2015, 19, obs. DUPOIRIER et BOUVARD ; LPA 24 novembre 2015, 8, obs. LEGRAND ; Contrats Conc. Consom. 2015, n° 287, obs. DECOCQ ; JCP G 2015, n° 1322, obs. IDOT ; D. 2015, 2620, obs. JAULT-SESEKE ; JCP, E, 2016, n° 1087, obs. ANCEL et MARION. - V., sur renvoi, Versailles, 25 octobre 2016, LawLex201700000244JBJ, Procédures, 2017, n° 7, obs. NOURISSAT.

CJUE, 24 octobre 2018, aff. C-595-17, LawLex201800001585JBJ, D. 2018, 2338, obs. GAUDEMET-TALLON ;  Europe 2018, n° 496, obs. IDOT ; AJ Contrat 2019, 31, obs. PARLEANI ; LD novembre 2018, 3, obs. LECLERC ; LEDICO décembre 2018, 6, obs. L. et J. VOGEL ; Contrats Conc. Consom. 2019, n° 11, obs. BOSCO ; RJ com. 2019, 49, obs. DECOCQ ; RJDA 2019, n° 66.

Pour une application, V. Paris, 26 janvier 2016, LawLex201600000224JBJ, aux termes duquel le TGI de Paris (devenu le Tribunal judiciaire de Paris) est compétent pour prononcer des mesures d'instruction tendant à la recherche de pratiques anticoncurrentielles lorsqu'au moins l'un des organismes concernés est une association.

Cass. 1re civ., 30 janvier 2019, LawLex201900000168JBJ, JCP G, 2019, n° 365, obs. NOURISSAT ; RJDA mai 2019, 395, obs. VIGNEAU ; AJ Contrat 2019, 193, obs. PARLEANI ; Contrats Conc. Consom. 2019, n° 64, obs. MALAURIE-VIGNAL ; Paris, 4 juillet 2019, LawLex201900000892JBJ, JCP E 2020, n° 1522, 3, obs. MAINGUY.

Paris, 7 janvier 2020, LawLex202000000022JBJ, LD février 2020, 13, obs. BRES.

Paris, 7 janvier 2020, LawLex202000002175JBJ.

T. confl., 16 novembre 2015, LawLex201500001605JBJ, RLC 2016, n° 2883, obs. ZIANI ; AJCA 2016, 30, obs. LOUVARIS ; Contrats Conc. Consom., 2016, n° 48, obs. DECOQ ; Concurrences 1/2006, 252, obs. AMARO ; Concurrences, 2/2016, 178, obs. LEMAIRE et CARDONNEL ; RJDA 2016, n° 325 ; TA Caen, 6 avril 2017, LawLex201700000692JBJ, LEDICO juin 2017, 4, obs. DIENY. - Adde, VANDERMEEREN, Dommages causés par les pratiques anticoncurrentielles : l'apport d'une jurisprudence administrative récente, RJDA n° 2/21, 95.

V., pour une extension au règlement 330/2010, Paris, 31 juillet 2019, LawLex201900000951JBJ, LD septembre 2019, 4, obs. ERÉSÉO ; Contrats Conc. Consom. 2019, n° 155, obs. MALAURIE-VIGNAL ; Contrats Conc. Consom. 2019, n° 165, obs. DECOCQ ; AJ Contrat 2019, 447, obs. PIHERY ; Concurrences 4/2019, 107, obs. VANNI ; LPA 3 janvier 2020, 13, obs. ARHEL .

T. com. Albi, réf., 28 octobre 2009, LawLex200900003286JBJ, Contrats Conc. Consom., 2010, n° 11, obs. BOSCO ; T. com. Mont-de-Marsan, 21 janvier 2011, LD, avril 2011, 5 ; Amiens, 22 janvier 2015, LawLex201500000171JBJ. - V. égal. Paris, 17 novembre 2021, LawLex202100005923JBJ, soulignant que même en présence d'une clause compromissoire, le juge spécialisé est compétent pour statuer sur une demande de mesure d'instruction in futurum fondée sur des allégations de pratiques anticoncurrentielles, dès lors qu'aucun tribunal arbitral n'a encore été constitué à la date  de sa saisine.

Versailles, 23 mars 2017, LawLex201700000642JBJ ; 29 novembre 2018, LawLex201800001874JBJ.

Paris, 20 octobre 2021, LawLex202100005671JBJ.

C. com. art. R. 420-5.-  V. Cass. com., 9 novembre 2010, LawLex201000001248JBJ, qui estime que le contentieux relatif au refus opposé par un distributeur à la demande d'un concurrent de relever des prix dans son établissement relève de la compétence du tribunal de commerce désigné par application de l'article L. 420-7 du Code de commerce, dès lors que l'assignation introductive d'instance invoque expressément l'article L. 420-2 du Code de commerce et qu'une question relative à l'application de l'article L. 420-1 du même code est soulevée par la défense ; Douai, 8 octobre 2015, LawLex201500001275JBJ ; Saint-denis de la Réunion, 4 mai 2016, LawLex201600000935JBJ. - L'appel est irrecevable s'il est formé postérieurement à l'entrée en vigueur du décret de 2009 devant une autre juridiction : Cass. com., 21 février 2012, LawLex201200000303JBJ. En revanche, la Cour d'appel de Paris n'est pas compétente pour statuer sur le recours exercé contre le jugement rendu par une juridiction non spécialisée, Aix-en-Provence, 11 décembre 2014, LawLex201500000002JBJ.

Paris, 27 novembre 2015, LawLex201500001691JBJ, selon lequel le moyen tiré du défaut de pouvoir juridictionnel d'un juge non spécialisé pour connaître d'une affaire en vertu des articles L. 420-7 et R. 420-3 du Code de commerce constitue une fin de non-recevoir et non une exception d'incompétence ; Versailles, 23 mars 2017, LawLex201700000642JBJ.

Montpellier, 14 mars 2011, LawLex201100000838JBJ ; Versailles, 23 avril 2013, LawLex201300000740JBJ ; Amiens, 5 décembre 2013, LawLex201300001822JBJ.

Compétence.

LOUVARIS, Contentieux de la concurrence et personnes publiques : la guerre des blocs n'aura pas lieu, AJCA 2016, 30 ; CLAUDEL, Compétence juridictionnelle pour traiter des actions en réparation des dommages concurrentiels subis par une collectivité publique : l'assiégée devenue assiégeante, AJCA 2016, 34 ; DERACHE, Le régime juridique des clauses attributives de compétence unilatérales, JCP, E, 2016, n° 1108.

577. Compétence.