Le Droit de la concurrence, premier tome du Traité de droit économique, expose, en deux livres (Tome 1/2. Droit européen ; Tome 2/2. Droit français) l’ensemble des règles de concurrence : ententes et abus de domination, procédure de concurrence, concentrations, aides d’État, négociation commerciale, et concurrence déloyale.

Droit français de la concurrence

La possibilité d'exercer une influence déterminante découle notamment :
- des droits de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens d'une entreprise  ;
- des droits ou des contrats qui confèrent une influence déterminante sur la composition, les délibérations ou les décisions des organes d'une entreprise.
Cette définition non limitative confère à l'Autorité de la concurrence la possibi …

Acquisition d'une influence déterminante.

V. CHEVRIER, Prise de contrôle des quotidiens : rôles des influences déterminantes, D. 2007, nº 8, 500 ; MANNA, Le Conseil d’État annule la décision du ministre de l’Économie autorisant une opération de concentration, RLC, 2007/11, 17 ; THÉOPHILE et RENAUDEAU, Contrôle des concentrations : l’influence déterminante selon le Conseil d’État, convergence théorique mais variations pratiques, RLDA, 2007/15, 45 ; GLASER, Notion de contrôle en matière de concentrations économiques, RJDA, avril 2007, 307 ; GOYER, L’actualité du droit des concentrations : regard sur le contrôle juridictionnel des concentrations en 2007, LPA, 3 juillet 2008, 55.

La possibilité d'exercer une influence déterminante découle notamment :

- des droits de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens d'une entreprise  ;

- des droits ou des contrats qui confèrent une influence déterminante sur la composition, les délibérations ou les décisions des organes d'une entreprise.

Cette définition non limitative confère à l'Autorité de la concurrence la possibilité de saisir toutes les formes modernes de liaisons financières ou d'intégration contractuelle. Selon l'avis de la Commission de la concurrence du 14 mars 1985 , elle permet de faire tomber dans le champ d'application du contrôle les centrales et supercentrales d'achat “qui se caractérisent par l'existence entre leurs adhérents d'une liaison stable et étroite d'intérêts tels que la solidarité financière face à des tiers, la responsabilité de ducroire ou la caution mutuelle, la copropriété d'importants moyens logistiques, l'utilisation d'une enseigne commerciale ou le respect d'une politique commune d'achat et de vente”. En revanche, une centrale ou une supercentrale qui se bornerait à référencer des produits pour le compte de ses adhérents ne serait pas susceptible de constituer une concentration .

Une tête de réseau de distribution exerce une influence déterminante sur les sociétés qui détiennent les sociétés cibles à l'issue de l'opération et les sociétés cibles elles-mêmes, dès lors qu'elle a la possibilité d'intervenir dans la nomination et la révocation du président des sociétés acquéreuses et des membres de leurs conseils de parrainage à travers la conclusion ou la résiliation de contrats d'enseigne, la politique commerciale des sociétés et les cessions d'actions qu'elles effectuent . 

Un contrat de franchise ne confère pas au franchiseur une influence déterminante sur son franchisé, qui continue de supporter les risques commerciaux inhérents à son activité , notamment lorsque les contrats prévoient expressément la liberté pour les sociétés franchisées de définir leur stratégie commerciale et de fixer leurs tarifs . Toutefois, le franchiseur bénéficie d'un contrôle conjoint avec le franchisé lorsqu'il dispose d'un droit de veto sur toutes les décisions prises dans les assemblées générales extraordinaires ainsi que d'un droit de préemption absolu en cas de cession de ses actions par le franchisé .

En fonction de quels critères les autorités de contrôle apprécient-elles que l'influence exercée, par une entreprise sur une autre, est suffisante pour être déterminante ? Les textes ne fournissent aucune réponse. Les autorités de concurrence estiment qu'une prise de participation minoritaire, avec ou sans minorité de blocage, est susceptible de réaliser une concentration . Il est nécessaire cependant qu'une majorité stable puisse se dégager  ; une majorité au coup par coup ne permet pas de présumer un contrôle conjoint des actionnaires minoritaires . La pratique décisionnelle déduit l'existence d'un pouvoir d'influence déterminante d'un faisceau d'indices convergents, tels que les droits de veto, les minorités de blocage ou les pactes d'actionnaires, la possibilité de nommer des dirigeants au sein de la cible , la dispersion des autres actionnaires, l'existence de liens significatifs ou l'intervention de manière significative en tant que prêteur à l'entreprise . Les autorités de concurrence semblent en effet considérer qu'une situation de simple créancier pourrait, dans certaines circonstances, suffire . L'influence notable utilisée en matière de consolidation comptable ne peut être assimilée à l'influence déterminante .

Enfin, le contrôle peut être exclusif  ou conjoint et si l'on se réfère à la Communication de la Commission sur la compétence , toute modification de la qualité du contrôle  par passage d'un contrôle à un autre ou, dans le cas d'un contrôle conjoint, par augmentation du nombre d'actionnaires ou changement de leur identité, constitue une opération de concentration . Conformément à la décision Austria Asphalt , une concentration n'est réputée réalisée à l'issue du changement de la nature du contrôle exercé sur une entreprise existante, qui, d'exclusif, devient conjoint, que si l'entreprise commune issue d'une telle opération accomplit de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome. Tel est le cas lorsqu'au terme d'une phase de démarrage, elle bénéficie de ressources, y compris financières, suffisantes pour opérer de façon indépendante sur le marché, qu'elle est autonome vis-à-vis de ses sociétés-mères, qui, au-delà du contrôle qu'elles exercent et des compétences réservées au comité de surveillance se contenteront d'assurer un rôle d'assistance limité à des aspects purement préparatoires ou d'appui administratif, qu'elle est constituée pour une durée de 99 ans et dispose d'une licence de savoir-faire consentie pendant toute la durée d'exploitation et des autorisations administratives requises pour exploiter ses installations pendant 30 ans . Enfin, l'existence d'un contrôle commun de la cible implique qu'aucune voix prépondérante ne soit accordée à une société mère, qui disposerait sinon d'un contrôle exclusif . 

Prise de participation : Avis Cons. conc. nº 91-A-09 du 15 octobre 1991, LawLex200200002034JBJ : prise de participation au capital, détention de droits de préemption sur les actions ordinaires et sur les obligations convertibles de la société cible, dépendance financière de l'acquéreur créancier dont l'apport représente 70 % du chiffre d'affaires ; nº 95-A-11 du 20 juin 1995, LawLex200200002038JBJ : prise de participation conférant à son acquéreur la qualité d'actionnaire principal, bien que minoritaire, de la société contrôlée ; nº 95-A-13 du 11 juillet 1995, LawLex200200002026JBJ, acquisition d'une minorité de blocage de 42 %. Acquisition d'actifs : Lettre min. éco., 5 juillet 2002, LawLex200200006185JBJ, plan de cession d'une entreprise en difficulté prévoyant la cession des éléments incorporels et corporels ainsi que la cession d'une partie des salariés ; Décision Aut. conc. nº 09-DCC-40 du 4 septembre 2009, LawLex200900003123JBJ, acquisition du fonds de commerce de 29 agences commerciales détenues par la cible ; nº 10-DCC-42 du 25 mai 2010, LawLex201000000741JBJ, qui qualifie de concentration l'acquisition de certains actifs d'une société en redressement judiciaire dès lors que ces actifs correspondent à une activité se traduisant par une présence sur le marché et à laquelle un chiffre d'affaires peut être rattaché sans ambiguïté ; Décision Aut. conc. n° 10-DCC-154 du 19 novembre 2010, LawLex201100000015JBJ : l'acquisition de l'ensemble des éléments permettant la production et la vente des produits caractérise une opération de concentration dès lors que ces éléments d'actifs constituent une partie d'une entreprise, c'est-à-dire une activité se traduisant par la présence sur un marché et à laquelle un chiffre d'affaires peut être rattaché sans ambiguïté ; Décision Aut. conc. n° 13-DCC-40 du 27 mars 2013, LawLex201300000863JBJ : la prise de contrôle conjoint, par deux entreprises distinctes, d'un fonds de commerce, ne constitue pas une concentration, si elle n'entraîne pas de changement de la structure du contrôle sur l'ensemble ou des parties d'une entreprise, c'est-à-dire sur des actifs, contrats, savoir-faire ou autres droits existants.

Décision Aut. conc. n° 21-D-79 du 12 mai 2021, LawLex202100004675JBJ : l’opération qui consiste en la prise de contrôle exclusif de la société exploitant le Pipeline Méditerranée-Rhône (PMR), non contrôlée, avant cette opération, au sens du droit des concentrations, dans la mesure où aucun de ses actionnaires ne peut exercer sur elle, seul ou conjointement, une influence déterminante, constitue une concentration, l’actionnaire majoritaire détenant 52,2 % de son capital, disposant de la majorité simple au sein de l’assemblée générale des actionnaires, et décidant seul, in fine, de la nomination et de la révocation des administrateurs tandis que les actionnaires minoritaires ne disposent d’aucun droit de veto leur conférant un pouvoir d’influence déterminante sur la stratégie de la cible.

Lignes directrices révisées, pt 48  ; CE, 31 janvier 2007, Sté France Antilles, LawLex200700000141JBJ : prise en compte du droit de veto sur la nomination et la révocation des membres du comité de direction et du financement de la reprise de la cible par la filiale commune confortant son pouvoir d'influence sur les décisions stratégiques ; Décision Aut. conc. n° 11-DCC-10 du 25 janvier 2011, LawLex201100000380JBJ, pour une prise de participation minoritaire de 16,41 % du capital et des droits de vote permettant l'acquisition de droits qui excèdent ce qui est normalement consenti à des actionnaires minoritaires afin de protéger leurs intérêts financiers, tel un droit de veto sur l'approbation du budget annuel ainsi que sur la modification du business plan de la cible.

Avis Cons. conc. nº 91-A-09 du 15 octobre 1991, LawLex200200002034JBJ, BOCC, 14 mars 1992, 84 ; Contrats Conc. Consom., 1992, nº 80, obs. VOGEL. Les “call-options” détenues par les sociétés de gestion ou les fonds d'investissement ne sont toutefois pas à elles seules susceptibles de leur conférer une influence déterminante : en ce sens, V. anciennes Lignes directrices du 10 juillet 2013, Annexe, p. 178, pt 641.

Lettre min. éco., 12 décembre 2000, LawLex200200002099JBJ, BOCC, 23 février 2001. Lignes directrices révisées, pt 34.

Une entreprise exerce un contrôle exclusif sur une autre entreprise lorsqu'elle détient seule le pouvoir de prendre ou de bloquer les décisions stratégiques de cette dernière. V. Lignes directrices révisées, pt 51 s. - Adde :  Décision Aut. conc. n° 10-DCC-142 du 19 octobre 2010, LawLex201000001398JBJ, sur la prise de contrôle exclusif résultant de l'opération de concentration qui permet à un opérateur de détenir 69,6 % du capital de la société cible de désigner une majorité de membres de son comité de surveillance alors que les décisions stratégiques concernant sa politique commerciale sont approuvées par ces derniers à la majorité simple et ne pourront faire l'objet d'un veto de  la part des co-investisseurs minoritaires ; n° 11-DCC-12 du 1er février 2011, LawLex201100000223JBJ, sur la création d'une union mutualiste de groupe conformément à l'article L. 11-4-2 du Code de la mutualité ; n° 13-DCC-181 du 10 décembre 2013, LawLex201400000112JBJ, sur le contrat de cession d'actions entre l'État français et GIAT dont il détient 80 % du capital, consistant dans l'acquisition de 100 % du capital et des droits de vote d'une autre entreprise sous contrôle étatique SNPE, qui s'identifie à une prise de contrôle exclusif de SNPE par GIAT.

Communication nº 2008-C 95-01 du 10 juillet 2007 sur la compétence en vertu du règlement (CE) nº 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises.

Il n'y a pas changement de la qualité du contrôle en cas de passage d'un contrôle exclusif négatif à un contrôle exclusif positif. V. Lignes directrices révisées, nº 52. - V. égal. Décision Aut. conc. n° 13-DCC-91 du 12 juillet 2013, LawLex201300001249JBJ, qui rappelle que le changement dans la nature du contrôle consistant dans le passage d'un contrôle conjoint à un contrôle exclusif ne comporte pas en soi un risque pour la concurrence sauf dans le cas d'affaires complexes concernant des parties en situation de concurrence avant la concentration.

Communication sur la compétence du 10 juillet 2007, pt 83 : le passage d'un contrôle exclusif négatif à un contrôle exclusif positif, ou les simples changements du niveau des participations des actionnaires contrôlants, sans modifications des pouvoirs que ceux-ci détiennent dans la société et de la composition de la structure de contrôle de la société, ne constituent pas une modification de la qualité du contrôle. - Adde : Lettre min. éco., 12 septembre 2002, LawLex200300001316JBJ : l'opération qui modifie la qualité du contrôle conjoint d'une entreprise en réduisant de trois à deux le nombre de ses actionnaires constitue une concentration ; 11 août 2008, LawLex200900001649JBJ, cession d'une participation minoritaire qui transforme le contrôle conjoint en contrôle exclusif : Décision Aut. conc. nº 10-DCC-24 du 9 mars 2010, LawLex201000000597JBJ, prise de contrôle de l'entité cible dont les fondateurs conservent le contrôle conjoint.

CJUE, 7 septembre 2017, aff. C-248-16, LawLex201700001374JBJ. Lignes directrices révisées, pt 30.

Décision Aut. conc. n° 19-DCC-113 du 13 juin 2019,   LawLex201900001058JBJ.

Lettre min. éco., 12 août 1999, LawLex200200001955JBJ ; Cons. d'Ét., 31 mai 2000, LawLex200200002045JBJ.

Décision Aut. conc. nº 16-DCC-167 du 31 octobre 2016, LawLex201700000405JBJ, Concurrences, 1/2017, 139, obs. SORINAS ; Contrats Conc. Consom. 2017, chron., 1, obs. PRIETO. 

Décision Aut. conc. n° 13-DCC-12 du 28 janvier 2013, LawLex201300000283JBJ. 

Lettre min. éco., 11 avril 2003, LawLex200400000350JBJ.

Décision Aut. conc. nº 09-DCC-23 du 23 juillet 2009, LawLex200900002989JBJ

Décision Aut. conc. nº 09-DCC-06 du 20 mai 2009, LawLex200900002183JBJ ; nº 09-DCC-46 du 28 septembre 2009, LawLex200900003358JBJ, pour un contrat de location-gérance conclue pour une durée de cinq ans et tacitement renouvelable ; Décision Aut. conc. n° 13-DCC-12 du 28 janvier 2013, LawLex201300000283JBJ, qui estime que même si les contrats de franchise ne permettent pas, par eux-mêmes, d'établir le contrôle du franchiseur sur un franchisé, des contrats de distribution, et à plus forte raison des contrats ou des documents statutaires structurant un réseau de distribution, peuvent, pris conjointement avec d'autres éléments de droit ou de fait, conférer à la tête de réseau une influence déterminante sur ses adhérents.

V. Avis Comm. conc. du 26 février 1981, LawLex200200002093JBJ, Rapport pour 1981, 72, D., 1983, I.R., 223 ; JCP CI, 1982, 1, 10251 ; nº 88-A-05 du 22 mars 1988, LawLex200200002004JBJ, Rapport pour 1988, 149 ; Lettre min. éco., 28 janvier 2008, LawLex200800000260JBJ, pour une acquisition de 49,02 % des parts qui donne la possibilité de modifier les règles de gouvernance de la société ; Décision Aut. conc. nº 09-DCC-53 du 15 octobre 2009, LawLex201000000054JBJ, émission d'obligations convertibles en actions de préférence permettant à l'acquéreur de prendre le contrôle exclusif.

Lettre min. éco., 28 janvier 2008, LawLex200800000260JBJ.

Lettre min. éco., 20 août 2002, LawLex200300000575JBJ, BOCC, 31 décembre 2002.

Droit français de la concurrence

599. Acquisition d'une influence déterminante.(1)

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