Le droit européen et français applicable aux réseaux de distribution.
Le Droit de la distribution, deuxième tome du Traité de droit économique, expose, dans une perspective comparative, l’ensemble des règles européennes et françaises : approvisionnement et fourniture exclusifs, distribution exclusive, distribution sélective, distribution automobile.

Droit français de la distribution

En l'absence de préavis suffisant, la victime de la rupture peut agir soit pour solliciter la poursuite des relations, le cas échéant sous astreinte, soit, le plus souvent, pour demander l'indemnisation du préjudice subi. Traditionnellement, les juges du fond réduisaient la durée du préavis nécessaire ou constataient l'absence de préjudice du demandeur si celui-ci s'était reconverti pendant la dur …

Sanction du préavis insuffisant.

REGNAULT, L'indemnisation de la rupture fautive des contrats de distribution, JCP E, 2014, 1429 ; FOURMENT et BATUDE, Préjudice découlant de la rupture de relations commerciales établies. Plaidoyer pour une prévisibilité des calculs prétoriens, Contrats Conc. consom., 2015, 16, 6.

En l'absence de préavis suffisant, la victime de la rupture peut agir soit pour solliciter la poursuite des relations, le cas échéant sous astreinte, soit, le plus souvent, pour demander l'indemnisation du préjudice subi. Traditionnellement, les juges du fond réduisaient la durée du préavis nécessaire ou constataient l'absence de préjudice du demandeur si celui-ci s'était reconverti pendant la durée du préavis . 

La Cour de cassation considère désormais que la durée du préavis utile s'apprécie au regard de la durée des relations et des autres circonstances au moment de la notification de la rupture . Elle s'oppose ainsi à la prise en considération d'éléments postérieurs à la rupture tels que la reconversion effective du distributeur . La Cour de cassation ajoute qu'"en cas d'insuffisance du préavis, le préjudice en résultant est évalué en fonction de la durée du préavis jugé nécessaire". Il en résulte que le montant du préjudice est apprécié au jour de la résiliation, en fonction du préavis qui aurait dû être théoriquement accordé, même si celui-ci n'était pas nécessaire, le cocontractant s'étant reconverti dans l'intervalle. Cette solution apparaît critiquable. Le préavis vise en principe à permettre au partenaire évincé de se reconvertir. Il ne constitue pas une fin en soi, mais un moyen d'atteindre cet objectif. Dès lors, juger de la durée d'un préavis sans vérifier que sa finalité n'a pas été atteinte apparaît incohérent. Lorsque l'on va plus loin en consacrant l'indemnisation de la marge non réalisée pendant les mois de préavis manquants par rapport à la durée du préavis appréciée au jour de la notification sans tenir compte des événements ultérieurs, la solution revient, en cas de reconversion réussie du distributeur, fréquente en pratique, à lui accorder une indemnité automatique et forfaitaire pour un préjudice qu'il n'a pas subi. Il ne s'agit plus, dans ce cas, d'une “réparation” octroyée sur le fondement d'une responsabilité, mais d'un “tarif” apprécié dans le cadre d'un forfait. Une telle dérive apparaît préoccupante et ne semble pas fondée au regard de l'article L. 442-1, II du Code de commerce, qui institue clairement une action en responsabilité obligeant à réparer un préjudice et non à garantir une indemnisation automatique. La solution est en tout cas contraire aux principes de la responsabilité civile qui impliquent d'apprécier le préjudice au jour où le juge statue et non au jour où le fait générateur du dommage s'est produit. Dépourvue de fondement juridique et inéquitable, la solution semble aussi contraire à l'efficience des réseaux de distribution car elle conduit à rigidifier encore plus des relations contractuelles déjà trop contraintes juridiquement. La Cour d'appel de Paris s'est dans un premier temps opposée à cette jurisprudence et a maintenu qu'il convenait de tenir compte de la réorganisation du partenaire évincé pour apprécier la durée du préavis . Puis, elle s'est rapprochée de la position de la Haute juridiction en retenant que ne peuvent être prises en compte, pour modérer la durée du préavis, des factures postérieures à la rupture qui attestent seulement que le distributeur a pu se faire livrer directement par le fournisseur, pour des montants modestes, sans que la date de la commande ne soit précisée , avant de la rejoindre totalement, en excluant la prise en considération de tout élément postérieur à la rupture . Désormais, le juge estime que le fait que le préavis accordé par le fournisseur ait permis au distributeur exclusif de se reconvertir ne le rend pas nécessairement suffisant au regard de l'article L. 442-1, II . 

Par ailleurs, la Cour d'appel de Paris sanctionne aussi, non pas l'insuffisance du préavis, mais son absence. Elle rappelle à ce titre que si un fournisseur a la liberté de décider de ne plus distribuer ses produits avec son revendeur exclusif pour préserver son partenaire et de rompre en conséquence la relation commerciale, il ne peut le faire sans préavis faute de caractériser et de démontrer un manquement suffisamment grave de la société à ses obligations, mais engage sa responsabilité sur le fondement de l’article L.442-1, II du Code de commerce .

V. not. Versailles, 14 février 2012, LawLex201200000283JBJ ; Rennes, 13 mars 2012, LawLex201200000367JBJ ; Nancy, 3 octobre 2012, LawLex201200002189JBJ.

Cass. com., 9 juillet 2013, LawLex201300001090JBJ, JCP E, 2012, 1499, obs. VILMART ; Contrats Conc. Consom., 2013, n° 209 et JCP E, 2013, 1543, obs. MATHEY ; RLDA, 2013, n° 4725, obs. LALOT ; D., 2013, 2324, obs. MOULY-GUILLEMAUD, cassant Rennes, 13 mars 2012, LawLex201200000367JBJ.

Cass. com., 6 novembre 2012, LawLex201200002304JBJ. - V. aussi Paris, 12 novembre 2014, LawLex201400001315JBJ.

Paris, 28 janvier 2016 (2 arrêts) et 29 janvier 2016, LawLex201600000225JBJ, LawLex201600000227JBJ et LawLex201600000284JBJ.

Paris, 7 février 2018, LawLex201800000276JBJ.

Paris, 15 mars 2018, LawLex201800000515JBJ.

Paris, 4 juillet 2018, LawLex201800001042JBJ ; 28 novembre 2018, LawLex201800001873JBJ.

Paris, 30 avril 2025, LawLex202500003763JBJ.

Droit français de la distribution

139. Sanction du préavis insuffisant.(1)

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